POUR UNE PLANIFICATION PLUS LISIBLE, PLUS COHÉRENTE ET PLUS EFFICACE
La planification est par essence un levier important de la stratégie foncière d'un territoire.
L'élaboration ou la révision des documents de planification est le moment privilégié pour éclairer les élus locaux sur la situation de leur territoire en termes de foncier disponible et de contraintes physiques ou réglementaires affectant les terrains. Sans la prise en compte préalable et intégrée de la question foncière dans les documents de planification urbaine, de nombreuses actions ne pourront pas se concrétiser.
Si l'Etat continue, par voie règlementaire et législative, à définir les grandes orientations stratégiques en matière d'aménagement du territoire, ce sont les collectivités locales qui pilotent l'urbanisme, la politique foncière et l'aménagement opérationnel. Or, elles doivent faire face à une accumulation de règlementations et de normes ainsi qu'à une multiplication de contraintes imposées par chaque échelon territorial (différents documents de planification en fonction des échelles territoriales d'intervention, conséquences du Grenelle de l'environnement, prescriptions d'archéologie préventive, études d'impact...).
Il apparait donc déterminant de simplifier les procédures d'urbanisme, tout en fixant un cadre cohérent entre les différentes échelles de territoire, sécurisé (en limitant les risques de recours abusifs) et évolutif. L'objectif est de répondre aux attentes des territoires dans leur diversité ; ces derniers ont parfois souffert d'une alternance de reformes ponctuelles et quelquefois incohérentes entre elles.
I. ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES D'AMÉLIORATION
A. LES DOCUMENTS D'URBANISME : À LA RECHERCHE DE LA SIMPLIFICATION ET D'UNE MEILLEURE INTÉGRATION
1. Une hiérarchie des normes d'urbanisme complexe
L'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme introduit une hiérarchie entre les différents documents d'urbanisme, selon des rapports de conformité, de compatibilité ou de prise en compte entre eux.
La conformité implique un rapport de stricte identité : ainsi, le contenu de la norme inférieure doit être déduit du contenu plus général de la norme supérieure. En d'autres termes, un document de rang inférieur ne peut comporter aucune différence par rapport au document de rang supérieur. L'autorité inférieure ne dispose alors que d'une compétence liée. Bien que non définie juridiquement, la notion de compatibilité , moins contraignante que celle de conformité, exige que les dispositions d'un document ne fassent pas obstacle à l'application des dispositions du document de rang supérieur. Dans ce cas, la norme supérieure se borne à tracer un cadre général, en déterminant, par exemple, des objectifs ou en fixant des limites, mais laisse à l'autorité inférieure le choix des moyens et le pouvoir de décider librement, dans les limites prescrites par la norme. Enfin, en complément des documents pour lesquels un rapport de compatibilité est exigé, le code de l'urbanisme prévoit que les documents d'urbanisme prennent en compte un certain nombre d'autres plans et programmes. La notion de prise en compte implique de ne pas ignorer les objectifs généraux d'un autre document. Une disposition d'un document qui serait contraire à un document supérieur doit être motivée. |
Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) se trouve au centre de la pyramide des documents d'urbanisme. Il s'agit d'un document de planification stratégique, créé par la loi «solidarité et renouvellement urbains» (SRU) du 13 décembre 2000. En l'instituant, le législateur a souhaité confier aux collectivités locales une responsabilité de mise en cohérence des différentes politiques sectorielles d'aménagement du territoire (organisation de l'espace, habitat, déplacements, économie, environnement...) sur de larges bassins de vie. Les champs d'intervention du SCoT ont depuis été complétés à la suite de l'adoption de la loi portant engagement national pour l'environnement (ENE) qui, au-delà de l'ambition de «cohérence» des politiques publiques, renforce la prise en compte des défis environnementaux dans la gestion des territoires.
Le SCoT a une portée prescriptive au travers de son document d'orientation et d'objectifs (DOO) dès son adoption.
Les documents s'imposant à lui ont, la plupart du temps, une portée générale ou nationale. Ainsi, il doit être compatible 1 ( * ) avec les dispositions particulières :
- aux zones de montagne et au littoral 2 ( * ) ;
- aux parcs naturels régionaux et aux parcs nationaux ;
- du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 3 ( * ) et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) 4 ( * ) ;
- du schéma directeur de la région d'Ile-de-France ;
- des schémas d'aménagement régional des régions d'outre-mer ;
- du plan d'aménagement et de développement durable.
Il doit également prendre en compte les schémas régionaux de cohérence écologique et être compatible avec les plans climat-énergie territoriaux lorsqu'ils existent, les directives de protection et de mise en valeur des paysages 5 ( * ) , ainsi qu'avec le plan de gestion des risques d'inondation 6 ( * ) .
En outre, le SCoT prend en compte les programmes d'équipement de l'État, des collectivités territoriales, des établissements et services publics 7 ( * ) .
Lorsqu'un de ces documents est approuvé après l'approbation du SCoT, ce dernier doit être modifié afin d'être compatible dans un délai de trois ans.
Chiffres clefs (au 1 er janvier 2013) Source : ministère de l'égalité des territoires et du logement
- 179 SCoT approuvés (dont 23 en révision) - 41 SCoT arrêtés - 131 SCoT en cours d'élaboration - 62 SCoT en projet
- de 3 à 485 communes - 50 communes en moyenne |
Le plan local d'urbanisme (PLU) constitue le document de référence de la réglementation urbaine locale. Il est établi au niveau communal ou intercommunal et remplace le plan d'occupation des sols (POS) en vertu de la loi solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000. Le PLU traduit un projet global d'aménagement et d'urbanisme et fixe en conséquence les règles d'aménagement et d'utilisation des sols.
Il doit être compatible avec le SCoT si celui-ci est approuvé. Il doit être modifié dans un délai de trois ans pour être mis en compatibilité avec celui-ci. Ce n'est qu'en l'absence de SCoT que les normes supérieures de la hiérarchie s'imposent au PLU en termes de compatibilité. Enfin, le PLU, tout comme le SCoT, doit être compatible avec les projets d'intérêt généraux et les plans d'exposition au bruit des aérodromes 8 ( * ) .
Pour répondre aux spécificités des politiques des transports urbains, du logement et de l'urbanisme commercial, ont été mis en place le plan de déplacements urbains (PDU), le programme local de l'habitat (PLH) et les schémas de développement commercial qui sont soumis aux prescriptions du document d'orientation et d'objectifs du SCoT 9 ( * ) . En revanche, le PDU et le PLH s'imposent au PLU 10 ( * ) .
La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dite « Grenelle 2 » a fait du PLU intercommunal (PLUi) un outil central de la planification intercommunale en organisant la cohérence et l'intégration des politiques relatives à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements au niveau supracommunal. La différence de ce document avec le PLU ne concerne pas seulement l'échelle territoriale d'application (intercommunale et non plus communale) ; la démarche du PLUi est également plus globale puisque ce document intègre des problématiques dépassant celles d'une seule commune : cette échelle permet en effet de mieux intégrer dans la planification le fonctionnement actuel des territoires, de mieux appréhender les enjeux environnementaux, de faciliter la cohérence et la traduction des orientations intercommunales en matière de politiques publiques urbaines, d'habitat, de déplacements, de développement économique, d'aménagement et d'environnement.
Toutefois, afin de prendre en compte les spécificités de certaines communes, le PLUi peut comporter des schémas de secteur couvrant l'intégralité du territoire d'une ou de plusieurs communes membres du même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui précisent les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) et le règlement spécifique à ces secteurs 11 ( * ) .
Par ailleurs, au sein des PLU intercommunaux, les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) tiennent lieu de PLH et, le cas échéant, de PDU.
Enfin, la carte communale se situe à la base de la hiérarchie des normes des documents d'urbanisme, qui se justifie par la petite taille des communes auxquelles elle s'applique12 ( * ). Elle est également tenue de respecter les principes d'équilibre définis aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme.
Article L. 121-1 du code de l'urbanisme Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : 1° L'équilibre entre : a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, [...] b) L'utilisation économe des espaces naturels, [...] c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ; 2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat [...] ; 3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, [...]. |
DTA Directive territoriale d'aménagement PADD Plan d'aménagement et de développement durable PCET Plan climat énergie territorial PDU Plan de déplacements urbains PEB Plan d'exposition général PIG Projet d'intérêt général PLH Plan local de l'habitat |
PNR Parc naturel régional SAR Schéma d'aménagement régional SAGE Schéma d'aménagement et de gestion des eaux SDAGE Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux SDRIF Schéma directeur de la région d'Île-de-France SRCE Schéma régional de cohérence écologique |
Source : Ministère de l'Egalite des territoires et du Logement
2. Une articulation entre documents d'urbanisme à améliorer
Selon plusieurs des interlocuteurs de vos rapporteurs, l'articulation des différents documents d'urbanisme soulève des difficultés.
Comme l'avait déjà relevé nos collègues MM. Louis Nègre, Bruno Sido et Daniel Dubois et notre ancien collègue M. Dominique Braye 13 ( * ) , l'une de ces difficultés est liée à la portée de la notion de compatibilité. Par exemple, « les SCoT déterminent en effet en termes généraux des objectifs dont il est parfois difficile d'appréhender ce qu'ils autorisent ou interdisent concrètement à un niveau de territoire et de gouvernance inférieur. Cette notion de compatibilité aurait sans doute une portée plus significative si les SCoT étaient plus prescriptifs [...]. La vérification du lien de compatibilité pourrait alors porter sur des points définis . »
La seconde difficulté relevée par vos rapporteurs tient à la grande diversité des acteurs et des procédures que les SCoT sont censés mettre en cohérence. En effet, les autorités chargées de l'élaboration des SCoT, des PLH, des PDU et des PLU peuvent ne pas être les mêmes tandis que les périmètres couverts par ces mêmes documents ne coïncident pas toujours. À titre d'exemple, lors de l'élaboration d'un PLH, l'article L. 302-2 du code de de la construction et de l'habitation ne prévoit pas expressément l'association de l'établissement public chargé de l'élaboration du SCoT. De même, il n'existait aucune disposition tendant à préciser ce qui se passe lorsqu'un SCoT est approuvé après l'approbation d'un PLH ou d'un PDU et qu'il en résulte une incompatibilité. Les sénateurs avaient constaté que la loi demeurait silencieuse sur cette question. Toutefois, la loi « Grenelle II » précitée a permis une réelle avancée en la matière : désormais, les PDU et PLH doivent être compatibles avec le SCoT.
3. Une multitude de prescriptions d'urbanisme
Vos rapporteurs ont constaté la multiplication des prescriptions d'urbanisme. Au cours des quinze dernières années, de nombreuses lois ont imposé de nouvelles obligations aux collectivités territoriales dont certaines peuvent s'avérer contradictoires. Cette question s'inscrit dans celle, plus large, relative au poids des normes que sont amenés à appliquer quotidiennement les élus locaux.
La question du foisonnement de prescriptions d'urbanisme renvoie notamment à la multiplication des études d'impact . Ainsi, M. François Delarue, président directeur général de l'Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), a indiqué à vos rapporteurs que la doctrine de l'administration et les ajouts successifs des textes législatifs et réglementaires ont abouti à une succession d'études d'impact dont le respect allonge les délais et alourdit les procédures d'urbanisme de manière préjudiciable pour la sortie opérationnelle des projets. Un même projet peut être soumis à enquête publique et à étude d'impact plusieurs fois au titre du code de l'environnement, du code de l'expropriation et du code de l'urbanisme.
Par exemple, la procédure de création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) impose la réalisation d'une première étude d'impact pour apprécier les conséquences d'un projet sur l'environnement 14 ( * ) . Sont examinés les impacts :
- au niveau environnemental (eau, air, climat, pollution, bruit) ;
- au niveau du cadre de vie (espaces naturels, paysage, patrimoine historique et culturel, circulation) ;
- au niveau socio-économique (emploi).
Ensuite, lors de la création de la ZAC, le périmètre et le programme de la ZAC sont approuvés par une délibération du conseil municipal ou du conseil de communauté 15 ( * ) . Le dossier de création contient, entre autres, une étude d'impact 16 ( * ) .
Enfin, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques impose la réalisation d'une troisième étude d'impact.
M. François Delarue estime que le temps de l'aménagement s'est considérablement allongé : un an ces cinq dernières années, quatre ans en quinze ans.
En outre, un certain nombre de dispositions ou leur interprétation par les services de l'État conduisent à l'alourdissement du dispositif des études d'impact. Le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, entré en vigueur le 1 er juin 2012, a introduit une novation, comparée par M. Delarue à une « zone grise » : le préfet dispose d'un pouvoir d'opportunité quant à la réalisation d'une étude d'impact en-deçà d'un certain seuil. En effet, seuls sont désormais soumis à étude d'impact les projets mentionnés en annexe de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. En fonction de seuils qu'il définit, le décret impose, soit une étude d'impact obligatoire en toutes circonstances, soit une étude d'impact au cas par cas, après un examen du projet par l'autorité de l'État compétente en matière d'environnement.
En outre, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques précitée ne prévoit aucun délai d'instruction : M. Delarue estime qu'une autorisation tacite s'avère nécessaire, passé un certain délai non défini.
Ainsi, plus généralement, comme l'a justement relevé le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 17 ( * ) , « une question déterminante en matière d'urbanisme est celle de l'instabilité du droit et de la transition entre les régimes applicables ». Toute modification d'une règle en matière d'urbanisme nécessite une disposition de pérennisation pour protéger les territoires ayant mis en oeuvre des outils dans l'ancienne procédure. Bien que cette nécessaire protection concoure à une complexification croissante du droit de l'urbanisme, elle s'avère toutefois indispensable pour protéger la sécurité juridique des dispositifs.
* 1 Premier alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme.
* 2 Articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme.
* 3 Article L. 122-1 du code de l'urbanisme.
* 4 Article L. 212-10 du code de l'environnement.
* 5 Article L. 122-1-12 du code de l'urbanisme.
* 6 Article L. 122-1-13 du code de l'urbanisme.
* 7 Article L. 122-1-12 du code de l'urbanisme.
* 8 Article L. 147-1 du code de l'urbanisme.
* 9 Article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme.
* 10 Article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme.
* 11 Article L. 123-1-1-1 du code de l'urbanisme.
* 12 Article L. 124-2 du code de l'urbanisme.
* 13 Rapport n° 552 (2008-2009) de MM. Dominique Braye, Louis Nègre, Bruno Sido et Daniel Dubois, fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 9 juillet 2009.
* 14 Article L. 122-1-1 du code de l'urbanisme.
* 15 Article L. 311-1 du code de l'urbanisme.
* 16 Article L. 311-2 du code de l'urbanisme.
* 17 « Le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) intégrateur : assurer la réussite d'une réforme essentielle », Conseil général de l'environnement et du développement durable, juillet 2013.