2. Les contours

176. S'agissant des contours de cet Eurogroupe, deux principes s'imposent avec la force de l'évidence. Le premier est que tous les Etats membres ont vocation à y participer , à condition qu'ils s'engagent à faire un effort budgétaire conséquent en matière de défense. De ce point de vue, faire obstacle à l'inclusion des pays plus petits serait contre-productif. L'Europe est un tout.

177. Le second principe est qu'il serait souhaitable de réunir, dès le départ, une masse critique de nations, susceptible d'entraîner les autres. Dans cette perspective, le triptyque formé par le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France vient immédiatement à l'esprit.

178. Le nucleus de l'Eurogroupe de défense ne peut être construit autrement qu'autour du Royaume-Uni et de la France car, pour que l'amalgame se fasse, il doit d'abord regrouper les pays ayant les capacités et la volonté d'intervenir militairement hors de leur territoire. Il s'agit pour nous de capitaliser sur l'investissement fait en 2010 dans le traité de Lancaster House en l'ouvrant au fur et à mesure à d'autres partenaires européens et de bâtir ainsi l'Eurogroupe sur des fondations solides.

179. Pour autant il ne faut pas précipiter les choses. Indiscutablement, la force de l'alliance franco-britannique réside dans son caractère opérationnel. Sa spécificité repose sur la dissuasion nucléaire. Mais son « épine dorsale » en est le corps expéditionnaire . Soyons conscients qu'il ne suffit pas de décider des choses pour qu'elles adviennent. La constitution du corps expéditionnaire va prendre encore du temps. Par ailleurs, certains programmes que nous avons décidé de développer ensemble ne verront jamais le jour ou n'iront pas jusqu'à leur terme. Il faut l'accepter et ne pas remettre en cause l'alliance au premier vent mauvais. Le traité de Lancaster House nous engage pour cinquante ans. Faisons preuve de « patience stratégique ».

180. La France ne saurait tourner le dos à cinquante années de réconciliation avec l'Allemagne . Le traité de l'Elysée est un trésor acquis à tout jamais, un ktema es aei . Désormais, l'Allemagne est plus qu'une alliée : une amie. Indépendamment de cela, l'Allemagne est la plus grande puissance économique européenne et il serait inconcevable de bâtir une défense européenne sans elle. Il faut donc que l'Allemagne soit d'emblée dans ce groupe pionnier. Pour l'instant, cela semble difficile tant l'aversion des Allemands vis-à-vis de la chose militaire est aujourd'hui importante. Mais l'attitude du peuple allemand change à mesure que s'éloigne le souvenir de la Seconde Guerre mondiale, mais il change moins vite que nous ne le souhaiterions. C'est pourquoi, là encore, faisons preuve de « patience stratégique ».

181. Autour de ce groupe pionnier, tous les autres pays ont naturellement vocation à s'insérer, au premier rang desquels, bien sûr, l'Italie, la Pologne, l'Espagne et d'autres. Cette insertion dans l'union de défense permettrait du reste de faire jouer un rôle important aux petites nations et pourrait se faire soit une base géographique évidente, soit sur la base d'une spécialisation capacitaire , comme, par exemple, l'Estonie en matière de cyber-défense, les pays nordiques en matière d'aviation de combat ou les Pays-Bas et la Belgique en matière maritime.

182. Ainsi, dans le domaine industriel, une coopération associant au moins deux de ces quatre nations pionnières -la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie- donnerait une assise plus solide à tout programme capacitaire.

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