II. CONFORTER LA PARITÉ AU SÉNAT
La multiplication par quatre, en dix ans, du nombre de femmes siégeant au Sénat, témoigne de l'efficacité des dispositions de la loi du 6 juin 2000 qui ont imposé la stricte alternance des candidates et des candidats sur les listes dans les départements où les élections sénatoriales se déroulent au scrutin proportionnel.
Mais le fait que cette forte progression ne se soit pas poursuivie lors des élections sénatoriales de 2011, que la proportion de femmes élues au Sénat ait au contraire marqué un certain tassement et peine à dépasser les 22 % de l'effectif de la Haute Assemblée, montre le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à une parité véritable .
En proposant d'étendre le scrutin de liste aux départements comportant 3 sièges de sénateurs, le projet de loi devrait contribuer à un certain renforcement de la parité.
Votre délégation vous propose d'assortir le soutien qu'elle apporte à cette réforme d'un certain nombre de recommandations tendant à conforter la parité dans son principe et au sein du Sénat.
A. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE SIÈGES POURVUS AU SCRUTIN DE LISTE
Parce qu'il est assorti de l'obligation de constituer des listes paritaires, le scrutin proportionnel est plus favorable à la parité que le scrutin majoritaire.
Une extension de ce mode de scrutin aux départements comportant 3 sièges devrait, de ce fait, favoriser l'élection de femmes au Sénat.
Ce changement de mode de scrutin devrait concerner en 2014 , lors du renouvellement de la série 2 , 17 départements, soit 51 sièges .
En 2017 , lors du renouvellement de la série 1 , il concernera 8 départements et donc 24 sièges .
La réforme, qui devrait donc concerner au total 75 sièges , modifiera sensiblement la répartition entre sièges pourvus au scrutin majoritaire et sièges pourvus au scrutin de liste.
Actuellement, ce sont 180 sièges (soit 51,7 % de l'effectif global du Sénat) qui sont pourvus au scrutin de liste proportionnel et 168 (soit 48,3 %) au scrutin majoritaire.
La réforme aura pour effet de porter à 255 le nombre de sièges pourvus au scrutin proportionnel (soit 73,3 % de l'ensemble) et de ramener à 93 le nombre de sièges pourvus au scrutin majoritaire (soit 26,7 %).
Votre délégation est, par principe, favorable à un abaissement du seuil pour l'application du scrutin proportionnel, car celui-ci est plus favorable à l'accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives dès lors qu'il est assorti d'obligations paritaires.
A ce titre, elle est favorable à l'extension du scrutin proportionnel aux départements comportant 3 sièges.
Les observations que votre rapporteure a recueillies auprès des responsables de partis politiques et des représentantes d'associations de défense de la parité l'amènent cependant à formuler un certain nombre de remarques.
Suivant des analyses assez largement partagées par ses interlocuteurs et interlocutrices, l'abaissement à 3 du seuil pour le scrutin proportionnel, même s'il concerne un assez grand nombre de sièges - 75 - n'aura pas nécessairement un effet aussi prononcé sur la parité : notamment tant que les têtes de listes continueront d'être, comme c'est le cas aujourd'hui, quasiment monopolisées par des hommes, le scrutin proportionnel ne permettra de faire entrer une femme au Sénat que si l'une des listes en présence parvient à obtenir 2 des 3 sièges disputés, hypothèse qui ne sera pas nécessairement la plus fréquente, surtout si l'on assiste, comme par le passé, à une certaine floraison de listes dissidentes .
Cette mesure, en revanche, prendrait toute sa portée si les partis politiques respectaient, à l'échelle globale d'une élection, la parité dans la désignation de leurs têtes de listes.
Toutefois, même si ses effets pratiques devaient être modestes, l'extension du champ d'application des obligations paritaires envoie par elle-même un signal positif dont il ne faut pas sous-estimer la valeur symbolique.
Plusieurs des personnes auditionnées ont souhaité aller plus loin en abaissant à 2 sièges le seuil du recours au scrutin proportionnel. Votre rapporteure s'est interrogée et souhaite qu'une étude soit engagée sur l'impact réel qu'aurait une telle mesure sur la parité et le respect de la pluralité politique .
Cette recommandation répond au souci exprimé par certains représentants de partis politiques qui y voyaient le risque d'un renforcement du bipartisme et donc d'une menace pour la diversité politique.
Au cours de leur audition, plusieurs des responsables associatives ont également regretté que le projet de loi se contente de ce qu'elles considèrent comme une réforme « a minima » . Elles ont rappelé que la commission de rénovation et de déontologie de la vie politique présidée par Lionel Jospin avait envisagé une refonte plus profonde du mode de scrutin actuel et, notamment, celle de l'élection de tous les sénateurs au scrutin proportionnel de liste dans le cadre des circonscriptions régionales 10 ( * ) .
Elles ont déploré que cette hypothèse n'ait pas été abordée dans l'étude d'impact accompagnant le projet de loi.
* 10 « Pour un renouveau démocratique » , p. 47.