B. L'ACCÈS DES FEMMES AU MANDAT SÉNATORIAL : UNE PROGRESSION SIGNIFICATIVE MALGRÉ L'APPLICATION PARTIELLE DES OBLIGATIONS PARITAIRES

Même si elles ne s'appliquent que dans les départements les plus peuplés, ceux où le scrutin se déroule à la proportionnelle, les obligations paritaires introduites dans les dispositions du code électoral relatives à l'élection sénatoriale ont permis, en une dizaine d'années, un quadruplement du nombre de femmes élues au sein de la Haute Assemblée.

1. Les obligations paritaires relatives à l'élection des sénateurs

Les sénateurs et les sénatrices sont élus au suffrage universel indirect suivant un mode de scrutin mixte qui diffère en fonction du nombre de sièges à pourvoir dans le département, nombre qui est lui-même défini en fonction de la population du département :

dans les départements les moins peuplés, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours , conformément à l'article L. 294 du code électoral ;

dans les départements les plus peuplés, l'élection a lieu au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle , conformément à l'article L. 295 du code électoral.

L'article 3 de la loi du 6 juin 2000 précitée a introduit des contraintes paritaires dans les départements où l'élection se déroule à la proportionnelle en précisant que « sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un » et en ajoutant que « chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe » .

Le seuil à partir duquel s'applique le scrutin de liste proportionnel a été modifié à plusieurs reprises.

Jusqu'en 2000, le scrutin proportionnel s'appliquait dans les départements comportant au moins cinq sièges de sénateurs.

La loi du 10 juillet 2000 6 ( * ) a abaissé ce seuil aux départements comportant au moins trois sièges de sénateurs et la loi du 30 juillet 2003 7 ( * ) l'a relevé aux départements comportant quatre sièges .

Le Sénat étant alors renouvelable par tiers tous les trois ans, ces obligations paritaires se sont appliquées successivement pour la première fois à la série B lors du renouvellement de 2001, à la série C lors du renouvellement de 2004 et à la série A lors du renouvellement de 2008.

Les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 (seuil de la proportionnelle à 3 sièges ou plus) se sont appliquées au renouvellement de 2001 (série B). Les dispositions de la loi du 30 juillet 2003 (seuil de la proportionnelle à 4 sièges ou plus) se sont appliquées aux renouvellements de 2004 (série C), de 2008 (série A) et de 2011 (série 1) 8 ( * ) .

Les évolutions du mode de scrutin sont récapitulées dans le tableau suivant :

Série

Seuil scrutin proportionnel

Obligations paritaires

Sénatoriales 1998

A

5 sièges ou plus

non

Sénatoriales 2001

B

3 sièges ou plus

oui

Sénatoriales 2004

C

4 sièges ou plus

oui

Sénatoriales 2008

A

4 sièges ou plus

oui

Sénatoriales 2011

1

4 sièges ou plus

oui

2. L'évolution globale du nombre de sénatrices et de sénateurs : un quadruplement en dix ans

A la veille du renouvellement de 2001 - c'est-à-dire avant la première application des obligations paritaires issues de la loi du 6 juin 2000 - on ne comptait au Sénat que 20 sénatrices pour un total de 321 sièges, soit une proportion de 6,5 %.

L'obligation dans les départements où l'élection se déroule au scrutin proportionnel, de présenter des listes composées alternativement d'un homme et d'une femme, a permis en dix ans un quadruplement du nombre de sénatrices , puisque le Sénat a pu atteindre, à la veille du renouvellement de 2011, l'effectif de 80 sénatrices .

Le Sénat étant alors renouvelable par tiers tous les trois ans, cette progression s'est effectuée en trois étapes correspondant à la première application des dispositions de la loi du 6 juin 2000 à chacune des trois séries.

Au lendemain des élections sénatoriales de 2001 , correspondant au renouvellement de la série B, l'effectif des sénatrices est monté à 35 pour un total de 321 sièges, soit une proportion de 10,9 % .

Avec les élections de 2004 , portant sur la série C, le nombre de femmes au sein de la Haute Assemblée a atteint 56 sur un total de 321 sièges, soit une proportion de 17 % .

Au lendemain des élections de 2008 pour la série A, le Sénat comptait 75 sénatrices sur un total de 343 sièges, soit une proportion de 22 % .

Dans le courant des trois années qui ont suivi, d'autres femmes sont entrées au Sénat, notamment comme « remplaçantes », permettant à l'effectif des sénatrices d'atteindre 80 à la veille des élections de 2011, soit une proportion de 23,3 % .

3. Le rôle décisif du scrutin de liste proportionnel et des obligations paritaires

Une analyse plus fine des résultats des trois élections sénatoriales de 2001, 2002 et 2008 montre que la forte progression de femmes élues à la Haute Assemblée est principalement le fait des départements où l'élection se déroule au scrutin proportionnel.

La série B ne comptait, à la veille de son renouvellement en 2001 , que 7 sénatrices, à peu près également réparties entre les deux modes de scrutin : 3 d'entre elles avaient été élues au scrutin majoritaire et 4 au scrutin de liste.

Grâce aux obligations paritaires qui se sont appliquées pour la première fois en 2001, lors du renouvellement de cette série, l'effectif des sénatrices est passé à 22 sur les 102 sièges à pourvoir (soit 21,5 %) :

2 avaient été élues au scrutin majoritaire ;

20 avaient été élues au scrutin proportionnel.

En 2004 , lors du renouvellement de la série C , ce sont 31 sénatrices qui ont été élues, pour un total de 127 sièges à pourvoir (24 %) :

2 au scrutin majoritaire ;

29 au scrutin proportionnel.

En 2008 , lors du renouvellement de la série A , 18 sénatrices ont été élues pour un total de 114 sièges à pourvoir (16 %) :

6 au scrutin majoritaire ;

12 au scrutin proportionnel.

Si l'on consolide les résultats des élections de 2001, de 2004 et de 2008 qui correspondent à elles trois à un renouvellement complet du Sénat effectué sous obligation paritaire, on obtient :

10 sénatrices élues au scrutin majoritaire ;

61 sénatrices élues au scrutin proportionnel.

Autrement dit, alors qu'avec le mode de scrutin actuel, le nombre de sièges pourvus au scrutin majoritaire (168) et proche du nombre de sièges pourvus au scrutin proportionnel (180), ce dernier fait entrer six fois plus de femmes au sein de la Haute Assemblée , apportant une nouvelle démonstration de l'efficacité des mécanismes paritaires mis en place par la loi du 6 juin 2000.

4. Les sénatoriales de 2011 : la parité marque un palier

Les élections sénatoriales de 2011 qui, pour la première fois, portaient sur le renouvellement de la moitié du Sénat (série 1), ont à la fois confirmé et infirmé les évolutions précédentes.

Elles ont confirmé le rôle déterminant du scrutin proportionnel, puisque sur les 49 sénatrices élues (pour un total de 170 sièges, soit 29 %), 39 l'ont été grâce à ce mode de scrutin et 10 seulement grâce au scrutin majoritaire.

Mais, dans le même temps, la progression du nombre de femmes au sein de la Haute Assemblée a marqué un palier, voire même un léger tassement.

Le Sénat, qui comptait 80 sénatrices à la veille du scrutin 9 ( * ) , n'en comptait plus que 77, et ce alors que son effectif global avait augmenté passant de 343 à 348 sièges.

Cette stagnation du nombre de femmes élues au Sénat montre que le bénéfice d'une première application des mécanismes paritaires de la loi du 6 juin 2000 a été pleinement engrangé lors des élections sénatoriales de 2001, 2004 et 2008, mais qu'il est maintenant épuisé.

Un nouvel élan est donc nécessaire pour reprendre le chemin d'une parité effective.


* 6 Loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs.

* 7 Loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs.

* 8 La durée du mandat sénatorial a été ramenée de 9 à 6 ans par la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs, ainsi que de la composition du Sénat.

Le raccourcissement de la durée du mandat a imposé de passer d'un renouvellement par tiers à un renouvellement par moitié, de façon à préserver le principe d'un renouvellement partiel tous les 3 ans.

D'un renouvellement par tiers (séries A, B et C) jusqu'aux élections sénatoriales de 2008 incluses, on est ainsi passé à un renouvellement par moitié (séries 1 et 2) à compter de l'élection de 2011.

A cette fin, les sièges de la série C ont été répartis en deux sections qui ont été réparties entre les deux séries.

* 9 Le Sénat comptait 75 sénatrices au lendemain des élections de 2008. Leur effectif est monté à 80 à la veille des élections de 2011 par le jeu des remplacements. Six femmes ont été nommées sénatrices entre 2008 et 2011 : deux en qualité de remplaçantes d'un sénateur élu au scrutin majoritaire, quatre du fait de leur situation de suivante de liste dans des départements où l'élection s'était effectuée à la proportionnelle ; l'augmentation globale du nombre de sénatrices n'a toutefois été que de cinq, car une sénatrice, décédée, avait un remplaçant masculin.

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