M. Julien Denègre, Business Development Manager, Département mines, métaux, nucléaire et défense, TECHNIP
L'humanité a un besoin vital de découvrir de nouvelles ressources naturelles en raison de la croissance démographique mondiale, d'une part, et de la forte demande économique de pays émergents, d'autre part. Tout comme l'énergie, les ressources minérales sont un élément-clé du développement des économies industrielles. L'envolée du cours des matières premières et des métaux est à l'origine de la recherche de nouveaux gisements, terrestres, mais aussi dans le domaine marin.
Si le sous-sol français fournit en abondance des matériaux de construction (gravier, sable, calcaire pour les cimenteries) et des matières premières (kaolin, talc, soufre, sel, potasse), il est pauvre en produits énergétiques et en minerais. En ce qui concerne les minerais métalliques, seul le nickel de Nouvelle-Calédonie est abondant.
La Nouvelle-Calédonie dispose d'environ 10 % des réserves mondiales de nickel, ce qui est considérable compte tenu de la taille relativement modeste de ce territoire : 18 500 km², soit un peu plus de 3 % de la superficie de la France métropolitaine. Au-delà de l'importance quantitative de ces ressources, le minerai néo-calédonien présente l'avantage d'être facilement exploitable, ce qui constitue un atout indéniable face à la concurrence internationale, puisque le coût d'extraction, et donc d'exploitation du nickel, en est réduit d'autant. Comme pour la majorité des activités minières, l'essentiel de la valeur ajoutée est produite au stade du traitement et non de l'extraction du nickel. Or, grâce à une seule usine de traitement du nickel en activité, celle de la Société Le Nickel (SLN), à Nouméa, la Nouvelle-Calédonie a produit, en 2009, plus de 52 000 tonnes de nickel métal, soit 4 % de la production mondiale.
L'outre-mer, collectivités et départements, avec ses 2 millions d'habitants et une zone économique exclusive (ZEE) de près de 11 millions de km 2 , confère à la France une dimension maritime exceptionnelle. La France possède ainsi le deuxième domaine maritime du monde. Les recherches conduites jusqu'à ce jour nous permettent de croire que des gisements exploitables existent dans les ZEE des différents territoires ultramarins.
Les programmes NODCO (pour « NODulesCObaltifères ») en 1986 - 1987 puis ZEPOLYF (pour « Zone Économique de POLYnésie Française ») à la fin des années 1990 ont permis d'établir les contextes géologiques structuraux du plateau des Tuamotu (Polynésie française) et les contextes particuliers aux « encroûtements cobaltifères ». La ZEE de Polynésie française détient les encroûtements dont les concentrations en cobalt sont les plus élevées, le platine étant un élément valorisant. Les encroûtements sont par ailleurs une source potentielle de nombreux autres éléments métalliques tels que le titane, le cérium, le nickel, le thallium, le tellure, le zirconium, le tungstène, le bismuth ou encore le molybdène.
Plus récemment, les recommandations du Grenelle de la Mer en juillet 2009 d'une part, la création par décret le 24 janvier 2011 du Comité pour les métaux stratégiques (COMES) d'autre part, et enfin les décisions du Comité interministériel de la mer (CIMER) dévoilées le 10 juin 2011, attestent de l'intérêt de la France sur ces questions à forts enjeux. Sur la base des recommandations du Grenelle, l'IFREMER a lancé un projet d'exploration des fonds sous-marins au large de Wallis et Futuna, reposant sur un partenariat public/privé inédit associant l'Agence des Aires Marines Protégées, l'IFREMER et le BRGM, pour les organismes publics et TECHNIP, ERAMET et AREVA pour les organismes privés. Les résultats des trois campagnes de prospection préalable, réalisées depuis 2010 vont faire l'objet d'une évaluation en vue de définir dans les prochains mois la suite qu'il serait possible d'y réserver, les premiers résultats paraissant dès à présent très encourageants. Du point de vue hydrothermal, plusieurs zones actives et inactives ont été localisées. Plusieurs champs hydrothermaux fossiles constitués d'oxyde de manganèse ont été également découverts lors de l'exploration régionale.
Preuve de l'intérêt et de la vigilance des États autour de ces sujets, la Chine et la Russie se sont mobilisées très rapidement en 2010 dès l'annonce de la nouvelle réglementation relative aux sulfures polymétalliques par l'AIFM, pour déposer des permis sulfures qu'ils ont obtenus en 2011 : la Chine dans l'océan Indien, la Fédération de Russie dans la région de la dorsale volcanique médio-atlantique. Dans le Pacifique, des permis d'exploration ont été déposés sur plusieurs champs hydrothermaux par des sociétés privées (Nautilus Minerals, Neptune Minerals) et des États (Corée du Sud, Japon). Nautilus prépare actuellement une exploitation des dépôts hydrothermaux au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour 2014, ce qui constituera la première exploitation de ressources minérales par 1 700 mètres de profondeur. Neptune envisagerait un projet pilote au large des îles Salomon ou de la Nouvelle-Zélande.
L'exploitation de ces ressources constituerait pour l'outre-mer un nouvel atout politique, stratégique et économique. Ceci concernerait non seulement les activités classiques, tels que le transport de minerai par bateau, la logistique, les infrastructures portuaires, mais aussi les nouvelles activités relatives à l'exploration offshore sans oublier les activités prévisibles à plus ou moins long terme (par exemple la transformation du minerai).
En résumé, dans le contexte actuel de relance de l'économie française et d'une stratégie nationale de sécurité des matières premières, les richesses économiques pouvant venir de la mer et du sous-sol sont des opportunités à ne pas négliger : la France, au travers de l'outre-mer, peut ainsi assurer sa place dans le monde dans un futur où de nouvelles sources de matières premières seront essentielles à notre économie.