N° 293

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) sur les actes du colloque « La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21e siècle ? » organisé le 17 janvier 2013,

Par M. Serge LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Larcher, président ; MM.  Éric Doligé, Claude Domeizel, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Michel Magras, Jean-Claude Requier, Mme Catherine Tasca, MM. Richard Tuheiava, Paul Vergès et Michel Vergoz, vice-présidents ; Mme Aline Archimbaud, M. Robert Laufoaulu, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean-Étienne Antoinette, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Berthou, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Jacques Cornano, Félix Desplan, Mme Jacqueline Farreyrol, MM Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Jacques Gillot, Jean-Jacques Hyest, Jacky Le Menn, Jeanny Lorgeoux, Roland du Luart, Gérard Miquel, Thani Mohamed Soilihi, Alain Néri, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Charles Revet, Gilbert Roger, Abdourahamane Soilihi et Hilarion Vendegou.

Ouverture

M. Jean-Pierrre Bel, Président du Sénat

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais souligner tout le plaisir que j'ai à vous accueillir et en même temps la frustration qui sera la mienne, puisqu'après avoir ouvert ce colloque, je serai contraint de vous quitter en raison d'autres obligations. Je vous prie également d'excuser l'absence de Serge Larcher, sénateur, Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, qui ne peut être présent parmi nous aujourd'hui pour des raisons qui me conduisent à lui souhaiter un prompt rétablissement. Je sais à quel point il le regrette, car ce projet de colloque lui tenait beaucoup à coeur. Il s'y est beaucoup investi et a préparé un message qui nous sera délivré tout à l'heure par le sénateur de Wallis et Futuna, Robert Laufoaulu. Je voudrais aussi excuser l'absence de Richard Tuheiava, qui accompagne aujourd'hui le Président de la Polynésie française, Oscar Temaru, aux Nations Unies à New York.

Au cours de l'année qui vient de s'écouler, j'ai eu l'occasion de témoigner à plusieurs reprises mon intérêt pour les travaux relatifs à l'outre-mer conduits au Sénat. Je suis donc particulièrement heureux de prononcer ces quelques mots d'ouverture sur les perspectives de la présence française dans le Pacifique du 21 ème siècle. Je veux remercier pour leur participation et leur partenariat le ministère des Outre-mer ainsi que le ministère des Affaires étrangères. La pleine reconnaissance des outre-mer fut un de mes premiers engagements en tant que Président du Sénat. Lorsque nous avons créé la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, il y a un peu plus d'un an, nous souhaitions promouvoir une meilleure prise en compte des outre-mer au sein de l'institution, mieux faire connaître et valoriser ce potentiel exceptionnel. Cette jeune délégation à l'outre-mer est composée de 21 sénateurs ultramarins et 21 sénateurs élus dans l'Hexagone. Diverse dans sa composition, elle a su l'être aussi par la nature des travaux qui ont été produits. Je n'imaginais pas alors, concrètement, la qualité des travaux réalisés par la délégation dans un délai si court. Ils enrichissent considérablement notre connaissance et notre approche des questions ultramarines, tant dans leur dimension humaine que culturelle et environnementale.

Au mois de mai dernier, elle nous a réunis pour un colloque sur les mémoires croisées du passé colonial français. Ce fut une rencontre inédite de sénateurs, d'historiens, d'associations et de jeunes artistes dont je garde un souvenir très vif, car l'initiative était très originale et les échanges ont été passionnants. En novembre, en partenariat avec l'INA et France Ô, un autre colloque a eu lieu, sur le thème de la mémoire audiovisuelle des outre-mer, à propos de la numérisation de 50 ans d'archives audiovisuelles. Entre temps, des travaux d'expertise ont été conduits sur la vie chère, la zone économique exclusive ou encore la politique de la pêche, sujet toujours d'actualité. La rencontre qui s'ouvre aujourd'hui apporte une nouvelle preuve de la diversité des sujets et des dialogues suscités par la Délégation sénatoriale à l'outre-mer. Elle répond à une attente et un besoin, celui de mieux apprécier l'apport des collectivités d'outre-mer.

Grâce à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis et Futuna, la France est présente dans le continent océanien, que Jean-Marie Le Clézio qualifiait de « continent invisible », cet immense espace maritime situé à 16 000 kilomètres de l'Hexagone. Dans cette région du monde, malgré l'influence grandissante des pays asiatiques, l'influence anglo-saxonne reste très marquée. La participation ce matin des Ambassadeurs d'Australie et de Nouvelle-Zélande à vos travaux en témoigne. Leur éclairage sera précieux quant aux équilibres géopolitiques entre la France et les États du Pacifique.

Les trois collectivités françaises d'Océanie présentent des caractéristiques spécifiques, tant institutionnelles que géographiques ou démographiques. Elles n'ont ni le même statut ni les mêmes ressources. En Nouvelle-Calédonie, le processus issu des accords de Matignon et de Nouméa donne une forte autonomie à ce territoire. Ce processus, porté par des hommes et des femmes qui ont voulu dépasser leurs antagonismes, se concrétise par un véritable partage de souveraineté et la Nouvelle-Calédonie constitue aujourd'hui un point de stabilité de l'arc méditerranéen. Des transferts de compétences majeurs doivent encore intervenir dans la dernière étape de l'accord, la consultation sur l'auto-détermination. La Polynésie française, quant à elle, jouit d'une forte autonomie et de prérogatives étendues. S'agissant des îles Wallis et Futuna, il y a sans doute matière à réflexion en vue d'une actualisation du statut, même si elle suppose bien sûr un consensus local.

Les lois organiques statutaires permettent à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française d'exercer des compétences étendues dans le domaine des relations extérieures. Ces collectivités se sont donc engagées dans une politique active d'insertion régionale. L'appartenance de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis et Futuna à la culture océanienne favorise le rapprochement entre la France et les États de la région, où l'aide et la participation de la France sont souvent sollicitées. Il nous faut donc envisager la présence française dans le Pacifique sous l'angle des relations régionales. La France dispose de six ambassades dans la zone océanienne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Papouasie Nouvelle-Guinée, au Vanuatu, à Fidji et aux Philippines. Notre pays est fortement représenté dans cette immense région peuplée d'à peine 10 millions d'habitants. La perception de la présence française dans la région s'est fortement améliorée au cours des dernières décennies, grâce d'une part au processus qui a permis d'apaiser les tensions en Nouvelle-Calédonie et d'autre part à la fin des essais nucléaires français en Polynésie en 1996.

Cette évolution a été particulièrement sensible au sein du Forum des îles du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie sont membres associés et dont Wallis et Futuna est un membre observateur. Par ailleurs, ces trois collectivités sont, comme la France, membres à part entière de la Communauté du Pacifique, une organisation internationale à vocation régionale. Elles peuvent ainsi développer activement leurs relations avec les États du Pacifique et les organisations régionales et étendre leur influence en bénéficiant du réseau diplomatique français dans le Pacifique. Les populations du Pacifique sont confrontées à des questions spécifiques telles que l'éloignement et l'isolement de nombreuses îles, les effets directs du réchauffement de la planète, des catastrophes naturelles, la pêche illicite et les grands trafics qui empruntent les voies maritimes. La question du développement se pose néanmoins de manière aiguë, dans un milieu où les contraintes géographiques telles que les distances et la taille réduite des surfaces habitables sont fortes. La problématique environnementale, entre développement humain et préservation du milieu naturel, trouve ici une illustration exemplaire. Je pense notamment à l'accès à l'eau potable ou à la gestion difficile des déchets en Polynésie.

La géographie et la géologie de cette région offrent aussi de réelles opportunités de développement, notamment en matières premières et énergétiques. Je pense en particulier à la mise en valeur des ressources minières en Nouvelle-Calédonie. Sur les questions environnementales, des approches régionales ont vu le jour, notamment au travers du programme régional océanien de l'environnement. Des solidarités régionales ont pris le relais sur les problèmes induits par les changements climatiques et sur la préservation de l'environnement. La notion d'intérêt commun a émergé des relations de voisinage qui se sont construites peu à peu pour protéger les zones maritimes et préserver les ressources. Le continent océanien est un continent liquide, ses populations un peuple de l'eau, sa culture la fluidité. C'est pourquoi des améliorations pourraient porter, selon les contextes, sur une circulation facilitée avec les pays voisins, par une politique locale des visas ou, comme cela a été proposé, des échanges universitaires avec les États voisins.

Dans un récent avis, le Conseil Économique, Social et Environnemental rappelait d'ailleurs que le Pacifique est devenu, à deux exceptions près, une zone libre de visas « court séjour » pour se rendre en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna ou en Polynésie française. Cette mesure a été particulièrement appréciée lors des Jeux du Pacifique à Nouméa à l'été 2011.

Les liens tissés par la France et par les collectivités françaises en Océanie montrent ce que les échanges apportent à un monde souvent porteur d'incertitudes et de déséquilibres. Il donne une belle illustration de ce que pourraient être les « Nations-relations » imaginées par Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau : « comme il y a eu des États-Nations, il y aura des Nations-relations. Comme il y a eu des frontières qui séparent et distinguent, il y aura des frontières qui distinguent et relient et qui ne distingueront que pour relier ».

Je vous souhaite à tous de fructueux travaux.

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