Rapport d'information n° 290 (2012-2013) de Mme Laurence ROSSIGNOL et M. Louis NÈGRE , fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 23 janvier 2013
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SYNTHÈSE DU RAPPORT
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AVANT-PROPOS
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I. LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIONS RELATIVES
À LA GOUVERNANCE DANS LE CADRE DES LOIS GRENELLE I ET II : UN BILAN
PLUTÔT POSITIF
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II. LES PRINCIPAUX APPORTS ET LIMITES DE CES DEUX
LOIS EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE
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A. LA GOUVERNANCE À CINQ
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1. Participation des parties prenantes à
différentes instances de concertation
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2. La problématique de la
représentativité des acteurs
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a) La question de la représentativité
au moment du Grenelle
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b) La représentativité des
associations à la suite de la loi Grenelle II
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c) Les débats autour de la
représentativité des associations environnementales
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d) La feuille de route de la conférence
environnementale et la représentativité des associations
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a) La question de la représentativité
au moment du Grenelle
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3. La déclinaison locale du
dispositif
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1. Participation des parties prenantes à
différentes instances de concertation
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B. INFORMATION ET PARTICIPATION DU PUBLIC
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C. RESPONSABILITÉ SOCIALE ET
ENVIRONNEMENTALE DES ENTREPRISES
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A. LA GOUVERNANCE À CINQ
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III. DU GRENELLE À LA CONFÉRENCE
ENVIRONNEMENTALE : RUPTURE ET CONTINUITÉ
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I. LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIONS RELATIVES
À LA GOUVERNANCE DANS LE CADRE DES LOIS GRENELLE I ET II : UN BILAN
PLUTÔT POSITIF
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES
RAPPORTEURS
N° 290
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 janvier 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois (1) sur l'application des lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l' environnement (Grenelle I) et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l' environnement (Grenelle II),
Par Mme Laurence ROSSIGNOL et M. Louis NÈGRE,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. David Assouline, Président ; M. Philippe Bas, Mmes Claire-lise Campion, Isabelle Debré, M. Claude Dilain, Mme Muguette Dini, MM. Ambroise Dupont, Gaëtan Gorce, Stéphane Mazars, Louis Nègre, Mme Isabelle Pasquet, Vice-Présidents ; Mme Corinne Bouchoux, MM. Luc Carvounas et Yann Gaillard, Secrétaires ; M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Cécile Cukierman, M. Philippe Darniche, Mmes Catherine Deroche, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Félix Desplan, Yves Détraigne, Pierre Frogier, Patrice Gélard, Mme Dominique Gillot, MM. Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Claude Jeannerot, Philippe Kaltenbach, Marc Laménie, Jacques Legendre, Jean-Claude Lenoir, Jacques-Bernard Magner, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Peyronnet, Gérard Roche, Yves Rome, Mme Laurence Rossignol, M. René Vandierendonck. |
SYNTHÈSE DU RAPPORT
Lors de sa mise en place début 2012, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a confié à Laurence Rossignol et à Louis Nègre la mission d'établir un bilan de l'application des deux lois dites « du Grenelle de l'environnement » (lois du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, ou Grenelle I, et loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, ou Grenelle II). Ce thème se révélant très vaste, et pour éviter de réitérer les travaux déjà publiés sur différentes mesures prévues par ces deux textes (comme les transports, les énergies renouvelables ou le bâtiment), les rapporteurs ont fait le choix de centrer leur rapport sur la gouvernance , le Grenelle ayant marqué une rupture dans la manière d'aborder la décision politique en matière environnementale. La méthode retenue a en effet associé à la concertation l'État, les élus locaux, les associations environnementales et les syndicats de salariés et d'employeurs, dans ce qui a été désigné la « gouvernance à cinq », aujourd'hui devenue « cinq plus un » avec l'adjonction des parlementaires. Ce nouveau mode de gouvernance a été le grand succès du Grenelle même si, après l'engouement initial, l'élan semble s'être un peu essoufflé faute de volonté politique suffisante. En termes de publication des mesures réglementaires d'application concernant la gouvernance, le bilan quantitatif est satisfaisant : sur les trente deux décrets nécessaires, deux seulement sont encore en attente de publication . Par ailleurs, les méthodes de gouvernance intègrent aujourd'hui des procédures d'enquête publique, de participation du public à l'élaboration des décisions environnementales ou encore de débat public qui sont largement devenues le droit commun. Pour autant, les ambitions initiales du législateur ont été traduites avec un certain recul dans la mise en oeuvre de deux mesures phares : la représentativité des associations environnementales et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) . Sur ce second point, en particulier, les rapporteurs déplorent le retour à des pratiques de négociations bilatérales, bien loin de la concertation large et ouverte préconisée par le Grenelle. La Conférence environnementale , organisée pour la première fois en septembre 2012, témoigne de la volonté de redonner un élan , avec certaines adaptations, aux règles de gouvernance instaurées par les lois Grenelle I et Grenelle II. Après la conférence environnementale de septembre 2012, les prochaines conférences annuelles permettront d'évaluer et de suivre, d'un rendez-vous à l'autre, les mesures engagées. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le Grenelle de l'environnement a marqué en 2007 une rupture dans la manière d'aborder la décision politique en matière environnementale. La méthode de gouvernance retenue a permis d'associer les parties prenantes à la concertation, à savoir l'État, les élus locaux, les associations environnementales, et les syndicats de salariés et d'employeurs, dans ce qui a par la suite été appelé la « gouvernance à cinq ».
Ce nouveau mode de gouvernance a été le grand succès du Grenelle. Cette nouvelle méthode a permis de donner l'élan nécessaire à la mise en oeuvre des nombreux engagements pris, tant en ce qui concerne l'énergie, que le bâtiment ou les questions liées à la biodiversité, bien que cet élan se soit rapidement essoufflé faute de volonté politique suffisante.
Vos rapporteurs ont pu constater le bon niveau général d'application des lois Grenelle I et II dans leurs dispositions concernant la gouvernance, deux décrets seulement sur les trente-deux concernés par ce sujet étant en attente de publication.
Les procédures d'enquête publique, de participation du public à l'élaboration des décisions environnementales ou encore de débat public sont ainsi largement devenues les méthodes de gouvernance de droit commun.
La nouvelle démarche a toutefois trouvé ses limites dans la mise en oeuvre de deux des mesures phares : la représentativité des associations environnementales et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Les mesures d'application prises s'inscrivent en recul par rapport à l'ambition du législateur. En particulier, sur la RSE, ce recul traduit un retour à des pratiques de négociations bilatérales, radicalement opposées aux concertations larges et ouvertes préconisées par le Grenelle.
Vos rapporteurs déplorent cette situation qui illustre, une nouvelle fois, l'intérêt d'un contrôle vigilant et déterminé du Parlement sur les mesures réglementaires d'application de la loi.
Cinq ans après le Grenelle, la Conférence environnementale, organisée pour la première fois les 14 et 15 septembre 2012, témoigne de la volonté de redonner un élan, avec certaines adaptations, aux règles de gouvernance instaurées par les lois Grenelle I et Grenelle II. Il s'agit désormais d'une « gouvernance à 5 + 1 », les parlementaires étant associés aux autres parties prenantes, ce dont vos rapporteurs se félicitent. Ils saluent aussi la démarche des conférences environnementales annuelles qui doit permettre d'évaluer et de suivre, d'une conférence à l'autre, les mesures engagées.
I. LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIONS RELATIVES À LA GOUVERNANCE DANS LE CADRE DES LOIS GRENELLE I ET II : UN BILAN PLUTÔT POSITIF
A. RETOUR SUR LE PROCESSUS DU GRENELLE : UNE MÉTHODE DE GOUVERNANCE INÉDITE
1. La méthode, vrai succès du Grenelle
Les lois n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement sont l'aboutissement et la retranscription législative du « Grenelle de l'environnement » lancé à l'été 2007.
Le Président de la République avait, comme de nombreux autres candidats, souscrit au Pacte écologique porté par Nicolas Hulot pendant la campagne présidentielle de 2007. En application de ce Pacte, un grand ministère chargé de toutes les questions de transports, énergie, biodiversité, infrastructures, et urbanisme a été créé, et une grande concertation sur la politique de l'environnement a été organisée.
La méthode du Grenelle est inédite par son mode de gouvernance. Elle réunit en effet les membres de cinq collèges représentant l'ensemble des parties prenantes à la politique environnementale, dans ce qui a été appelé la « gouvernance à 5 » : élus locaux, représentants de l'administration, syndicats de salariés, d'employeurs, et associations de protection de l'environnement. L'objectif de cette concertation au cadre élargi a été de rechercher des positions consensuelles et informées. Le Parlement n'a été que tardivement associé à la démarche, bien que le Sénat ait créé dès l'été 2007 un groupe sénatorial de suivi du Grenelle, présidé par le sénateur Bruno Sido et réalisant des auditions parallèlement aux travaux des groupes de travail.
Six groupes de travail ont été mis en place, chaque groupe étant composé de quarante membres, à part égale des cinq collèges. Les thèmes ont été les suivants : lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d'énergie, préserver la biodiversité et les ressources naturelles, instaurer un environnement respectueux de la santé, adopter des modes de production et de consommation durables, construire une démocratie écologique, enfin, promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi. Ces groupes ont réalisé un important travail de diagnostic, et remis leurs propositions fin septembre 2007.
Une phase de consultations a suivi, avec des débats sans vote au Parlement, le 3 octobre 2007 à l'Assemblée, le 4 octobre au Sénat, dix-neuf réunions en région rassemblant 15 000 participants, huit forums internet récoltant 300 000 visites et 11 000 contributions, et une consultation des partis et fondations politiques.
Les cinq collèges se sont réunis autour de tables rondes les 24, 25 et 26 octobre 2007. Les négociations ont abouti à un total de 265 engagements . Le Président de la République a prononcé un discours de restitution des travaux du Grenelle le 25 octobre, mettant l'accent sur le nouveau mode de gouvernance né de ce processus, à savoir l'association de tous les acteurs concernés par une politique publique, et la prise en compte à l'avenir des enjeux environnementaux dans chaque prise de décision publique.
Les engagements du Grenelle ont ensuite été déclinés en mesures concrètes lors de la réunion de trente-quatre comités opérationnels au premier semestre 2008, dont un tiers étaient pilotés par un parlementaire.
L'objectif du Grenelle, dès le départ, a été de transformer en profondeur la société française. Cela traduit, d'une part, la prise de conscience de l'urgence de la problématique environnementale, d'autre part, la réalisation du potentiel de croissance de l'écologie. L'étude d'impact associée au projet de loi Grenelle I en novembre 2008 a estimé que le Grenelle représenterait trente-cinq milliards d'investissements par an en moyenne et 500 000 créations d'emploi, estimations confirmées dans un rapport indépendant du Boston Consulting Group en juin 2009.
Les 265 engagements du Grenelle peuvent se décliner en quatre axes principaux :
- la lutte contre le changement climatique ;
- la préservation et la gestion de la biodiversité et des milieux naturels ;
- la préservation de la santé et de l'environnement, tout en stimulant l'économie ;
- l'instauration d'une démocratie écologique, en renouvelant les modes de gouvernance et en prônant un État exemplaire.
Deux secteurs économiques ont plus particulièrement été au centre des engagements du Grenelle :
- le bâtiment : l'objectif visé est la réduction des consommations énergétiques du bâtiment de 38% d'ici 2020. Le Grenelle prévoit un programme ambitieux de rénovation du parc existant et de réduction des consommations énergétiques des constructions neuves ;
- les transports : l'objectif est de réduire de 20% d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux transports, en incitant au report modal vers les moyens de déplacement peu émetteurs de CO2. Les transports sont en effet le 1 er émetteur de GES, le bâtiment arrivant juste derrière avec 25% des émissions (source ADEME).
Ces objectifs s'inscrivent par ailleurs dans un cadre européen. L'écologie a constitué une des priorités de la Présidence française de l'Union Européenne du 1 er juillet au 31 décembre 2008. Le paquet énergie-climat adopté en décembre 2008 prévoit, à l'horizon 2020, de diminuer de 20% les émissions de GES, réduire de 20% la consommation d'énergie, et porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie.
Certains engagements du Grenelle ont été mis en oeuvre au niveau législatif, avant même les lois Grenelle I et II de 2009 et 2010, dans le cadre des lois suivantes :
- la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : le Conseil Économique et Social est transformé en Conseil Économique, Social et Environnemental (titre XI) ;
- la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale ;
- la loi de finances pour 2009, avec notamment l'éco-prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation thermique très performants, le crédit d'impôt développement durable, le crédit d'impôt agriculture biologique, l'éco-redevance sur les poids lourds, ou la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ;
- la loi de finances rectificative pour 2008 : malus pour les véhicules émettant plus de 250 grammes de CO2 par km, application d'un taux de TIPP réduit à l'aquagazole, relèvement de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base pour financer recherche sur la gestion des déchets radioactifs.
Enfin, la mise en oeuvre du Grenelle a bénéficié d'une accélération dans le cadre du plan de relance présenté le 4 décembre 2008. Ce plan prévoyait une hausse des investissements des grandes entreprises publiques pour moderniser leurs réseaux, notamment en matière de transports et d'énergies renouvelables (SNCF, EDF). L'État a également annoncé à cette occasion des investissements directs dans des secteurs stratégiques : 500 millions d'euros en 2009 vers des infrastructures et équipements durables dans le cadre du Grenelle.
C'est dans ce contexte très spécifique que sont intervenues les lois Grenelle I et II, afin de traduire de manière législative les nombreux engagements issus de cette méthode de gouvernance à cinq. La loi de programmation de 2009 affiche les objectifs de l'État dans la politique environnementale et les moyens pour y parvenir, sans comporter de dispositions normatives d'application directe. Pour rendre sa mise en oeuvre effective, le Parlement a été saisi d'un autre texte, le projet de loi d'engagement national pour l'environnement, qui décline en mesures techniques et concrètes les engagements du Grenelle.
2. Les lois Grenelle I et II
a) La loi Grenelle I
La loi Grenelle I, adoptée à la quasi unanimité à l'Assemblée et au Sénat et promulguée le 3 août 2009, reprend à travers cinquante-sept articles les engagements du Grenelle et complète certaines de ses orientations, dans les secteurs de l'énergie et du bâtiment, des transports, de la biodiversité et des milieux naturels, de la gouvernance et des risques pour l'environnement et la santé.
Les modifications apportées au texte par les parlementaires se sont faites essentiellement à la marge. La liberté d'action du Parlement était en effet virtuellement limitée : il était difficile de ne pas partager les objectifs ambitieux du Grenelle, proposés qui plus est par l'ensemble du corps social dans le cadre de la gouvernance à cinq. Le choix de passer par une loi de programmation avant de décliner des dispositifs opérationnels dans un second texte traduit la volonté du gouvernement de faire ratifier par le Parlement les compromis passés avec la société civile lors des négociations du Grenelle.
Les principaux objectifs de la loi Grenelle I La loi vise à faire du bâtiment le chantier prioritaire de la lutte contre le changement climatique. Les objectifs fixés sont ambitieux, et visent notamment à appliquer la norme BBC (bâtiment basse consommation) à toutes les nouvelles constructions avant la fin de l'année 2012, réduire la consommation d'énergie dans les bâtiments anciens de 38% d'ici à 2020, définir un programme de rénovation thermique des bâtiments, avec 400 000 rénovations complètes par an à partir de 2013, lancer un plan particulier pour 800 000 logements sociaux, ou encore favoriser la conclusion d'accords avec les banques et assurances pour financer les investissements en économies d'énergie. En matière d'énergie, la loi prévoit la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 (facteur 4), et le passage à une part de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie. Le texte prévoit également d'inciter les collectivités territoriales à établir des plans climat énergie territoriaux, ou encore de généraliser l'étiquetage énergétique des produits. Les parlementaires ont par ailleurs ajouté au projet de loi une disposition concernant le retrait de la vente, à compter de 2010, des ampoules à incandescence. Dans les transports, le Grenelle I a confirmé l'objectif de transfert modal pour tout le fret routier de transit, ainsi que les programmes accélérés de transport collectif urbain et de lignes à grande vitesse. Le législateur a par ailleurs acté la nécessité de mettre en place une écotaxe sur les poids lourds pour financer les infrastructures de transport alternatives à la route. Enfin, est posé le principe du développement des autoroutes de la mer, des autoroutes ferroviaires et l'extension du réseau fluvial, notamment à travers la construction du canal Seine Nord Europe. En matière de biodiversité, agriculture, forêt et mer, la confirmation de toutes les dispositions, échéances et chiffrages issus de la première lecture a été votée, notamment la trame verte et bleue reliant les grands ensembles du territoire, les agricultures économes et productives, la dynamisation forestière et la gestion intégrée de la mer et du littoral. La volonté de stopper la perte de biodiversité a été réaffirmée dans tous ces secteurs. Des dispositions concernant la prévention des risques pour la santé et l'environnement ont été votées, comme par exemple la mise en place d'un « carnet de santé du salarié » qui retracerait les expositions aux substances dangereuses subies par le travailleur durant sa vie professionnelle. Enfin, en matière de gouvernance, la loi comporte des dispositions visant notamment à créer un portail environnemental d'information accessible à tous, ou encore à définir des critères de représentativité pour les associations appelées à participer à la concertation. |
La loi a prévu les conditions du suivi de son application, en créant à son article premier le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'Environnement (CNDDGE). Ce comité, institué par le décret du 13 avril 2010, se réunit tous les deux mois. Composé de 41 membres et placé auprès du ministre chargé du développement durable, il assure le suivi de la mise en oeuvre des engagements du Grenelle. Il apporte également son concours au Gouvernement pour les politiques de développement durable.
Par ailleurs, l'article 1 er du Grenelle I prévoit que « L'État rend compte de la mise en oeuvre des engagements du Grenelle de l'environnement au Parlement dans un rapport annuel transmis au plus tard le 10 octobre, ainsi que de son incidence sur les finances, la fiscalité locale et les prélèvements obligatoires au regard du principe de stabilité de la pression fiscale pesant sur les particuliers et les entreprises » . Trois rapports ont à ce jour été remis, en octobre 2009, novembre 2010 et octobre 2011.
Au 8 janvier 2013, le taux d'application de la loi Grenelle I atteignait 50%. Le texte ne prévoyait que 4 mesures d'application. Deux ont été prises, deux restent à prendre :
- un décret sur les conditions techniques pouvant justifier des adaptations marginales à la norme de réduction des consommations d'énergie du parc des bâtiments existants ;
- un arrêté sur la liste des projets d'infrastructures qui feront l'objet d'un suivi par le groupe national de suivi des projets d'infrastructures majeurs et d'évaluation des actions engagées.
Par ailleurs, la loi prévoyait onze rapports. Dix ont été déposés, tandis qu'un rapport reste encore non déposé, sur « l'opportunité de créer une instance propre à assurer la protection de l'alerte et de l'expertise afin de garantir la transparence, la méthodologie et la déontologie des expertises ».
b) La loi Grenelle II
Le projet de loi Grenelle II, déposé au Sénat le 12 janvier 2009, s'inscrit dans le prolongement de la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Il s'agit d'un texte d'application et de territorialisation du Grenelle I, qui décline pour chaque chantier les mesures concrètes qui permettront d'atteindre les objectifs fixés dans la première loi. Promulguée le 12 juillet 2010 et largement enrichie par le Parlement, la loi portant engagement national pour l'environnement comprend 257 articles répartis en six titres. L'adoption de ce texte a été marquée par la disparition du consensus qui avait présidé à l'élaboration du Grenelle I.
La loi Grenelle II Les 257 articles de la loi Grenelle II se répartissent en 6 titres, et modifient entre autres le code de l'environnement, le code général des impôts, le code de l'urbanisme, le code de la construction et de l'habitation, ou encore le code général des collectivités territoriales. Les principales mesures adoptées sont les suivantes :
- renforcement du code de l'urbanisme comme outil de l'aménagement durable et de lutte contre l'étalement urbain, notamment par la simplification et le verdissement des outils de planification (DTA, SCOT et PLU) ; - généralisation des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) à l'ensemble du territoire d'ici 2017 ; - réforme de la réglementation de l'affichage publicitaire, pour limiter son impact sur les paysages, notamment à l'entrée des villes ; - développement des contrats de performance énergétique et amélioration du diagnostic de performance énergétique (DPE).
- clarification des compétences des collectivités locales sur la gestion des modes de transports : auto-partage, vélos en libre service, stationnement, etc. ; - transposition d'une directive européenne pour moduler les tarifs de péages en fonction des performances environnementales des véhicules ; - expérimentation des systèmes de péage urbain pour une durée de 3 ans dans les villes de plus de 300 000 habitants qui le souhaitent.
- instauration de schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie pour encourager les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique ; - obligation d'adopter un plan énergie-climat dans les collectivités locales de plus de 50 000 habitants d'ici fin 2012 ; - création de schémas régionaux éoliens et développement de l'éolien en mer ; - encouragement à l'installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments, et possibilité de revendre l'électricité produite au « tarif d'achat bonifié ».
- interdiction de l'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques ; - protection des aires d'alimentation de captages d'eau potable ; - création d'un dispositif de déclaration obligatoire des flux d'azote réels pour lutter contre les algues vertes ; - définition de la trame verte et bleue et des schémas régionaux de cohérence écologique ; - définition d'une stratégie nationale de gestion intégrée de la mer et du littoral ; - création d'un écolabel pour les produits de la pêche ; - création de parcs naturels marins.
- établissement d'un cadre législatif relatif à la pollution lumineuse ; - imposition des plans d'exposition au bruit aux nouveaux aéroports ; - introduction du principe de surveillance de la qualité de l'air intérieur pour les lieux recevant du public ou des populations sensibles dans le code de l'environnement ; - interdiction de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles maternelles, élémentaires et les collèges ; - diminution de 15 % des déchets destinés à l'enfouissement ou l'incinération ; - réduction de la production d'ordures ménagères de 7 % sur 5 ans ; - possibilité d'expérimentation dans les collectivités locales de la mise en place sur une durée de trois ans d'une part variable incitative dans la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, calculée en fonction du poids et du volume des déchets.
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Contrairement à la loi Grenelle I, la loi Grenelle II nécessite un grand nombre de mesures réglementaires : pas moins de 180 mesures d'application sont prévues par le texte. Au 3 janvier 2013, 23 mesures restaient à prendre, pour un taux d'application d'environ 87% 1 ( * ) .
Un effort significatif a été réalisé par les administrations à partir de juin 2011, même si un certain nombre de mesures restent à prendre, plus de deux ans après la promulgation de la loi.
3. Les dispositions relatives à la gouvernance
Vos rapporteurs ont fait le choix de se pencher en détail sur la mise en application des dispositions relatives à la gouvernance. Il ressort en effet des travaux et auditions réalisés qu'au-delà des objectifs quantitatifs fixés dans des domaines aussi variés que le bâtiment, l'énergie ou les transports, la méthode en elle-même du Grenelle restera probablement comme l'un des apports principaux de ces deux lois .
Le sujet de la gouvernance est traité dans la loi Grenelle I et pour l'essentiel dans la loi Grenelle II.
La loi Grenelle I comporte un certain nombre de dispositions concernant la gouvernance, l'information et l'objectif d'arriver à un État exemplaire. La loi prévoit la création d'un portail environnemental permettant de diffuser les informations environnementales détenues par les autorités publiques, et le cas échéant de participer à l'élaboration de décisions publiques. Autre apport important, les associations de protection de l'environnement respectant des critères de représentativité, gouvernance, transparence et compétence fixés par décret se voient reconnues dans leur statut de partenaires. Des mesures fortes sont enfin prises pour rendre l'État exemplaire, avec la mise en place d'un plan d'amélioration de l'efficacité énergétique, l'organisation dans toutes les administrations, au plus tard en 2009, d'un bilan des consommations d'énergie et des émissions de GES, et la réduction de la consommation de papier.
Dans la loi Grenelle II, le titre VI est entièrement consacré à la gouvernance écologique, avec plusieurs mesures majeures :
- l'obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés, entreprises et établissements publics compris, de présenter un bilan social et environnemental dans leur rapport annuel ;
- l'affichage à compter de 2011 des émissions de gaz à effet de serre des moyens de transport de voyageurs et de marchandises ;
- la réforme des études d'impact, intégrant les bénéfices et coûts liés aux projets étudiés ;
- la réduction radicale du nombre d'enquêtes publiques existant, nombre passant de cent-quatre-vingts à deux ;
- l'association du public au processus décisionnel pour toutes les réglementations nationales majeures sur l'environnement et l'amélioration de l'accès à l'information ;
- l'élargissement de la concertation aux syndicats et aux acteurs économiques, avec possibilité pour les préfets de créer des instances locales de concertation sur le modèle des cinq collèges du Grenelle ;
- la création des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ;
- la définition d'un référentiel facilitant et harmonisant la constitution d'Agendas 21.
4. L'avis du CESE sur le Grenelle : « une dynamique en faveur de l'environnement dans le cadre d'une gouvernance inédite »
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu public en février 2012 un avis faisant le bilan des réformes engagées avec le Grenelle de l'environnement. Le constat principal du CESE est celui d'un élan inédit pour le développement durable, élan qui souffre aujourd'hui d'un relatif essoufflement.
Le CESE impute cette dynamique nouvelle au processus d'élaboration retenu, la gouvernance à cinq, ainsi qu'aux premiers résultats encourageants obtenus dans certains chantiers. Les médias ont aussi largement contribué à populariser les enjeux environnementaux.
Le système de gouvernance à cinq a favorisé le dialogue entre les parties prenantes, l'appropriation des enjeux, l'expression de nombreuses propositions et la recherche de compromis. Le Grenelle a contribué à faire évoluer les mentalités sur la place occupée par l'environnement dans la société.
Le CESE relève toutefois certaines critiques parfois adressées à la méthode Grenelle. Un manque d'informations sur les critères de désignation des parties prenantes a pu être déploré, de même que l'absence de certaines catégories d'acteurs, notamment associatifs, lors de la discussion, une réflexion fondamentale devant être menée sur leur représentativité. Le choix d'approches thématiques au détriment d'une approche transversale a également été regretté, ainsi que l'association tardive des parlementaires.
Malgré le succès global de la gouvernance à cinq, le Conseil constate dans son bilan que la dynamique engagée s'est progressivement essoufflée.
Certaines difficultés relevées par le CESE sont d'ordre administratif, la publication des près de 200 décrets nécessaires à la mise en oeuvre de la loi Grenelle II étant toujours en cours à l'heure actuelle. Des écueils sont apparus dans la gouvernance à cinq, notamment dans l'effectivité des consultations sur les textes d'application (réunions, consultations sur internet, etc.), le tout devant se faire dans des délais courts laissant parfois peu de temps à une réelle concertation sur le fond.
Le CESE a regretté que les indicateurs prévus par la loi aient rarement vu le jour, et qu'ils se résument généralement à des indicateurs de moyens ne permettant pas de suivre l'application concrète de la loi.
L'application du Grenelle a également rencontré des difficultés dans les territoires, du fait de l'articulation difficile entre l'action de l'État, de ses services déconcentrés et agences, l'action des régions et celle des autres collectivités. Le CESE relève que la concertation à l'échelon local n'a pas été conduite de manière optimale.
Enfin, de mai 2009 à fin 2011, le CESE a noté une recrudescence des pratiques de lobbying et un retour à des logiques de discussion bilatérale. En matière de gouvernance à cinq, il regrette ainsi que ce mode de décision ne soit plus vraiment l'instrument de pilotage des politiques du Grenelle.
A l'échelon territorial, les comités de pilotage du Grenelle ont une composition très hétérogène et reflètent rarement une gouvernance à cinq équilibrée, du fait de l'absence de définition de critères de représentativité clairs. Peu de Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ont par ailleurs été consultés dans le cadre du processus de territorialisation ou pour dresser un bilan du Grenelle dans leur région.
Certaines mesures emblématiques ont été retardées. C'est le cas des dispositions sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE). La loi rend obligatoire la publication, par les sociétés, d'informations sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Le projet de décret soumis à consultation a fait l'objet de vives critiques, notamment sur les seuils retenus, sur les obligations des filiales, et sur le rôle des vérificateurs indépendants. L'entrée en vigueur de cette disposition a de ce fait été repoussée à janvier 2013. En outre, sur initiative parlementaire, la loi de régulation bancaire d'octobre 2010 a supprimé la possibilité pour les institutions représentatives du personnel et les parties prenantes concernées de présenter leur avis sur les démarches de RSE des entreprises.
Du fait de la crise, les coupes budgétaires ont retardé le lancement de certaines mesures. Ces retours en arrière ont déçu un grand nombre d'acteurs. Face à la crise, le CESE estime pourtant qu'il conviendrait de relancer le processus du Grenelle afin de fonder un modèle de développement durable et d'économie verte , telle que définie par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement : une « économie qui entraine une amélioration du bien-être humain et de l'équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ».
B. BILAN DE L'APPLICATION DE CES DISPOSITIONS EN JANVIER 2013
Le titre VI de la loi Grenelle II relatif à la gouvernance nécessite trente-deux mesures d'application . Début janvier 2013, deux mesures restaient en attente de publication . Le taux d'application de ce titre s'établit ainsi à environ 93 %.
Le bilan quantitatif de l'application de ce titre est donc largement positif. Les décrets n'ont pas toujours été pris dans les délais initialement impartis, mais ont cependant été publiés dans un délai raisonnable, avec une accélération à partir de fin 2011, permettant ainsi la mise en oeuvre du texte.
Article de la loi Grenelle II |
Objet de la disposition |
Mesure réglementaire d'application |
Titre VI chapitre Ier, article 224 |
Article L.214-12 du code monétaire et financier : critères relatifs au respect d'objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance pris en compte dans la politique d'investissement des sociétés d'investissement à capital variable et les sociétés de gestion |
Décret n° 2012-132 du 30/01/2012 |
Titre VI chapitre Ier, article 225, I |
Article L.225-102-1 du code de commerce : Liste d'informations sur la manière dont les sociétés prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité |
Décret n° 2012-557 du 24/04/2012 |
Titre VI chapitre Ier, article 225, I |
Article L.225-102-1 du code de commerce : seuils au dessus desquels s'appliquent les alinéas 5 à 7 de l'article L.225-102-1 du code de commerce (RSE) |
Décret n° 2012-557 du 24/04/2012 |
Titre VI chapitre Ier, article 225, I |
Article L.225-102-1 du code de commerce : Vérification des informations sociales et environnementales fournies par les sociétés |
Décret n° 2012-557 du 24/04/2012 |
Titre VI chapitre Ier, article 228, II |
Article L.1431-3 du code des transports : champs et modalités d'application de l'obligation faite aux personnes qui commercialisent ou organisent une prestation de transport de personnes de fournir une information relative à la quantité de dioxyde de carbone émise |
Décret n° 2011-1336 du 24/10/2011 |
Titre VI chapitre II, article 230, 2° |
Article L.122-1 du code de l'environnement : seuils au dessus desquels les projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact |
Décret n° 2011-2019 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre II, article 230, 3° |
Article L.122-1-2 du code de l'environnement : contenu de l'avis sur le degré de précision des informations à fournir dans l'étude d'impact des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements |
Décret n° 2011-2019 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre II, article 230, 5° |
Article L.122-3 du code de l'environnement : modalités d'application de la réforme des études d'impact |
Décret n° 2011-2019 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre II, article 232, I, 8° |
Article L.122-4 du code de l'environnement : plans, schémas, programmes et documents qui font l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement |
Décret n° 2012-616 du 02/05/2012 |
Titre VI chapitre II, article 232, II |
Article L.122-5 du code de l'environnement : cas dans lesquels les modifications peuvent être soumises à évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement |
Décret n° 2012-616 du 02/05/2012 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-2 du code de l'environnement : conditions dans lesquelles les travaux, constructions et aménagements d'ouvrages militaires sont exclus du champ d'application des enquêtes publiques |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-2 du code de l'environnement : liste des projets de caractère temporaire ou de faible importance faisant l'objet d'une enquête publique au sens du code de l'environnement |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-4 du code de l'environnement : commission établissant dans chaque département la liste d'aptitudes des commissaires enquêteurs (décret en Conseil d'État non prévu par la loi) |
Décret n° 2011-1236 du 04/10/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-5 du code de l'environnement : conditions dans lesquelles les dispositions du premier alinéa de cet article (sur les critères commissaires enquêteurs) peuvent être étendues (art. R123-9) |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-10 du code de l'environnement : projets, plans ou programmes qui font obligatoirement l'objet d'une communication au public par voie électronique |
Décret n° 2011-2021 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-13 du code de l'environnement : conditions de participation du public à l'enquête par voie électronique |
Décret n° 2011-2021 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-17 du code de l'environnement : conditions de prorogation des enquêtes (art. R123-21) |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 236 |
Article L.123-19 du code de l'environnement : modalités d'applications du chapitre consacré aux enquêtes publiques |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 239, 1° |
Article L.11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : modalités des enquêtes publiques relevant des opérations d'expropriation pour cause d'utilité publique |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 240, III |
Article 2, loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique : modalités de l'enquête publique pour l'octroi par le préfet d'une autorisation pour les entreprises hydrauliques nouvelles (avec étude d'impact et enquête publique) |
Décret n° 2011-2019 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 241, III, 2° |
Article L. 411-1 du code forestier : conditions dans lesquelles les projets de travaux et ouvrages nécessaires au captage de l'eau dans les forêts de protection sont soumis à enquête publique ou à mise à disposition préalable du public |
Décret n° 2011-2018 du 29/12/2011 |
Titre VI chapitre III, article 244 |
Article L.120-1 du code de l'environnement : modalités de participation du public aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics |
Mesure d'application non nécessaire du fait de la réécriture de l'article L. 120-1 |
Titre VI chapitre IV, article 246, VI, 2° |
Article L.121-10 du code de l'environnement : plans et programmes susceptibles d'avoir une incidence importante en matière d'environnement, de développement durable ou d'aménagement du territoire pour lesquels le ministre chargé de l'environnement, conjointement avec le ministre intéressé, peut saisir la Commission nationale du débat public en vue de l'organisation d'un débat public |
Décret en Conseil d'État en attente de publication |
Titre VI chapitre IV, article 247, III |
Article L.125-2-1 du code de l'environnement : modalités de fonctionnement et composition de la commission de suivi que le représentant de l'État dans le département peut créer autour des installations classées ou dans les zones géographiques comportant des risques de pollution industrielle ou technologique |
Décret n° 2012-189 du 07/02/2012 |
Titre VI chapitre IV, article 248 |
Article L.125-8 du code de l'environnement : modalités de création par le préfet d'instances de suivi de la mise en oeuvre des mesures destinées à éviter, réduire et compenser les effets négatifs notables sur l'environnement des projets d'infrastructure linéaire soumis à étude d'impact |
Décret n° 2012-332 du 07/02/2012 |
Titre VI chapitre IV, article 249 |
Article L.141-3 du code de l'environnement : critères que doivent respecter les associations, organismes et fondations prenant part au débat sur l'environnement dans le cadre des instances consultatives en matière de développement durable |
Décret n° 2011-832 du 12/07/2011 |
Titre VI chapitre IV, article 249 |
Article L.141-3 du code de l'environnement : liste des instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d'environnement et de développement durable |
Décret n° 2011-833 du 12/07/2011 |
Titre VI chapitre IV, article 250, III |
Article L.4134-2 du code général des collectivités territoriales : nombre des représentants d'associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et des personnalités qualifiées faisant partie des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux |
Décret n° 2011-112 du 27/01/2011 |
Titre VI chapitre IV, article 251, I, 1° |
Article 16 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs : composition et attributions du conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité |
Décret n° 2012-253 du 21/02/2012 |
Titre VI chapitre VI, article 255, 1° |
Article L.2311-1-1 du code général des collectivités territoriales : contenu du rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement des communes de plus de 50.000 habitants |
Décret n° 2011-687 du 17/06/2011 |
Titre VI chapitre VI, article 255, 2° |
Article L.3311-2 du code général des collectivités territoriales : contenu du rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement du conseil général |
Décret n° 2011-687 du 17/06/2011 |
Titre VI chapitre VI, article 255, 3° |
Article L.4310-1 du code général des collectivités territoriales : contenu du rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement du conseil régional |
Décret n° 2011-687 du 17/06/2011 |
Titre VI chapitre VI, article 255, 4° |
Article L.4425-7 du code général des collectivités territoriales : contenu du rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant la collectivité de Corse |
Décret n° 2011-687 du 17/06/2011 |
Titre VI chapitre VII, article 257 |
Article L.121-35 du code de la consommation : modalités d'apposition des références sur les menus objets, échantillons, etc. |
Décret en attente de publication |
II. LES PRINCIPAUX APPORTS ET LIMITES DE CES DEUX LOIS EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE
A. LA GOUVERNANCE À CINQ
1. Participation des parties prenantes à différentes instances de concertation
Les dispositions des lois Grenelle I et II en la matière concernent essentiellement l'intégration des acteurs environnementaux dans les instances de gouvernance à cinq. Cela s'est traduit par la transformation du Conseil Économique et Social en Conseil Économique, Social et Environnemental avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 modifiant le titre XI. Le CESE a ainsi procédé à l'intégration de trente-trois nouveaux membres, représentant des organisations non gouvernementales ainsi que des personnalités qualifiées au titre de la protection de l'environnement. Le Grenelle a entraîné la réforme, sur le même modèle, des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
Vos rapporteurs se félicitent de la pérennisation du processus consultatif lancé par le Grenelle opérée avec la création du Conseil National du Développement Durable et du Grenelle de l'Environnement (CNDDGE), comité chargé d'assurer le suivi de la mise en oeuvre opérationnelle des engagements du grenelle et de participer à l'élaboration et au suivi de la Stratégie nationale du développement durable.
Le comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement Dès son lancement, le Grenelle de l'environnement a été doté d'un comité de suivi. Ce comité se réunit tous les deux mois à l'initiative du Gouvernement, avec les cinq collèges de la gouvernance du Grenelle : l'État, les collectivités territoriales, les employeurs, les organisations syndicales, les associations environnementales. L'ensemble des parties prenantes est ainsi tenue informée de l'avancement de la mise en oeuvre des engagements du Grenelle, et est associée à son suivi. Des concertations spécifiques ont également été organisées pour la préparation du Sommet de Copenhague, ou encore au sujet du schéma national des infrastructures de transport, ou de la Stratégie nationale de développement durable. Ce premier comité a été pérennisé par l'article 1 er de la loi Grenelle I et est alors devenu le Comité national du développement durable et du Grenelle Environnement (CNDDGE). Il reprend la composition organisée en cinq collèges, et y adjoint la présence de six représentants de personnes morales agissant dans les domaines de la famille, la défense des consommateurs, la solidarité, l'insertion sociale, la jeunesse et l'aide au développement, ainsi qu'un représentant des chambres consulaires. |
Le CNDDGE a été supprimé par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement et remplacé par le Conseil national de la transition écologique 2 ( * ) . Ce conseil a vocation à être consulté sur les projets de loi concernant l'environnement et l'énergie, ainsi que sur les stratégies nationales relatives au développement durable ou à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Il peut s'autosaisir de toute question d'intérêt national ayant trait à la transition écologique. Tout comme l'ancien CNDDGE, il est informé par le Gouvernement de l'avancement de la mise en oeuvre de cette transition écologique.
Il apparaît ainsi depuis les lois Grenelle I et II que l'existence de ce type de structures en gouvernance à cinq est nécessaire pour assurer à la fois l'information des publics concernés, et la recherche d'un consensus.
Vos rapporteurs se félicitent que l'intégration des parties prenantes aux différentes instances de concertation en matière de politique de l'environnement soit désormais la règle qui prévaut.
La participation des parties prenantes à l'élaboration des décisions concernant l'environnement a posé, dès le Grenelle, la question de la représentativité des acteurs conviés à la concertation. Vos rapporteurs ont pu constater, notamment au niveau local, que l'absence de représentativité des intervenants à des débats publics conduit généralement à des débats infructueux, voire à la possibilité pour des acteurs très minoritaires de paralyser des processus de décision.
2. La problématique de la représentativité des acteurs
a) La question de la représentativité au moment du Grenelle
Lors des tables rondes du Grenelle en 2007, les acteurs des cinq collèges ont mené une réflexion sur la représentativité des acteurs associatifs au sein du groupe de travail « construire une démocratie écologique : institutions et gouvernance ». Un des quatre grands objectifs retenus par le groupe a été d'encourager la reconnaissance des acteurs de l'environnement au sein de la société civile. Cela a conduit à donner aux ONG environnementales une place dans les institutions compétentes en matière d'environnement, et notamment au CESE, après une reconnaissance pleine et entière du pilier environnemental au sein du Conseil.
Par la suite, le Comité opérationnel 24 sur le thème « institutions et représentativité », dont le rapporteur était le député Bertrand Pancher, a cherché à définir des critères pour identifier les acteurs de l'environnement dans la société ainsi que des critères permettant leur reconnaissance comme représentatifs de l'intérêt général en matière d'environnement.
Le COMOP a identifié trois types d'acteurs lors de la concertation : des associations de type loi de 1901, des fondations, et des fédérations de chasse, de pêche, et autres usagers de la nature. Afin de définir des critères d'éligibilité pour participer aux instances de décision en matière d'environnement, le COMOP a procédé à de nombreuses auditions, et a conclu qu'une réforme de l'agrément était indispensable, l'agrément devant être la condition nécessaire mais non suffisante pour qu'un acteur environnemental soit considéré représentatif.
Une réflexion globale sur la représentativité a été menée. Le COMOP l'a définie comme le caractère d'un organe politique qui représente le peuple, ou le caractère d'une personne qui a qualité pour parler et agir au nom d'une autre. Les membres du comité opérationnel ont estimé que la représentativité au sens de l'article L. 133-2 du code du travail, valable pour les syndicats, avec des critères d'effectifs, d'indépendance, de cotisations, d'expérience et d'ancienneté du syndicat, et d'attitude patriotique pendant l'occupation, ne pouvait se transposer ici pour les associations environnementales. Leur objet est différent, les associations ayant ici pour but de défendre le bien commun environnemental. De même, la représentativité telle qu'issue des élections n'est pas transposable pour des acteurs associatifs.
Dès lors, le COMOP a estimé qu'il faut distinguer entre les trois types d'acteurs, les associations oeuvrant exclusivement pour la protection de l'environnement, les associations d'usagers de la nature, et les fondations reconnues d'utilité publique. Il a recommandé de prévoir un socle commun de critères pour les trois, afin d'identifier les acteurs pouvant prétendre à la représentativité, et ensuite une liste de critères sélectifs pour définir les acteurs éligibles à la participation aux instances de concertation :
• Socle commun de critères : activités
statutaires dans le domaine de la nature et de l'environnement, activité
depuis trois ans au moins, respect des statuts, activités
indépendantes de toute entité économique ou politique,
nombre suffisant de cotisants eu égard au cadre territorial de
l'activité, transparence et publication des comptes et du rapport
d'activité ;
• Critères complémentaires pour
l'éligibilité à la représentativité : valeur
associative et objet strictement environnemental, ancienneté et
activité « reconnue » (publications, ancienneté des
travaux), fonctionnement démocratique (statuts démocratiques, et
nombre de membres, implantation territoriale), indépendance dans le mode
de financement et d'organisation.
b) La représentativité des associations à la suite de la loi Grenelle II
Dans la loi Grenelle II, la réflexion sur la représentativité des associations s'est traduite de manière concrète à l'article 249.
Cet article dispose que les associations de protection de l'environnement, d'éducation à l'environnement ou d'usagers de la nature, ainsi que les fondations reconnues d'utilité publique ayant pour objet la protection de l'environnement, peuvent être désignées pour prendre part au débat sur l'environnement dans les instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d'environnement et de développement durable, sans préjudice des dispositions spécifiques au CESE.
Ces associations et fondations « doivent respecter des critères définis par décret en Conseil d'État eu égard à leur représentativité dans leur ressort géographique et le ressort administratif de l'instance consultative considérée, à leur expérience, à leurs règles de gouvernance et de transparence financière. »
Cet article a été mis en application par le décret du 12 juillet 2011 relatif à la réforme de l'agrément au titre de la protection de l'environnement et à la désignation des associations agréées, organismes et fondations reconnus d'utilité publique au sein de certaines instances.
Le texte s'applique à compter de sa parution aux nominations d'associations agréées dans les instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d'environnement et de développement durable, en application de l'article L. 141-3 du code de l'environnement. Ce décret n'a pas pour effet d'interrompre les mandats en cours des représentants d'associations agréées siégeant dans ces instances.
Les critères de représentativité retenus pour la désignation des associations agréées au sein des instances relatives à l'environnement sont énoncés à l'article R. 141-21 du code de l'environnement :
• représenter un nombre important de membres
pour les associations ou de donateurs pour les fondations reconnues
d'utilité publique, eu égard au ressort géographique de
leur activité. Deux conditions sont ici requises : justifier d'une
activité effective sur une partie significative du ressort
départemental, régional ou national pour lequel la demande est
présentée, et d'un nombre de membres ou donateurs
supérieur à un seuil minimal. Un délai a été
accordé jusqu'à fin 2014 pour le respect de ce critère.
D'ici là des associations agréées ne satisfaisant pas la
condition de représentativité quantitative peuvent continuer
à siéger dans les instances de concertation ;
• justifier d'une expérience et de savoirs
reconnus dans un ou plusieurs domaines de la protection de l'environnement,
illustrés par des travaux, recherches et publications reconnus et
réguliers, ou par des activités opérationnelles ;
• disposer de statuts, de financements ainsi que de
conditions d'organisation et de fonctionnement qui ne limitent pas leur
indépendance, notamment à l'égard des pouvoirs publics,
des partis politiques, des syndicats, des cultes, ou d'intérêts
professionnels ou économiques. Leurs ressources financières ne
doivent pas provenir principalement d'un même financeur privé ou
d'une même personne publique.
Une association ou fondation peut être agréée si elle justifie de ces éléments depuis trois ans au moins à compter de sa déclaration. L'agrément est délivré dans un cadre départemental, régional ou national pour une durée de cinq ans renouvelable.
Les agréments délivrés avant la publication du présent décret expirent le 31 décembre 2012 s'ils ont été délivrés avant 1990, et le 31 décembre 2013 s'ils ont été délivrés en 1990 ou postérieurement (article 2 du décret du 12 juillet 2011).
La procédure d'entrée d'acteurs associatifs au CESE a été quelque peu différente du dispositif choisi pour les autres instances de concertation.
Initialement, de nombreux acteurs du Grenelle se sont prononcés en faveur de l'entrée au CESE de soixante conseillers représentant les associations environnementales. Le dispositif final a été plus réduit. La loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental, dispose dans son article 7 que trente-trois conseillers environnementaux entreront au CESE, avec au total quatorze représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement, quatre représentants des usagers de l'environnement (chasseurs, pêcheurs), et quinze personnalités qualifiées, nommées par le gouvernement.
Le décret n° 2010-886 du 29 juillet 2010 relatif aux conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental a précisé que la représentativité des ONG serait établie « en fonction de leur objet statutaire, du nombre de leurs adhérents ou donateurs, de leur ancienneté, de leur expérience et de leur indépendance, du caractère démocratique de leur organisation et de leur fonctionnement, de leur champ d'intervention géographique et de leur activité. »
Un décret paru le 26 août 2010 au Journal officiel a rendu publique la liste des sept associations appelées à siéger au CESE. France Nature Environnement a obtenu six représentants. Ont été nommées deux personnes pour la Fondation Nicolas Hulot ainsi que pour la Ligue de protection des oiseaux. Les Amis de la Terre, la Ligue ROC, le Réseau action climat et Surfrider Foundation ont chacun un représentant.
c) Les débats autour de la représentativité des associations environnementales
Le décret du 12 juillet 2011 réformant la procédure d'agrément et définissant les critères de représentativité au sein des instances consultatives a suscité un certain nombre de débats lors de sa publication. Au niveau national, il faut à une association agréée deux mille cotisants répartis dans au moins six régions, et à une fondation cinq mille donateurs tout en exerçant son activité dans au moins la moitié des régions pour prétendre participer à une liste de commissions prédéfinies. Ces seuils excluent bon nombre d'associations, et notamment des associations d'experts ayant joué un rôle de lanceur d'alertes environnementales ces dernières années, comme par exemple Générations futures, le Cniid, ou encore le Réseau environnement santé.
Ces associations ont dénoncé le seuil retenu de deux mille cotisants, en s'appuyant sur l'idée que la légitimité d'une association ne se mesure pas uniquement par son nombre de membres mais par sa présence dans le débat public. Le décret favorise, selon ses détracteurs, le regroupement et l'absorption des petites associations par quelques grands acteurs et menacerait ainsi la diversité du monde associatif. Par ailleurs, il a été avancé que la notion de représentativité retenue est trop imprécise, laissant une large marge d'appréciation à l'autorité administrative.
A l'inverse, certains ont salué cette réforme de l'agrément et de la représentativité qui doit permettre de valoriser les associations ou fédérations qui oeuvrent réellement pour l'environnement et d'écarter les associations constituées uniquement dans des buts politiques ou financiers. L'association France Nature Environnement s'est dite satisfaite du texte, qui permet selon elle d'exclure les acteurs non représentatifs qui paralysent les travaux de concertation, notamment dans le cadre des CESER ou des débats publics. FNE espère que cette réforme contribuera à faire émerger des partenaires environnementaux, de la même manière que le Grenelle de 1968 avait institutionnalisé les partenaires sociaux.
Face aux critiques adressées au décret de juillet 2011, le ministère de l'écologie a à l'époque indiqué que le texte final était le fruit de la concertation du Grenelle et du COMOP, dans le cadre desquels une large concertation avec les ONG a été menée. Par ailleurs, ce texte était nécessaire pour que la voix des associations soit entendue et que les accusations d'illégitimité à leur encontre cessent. L'objectif réaffirmé est de faire des associations environnementales des partenaires de poids dans le dialogue écologique.
En l'état actuel de la réglementation, les associations expertes ont jusqu'à 2014 pour atteindre le seuil de deux mille cotisants. Cependant, rien n'empêche à l'heure actuelle que des représentants de ces associations expertes entrent dans les instances de concertation au titre de personnalités qualifiées.
d) La feuille de route de la conférence environnementale et la représentativité des associations
La conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers a été l'occasion de revenir sur cette problématique de la représentativité des acteurs environnementaux prenant part aux instances de concertation, au niveau national comme au niveau local.
La feuille de route gouvernementale pour la transition écologique du 20 septembre 2012 contient plusieurs mesures relatives aux ONG environnementales.
En matière de représentativité, « un groupe de travail sera constitué sur les conditions préalables, notamment en termes de représentativité, et les modalités de mise en oeuvre de la reconnaissance de l'engagement des bénévoles des associations oeuvrant en matière d'environnement et de développement durable, notamment par le biais d'un mandat environnemental pour certains bénévoles associatifs exerçant une activité professionnelle ».
Les conclusions de ce groupe de travail doivent être remises au Gouvernement au printemps 2013, dans l'optique d'une mise en oeuvre en septembre 2013. Ces conclusions doivent être une réponse aux critiques élevées à l'encontre des décrets et arrêtés parus en juillet 2011 et réformant les conditions de représentativité et d'agrément des associations environnementales.
Une réflexion sera également lancée sur le rôle des CESER et la représentativité des acteurs environnementaux en leur sein. La feuille de route indique ainsi qu'en « concertation avec les parties prenantes, notamment les régions, le gouvernement engagera une réflexion sur l'évolution des missions des CESER (conseils économiques, sociaux et environnementaux) pour qu'ils deviennent des instances de suivi en région de la conférence environnementale » .
Cette réflexion doit aussi porter sur le rééquilibrage de la représentation des associations oeuvrant en matière d'environnement. Les CESER comprennent aujourd'hui, selon leur taille, entre quatre et six acteurs environnementaux. Ce chiffre représente une proportion d'environ 5% de membres, contre 14% au CESE national.
Vos rapporteurs sont convaincus de la nécessité de cette remise à plat. Le système actuel n'est pas encore satisfaisant, en particulier au niveau local. Les politiques environnementales touchent une multitude des sujets, ce qui rend parfois difficile de trouver des experts généralistes. La spécialisation des experts ou des associations ne pose pas de problème au niveau national. Cependant, au niveau des territoires, il s'avère parfois compliqué de trouver des intervenants représentatifs pour intervenir dans le cadre des nombreux débats publics ou procédures de consultation sur les nombreux sujets qu'englobent les politiques d'environnement et de développement durable.
3. La déclinaison locale du dispositif
Concernant les collectivités locales, les lois Grenelle I et II contiennent un certain de dispositions relatives à la gouvernance. L'article 255 de la loi Grenelle II impose de nouvelles obligations aux collectivités en matière de responsabilité sociale et environnementale. Cet article a été mis en oeuvre par le décret n°2011-687 du 17 juin 2011 relatif au rapport sur la situation en matière de développement durable dans les collectivités, et sa circulaire d'application du 3 août 2011. Dans les communes et EPCI de plus de 50 000 habitants, un rapport portant sur le développement durable doit désormais être débattu préalablement au vote du budget, à compter de la préparation du budget 2012. Environ cinq cents collectivités et EPCI sont concernés par cette obligation.
Le réseau Teddif (territoires, environnement et développement durable en Île-de-France) 3 ( * ) a publié en septembre dernier une étude évaluant la qualité des premiers rapports de développement durable des collectivités franciliennes.
Quatre-vingt-quatorze collectivités sont concernées dans la région. Une dizaine a rédigé un rapport en 2012. Ces dix rapports ont été analysés par le réseau Teddif. Ce faible nombre s'explique probablement en partie par la publication tardive du décret et de la circulaire d'application, ainsi que par la nouveauté de l'exercice et les interrogations sur la méthodologie à suivre.
L'étude conclut que l'élaboration de ces rapports sur le développement durable a permis une sensibilisation des élus aux enjeux environnementaux et un rappel des obligations issues du Grenelle. Cependant, dans certains cas, ce rapport a été perçu comme une contrainte supplémentaire ou comme une simple formalité préalable au débat sur le projet de budget. L'étude déplore enfin le manque de chiffres et d'indicateurs de suivi.
Il convient toutefois, pour réaliser un bilan de la mise en oeuvre de cette nouvelle obligation s'imposant aux collectivités territoriales, d'attendre quelques années encore afin de disposer du recul nécessaire et d'un nombre de rapports suffisants pour procéder à une analyse plus représentative de l'impact de cette nouvelle mesure.
En matière de gouvernance à cinq, le Grenelle de l'environnement a été décliné localement dans ce qui a été baptisé le « Grenelle territorialisé ». La circulaire du 23 mars 2009 indique que pour organiser la concertation et coordonner les actions, les préfets peuvent choisir entre trois modalités. Ils peuvent mettre en place des comités régionaux « agenda 21 », un comité régional de suivi du Grenelle, sur le modèle de celui qui existe au niveau national, ou bien toute autre assemblée qui réunisse les cinq collèges.
En 2010, cinq régions 4 ( * ) ont signé une convention de mise en oeuvre du Grenelle. Une majorité de régions, quatorze au total, a opté pour la réunion périodique d'un comité de suivi de la territorialisation du Grenelle, sur le modèle du comité national. Ces comités peuvent prendre différentes formes : conférence annuelle, extension des compétences de l'ancien comité Agenda 21, comité des maîtres d'ouvrage et comité des utilisateurs, comité spécifique s'appuyant sur des groupes thématiques.
Les circulaires successives du Gouvernement des 23 mars 2009, 21 juin 2010 et 23 mars 2011, traduisent une certaine difficulté à faire vivre le dispositif ou tout au moins à l'appliquer de façon égale sur les territoires. Il en ressort que la mise en place d'une gouvernance partagée sur la territorialisation du Grenelle en est à un stade d'avancement très variable en fonction des régions.
Le bilan de la territorialisation des méthodes de gouvernance issues du Grenelle est donc encore mitigé, les collectivités territoriales ayant bien intégré cette nouvelle exigence de concertation et de participation, mais les structures existantes présentant souvent des doublons ou des inefficacités.
B. INFORMATION ET PARTICIPATION DU PUBLIC
1. Consultation du public sur les décisions réglementaires et réforme du débat public
Les lois Grenelle ont intégralement refondé la législation en matière d'études d'impact et d'enquêtes publiques 5 ( * ) :
• la loi prévoit ainsi la possibilité
d'un examen au cas par cas de la nécessité de soumettre un projet
à étude d'impact, et donc à enquête publique, si
l'autorité environnementale estime que le projet est susceptible d'avoir
des incidences notables sur l'environnement ;
• si une enquête publique a lieu, le
responsable de projet peut organiser une concertation préalable à
l'enquête publique. Le maître d'ouvrage d'un projet peut par
ailleurs demander à l'autorité compétente le degré
de précision des informations à fournir dans l'étude
d'impact, selon la procédure dite de « cadrage
préalable » ;
• lors de l'enquête publique, l'avis de
l'autorité environnementale sur l'étude d'impact du maître
d'ouvrage figure dans le dossier d'enquête, conformément à
l'objectif d'information du public.
La loi Grenelle II simplifie considérablement le droit des enquêtes publiques, réduites à deux catégories principales, contre cent-quatre-vingts précédemment : l'enquête à finalité principalement environnementale régie par le code de l'environnement, dite « enquête Bouchardeau », et l'enquête d'utilité publique classique régie par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
La loi améliore également de manière concrète les conditions de la participation du public, en prévoyant l'utilisation d'internet, ou encore la possibilité d'utiliser une enquête unique lorsque plusieurs enquêtes sont exigées pour un même projet.
L'article 244 de la loi Grenelle II institutionnalise la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics quand ces dernières ont une influence directe et significative sur l'environnement. Cet article a été codifié à l'article L. 120-1 du code de l'environnement.
Enfin, l'article 246 de la loi Grenelle II rénove les conditions d'organisation du débat public et de recours à la Commission nationale du débat public. Le ministre chargé de l'environnement peut saisir la Commission en vue de l'organisation d'un débat public sur les options générales d'intérêt national en matière d'environnement, de développement durable ou d'aménagement. La liste des projets dont la Commission est saisie doit être fixée par décret en Conseil d'État.
Une partie des mesures réglementaires nécessaires à l'application de ces dispositions a été prise à la toute fin de l'année 2011. Ainsi, les décrets n° 2011-2018, n° 2011-2019 et n° 2011-2021 du 29 décembre 2011 organisent les modalités pratiques de mise en oeuvre des enquêtes publiques. En revanche, le décret en Conseil d'État relatif à la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires environnementales de l'État n'a jamais été publié, faute selon le ministère de s'être avéré nécessaire. De la même manière, le décret définissant la liste des plans et programmes sur lesquels le Ministre peut saisir la Commission nationale du débat public n'a toujours pas été publié, plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi.
2. Une réforme récente de la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement
La participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires environnementales de l'État et des autres personnes publiques a récemment été révisée, afin de tenir compte de décisions récentes du Conseil constitutionnel. L'article L. 120-1 du code de l'environnement, introduit à l'occasion de la loi Grenelle II, a en effet fait l'objet d'une censure du Conseil.
Cet article s'applique lorsqu'aucun autre dispositif particulier de participation n'est prévu, de type enquête publique par exemple. L'article L. 120-1 prévoit que les décisions ayant « une incidence directe et significative sur l'environnement » sont soumises à participation. Deux modalités de participation sont prévues :
• dans le cas où la saisine d'un organisme
consultatif est obligatoire, le projet de décision fait l'objet d'une
publication, avant d'être transmis à cet organisme pour avis.
• si la consultation d'un tel organe n'est pas
prévue, le projet de décision est publié par voie
électronique, et le public formule des observations.
De manière dérogatoire, la procédure de participation du public peut ne pas s'appliquer lorsque l'urgence justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public ne permet pas son organisation, ou ne la permet que dans des délais réduits.
Le Conseil constitutionnel, se prononçant à l'occasion d'une QPC déposée par l'association France Nature Environnement, a censuré cet article. Il a relevé que les dispositions de l'article L. 120-1 relatives aux modalités générales de participation du public limitent la procédure de participation aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics. Or, aucune autre disposition législative générale n'assure, en l'absence de dispositions particulières, la mise en oeuvre de ce principe à l'égard de leurs décisions non réglementaires qui peuvent avoir une incidence directe et significative sur l'environnement. Il a donc jugé que, du fait de cette limitation, le législateur a privé de garanties légales l'exigence constitutionnelle prévue par l'article 7 de la Charte de l'environnement. Il a dès lors déclaré contraire à la Constitution l'article L. 120-1, sans examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cet article.
Les effets de la décision ont été reportés au 1 er septembre 2013 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée.
Le nouveau dispositif a été introduit par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement .
Le champ d'application de l'article, actuellement limité aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est désormais étendu à l'ensemble de leurs décisions autres qu'individuelles. Cela comprend l'intégralité des décisions réglementaires, ainsi que les décisions d'espèce. Les dispositions de l'article L. 120-1 conservent toutefois leur caractère supplétif et ne s'appliquent qu'en l'absence de procédure particulière de participation du public.
Le critère d'incidence « directe et significative » du projet de décision sur l'environnement est abandonné : il suffira désormais que la décision ait une incidence sur l'environnement pour qu'elle soit soumise au principe de participation du public.
Une procédure permettant de recueillir directement les observations du public devra être suivie en toutes circonstances, avec publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues.
À titre expérimental, une plateforme informatique permettra de rendre publiques et accessibles par tous les observations déposées par les contributeurs sur certains projets de décrets ou arrêtés.
La loi renvoie à une ordonnance le soin d'organiser la participation du public à l'élaboration des décisions non réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics ainsi qu'à toutes les décisions des autres personnes publiques, collectivités territoriales comprises, ayant une incidence sur l'environnement.
Cet aménagement du dispositif initialement créé par la loi Grenelle II doit permettre sa pleine et entière mise en application, dans le respect des exigences constitutionnelles.
La mise en oeuvre du nouvel article L. 120-1 du code de l'environnement ne nécessitera pas de mesure réglementaire d'application.
C. RESPONSABILITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE DES ENTREPRISES
1. Le décret relatif à la RSE : un cas d'école en matière de non respect des objectifs initiaux de la loi par le décret d'application
La Commission européenne a annoncé dans une communication du 25 octobre 2011 la nouvelle stratégie de l'Union Européenne en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE).
La RSE y est définie comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société » . Pour s'acquitter de cette responsabilité, la Commission indique que les entreprises doivent engager « en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l'homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base » .
Cette définition correspond à la vision de la RSE défendue par la France depuis la loi Nouvelles Régulations Économiques (NRE) du 15 mai 2001. Avec la loi Grenelle II, le législateur a souhaité étendre le dispositif de reporting social et environnemental à des entreprises non cotées. Toutefois, les débats suivant le vote de la loi et le retard conséquent dans la publication du décret ont fait craindre une application limitée de ces nouvelles dispositions.
a) Le dispositif de RSE dans le cadre du Grenelle
Lors du Grenelle de l'environnement, la table ronde n° 4, « instaurer une démocratie écologique », a insisté sur la nécessité d'impliquer dirigeants et salariés des entreprises dans la démarche RSE, et de responsabiliser les conseils d'administration et instances de direction sur ces sujets.
Un des objectifs retenus était de s'assurer que les entreprises déjà concernées par les obligations de reporting RSE dans le cadre de l'application de la loi NRE, i.e. les entreprises cotées sur un marché réglementé, assument pleinement leurs responsabilités en la matière. Le groupe recommandait d'étendre le périmètre des entreprises soumises aÌ cette obligation, en fonction de seuils aÌ définir.
La table ronde a préconisé d'introduire dans les rapports annuels des entreprises des informations relatives aux politiques de développement durable et aux risques ESG (environnemental, social, gouvernance) et d'informer le conseil d'administration et l'assemblée générale des actionnaires sur ces questions.
Les obligations de reporting environnemental issues de la loi NRE La loi NRE du 15 mai 2001 impose dans son article 116 aux quelques sept cents entreprises françaises cotées sur le marché de rendre compte dans leur rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale au travers de leur activité. Cet article 116 crée un article L. 225-102-1 dans le code de commerce, qui prévoit que ce rapport « comprend également des informations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. » Cette obligation ne s'applique pas aux sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marcheì réglementé. Ces dispositions ont pris effet à compter de la publication du rapport annuel portant sur l'exercice ouvert au 1er janvier 2002. |
L'article 225 de la loi Grenelle II, conformément aux préconisations de la table ronde du Grenelle, a étendu le dispositif de reporting issu de l'article 116 de loi NRE selon deux axes :
•
élargissement du champ d'application
du dispositif aux sociétés non cotées
dont le
total de bilan ou de chiffre d'affaires et le nombre de salariés
dépassent des seuils fixés par décrets ;
•
extension du champ des
informations
devant figurer dans le rapport de gestion.
L'article 225 prévoit par ailleurs la vérification des informations fournies dans le rapport par un organisme tiers indépendant.
La fixation des seuils de déclenchement du dispositif est renvoyée à un décret d'application. Le Comité opérationnel « entreprises et RSE » avait toutefois déjà réfléchi au sujet. Un consensus à la majorité avait été trouvé pour rendre obligatoire le rapport RSE à toutes les entreprises de plus de cinq cents salariés dont le total de bilan annuel était supérieur à quarante-trois millions d'euros, soit l'un des trois seuils européens de la PME.
b) Un retard d'application significatif et de nombreux reculs
La loi Grenelle II et son article 225 ont été votés en juillet 2010. La consultation publique sur le projet de décret a été organisée en mars 2011. Le décret d'application n'a cependant été publié que le 24 avril 2012. Dans l'intervalle, sous l'influence des groupes de pression, un certain nombre de reculs par rapport au texte initial ont été opérés.
Les actions de lobbying des associations patronales ont conduit à une première entorse aÌ l'article 225 de la loi Grenelle II avec le vote de la loi de régulation bancaire et financière adoptée en octobre 2010. Cette loi a supprimeì la possibilité pour les institutions représentatives du personnel et les parties prenantes d'émettre un avis sur le volet développement durable du rapport annuel des sociétés anonymes aÌ leurs actionnaires.
Le lobbying a ensuite visé à rehausser les seuils de déclenchement de l'obligation de reporting social et environnemental afin de réduire le nombre d'entreprises concernées par la réforme.
L'article 10 de la proposition de loi Warsmann sur la simplification du droit et l'allègement des démarches administratives prévoyait que le décret en Conseil d'État nécessaire pour l'application de l'article 225 de la loi Grenelle II établisse deux listes précisant les informations sociales et environnementales à fournir selon que la société est ou non cotée. Le même article proposait que la société mère puisse effectuer le reporting RSE à la place de ses filiales françaises dépassant les seuils.
Suite au rejet du texte par le Sénat le 10 janvier 2012 et à l'échec de la commission mixte paritaire le 18 janvier, la proposition de loi Warsmann a finalement été définitivement adoptée le 29 février 2012 par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
En matière de reporting social et environnemental, son article 12, anciennement article 10, établit une double liste d'informations à publier, en fonction du critère de cotation de l'entreprise, distinction qui constitue un recul par rapport au Grenelle. La loi entérine par ailleurs le report d'un an d'application de la loi, et permet aux filiales concernées par les seuils de ne pas publier de rapport autonome, si leur maison mère publie dans son rapport des informations détaillées filiale par filiale. Cette dernière disposition est considérée par certains comme un point positif, dans la mesure où cela permettra de disposer de toute l'information RSE d'un groupe dans un seul et même rapport. Il s'agit malgré tout un recul par rapport à l'ambition initiale de la loi Grenelle II.
c) Le décret du 24 avril 2012
Conformément à l'article 225 de loi Grenelle II, le décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale détermine les seuils de chiffre d'affaires ou de bilan et d'effectif de salariés qui déclenchent l'obligation de reporting RSE pour les sociétés non cotées. Il fixe également la liste des informations requises, et détermine les conditions de vérification des informations par des organismes tiers indépendants.
Les seuils de déclenchement du dispositif sont fixés à cent millions d'euros pour le total du bilan ou le montant net du chiffre d'affaires, et à cinq cents pour le nombre de salariés permanents employés au cours de l'exercice 6 ( * ) .
Les éléments devant figurer au rapport du conseil d'administration ou du directoire sont détaillés à l'article R. 225-105 code de commerce :
• le rapport doit présenter les actions et
orientations menées par l'entreprise, et par ses filiales ou
sociétés qu'elle contrôle le cas échéant,
afin de prendre en compte les conséquences sociales et environnementales
de son activité et s'engager en faveur du développement durable
;
• il présente les données de l'exercice
clos et éventuellement de l'exercice précédent pour
pouvoir comparer l'évolution de son action ;
• si certaines données RSE ne peuvent
être produites, la société doit fournir les explications
qui justifient leur absence.
L'article R. 225-105-1 du code de commerce fixe la liste des informations sociales et environnementales devant être fournies par les entreprises se situant au-dessus des seuils fixés. Ces informations comprennent notamment la politique générale de l'entreprise en matière environnementale, la gestion des déchets et de la pollution, l'utilisation durable des ressources, le changement climatique (gestion des gaz à effet de serre), la protection de la biodiversité, l'impact territorial, économique et social de l'activité, les relations entretenues avec les établissements d'enseignement, les associations d'insertion, de riverains etc., et la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la politique d'achat auprès des fournisseurs.
Les sociétés cotées doivent mentionner des informations complémentaires dans leur rapport (art. R. 225-105-1 code de commerce).
La vérification des informations par un organisme tiers indépendant est prévue à l'article R. 225-105-2 du code de commerce. L'organisme est désigné par le directeur général ou le président du directoire pour une durée maximale de six exercices, parmi les organismes accrédités par le COFRAC. La vérification opérée donne lieu à un rapport qui atteste de la présence de toutes les informations sociales et environnementales nécessaires, ou indique les lacunes injustifiées le cas échéant. Le rapport comprend aussi un avis motivé sur la sincérité des données fournies par le rapport de gestion.
Le décret du 24 avril 2012 prévoit une entrée en vigueur progressive des différentes dispositions selon la taille des entreprises.
Concernant la date à laquelle les données sociales et environnementales seront exigées dans le rapport de gestion de l'entreprise, le calendrier d'entrée en vigueur est le suivant :
• pour les sociétés cotées,
application du dispositif aux exercices ouverts après le 31
décembre 2011 ;
• pour les sociétés non cotées
dont le bilan ou chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros, et dont
le nombre de salariés est supérieur à 5 000, application
aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011 ;
• pour les sociétés non cotées
dont le bilan ou chiffre d'affaires dépasse 400 millions d'euros et dont
le nombre de salariés dépasse 2 000, application aux exercices
ouverts après le 31 décembre 2012 ;
• pour les sociétés non cotées
dont le bilan ou chiffre d'affaire dépasse 100 millions d'euros et dont
le nombre de salariés dépasse 500, application aux exercices
ouverts après le 31 décembre 2013.
Concernant l'obligation de vérification des informations par un organisme tiers, les dates d'entrée en vigueur sont les suivantes :
• pour les sociétés cotées,
application à partir de l'exercice ouvert après le 31
décembre 2011 ;
• pour les sociétés non cotées,
application à partir de l'exercice clos au 31 décembre 2016.
L'attestation indiquant que toutes les informations exigées sont bien fournies est due dès le premier exercice au titre duquel les entreprises doivent produire leurs données RSE.
Le décret d'application sur la RSE constitue un recul manifeste par rapport au texte initial . Le seuil en termes d'effectifs de l'entreprise a certes été fixé à 500 salariés, et non 5 000 comme les organisations patronales le souhaitaient, et les informations sociales et environnementales à fournir dans le rapport de gestion sont conséquentes. Toutefois, en matière de total de bilan ou de chiffre d'affaire, le seuil retenu est de 100 millions d'euros. Il est ainsi deux fois plus élevé que ce que le COMOP préconisait. Le décret n'a par ailleurs rien changé quant à l'entrée en vigueur fortement retardée du dispositif. De nombreuses associations ont également déploré le choix retenu de distinguer entre sociétés cotées et non cotées.
L'adoption de ce décret a été marquée par un abandon ponctuel des pratiques de gouvernance à cinq et un retour à une logique de lobbying et de relations bilatérales.
Cette mesure offre ainsi un cas d'école en matière de distorsion de l'esprit et de la lettre d'un texte de loi par le pouvoir réglementaire.
2. Un nouveau décret RSE en préparation
La feuille de route pour la conférence environnementale comporte plusieurs mesures concernant la RSE et le reporting extra-financier, dont notamment la création d'une plateforme d'actions globale et d'une mission tripartite (entreprises, syndicats et ONG) sur la RSE. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé la révision du décret d'application de l'article 225 du Grenelle II, ainsi que la publication de l'arrêté sur les organismes tiers chargés de la vérification des informations extra-financières fournies par les entreprises.
La plateforme d'actions globale sur la RSE sera mise en place, sous le pilotage du Premier ministre, en vue d'encourager un développement plus ambitieux de la RSE. Cette plateforme fait suite à la demande, en juillet 2012, de seize organisations patronales (Medef, CGPME, Afep), syndicale (CFDT) et associatives (Sherpa, CCFD-Terre solidaire) de mise en place d'une plateforme nationale de dialogue et de concertation sur la RSE.
La conférence environnementale a également été l'occasion d'acter la suppression, dans le décret du 24 avril 2012, du critère tiré de la cotation ou non des entreprises, non pertinent au regard des objectifs de la loi. Plusieurs organisations syndicales et associatives avaient dénoncé la création de cette double liste. Le Conseil d'État s'était également prononcé défavorablement sur ce point, estimant que la double liste créerait une rupture d'égalité devant la loi. En clôture de la conférence environnementale, le Premier ministre a indiqué que la distinction entre sociétés cotées et non cotées serait remplacée par un critère plus pertinent lié à la taille des entreprises.
Concernant l'arrêté, prévu par le décret du 24 avril 2012, relatif aux organismes tiers indépendants chargés de vérifier les informations sociales et environnementales contenues dans le rapport RSE des entreprises, sa publication doit intervenir dans les mois à venir. Une consultation des parties prenantes sur ce projet d'arrêté est en cours. Elle est organisée conjointement par le ministère de la justice et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, du 21 décembre 2012 au 21 janvier 2013.
Ainsi, la révision du décret du 24 avril 2012 est en cours. Cette réécriture devrait permettre de replacer le texte dans le cadre des objectifs initiaux de la loi Grenelle II. Une certaine vigilance devra toutefois être maintenue sur l'élaboration de cette mesure d'application. Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer, même si c'est aujourd'hui en voie d'amélioration, qu'il n'y ait toujours pas de décret opérationnel près de trois ans après vote de la loi, sur un sujet aussi important que la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.
3. La responsabilité environnementale des sociétés-mères envers leurs filiales
a) L'article 227 de la loi Grenelle II
En marge de la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, le titre VI de la loi Grenelle II relatif à la gouvernance modifie également significativement le droit applicable aux groupes de sociétés. L'article 227 comporte des dispositions concernant la responsabilité environnementale des sociétés-mères vis-à-vis de leurs filiales et leurs obligations de remise en état.
Cet article modifie ainsi notamment l'article L. 512-17 du code de l'environnement, créant une responsabilité des sociétés-mères en matière de remise en état des sites, quand la société-mère a contribué à l'insuffisance d'actifs de la filiale en situation de liquidation judiciaire :
« Lorsque l'exploitant est une société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le représentant de l'Etat dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l'existence d'une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu'une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites en fin d'activité. [...] »
L'article L. 512-17 du code de l'environnement crée donc un régime de responsabilité de la société-mère pour le financement de la remise en état des sites en fin d'activité, en cas de faute caractérisée commise par la société-mère ayant contribué à une insuffisance d'actifs de sa filiale. On se situe ici dans le droit des installations classées, selon lequel il incombe au dernier exploitant d'une installation classée de réhabiliter le site après son départ et de prendre les mesures de surveillance environnementales nécessaires.
Trois conditions sont requises pour rechercher la responsabilité financière des sociétés-mères :
• la filiale doit être détenue à
plus de 50% par la société-mère (article L.233-1 du code
du commerce) ;
• la filiale doit faire ou avoir fait l'objet d'une
procédure de liquidation judiciaire ;
• le liquidateur, le ministère public ou le
préfet doivent saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la
liquidation pour faire établir l'existence d'une faute
caractérisée commise par la société-mère,
faute ayant contribué à une insuffisance d'actifs de la filiale.
Le tribunal prononce la prise en charge par la
société-mère de tout ou partie du coût financier de
la remise en état des sites.
Dans le cas où la société-mère serait elle-même dans l'impossibilité financière de prendre à sa charge les obligations de remise en état de sa filiale, le tribunal peut demander à la société grand-mère d'assumer cette obligation, si une faute de la société grand-mère a contribué à l'insuffisance d'actifs de la société-mère.
Un décret d'application avait dans un premier temps été annoncé, le Secrétariat Général du Gouvernement jugeant ultérieurement que les dispositions de l'article 227 étaient directement applicables.
b) La mise en application de cette mesure
Aucune action en justice n'a a priori été intentée pour l'heure sur la base de l'article 227 de la loi Grenelle II. Les conditions de mise en oeuvre de l'article sont en effet très restrictives.
Le texte exige la démonstration préalable d'une faute caractérisée, démonstration particulièrement difficile à réaliser. Une telle exigence n'existe pas en droit commun de la responsabilité civile, et la notion de faute caractérisée ne peut à l'heure actuelle être trouvée que dans le cadre de la responsabilité médicale prévue par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades dite « loi Perruche ».
Par ailleurs, la notion d'insuffisance d'actif et de contribution de la maison-mère à la création de cette insuffisance est un critère ne présentant aucun lien avec le préjudice environnemental, mais ressortissant plutôt à la notion de direction de fait de la société-mère sur sa filiale.
L'obligation d'engager une action identique, avec les mêmes critères de recevabilité, à chaque niveau de détention du capital multiplie les difficultés pour parvenir à la prise en charge de la réparation du dommage environnemental par une société solvable. Rien ne permet aujourd'hui en droit d'empêcher que les groupes de société multiplient les sociétés écrans pour atteindre un degré de parenté les mettant à l'abri de toute action en responsabilité.
c) La réflexion en cours sur le préjudice écologique
L'article 227 de la loi Grenelle II a posé les fondations de la responsabilité environnementale des groupes de sociétés. Vos rapporteurs considèrent qu'il s'agit là d'une avancée importante. Les groupes ne doivent pas échapper à leur responsabilité environnementale, par le biais de filiales gérant des sites pollués avant de les laisser à l'abandon, laissant le coût de dépollution à la charge de l'État. Toutefois, la mise en application concrète de l'article 227 semble aujourd'hui particulièrement difficile, du fait de conditions de reconnaissance de responsabilité très restrictives.
Une modalité intéressante d'aménagement de cette responsabilité environnementale pourrait être de réduire la responsabilité de chaque société à la seule pollution dont elle est à l'origine, en lui permettant d'apporter la preuve de la responsabilité du ou des exploitants l'ayant précédée. La responsabilité serait ainsi calculée prorata temporis .
En tout état de cause, une réflexion est actuellement en cours sur l'intégration du préjudice écologique au régime de responsabilité civile. La notion de préjudice écologique trouve un écho à l'article 4 de la Charte de l'environnement de 2004, lequel dispose que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi » . Le principe a été progressivement consacré par la jurisprudence.
Le naufrage de l'Erika a constitué une véritable avancée juridique avec la reconnaissance par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 30 mars 2010 d'un « préjudice écologique résultant d'une atteinte aux actifs environnementaux non marchands, réparables par équivalent monétaire » . Cet arrêt a été confirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 septembre 2012.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs reconnu, dans une décision du 8 avril 2011, l'existence d'un principe général concernant le devoir de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement.
Les ministres de l'écologie et de la justice ont mis en place fin 2012 un groupe de travail afin d'intégrer la notion de préjudice écologique au code civil. Une proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau doit par ailleurs être examinée au Sénat prochainement afin de créer un article 1382-1 du code civil relatif au préjudice écologique.
III. DU GRENELLE À LA CONFÉRENCE ENVIRONNEMENTALE : RUPTURE ET CONTINUITÉ
A. LE RAPPORT WAHL : UNE RÉFLEXION MENÉE SUR LES INDICATEURS DE MESURE DES AVANCÉES DU GRENELLE
En vue de préparer les travaux de la conférence environnementale qui s'est déroulée les 14 et 15 septembre 2012, le ministère de l'Ecologie a commandé à l'inspecteur général des finances, Thierry Wahl, un rapport sur le Grenelle de l'environnement. L'objectif était d'établir un diagnostic et de « mettre en perspective, sur la base des indicateurs les plus significatifs mais en nombre limité, les résultats obtenus par rapport à la trajectoire souhaitable pour atteindre les objectifs ».
Le rapport propose au total vingt-neuf indicateurs. Ceux-ci mesurent les résultats obtenus pour atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement et les efforts restant à accomplir d'ici 2020. Ces indicateurs ont fait l'objet et ont tenu compte des observations et commentaires des membres du Comiteì national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE).
Les indicateurs témoignent pour l'heure d'un bilan de mise en application du Grenelle contrasté. Le rapport ne se penche toutefois pas sur l'impact de la crise économique et financière sur les résultats obtenus.
Le titre VI de la loi Grenelle II relatif à la gouvernance se prêtait peu, par définition, à l'établissement d'indicateurs quantitatifs. Cependant, les parties prenantes consultées dans le cadre du CNDDGE ont rappelé à l'occasion de l'examen des indicateurs leur attachement à l'association des partenaires tout au long des procédures d'analyse et de décision, tant au plan national que territorial.
Le rapport Wahl marque donc une évolution dans l'évaluation de l'application des deux lois Grenelle. Il illustre la volonté d'affiner l'approche de l'application de la loi par des indicateurs en nombre réduit. Il témoigne enfin d'une volonté d'associer les parties prenantes, dans une forme de gouvernance rappelant le Grenelle, à l'établissement et à l'analyse de ces indicateurs.
Ce travail de bilan a servi de base lors de la conférence environnementale.
B. LA CONFÉRENCE ENVIRONNEMENTALE DES 14 ET 15 SEPTEMBRE 2012
La conférence environnementale a été organisée les 14 et 15 septembre derniers, sous le pilotage du ministère de l'écologie, dans le but de définir les voies et moyens de la mutation vers un nouveau modèle de développement durable.
Afin d'assurer un dialogue environnemental de qualité, et dans la droite ligne du Grenelle, la conférence environnementale associe les acteurs de la société civile : associations environnementales, syndicats, entreprises, représentants des élus locaux, parlementaires.
Cinq thèmes étaient à l'ordre du jour : l'énergie, la biodiversité, les risques pour la santé, le financement de la transition et la gouvernance. Le but était de fixer les objectifs dans chacun des domaines abordés, ainsi que l'agenda et les moyens pour les atteindre.
Étaient en particulier au coeur des discussions la question de la méthode du grand débat national sur la transition énergétique, en vue de la rédaction d'un projet de loi de programmation, et celle des débats sur la biodiversité, afin de présenter au Parlement une loi-cadre sur le sujet courant 2013.
La conférence environnementale doit être un exercice annuel, afin de garantir l'information et la participation des parties prenantes, ainsi que l'évaluation continue de l'avancée des mesures prises.
La conférence s'est conclue par l'établissement d'une feuille de route gouvernementale traduisant les engagements du Gouvernement à l'issue des travaux des différentes tables rondes.
Concernant la gouvernance, la conférence a fait le constat selon lequel la réussite de la transition écologique implique une mutation profonde de l'ensemble de nos modèles tant économique que social. Dès lors, la mobilisation de tous est nécessaire. La gouvernance doit être le moyen d'assurer cette mobilisation autour de l'action gouvernementale.
Le dialogue doit être clair et structuré avec, d'une part, la concertation des parties prenantes au niveau national et local, d'autre part, la participation de tous les citoyens au débat public. L'organisation annuelle d'une conférence environnementale doit permettre de faire de la gouvernance à 5 + 1, les parlementaires étant désormais associés, le pilier de la concertation.
Enfin, les discussions sur la gouvernance ont insisté sur la nécessité de construire une politique de RSE plus ambitieuse en France, afin d'en faire un outil de l'évaluation de la performance globale des entreprises et un levier pour la compétitivité des entreprises françaises, notamment celles intervenant sur les marchés internationaux.
Certaines critiques ont été soulevées quant à la nouvelle méthode de gouvernance retenue pour la conférence environnementale ainsi qu'à l'organisation de sa première édition.
Cette conférence a été marquée par les deux discours du Président de la République et du Premier ministre jugés comme des engagements forts. Cependant, les participants ont insisté sur la nécessité de voir venir des mesures à la hauteur de ces deux interventions. Cette conférence n'a pas été ressentie comme un véritable dialogue, mais comme le premier acte d'un nouveau dialogue.
Le dialogue environnemental doit pouvoir permettre à l'avenir un échange entre les différentes parties prenantes, afin de créer un effet d'entraînement dans la société en vue de la transition écologique.
Une deuxième limite importante tient au fait que la conférence n'a pas suscité l'attention médiatique qu'elle méritait. Il est difficile de déterminer si c'est là le signe d'un désintérêt ou d'un passage à l'arrière-plan des problématiques environnementales du fait de la crise économique et financière, ou bien le fait que ce type de manifestations se soit banalisé et soit désormais considéré comme la norme en termes de gouvernance.
L'évaluation de la méthode et le suivi des mesures engagées seront à mesurer et à analyser au cours des prochaines conférences environnementales.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du 23 janvier 2013, tenue conjointement avec la Commission du développement durable, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sous la présidence de M. David Assouline, Président, a procédé à l'examen du rapport de Mme Laurence Rossignol et M. Louis Nègre sur l'application des lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Grenelle I) et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II).
M. David Assouline, président . - Je donne toute de suite la parole à M. Louis Nègre et Mme Laurence Rossignol pour présenter leur rapport d'information sur les lois Grenelle I et II.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable . - Je me réjouis de cette première réunion commune entre nos deux commissions.
M. Louis Nègre, rapporteur . - Messieurs les Présidents, mes chers collègues, les lois du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010 dites lois Grenelle I et II sont l'aboutissement et la retranscription législative du « Grenelle de l'environnement » lancé à l'été 2007. Le Grenelle, qui a été, à l'époque, un véritable succès médiatique, a surtout marqué l'émergence d'une forme nouvelle de gouvernance associant les parties prenantes à l'élaboration de la politique environnementale. Je n'hésite pas à le dire : c'était une véritable révolution culturelle ! Cette méthode fut par la suite appelée gouvernance à cinq, car elle associait des représentants de l'État, des syndicats de salariés, d'employeurs, des élus locaux et des associations environnementales.
La commission de l'application des lois nous a confié l'examen de la mise en application des lois Grenelle I et II, mais se pencher sur ces lois dans leur ensemble nous a paru, avec Laurence Rossignol, constituer un angle d'attaque bien trop vaste. Ce travail a par ailleurs déjà été en partie réalisé dans d'autres instances. Nous avons donc fait le choix de nous pencher sur un thème dont la mise en oeuvre a probablement été moins étudiée à ce jour que les mesures concernant les transports, les énergies renouvelables ou le bâtiment : il s'agit de la gouvernance.
Pour cela, nous avons réalisé une série d'auditions, comprenant des parlementaires, des représentants d'associations impliquées dans la défense de l'environnement, ou encore des membres du Conseil économique, social et environnemental. Nous nous sommes ainsi efforcés d'entendre l'ensemble des parties prenantes de la gouvernance au sens du Grenelle, qui, pour certaines, avaient pris part au processus dès 2007.
Avant de nous pencher sur une évaluation de l'impact des nouvelles méthodes de gouvernance à proprement parler, nous avons jugé utile de revenir sur la définition de la gouvernance telle qu'elle a été entendue lors du Grenelle et sur le bilan réglementaire de l'application des lois Grenelle I et II.
La méthode du Grenelle organisé à l'été 2007 est inédite par le mode de gouvernance qu'elle a institué, réunissant les membres de cinq collèges représentant l'ensemble des parties prenantes à la politique de l'environnement ; c'est la fameuse gouvernance à 5. L'objectif de cette concertation ouverte a été de rechercher des positions consensuelles. Il faut déplorer cependant que le Parlement n'ait été que tardivement associé à cette démarche.
Six groupes de travail avaient été mis en place, je vous le rappelle, chaque groupe étant composé de quarante membres, à part égale des cinq collèges. Ces groupes ont réalisé un important travail de diagnostic, et remis leurs propositions fin septembre 2007. A suivi une phase de consultations, le tout aboutissant à un total de 265 engagements.
Parmi ceux-ci, le titre VI de la loi Grenelle II est entièrement consacré à la gouvernance écologique, avec plusieurs mesures majeures : l'obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés de présenter un bilan social et environnemental dans leur rapport annuel ; la réforme des études d'impact ; la réduction du nombre d'enquêtes publiques existant, leur nombre passant de 180 à 2 ; l'association du public à l'élaboration des réglementations nationales majeures sur l'environnement ; l'élargissement de la concertation aux syndicats et aux acteurs économiques, avec la possibilité, pour les préfets, de créer des instances locales de concertation sur le modèle des cinq collèges du Grenelle ; enfin, la création des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
Sur le plan purement quantitatif et réglementaire, le bilan de l'application de ces mesures au 1 er janvier 2013 est positif. Le titre VI de la loi Grenelle II nécessitait 32 mesures d'application. Début janvier 2013, deux mesures seulement restaient en attente de publication. Le taux d'application de ce titre s'établit donc à 93 %.
Les décrets n'ont pas toujours été pris dans les délais impartis au départ, mais ils ont été publiés dans un délai raisonnable, permettant ainsi la mise en oeuvre du texte.
Dans la deuxième partie de notre rapport, nous avons tenté d'évaluer l'impact de la mise en application de trois sujets plus en détail : la gouvernance à cinq, la participation du public à l'élaboration des décisions environnementales, enfin la mise en place de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Comme vous l'avez indiqué, M. le président, c'est un rapport à deux voix, je laisse donc la parole à notre collègue Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure . - Merci cher collègue. Je tiens à saluer la forte présence des membres de la commission du développement durable ce soir, ainsi que les membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois.
La deuxième partie de notre travail a en effet consisté à mettre en évidence les apports et les limites des lois Grenelle I et II sur ces trois sujets.
Sur la gouvernance à cinq, les dispositions des lois Grenelle I et II concernent essentiellement l'intégration des acteurs environnementaux dans les instances de décision environnementale. Cela s'est traduit par la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le CESE a intégré trente-trois nouveaux membres, représentant des ONG ainsi que des personnalités qualifiées au titre de la protection de l'environnement. Le Grenelle a entraîné la réforme, sur le même modèle, des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
Je tiens d'ailleurs à ce propos à saluer la qualité du travail du CESE, qui produit de nombreux rapports dans les domaines sur lesquels nous travaillons, et à souligner que nous aurions aimé pouvoir étudier plus en détail la conversion des conseils économiques et sociaux régionaux en conseils économiques, sociaux et environnementaux. L'appropriation de ces nouvelles aptitudes me paraît être liée à un autre sujet que nous avons abordé au cours de ce rapport, à savoir le hiatus existant entre la forte représentativité des acteurs associatifs nationaux et la difficulté à trouver des acteurs locaux représentatifs. Ces acteurs sont en effet souvent très spécialisés dans un des champs de la protection de l'environnement. Il y a peu d'acteurs environnementaux locaux capables de porter la dimension généraliste des questions environnementales, ce qui peut constituer un frein à la prise en charge par les CESER de ces sujets.
Autre point positif en matière de gouvernance à cinq : la création du Conseil National du Développement Durable et du Grenelle de l'Environnement, qui a permis de pérenniser la logique consultative et participative du Grenelle. Ce comité était en charge d'assurer le suivi de la mise en oeuvre opérationnelle des engagements du Grenelle. L'existence de ce type de structures en gouvernance à cinq apparaît effectivement nécessaire pour assurer, à la fois, l'information du public et la recherche d'un consensus entre l'ensemble des parties prenantes. L'intégration des parties prenantes aux différentes instances de concertation est donc désormais la règle et il faut certainement s'en féliciter.
Néanmoins, la participation des parties prenantes à l'élaboration des décisions concernant l'environnement pose la question de la représentativité des acteurs conviés à la concertation. Cette absence de représentativité locale, que j'évoquais à l'instant, peut conduire à des débats infructueux, voire à la possibilité pour des acteurs très minoritaires de paralyser le processus de décision.
L'article 249 de la loi Grenelle II a prévu que les associations environnementales pouvant être désignées pour prendre part à un débat dans les instances consultatives existantes devront remplir certains critères de représentativité. Ceux-ci ont été définis par décret du 12 juillet 2011. Premièrement, l'association doit comporter un certain nombre de membres, en fonction du ressort géographique de son activité : au niveau national, il faut à une association agréée deux mille cotisants répartis dans au moins six régions, et à une fondation cinq mille donateurs tout en exerçant son activité dans au moins la moitié des régions, pour prétendre participer aux travaux des instances de concertation. Deuxième critère, l'association doit justifier d'une expérience reconnue dans le domaine de la protection de l'environnement. Enfin, elle doit disposer de statuts et de financements qui ne limitent pas son indépendance.
La parution du décret a suscité de vives critiques. Les seuils quantitatifs définis excluent en effet bon nombre d'associations, et notamment des associations d'experts ayant joué un rôle de lanceur d'alertes environnementales, comme par exemple Générations futures, ou encore le Réseau environnement santé. Selon eux, la légitimité d'une association ne se mesure pas uniquement par son nombre de membres mais par sa présence dans le débat public. Le décret favoriserait l'absorption des petites associations par quelques grands acteurs et menacerait la diversité du monde associatif. Il a aussi été avancé que la notion de représentativité retenue est trop imprécise, et laisse une trop grande marge d'appréciation à l'autorité administrative. A l'inverse, d'autres ont salué cette réforme de l'agrément qui doit permettre de valoriser les associations ou fédérations qui oeuvrent réellement pour l'environnement et d'écarter les associations constituées uniquement dans des buts politiques ou financiers, ou visant seulement à paralyser les travaux de concertation. Vous l'aurez compris, les petites associations se sont plaintes, les grosses associations ont approuvé le décret, c'est là un exercice assez fréquent...
La conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers a été l'occasion de revenir sur cette problématique de la représentativité des acteurs environnementaux. Un groupe de travail va être constitué sur le sujet, et ses conclusions devront être remises au Gouvernement au printemps 2013, dans l'optique d'une mise en oeuvre en septembre 2013.
Je me permets ici une incise : vous pourriez vous étonner que nous ayons été aussi longs à vous présenter ce rapport pour lequel nous avons été désignés il y a un an. Le changement de Gouvernement a entrainé une période de latence. Nous avons tout de suite compris que certaines choses allaient changer. Nous avons donc préféré attendre de voir quelles étaient les pistes ouvertes par le nouveau Gouvernement, afin de ne pas faire un rapport invalidé immédiatement par des annonces gouvernementales.
A l'issue de notre travail sur ce rapport, nous sommes convaincus de la nécessité de remise en plat de la représentativité, que le Gouvernement engage avec ce groupe de travail. Le système actuel n'est pas satisfaisant, en particulier au niveau local. Les politiques environnementales touchent une multitude de sujets, ce qui rend parfois difficile de trouver des experts généralistes. La spécialisation des experts ou des associations ne pose pas de problème au niveau national. En revanche, au niveau des territoires, il est parfois compliqué de trouver des intervenants représentatifs. Il conviendra donc de suivre avec attention les travaux du groupe de travail lancé par la conférence environnementale.
Deuxième point sur lequel nous avons choisi d'axer nos travaux : la question de la participation du public à l'élaboration des décisions en matière d'environnement et de développement durable.
La participation du public est un principe défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution. L'article 244 de la loi Grenelle II met en oeuvre ce principe, et organise la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics quand ces décisions ont une influence directe et significative sur l'environnement. Ce dispositif a été codifié à l'article L. 120-1 du code de l'environnement.
J'ai eu l'occasion d'être rapporteure sur le récent projet de loi visant à remettre à plat cette mesure. L'article L. 120-1 du code de l'environnement a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel. Le champ d'application de l'article, actuellement limité aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est désormais étendu à l'ensemble de leurs décisions autres qu'individuelles. Une procédure permettant de recueillir directement les observations du public devra être suivie en toutes circonstances, avec la publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues. À titre expérimental, une plateforme informatique permettra de rendre publiques et accessibles par tous, les observations déposées par les contributeurs sur certains projets de décrets ou arrêtés.
Cet aménagement du dispositif initialement créé par la loi Grenelle II doit permettre sa pleine et entière mise en application, dans le respect des exigences constitutionnelles.
M. Louis Nègre, rapporteur . - Troisième et dernier point sur lequel nous avons choisi de porter notre attention dans le cadre de ce rapport : la RSE. Le sujet nous a semblé constituer un cas d'école en matière de contrôle de l'application de la loi. Le décret d'application a bien été publié, mais il est revenu tant sur l'esprit que sur la lettre de la loi.
La loi Nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 imposait aux quelques 700 entreprises françaises cotées sur le marché de rendre compte, dans leur rapport annuel, de leur gestion sociale et environnementale au travers de leur activité. L'article 225 de la loi Grenelle II, conformément aux préconisations retenues lors du Grenelle, a étendu ce dispositif de reporting selon deux axes. Premier axe : le champ d'application du dispositif a été élargi aux sociétés non cotées dont le total de bilan ou de chiffre d'affaires et le nombre de salariés dépassent des seuils fixés par décret. Deuxième axe : le champ des informations sociales et environnementales devant figurer dans le rapport de gestion a été étendu.
La fixation des seuils de déclenchement du dispositif a donc été renvoyée à un décret d'application. Lors des travaux du Grenelle, un consensus avait été trouvé pour rendre obligatoire le rapport RSE à toutes les entreprises de plus de 500 salariés dont le total de bilan était supérieur à 43 millions d'euros. Le décret d'application n'a été publié que le 24 avril 2012, avec un retard certain. Dans l'intervalle, sous l'influence des groupes de pression, un certain nombre de reculs par rapport au texte initial ont été opérés.
Les seuils de déclenchement du dispositif ont finalement été fixés, non pas à 43 millions, mais à 100 millions d'euros pour le total du bilan, et à 500 pour le nombre de salariés employés. Le décret prévoit par ailleurs une distinction entre les obligations des sociétés cotées et celles des sociétés non cotées, distinction qui n'était pas présente dans le texte législatif. Le décret d'application sur la RSE constitue donc un recul par rapport au texte initial. Le seuil choisi en matière de total de bilan est deux fois plus élevé que ce que le Grenelle préconisait. Il est en outre intervenu de manière très tardive. De nombreuses associations ont déploré le choix retenu de distinguer entre sociétés cotées et non cotées. De l'avis des personnes que nous avons pu entendre en auditions, l'adoption de ce décret a malheureusement été marquée par un abandon des pratiques de gouvernance à cinq et un retour à une logique de lobbying et de relations bilatérales.
La feuille de route pour la conférence environnementale comporte plusieurs mesures concernant la RSE et le reporting extra-financier, notamment la création d'une plateforme d'actions globale sur la RSE. La conférence environnementale a également été l'occasion d'acter la suppression du critère tiré de la cotation ou non des entreprises, critère non pertinent au regard des objectifs de la loi. Plusieurs organisations syndicales et associatives avaient dénoncé la création de cette double liste. Le Conseil d'État s'était également prononcé défavorablement sur ce point, estimant que la double liste créerait une rupture d'égalité devant la loi. La distinction entre sociétés cotées et non cotées devrait, il nous semble, être remplacée par un critère plus pertinent lié à la taille des entreprises.
Cette mesure est une sorte de cas d'école en matière de déformation des objectifs de la loi par le pouvoir réglementaire. Les travaux à venir sur le sujet devront donc être suivis avec la plus grande attention.
Partant de cet exemple symptomatique du risque de dérive par rapport au texte législatif et aux accords passés, je conclurai mon intervention par une constatation et une proposition.
Je constate que le Sénat, en créant la commission pour le contrôle de l'application des lois, a fait à l'évidence oeuvre utile. Au-delà du vote de la loi, il s'est donné les moyens d'accomplir une de ses missions principales dans une démocratie moderne, qui est de contrôler sa mise en application. Dans le cadre de la Constitution de la Vème République, cette mission lui permet d'opérer un rééquilibrage par rapport à l'exécutif, sans que ce dernier ne soit pour autant nullement empêché d'agir.
La proposition maintenant : compte tenu de ce que nous avons pu constater, et de la nécessité pour le Parlement et notamment le Sénat, de veiller à ce que les décrets d'application élaborés par l'administration soient conformes tant au texte de la loi qu'à son esprit, je propose que les rapporteurs des projets de loi assurent de manière paritaire, au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, le suivi de l'écriture des décrets d'application par l'administration centrale.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure . - Mon cher collègue, votre proposition ne nous amènerait-elle pas à devoir faire une distinction plus nette entre le contrôle et le conseil ?
Pour en revenir à nos travaux, en conclusion, nous nous sommes penchés sur la transition entre la méthode Grenelle et la conférence environnementale. La conférence environnementale a été organisée les 14 et 15 septembre derniers, sous le pilotage du ministère de l'écologie, dans le but de définir les voies et moyens de la mutation vers un nouveau modèle de développement durable.
Tout comme lors du Grenelle, et afin d'assurer un dialogue environnemental de qualité, la conférence a associé les acteurs de la société civile : associations environnementales, syndicats, entreprises, représentants des élus locaux, et parlementaires. C'est une des nouveautés de cette gouvernance : on parle désormais de gouvernance à 5+1.
Cinq tables rondes étaient organisées, sur l'énergie, la biodiversité, les risques pour la santé, le financement de la transition écologique et la gouvernance. La conférence environnementale doit à l'avenir être un exercice annuel, afin de garantir l'information et la participation des parties prenantes, ainsi que l'évaluation continue de l'avancée des mesures prises.
La conférence n'a pas suscité la même attention médiatique que celle du Grenelle. Il est difficile de déterminer si c'est là le signe d'un moindre intérêt pour les problématiques environnementales, ou bien le fait que ce type de manifestations se soit banalisé et soit désormais considéré comme la norme en termes de gouvernance.
Sur les critiques soulevées quant à la nouvelle méthode retenue pour la conférence environnementale, il faut certainement y voir, pour une large part, l'impact de la crise économique et financière. Les sujets environnementaux se sont vus replacer à l'arrière-plan, derrière les problèmes d'emploi et de désindustrialisation. La conférence environnementale a sans doute aussi payé le prix de certaines désillusions causées par le Grenelle. Le dialogue environnemental doit pourtant pouvoir permettre, à l'avenir, un échange entre les différentes parties prenantes, afin de créer un effet d'entraînement dans la société en vue de la transition écologique.
L'évaluation de la méthode et le suivi des mesures engagées seront, comme nous l'avons fait pour les lois Grenelle, elles aussi à mesurer et à analyser au cours des prochaines conférences environnementales. Nos commissions devront donc rester vigilantes. Je soulignerai enfin que le Gouvernement, en annonçant un rendez-vous annuel, s'est mis lui-même dans une logique de contrôle permanent de ses propres engagements et de ses propres réalisations. La conférence de l'année devra servir à évaluer ce qui s'est fait depuis le rendez-vous précédent. Nous contrôlerons donc le contrôle...
M. David Assouline, président . - Nous avons eu ce débat sur le rôle des rapporteurs lors de l'audition en décembre dernier du Secrétaire général du Gouvernement et du ministre des Relations avec le Parlement. Il a cependant fait ressortir la question de la séparation constitutionnelle des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, qui limite la marge d'intervention des rapporteurs dans leur souci de mieux contrôler l'application des lois.
En effet, le pouvoir législatif n'est pas le scribe de l'exécutif. Si le contrôle est légitime, il n'appartient pas aux parlementaires de porter la plume. Délimiter notre périmètre d'intervention s'avère donc complexe. J'ouvre le débat sur cette question, en même temps bien sûr que sur le rapport qui vient de vous être soumis.
M. Louis Nègre, rapporteur . - Je ne me pose pas en spécialiste du droit constitutionnel, mais chacun sait que la Constitution de la Vème République de 1958 a séparé deux domaines : celui réservé à la loi et celui attribué au règlement. Il ne s'agit pas, dans mon esprit, d'écrire l'ensemble des dispositions de la mesure d'application, mais de permettre à notre niveau un suivi de l'écriture des textes par l'administration, qui serait assuré par les rapporteurs des deux assemblées, les mieux à même de connaître l'intention exacte du législateur. Comme vous le voyez, ce serait une démarche paritaire. Il convient de faire en sorte que ce qui a été voulu par le Parlement soit exactement transcrit dans les normes. En effet, les administrations centrales ne sont pas à l'abri des dérives, j'ai moi-même connu de tels écarts par rapport au texte initial.
Mme Odette Herviaux . - Je souhaite revenir sur le rôle du contrôle sous l'angle de l'historique du Grenelle de l'environnement. Au moment du Grenelle I on a constaté un engouement médiatique ainsi qu'une certaine ferveur dans les négociations. L'écart entre les espoirs suscités par la loi d'origine et son résultat effectif me laisse perplexe sur la portée de notre contrôle. En l'espèce on ne s'intéresse qu'aux mesures d'application par rapport aux textes initiaux. Beaucoup de ces mesures n'ont été que des « mesurettes »... Si celles-ci devaient être comparées aux espoirs alors exprimés, le consensus serait moins net.
S'agissant de la désaffection du public pour les sujets environnementaux, une des causes réside peut-être dans le nombre de textes adoptés sur le sujet. Il y a une sorte de « saturation du grenelle » : grenelle de la mer, grenelle de ci, de çà...
Pour ce qui concerne le contrôle des textes d'application, force est de constater que les seules indications concernant l'avancement de leur publication, fournies par les ministères, ne nous permettent pas d'évaluer la conformité de ces textes à l'intention du législateur. De surcroît, ce ne sont pas tant les décrets qui constituent la source majeure des problèmes d'application, mais plutôt les circulaires, comme je l'ai maintes fois vérifié, par exemple en matière d'urbanisme ou de Participation Voiries et Réseaux (PVR).
M. Charles Revet . - Trois éléments doivent être pris en compte dans le cadre du contrôle de l'application des lois :
- Les décrets ont-ils bien été publiés ? (certaines lois ne sont jamais appliquées en l'absence des décrets adéquats) ;
- Les décrets publiés sont-ils bien conformes à l'esprit et à la lettre de la loi ?
- Quelles sont les modalités d'application des décrets eux-mêmes ?
Je souscris totalement à ce que vient de dire Mme Herviaux, je tiens à rappeler que la circulaire n'a pas de valeur normative autonome. Elle doit respecter la loi et les décrets. Ce point me paraît extrêmement important car nous votons les lois, mais manifestement il y a des lois qui ne sont pas appliquées et d'autres qui le sont d'une manière très différente de l'esprit dans lequel elles ont été adoptées. Nous devons rester vigilants, quel que soit le Gouvernement en place.
M. David Assouline, président . - Nous sommes au coeur du sujet ! Nous avons ce débat depuis la création de notre commission. À ce titre, l'audition du Secrétaire général du Gouvernement a été particulièrement instructrice et formatrice. Nous avons découvert le processus complexe de l'application des lois, d'une certaine façon, sa face cachée.
Je veux souligner que nous ne sommes pas en charge de l'écriture des décrets. Mais nous devons contrôler ce processus. Si une mesure d'application n'est pas prise, nous devons en connaître les raisons. Il y a la question de la circulaire qui respecte ou pas l'esprit de la loi, mais il y a aussi la question des moyens, qui conditionnent l'application des textes. On peut adopter un texte sans se donner les moyens de l'appliquer !
L'exécutif est désormais plus attentif à la nécessité de publier les décrets dans les délais prescrits. Le travail engagé sous le précédent Gouvernement a été prolongé et approfondi par l'actuel, comme nous l'a expliqué le nouveau ministre des Relations avec le Parlement lors de son audition en décembre dernier. Le processus d'application des lois est devenu une lourde machine, à laquelle l'administration consacre des moyens gigantesques !
En comparaison, nous avons peu de moyens de contrôle et nous restons tributaires des informations que l'administration veut bien nous communiquer. D'une certaine façon, nous sommes tenus de lui faire confiance. Mais cela n'ôte pas sa pertinence à notre contrôle, même si nous ne disposons pas des moyens que peut avoir un sénateur américain, par exemple.
J'avais émis l'idée que les rapporteurs des textes de lois soient associés à l'élaboration des mesures d'application, mais on m'a opposé que ce n'était pas possible en raison de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. Nous sommes donc cantonnés à un contrôle a posteriori, même si cela peut paraître parfois un peu tard. Le débat est ouvert, et concerne toutes les commissions. Il faut que les citoyens voient les effets concrets des textes que nous votons, il y va du crédit du Parlement.
M. Charles Revet . - Sans participer à l'écriture des décrets, on pourrait imaginer une phase de relecture par le Parlement avant leur publication, afin de contrôler qu'ils respectent bien l'esprit de la loi, car quelle que soit la majorité en place, ça n'est pas toujours le cas !
M. David Assouline, président . - Votre remarque est pertinente. Cependant, M. Patrick Ollier nous avait expliqué qu'un décret fait déjà l'objet de treize visas avant sa publication : faut-il rajouter un visa supplémentaire à ce processus que j'ose qualifier de kafkaïen ?
M. Ronan Dantec . - Je suis d'accord avec Charles Revet. Si on veut renforcer le rôle du Parlement, cette question du contrôle avant publication mérite d'être approfondie.
Concernant le Grenelle, il y a eu un certain nombre d'avancées qui subsistent ; je pense par exemple à la qualité du bâti ou à la réorientation vers le rail d'un certain nombre de budgets.
Par ailleurs, il y eu une « méthode Grenelle ». Il y avait au départ une offre politique des associations qui a été reprise par les politiques. Il y avait une part d'utopie qui consistait, sur les grandes questions environnementales, à mettre tous les acteurs autour de la table pour résoudre les problèmes. Sur un certain nombre de sujets il a été possible de faire émerger un consensus et d'envisager une réorientation des politiques publiques. Mais sur d'autres sujets, l'utopie s'est fracassée sur l'impossibilité de dégager un consensus, car ces questions relèvent d'une prise de décision du politique, et elles doivent donc être assumées par le politique.
Ce qui reste de cette méthode, on le voit dans le débat sur la transition énergétique, c'est d'abord la fixation d'un objectif politique avec les Français lors d'une échéance majeure comme l'élection présidentielle, puis le travail commun de tous les acteurs pour atteindre cet objectif de la meilleure manière. C'est, je crois, ce qui se passe avec la conférence environnementale, chaque année.
Je reprends les propos sévères de Louis Nègre sur la RSE : je crois qu'il y a eu là un recul, de la part du précédent gouvernement, qui pose problème. Cela a envoyé un signal très négatif aux entreprises, qui sont un peu sorties du champ du consensus. Et je souhaite que, partant de ce constat partagé, nous trouvions le véhicule législatif qui nous permettra de réintroduire la responsabilité sociale des entreprises, afin de les associer mieux à l'effort de la nation dans ce domaine.
M. Jean-Claude Peyronnet . - Je souhaite revenir sur la procédure de contrôle. Il y a très longtemps que je milite pour que le Parlement soit plus efficace en matière de contrôle. J'avais fait des propositions en ce sens à la commission des lois, qui n'ont pas été suivies d'effet, alors qu'il s'agit, à mon avis, d'une question majeure.
L'intervention des rapporteurs peut avoir un rôle d'accélérateur, pour que les décrets sortent le plus vite possible. Nous pourrions être beaucoup plus insistants, interroger les ministres sur les retards, être de véritables aiguillons. Or, je pense que nous n'en faisons pas assez. De plus, sans réécrire le décret, nous devons vérifier qu'il est conforme au texte de loi et à son esprit. Dans l'exemple qui vient d'être cité, où on a porté un seuil de 40 millions à 100 millions, la violation est tout de même flagrante ! C'est scandaleux !
Imaginons que cette pratique se généralise et nous serons dans la déliquescence totale, dans l'impossibilité d'appliquer les lois. Cela donnerait un pouvoir colossal à l'administration d'autant que dans beaucoup de cas, je ne suis pas sûr que le ministre sache très bien ce que l'administration propose de son côté. Cela entraînerait la disparition du politique, c'est inadmissible. Je plaide très sincèrement pour qu'à un stade donné, nous puissions contrôler le contenu des textes d'application.
M. Philippe Esnol . - Je souhaite faire deux observations. Tout d'abord, je suis d'accord avec le Président Assouline sur les limites à notre capacité réelle de contrôler les choses. Sans malice, je rappellerai que 80 % des textes de loi sont d'origine gouvernementale. Ceux qui les écrivent sont les mêmes que ceux qui les appliquent, ce qui nous en rend le contrôle d'autant plus difficile.
Pour en revenir au sujet environnemental, je souscris au constat de la désaffection des citoyens. Je pense que la crise économique et d'autres sujets ont éloigné l'attention des citoyens de ces problèmes. Mais je crois aussi que l'échec répété des multiples sommets environnementaux a aussi un impact. Nos concitoyens se disent qu'en matière de préservation de l'environnement, nous sommes aujourd'hui en avance sur les grands pollueurs que sont la Chine et les États-Unis. Et par conséquent, comme les élus locaux, ils comprennent mal qu'on impose des contraintes dans un domaine qui leur parait moins prioritaire. Je crois qu'un des moyens de remotiver nos concitoyens à cette problématique serait de mettre en avant le potentiel de création d'emplois dans des métiers liés à l'environnement.
M. Jean-Claude Lenoir . - Odette Herviaux a tout à fait raison quand elle dit que ce ne sont pas tant les décrets que les circulaires qui posent problème. Dans le domaine de l'urbanisme, j'ai connu deux cas : l'un concernant les règles de constructibilité limitée et l'application de la loi SRU, et l'autre, dans le secteur de l'urbanisme commercial. Dans les deux cas, des circulaires très contestables ont été prises. Or si on peut attaquer un décret en justice, c'est beaucoup plus difficile à l'encontre d'une circulaire. In fine, dans ces deux cas, des parlementaires ont dû déposer une proposition de loi pour obtenir la modification de la circulaire.
Il y a une chose dont je veux témoigner, c'est l'appropriation par les acteurs locaux de cette notion de Grenelle de l'environnement. Je suis frappé de voir à quel point les maires, les responsables d'association et d'autres se réfèrent de façon très positive au Grenelle de l'environnement et je tenais à ce que ce soit rapporté ici.
M. Louis Nègre, rapporteur . - Pour ce qui me concerne, je m'inscris sans réserve dans une logique grenellienne car ce processus a été un souffle et une ouverture démocratique qui font honneur à notre pays.
Pour en revenir à la question de la séparation des pouvoirs, je veux préciser mon point de vue : je ne demande pas de coécrire les décrets, mais un droit de regard sur l'état d'avancement des mesures d'application des lois que nous votons.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure . - Le Grenelle restera à la fois un processus à part et, en même temps, une démarche initiant un renouveau démocratique. Le Grenelle c'est la démocratie participative par les corps intermédiaires. Faire le Grenelle c'est s'engager à aimer les corps intermédiaires durablement...
M. David Assouline, président . - Je constate que la question de l'application des lois intéresse de nombreux sénateurs qui ne sont pas membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois. Il faut compenser notre manque de moyens par une plus grande coopération de la part de l'exécutif. Aussi, vais-je envisager une initiative permettant que l'ensemble des sénateurs soient associés, ainsi que des représentants de l'administration du SGG et du Gouvernement, à une réflexion permettant qu'on nous laisse l'espace nécessaire pour exercer notre contrôle.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable . - Je veux redire que je suis très heureux de ces travaux communs et je rejoins pleinement les conclusions du président Assouline.
À l'issue de cette discussion, la publication du rapport a été autorisée à l'unanimité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
- Bertrand Pancher , député, rapporteur des textes à l'Assemblée, rapport sur la mise en application de la loi Grenelle II
- Philippe Tourtelier , député, rapport sur la mise en application des lois Grenelle I et II
- Bruno Sido , sénateur, rapporteur du Grenelle I et II
- Bernard Guirkinger , Conseil économique, social et environnemental (CESE)
- Pierrette Crosemarie , CESE
- Sabine Fourcade , Directrice générale de la cohésion sociale (Ministère des Affaires sociales et de la Santé)
- Daniel Lebègue , François Fatoux , Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises
- Marc Sénéchal , Jérôme Theetten , Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
- Stéphen Kerckhove , Délégué général d'Agir pour l'Environnement
- Raymond Léost , pilote du réseau juridique de France Nature Environnement (FNE), Michel Métais , directeur de la Ligue de protection des oiseaux, et Christophe Aubel , directeur de Humanité et Biodiversité.
* 1 Source : échéancier de mise en application de la loi Grenelle II, www.legifrance.gouv.fr
* 2 Articles L. 133-1 et suivants du code de l'environnement
* 3 Réseau créé en 2002 par la DRIEE Île-de-France, la direction régionale de l'Ademe, l'Arene, le conseil régional Île-de-France et l'association Etd pour faciliter l'appropriation des principes du développement durable par les collectivités.
* 4 Alsace, Franche-Comté, Provence Alpes Côte d'Azur, Corse et Languedoc-Roussillon
* 5 Articles 230 et suivants de la loi Grenelle II
* 6 Article R. 225-104 du code de commerce