F. UN EFFORT DE MUTUALISATION DES ACHATS COMMENÇANT À PORTER SES FRUITS
Dans un contexte budgétaire tendu, les acquisitions doivent s'appuyer sur un principe général : le juste rapport entre le risque et la dépense 80 ( * ) . De même, l'achat ne correspond pas nécessairement à du matériel neuf . Ainsi, dans un souci d'économies, le SDIS 12 (Aveyron) a-t-il procédé à l'acquisition d'une ancienne citerne laitière pour ses propres besoins.
En matière de sécurité civile, la réduction des coûts passera cependant désormais de façon croissante par une action résolue en faveur de la mutualisation des achats. Le mouvement est d'ores et déjà initié, mais il mérite d'être amplifié. Il va d'ailleurs dans le sens de la départementalisation décidée par la loi précitée du 3 mai 1996 relative aux SDIS qui le portait en germe.
Plus encore que les dépenses de fonctionnement courant, le domaine de l'investissement tirera bénéfice de l'effort de mutualisation. Sur des investissements lourds (véhicules, matériels, plates-formes...), les marges pouvant être dégagées sont encore plus importantes.
Peu engagés dans des groupements d'achats, les SDIS sont en revanche en train de comprendre l'intérêt du soutien et de l'accompagnement qui leur est offert par la « centrale d'achat » qu'est l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) . Sans perdre la main sur la définition de leurs besoins, ils récoltent les bénéfices d'une expertise et d'un pouvoir de négociation supérieur à l'égard des fournisseurs.
1. La diffusion progressive du « réflexe mutualisation »
a) Le manque d'adhésion à la formule du groupement d'achats
Pour les SDIS, une politique de mutualisation des achats peut passer par un regroupement soit entre plusieurs d'entre eux, soit avec le conseil général .
S'agissant de l'initiative interSDIS, la loi précitée du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a donné aux SDIS la possibilité de créer un établissement public interdépartemental d'incendie et de secours (EPIDIS) . La constitution d'un tel établissement est encadrée par les articles L. 1424-51 à L. 1424-57 du CGCT.
Parmi les diverses compétences attribuées aux EPIDIS en application de l'article L. 1424-52, les domaines principaux sont la formation, l'information et la sensibilisation du public aux risques, ainsi que l'organisation de marchés groupés et la réalisation d'études et de recherches, de façon à parvenir à une mutualisation des coûts.
Afin de faciliter la création d'EPIDIS, l'ancienne DSC s'est positionnée dès 2006 en soutien, notamment juridique, des acteurs locaux. Toutefois, l'initiative consistant à créer un EPIDIS relève de la seule volonté des conseils d'administration des SDIS .
Or, jusqu'à présent, la formule n'a suscité que très peu d'adhésion .
A ce jour, seuls deux exemples de volonté de partenariat peuvent être cités. Le premier concerne les SDIS du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le second le Haut-Rhin et le Territoire de Belfort 81 ( * ) .
Le partenariat entre les SDIS du Bas-Rhin et du Haut-Rhin Le premier accord de partenariat entre plusieurs SDIS a été signé le 15 juin 2006 entre les SDIS du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Encore cet accord ne crée-t-il pas à proprement parler un EPIDIS, mais se limite-t-il à définir les instruments utiles à la création éventuelle d'un EPIDIS. Toutefois, ce projet progresse et les deux partenaires ont à présent achevé le déploiement de l'infrastructure Antares . Cette infrastructure a ainsi pu être mise en place pour un coût minoré du fait de la mutualisation de l'achat des matériels, de l'ingénierie et du système de maintenance. Dans le même esprit, un audit a été réalisé en vue de la réorganisation des systèmes informatiques des deux services. Les conclusions de cet audit ont permis d'harmoniser le fonctionnement des deux SDIS et d'assurer une prise en compte optimale de la partie « maintenance et entretien » d'Antares. De même, a été réalisée la mise en commun de matériels d'intervention et d'un poste de commandement de site, d'ores et déjà à disposition des deux départements. A cet égard, une commission d'appel d'offre interdépartementale en vue de l'achat mutualisé de certains équipements et matériels a été créée et un accord est intervenu entre les deux SDIS sur un cahier des charges commun en vue de l'acquisition de « camions citernes ruraux » (CCR), de « véhicules de première intervention » (VPI), de « camions citernes forestiers » (CCF), ainsi que d'« équipements de protection individuelle » (EPI). |
Le manque d'adhésion à cet outil juridique offert par la loi précitée du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile s'explique probablement par le fait que la création de l'EPIDIS nécessite un consensus , entre les SDIS qui le constituent, tant sur le choix des compétences et des attributions que sur la constitution de l'équipe de direction de l'établissement. Par ailleurs, de nombreux élus s'interrogent sur un éventuel alourdissement des structures et un dessaisissement de leurs compétences.
Votre rapporteur spécial regrette ce manque d'adhésion et suggère que la réorientation à venir du FAI ( cf. supra ) intègre cette variable . L'allocation des crédits du FAI pourrait ainsi prendre pour critère l'effort de mutualisation de l'investissement proposé. L'utilisation de ce fond permettrait alors d'encourager la création d'EPIDIS et de faire rentrer de plain-pied les SDIS dans une logique interdépartementale plus marquée.
Cette logique est d'ailleurs mise en oeuvre par certains SDIS précurseurs , sans même avoir recours à un EPIDIS. Ainsi, dans son rapport précité sur les SDIS, la Cour des comptes met en évidence que de nombreux SDIS ont pris des initiatives dans ce domaine. Les SDIS de la Haute-Marne (52), de l'Aube (10), de la Marne (51), de la Meuse (55) et des Vosges (88) ont constitué un groupement d'achats de véhicules de secours. Le SDIS du Puy-de-Dôme (63) a constitué deux groupements inter-SDIS de commandes, pour l'acquisition de VSAV.
Toutefois, la Cour relève que « le plus souvent, les initiatives restent dispersées et ponctuelles » .
Ici aussi, la DGSCGC pourrait jouer un rôle d'impulsion et de coordination. En particulier, la rédaction de « cahiers des charges types » permettrait un gain de temps offert aux SDIS et serait de nature à inciter des regroupements de commande dans des proportions plus importantes qu'actuellement.
L'autre voie offerte aux SDIS pour avancer dans une stratégie de groupement d'achats réside dans un partenariat avec leur interlocuteur naturel qu'est le conseil général.
De façon générale, la recherche de mutualisations avec le département est d'ailleurs d'ores et déjà une réalité dans bien des cas. Cette démarche est balisée par l'article 118 de la loi précitée du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité qui prévoit la possibilité de passer des conventions de gestion entre le SDIS et le département.
Dans leur rapport d'information « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens » 82 ( * ) , nos collègues alors Alain Lambert, Yves D étraigne, Jacques M ézard et Bruno S ido citaient en exemple plusieurs initiatives probantes : la mutualisation de l'entretien des véhicules entre le SDIS et le parc départemental de l'équipement dans le département du Rhône, ou encore la gestion des bâtiments du SDIS par les services du conseil général dans le département de la Manche.
Pour autant, jusqu'à présent, les partenariats entre les SDIS et les conseils généraux portent surtout sur l'entretien du patrimoine immobilier, la formation ou le fonctionnement courant. Ils doivent pouvoir franchir un nouveau cap en s'intéressant désormais davantage aux investissements lourds en matériels. Le domaine des véhicules paraît en particulier propice à une recherche approfondie de mutualisations. L'expérience de travail en commun entre les SDIS et les services du département constitue ici un atout pour l'avenir.
Votre rapporteur spécial estime donc nécessaire un développement des partenariats entre les SDIS et les départements en matière de politique d'achat, les conseils généraux pouvant d'ailleurs moduler leurs subventions aux SDIS en fonction de la propension de ces derniers à se lancer dans une logique de mutualisation .
b) Le recours croissant à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP)
Pour les SDIS, la démarche de mutualisation des achats passe de façon croissante par un intermédiaire : l'UGAP .
Créé en 1985, cet établissement public industriel et commercial (EPIC) opère au profit de l'Etat et de ses opérateurs, des collectivités territoriales et du secteur public hospitalier. Il fonctionne sur le modèle économique d' une centrale d'achat .
Encore relativement inconnu des SDIS il y a quelques années , ceux-ci se tournent de plus en plus vers lui pour leurs achats.
L'évolution des commandes enregistrées par l'UGAP auprès des SDIS
(en millions d'euros)
Source : UGAP
Alors que les prestations de l'UGAP correspondaient à un volume d'achat de seulement 21,3 millions d'euros en 2005, ce montant est passé en 2011 à 74,9 millions d'euros , soit une forte progression de 215,6 %.
Cette collaboration entre les SDIS et l'UGAP tend d'ailleurs à s'inscrire durablement dans le temps : 22,4 millions d'euros d'achats (soit 29,9 % du montant total) résultent d'une formule de partenariat proposée par l'UGAP ancrant la relation dans le moyen terme .
Cette évolution résulte d' un partenariat progressif et pragmatique entre les SDIS et la centrale d'achat, la BS-PP ayant joué en la matière un rôle pionnier.
Les principales étapes de l'inscription de l'UGAP dans le monde de l'incendie et du secours A l'origine, l'UGAP entretient une relation historique et de proximité avec la BSPP . Elle a ensuite développé ses partenariats avec les SDIS selon les grandes étapes suivantes : - en 2005, à l'initiative de la BSPP, l'UGAP accompagne une recherche de mutualisation avec le BMPM ; - en 2007, sous l'impulsion du BMPM, s'engage une mutualisation des moyens « feux de forêts » avec les SDIS du Var (83) et des Bouches-du-Rhône (13). Cette mutualisation se traduit par la conclusion de deux premiers partenariats puis par l'extension de leur champ aux matériels de secours routiers ; - en 2008 : les ventes de matériels de lutte contre les incendies d'aéronef sont étendues aux forces armées ; - en 2009, un premier partenariat est conclu en Ile-de-France avec le SDIS des Yvelines ; - en 2010, une offre plus globale relative à l'« univers opérationnel du secours et de l'incendie » est créée. Elle comprend des véhicules, des pièces de jonction, des émulseurs, des carburants, des uniformes et des équipements de protection individuels (EPI) ; - en 2011, un partenariat avec l'« Entente pour la forêt méditerranéenne » est instauré avec les quatorze SDIS du pourtour méditerranéen et celui de la Drôme ; - en 2012 , des partenariats sont signés avec les dix SDIS du Grand Ouest, cinq SDIS de l'Est et les quatre SDIS franciliens. |
Au-delà des offres transverses à l'ensemble des administrations publiques et en complément de l'offre de matériels et de dispositifs médicaux destinée aux établissements de santé mais pouvant également servir les besoins des SDIS, l'UGAP a développé à l'attention de ces derniers une offre « métier » particulièrement fournie.
L'« univers opérationnel de l'incendie et du secours » dans le catalogue 2011 de l'UGAP Le catalogue de l'UGAP en 2011 recensait les principaux produits suivants à l'attention des SDIS : - des véhicules spécialisés : 397 véhicules (dont 210 VSAV et 163 véhicules d'incendie) Fournisseurs : GRUAU, TIB, GIFA, RIFFAUD, SIDES, GIMAEX, COMILEV, CAMIVA, GALLIN, HAKA, DESAUTEL, BEHM, METZ. - des moyens nautiques : 99 embarcations ; Fournisseurs : ZODIAC, STEM MARINE, VAILLANT, NAVY PRO, SILLINGER, RAFALE. - des vêtements opérationnels et uniformes : 273 000 pièces ; Fournisseurs : DHJ INTERNATIONAL, CODUPAL, SERB REGAIN, BOCHE, MSA GALLET, PAUL BOYE, ALL MER, EUROPA KIMACHE, T2 S, PROCOVES, ALFREDO GRASSI, LUG EUROPA (TBI), CSA, BALSAN. - des matériels d'intervention : 56 000 unités ; Fournisseurs : GROUPE LEADER, EAU ET FEU, DESAUTEL, VANRULLEN UNISER, POK, DUMONT SECURITE. |
Au total, le catalogue de l'UGAP propose désormais 4 200 références , issues de 62 marchés opérés par 39 fournisseurs.
* 80 Telle est notamment le problème posé par la « stratégie d'attaque des feux naissants » ( cf. supra ).
* 81 Une convention de partenariat a été signée, le 28 novembre 2008, entre le Haut-Rhin et le Territoire de Belfort en vue de la mise en commun de moyens de secours, et du rapprochement des stratégies en termes de perspectives d'établissement ou de création d'outils communs.
* 82 Sénat, rapport d'information n° 495 (2009-2010), fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales (25 mai 2010).