II. UNE COUR EN QUÊTE PERMANENTE DE RÉFORME

La conférence de Brighton, qui s'est tenue les 18, 19 et 20 avril derniers à l'initiative de la présidence britannique du comité des ministres du Conseil de l'Europe, n'est que la dernière étape à ce jour d'un processus engagé depuis une dizaine d'années par la Cour pour lui permettre de faire face à sa charge de travail démesurée.

A. L'ENTRÉE EN VIGUEUR TARDIVE DU PROTOCOLE N°14

1. Les mesures prévues par le Protocole n°14

Le Protocole n°11, entré en vigueur en novembre 1998, avait déjà pour but de simplifier le système et de raccourcir la durée des procédures, en confiant à une unique entité judiciaire le soin de se prononcer sur les violations des droits reconnus par la Convention.

Face à l'accroissement continu du nombre de requêtes soumises à la Cour, de nouvelles pistes ont été explorées pour améliorer l'efficacité de la Cour et réduire sa charge de travail. Ces dernières ont été traduites dans un nouvel instrument juridique - le Protocole n°14 - signé en mai 2004 , destiné à permettre à la Cour de se concentrer en priorité sur les affaires soulevant des questions importantes en matière de droits de l'homme.

Les principes modifications apportées à la Convention par le Protocole n°14 ont été les suivantes :

- afin de permettre à la Cour de traiter plus rapidement le flot de requêtes irrecevables dont elle est saisie, il a été décidé de permettre à un juge unique de rejeter les requêtes manifestement irrecevables , lorsqu'une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. La décision prise par un juge unique est définitive. Jusqu'alors, ces décisions devaient être prises par un comité de trois juges. En cas de doute quant à la recevabilité de la requête, le juge unique est tenu de renvoyer celle-ci à un comité de juges ou à une chambre. Lorsqu'il agit en qualité de juge unique, un juge ne peut examiner aucune requête introduite contre l'État au titre duquel il a été élu ;

- afin de permettre à la Cour de traiter plus rapidement les requêtes dites « répétitives », il a été décidé qu'un comité de trois juges pourrait désormais déclarer les requêtes recevables et statuer sur le fond sur les affaires pour lesquelles existe une jurisprudence bien établie de la Cour. Jusqu'alors, les comités de trois juges ne pouvaient que déclarer les requêtes irrecevables à l'unanimité sans se prononcer au fond. Le juge élu au titre de l'État concerné par la requête n'est pas membre de droit du comité, mais il peut être invité à y siéger pour des raisons particulières ;

- afin de permettre au greffe et aux juges de gagner du temps dans le traitement des affaires, le Protocole n°14 a expressément autorisé la Cour à se prononcer conjointement sur la recevabilité et le fond des requêtes individuelles ;

- le Protocole n°14 a également doté la Cour de la possibilité de déclarer irrecevables des requêtes lorsque le requérant n'a subi aucun préjudice important , à moins que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention exige un examen au fond ou que l'affaire n'ait pas été dûment examinée par un tribunal interne ;

- le nouveau texte encourage par ailleurs les règlements amiables à un stade précoce de la procédure, en particulier dans les affaires répétitives ;

- il ouvre au Commissaire aux droits de l'homme 17 ( * ) un droit de tierce intervention ;

- enfin, il habilite le comité des ministres à demander à la Cour une interprétation d'un arrêt définitif si des difficultés surgissent dans le cadre de son exécution. Ce dernier pourra également, dans des situations exceptionnelles et à la majorité des deux tiers, introduire devant la Grande Chambre de la Cour un recours en manquement afin d'obliger l'État concerné à exécuter l'arrêt initial.

Le Protocole n°14 a par ailleurs décidé que les juges seraient désormais élus pour un mandat non renouvelable de neuf ans - jusqu'alors ce mandat était de six ans, renouvelable une fois. La limite d'âge - 70 ans - n'a pas été modifiée. Le but de cette réforme était de renforcer l'indépendance et l'impartialité des juges .


* 17 Le Commissaire aux droits de l'Homme est une institution indépendante et non judiciaire du Conseil de l'Europe, dont la mission est de promouvoir la prise de conscience et le respect des droits de l'homme dans les 47 États membres. Depuis le 1 er avril 2012, il s'agit de M. Nils Muiúnieks, qui est de nationalité lettone. Il a succédé à ce poste à Thomas Hammarberg (2006-2012) et Alvaro Gil-Robles (1999-2006).

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