II. LE DÉVELOPPEMENT DES MENACES ET LA CONCURRENCE ACCRUE DES ETATS DANS LE DOMAINE MARITIME ENGENDRENT UNE AUGMENTATION DES MOYENS MILITAIRES EN MER
Si le développement des activités en mer constitue pour les années à venir un facteur de croissance économique et de découverte scientifique, il s'accompagne également d'une croissance des risques et des menaces sur mer.
Les facteurs techniques et économiques qui ont favorisé l'essor du commerce maritime contribuent également au développement de la criminalité en mer, qu'il s'agisse des trafics illicites ou de la piraterie.
Le développement des opportunités offertes par les activités en mer ne doit pas, en effet, nous conduire à ignorer la présence accrue des risques et des menaces.
Comme l'a souligné le Contre-Amiral Chevallereau, secrétaire général adjoint à la mer lors de son audition, ces risques et menaces sont « de nature variée : des risques écologiques, des trafics illicites, le développement d'une criminalité maritime favorisée par des zones de non-droit qui bordent certains océans et dont une des conséquences est l'émergence d'une véritable « industrie » de la piraterie maritime, le pillage des ressources halieutiques, des différends territoriaux et, enfin, une privatisation de l'emploi de la force armée en mer aussi qui pourrait devenir préoccupante si on ne canalise pas ce phénomène. »
A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES ACTIVITÉS EN MER S'ACCOMPAGNE DE RISQUES ET DE MENACES
La mer a toujours constitué depuis le début de la navigation un milieu propice à la criminalité comme en témoignent les récits des flibustiers et autres pirates.
Les océans sont d'immenses étendues difficilement contrôlables. Il y règne partout la liberté de circulation. On y rencontre aux abords des terres d'innombrables espaces juridiques distincts qui constituent un environnement favorable aux activités illicites.
« Les océans sont par nature des zones grises qui échappent pour l'essentiel au contrôle des Etats, l'immensité de leurs étendues les rendant impossibles à maîtriser » a ainsi rappelé l'amiral Nielly devant le groupe de travail
Pour autant, la mer ne doit pas devenir le sanctuaire de nouvelles menaces pour la sécurité de nos concitoyens.
1. Bien qu'encore limités, les actes terroristes en mer constituent une menace sérieuse pour le trafic maritime et la sûreté nationale
Le terrorisme a franchi un seuil historique et changé d'échelle le 11 septembre 2001. Comme l'a souligné le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2008 : « Le terrorisme est devenu capable de frapper au coeur de tous les pays, à une échelle de violence sans précédent, avec un degré de préparation internationale et d'intensité dans l'action jamais atteint auparavant par des groupes terroristes ».
Pour autant, depuis lors, les actions terroristes en mer ont été rares, comme si les mouvements terroristes n'avaient pas su s'approprier l'espace maritime.
On recense néanmoins dès les années 70 quelques épisodes connus comme l'attaque de l'IRA contre le Queen Élisabeth II ou l'affaire du paquebot italien Achille Lauro. Mais il faut attendre les années 2000 et l'attentat contre l'USS Cole à l'aide d'une embarcation pneumatique bourrée d'explosifs lancée contre ce navire de guerre pour voir apparaître des formes d'actes terroristes suicides particulièrement difficiles à prévenir.
Au regard des moyens rudimentaires nécessaires pour provoquer des dégâts considérables, ce type de menace asymétrique a finalement jusqu'ici suscité plus de craintes que de dommages.
Les possibilités de porter un coup rude à l'économie mondiale en interrompant le trafic maritime au niveau d'un détroit, d'une infrastructure portuaire située en pleine ville ou d'une plateforme off-shore sont cependant très nombreuses.
Avec des mouvements connus à l'avance, une vitesse et des capacités de manoeuvre limitées, les porte-conteneurs et les pétroliers représentent des cibles de choix. L'immensité des océans comme l'intensité du trafic portuaire permettent à des embarcations légères ou à des cargaisons contenant des explosifs d'approcher des zones sensibles sans être repérées.
L'impact d'un attentat majeur dans un port comme New-York ou Rotterdam, dans le canal de Suez ou de Malacca serait incalculable.
Les ports constituent des cibles d'autant plus sensibles qu'ils sont au centre d'une communauté urbaine avec une forte densité de population et d'activités industrielles.
Qu'un seul conteneur chargé d'explosifs parmi les dix millions qui transitent chaque année par les ports américains explose et le nombre de morts potentiel peut atteindre plusieurs centaines de milliers et un coût de plusieurs dizaines de milliards d'euros.
De même, les mines peuvent constituer une menace d'autant plus grave que ce sont des armes rustiques, redoutables, sournoises et bon marché, faciles à produire et à mettre en oeuvre. Leur efficacité a été démontrée à plusieurs reprises lors du minage de la mer Rouge en 1984, dans la guerre du Golfe en 1988 ou dans le même golfe persique en 1991 où des navires américains ont été touchés par des mines du modèle E, c'est-à-dire l'une des mines les plus anciennes qui soit. Jusqu'à présent, utilisées par les États, elles pourraient être employées également par des groupes terroristes, avec des conséquences majeures sur le trafic maritime international. Imaginons l'effet dévastateur pour l'économie maritime de la France de la détection de mines à l'entrée de ports comme Le Havre ou Marseille !
Comme l'a souligné l'amiral Nielly, le minage de rails de navigation comme la Manche ou le golfe d'Aden sur lesquels circulent respectivement 80 000 et 18 000 bâtiments par an pourrait gravement perturber le commerce maritime mondial, déclencher une marée noire et entraîner une série d'événements en cascade.
Cette menace a cependant été mieux prise en compte depuis une vingtaine d'années et une série de mesures de lutte contre le terrorisme a été adoptée.
La première série de mesures a consisté à essayer d'adapter le droit maritime international afin de pouvoir prendre des mesures préventives à l'encontre de tentatives d'actes terroristes par voie maritime.
C'est ainsi que la convention pour la répression des actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime a été adoptée en 1988 afin de fixer les compétences pénales en matière de détournement de bâtiments ou de dommages causés à un navire.
Cette convention ne fait cependant que définir les suites judiciaires d'un acte terroriste sans autoriser un navire de guerre à intervenir contre un bâtiment étranger qui demeure en haute mer sous la seule juridiction de son pavillon. En 2002, la convention SOLAS a également été révisée pour renforcer les règles relatives à la sûreté, la sécurité et l'exploitation des bateaux transocéaniques afin de faciliter leur identification, d'installer des alarmes de sûreté et de mettre en place des procédés d'identification automatique dits SIA (AIS en anglais).
Sur le plan pratique, des contrôles et des détecteurs ont été mis en place dans les principaux ports afin de scanner et de vérifier les conteneurs en provenance de zones sensibles. En 2002, les douanes américaines ont lancé une initiative pour la sécurité des conteneurs (CSI) qui prévoit la signature d'accords bilatéraux avec une vingtaine de ports internationaux afin de contrôler les conteneurs à destination des États-Unis via la création, dans les ports étrangers, de zones de sanctuarisation où sont effectuées des inspections sous l'autorité d'agents des douanes américaines.
La systématisation des contrôles apparaît cependant impossible en raison de son coût et des délais qu'elle occasionnerait dans le déchargement des cargaisons.
Le seul renforcement des dispositifs de contrôle et de scannage des conteneurs pose la question de la répartition du coût des mesures de sécurité entre les pays selon que ces contrôles sont effectués au départ ou à l'arrivée des navires.
De même, pour prévenir l'arrivée sur les ports de bâtiments constituant des menaces, le système d'identification automatique (SIA - plus connu sous sa forme anglaise AIS) ainsi que le système d'identification et de suivi des navires à grande distance (SISNGD - LRIT en anglais) constituent autant de moyens de suivi des bâtiments et d'estimation de leur route.
Ces dispositifs sont encore à leurs balbutiements. Leur pleine efficacité en matière de sécurité suppose que soient levés les obstacles du partage d'informations entre les Etats et que chacun dispose des moyens de traitement et d'utilisation des données pour prévenir les menaces.
Si les moyens techniques et notamment les bases de données constituent de précieux secours pour identifier les bâtiments suspects, la lutte contre le terrorisme et la surveillance maritime nécessitera également le développement du renseignement humain.
La croissance exponentielle du nombre de bâtiments et de leurs cargaisons couplée avec la sophistication croissante des moyens terroristes parfois duaux rend en effet illusoire la perspective de pouvoir contrôler l'ensemble des bâtiments.
Cette situation doit nous inciter à maintenir la surveillance et le contrôle des infrastructures des opérateurs d'importance vitale pour le pays, comme les ports ou les terminaux pétroliers.
Cette sécurisation suppose des moyens matériels de surveillance satellitaire et maritime complétés par du renseignement humain.
Le développement des infrastructures offshore pétrolières, minières, gazières, des champs d'éoliennes ou autres placera nos principales sources d'approvisionnement en énergie à la merci d'attaques terroristes. Les besoins de sécurisation en mer se développeront donc de manière importante.
Si demain, par exemple, l'approvisionnement des territoires d'outre-mer en électricité dépend de centrales d'énergie thermique des mers, il faudra s'assurer de leur sécurité en mer puisque le fonctionnement normal de ces sociétés dépendra alors d'un ouvrage en mer.
2. Les mesures prises contre la piraterie peinent à endiguer le phénomène.
Comme le constate le document préparatoire à l'actualisation du Livre blanc préparé par le SGDSN en 2012 : « La piraterie et le brigandage maritimes ont connu un développement inédit depuis 2008, en particulier au large des côtes africaines. La Corne de l'Afrique est la région la plus dangereuse (Somalie et Golfe d'Aden, avec une extension à l'Est jusqu'aux côtes indiennes). Le Golfe de Guinée, zone importante dans le domaine des hydrocarbures, connaît une multiplication des attaques depuis le début de l'année 2011. L'absence de moyens de surveillance du trafic maritime et de marine hauturière, la faiblesse des Etats et l'absence de véritable répression à terre sont propices à la pérennité du phénomène. La piraterie pose de manière croissante le problème de la protection des navires. La réponse européenne (opération Atalante et internationale au large de la Corne de l'Afrique) est efficace mais insuffisante pour enrayer le phénomène. ».
La piraterie ne concerne cependant pas seulement l'Afrique ni, la période contemporaine. Chacun a à l'esprit la renommée des pirates des Caraïbes ou de la mer de Chine.
Plus récemment, l'Asie du Sud-Est, avec une tradition de piraterie bien ancrée et une topographie se prêtant à ce type d'activité, a connu une résurgence de la piraterie, en particulier au niveau du détroit de Malacca. Fortement équipés, ces pirates sont passés maîtres dans l'exploitation des règles du droit international passant d'un domaine maritime à l'autre afin d'échapper à leurs poursuivants et obtenir l'impunité.
Un des facteurs de développement des activités illicites est évidemment le formidable accroissement des richesses qui circulent sur les océans.
La piraterie moderne est l'une des conséquences de la maritimisation des économies modernes.
Si l'on focalise souvent sur la situation qui prévaut en Somalie, le phénomène semble plus large, puisqu'il touche aussi bien les Caraïbes que le golfe de Guinée, le canal de Panama que celui de Malacca. En dépit des nombreuses différences liées aux situations locales, on constate partout la création de véritables entreprises de piraterie liées à des circuits du commerce international maritime.
Comme l'a souligné l'amiral Carlier, sous-chef d'état-major « plans et programmes » de l'état-major de la Marine : « autrefois il fallait avoir bac+5 pour pouvoir naviguer à cinq jours de distance des terres, aujourd'hui, avec les moyens modernes, des pirates analphabètes s'engagent bien plus loin des côtes de l'océan Indien avec des moyens de communication et des armements relativement sophistiqués. ». De fait avec un GPS portable, un moteur Yamaha et une Kalachnikov, les pirates vont avec une barque au milieu de l'océan Indien mettre en danger des porte-conteneurs ou des tankers.
Presque tous les jours sur les mers du monde des tentatives d'abordage ont lieu en pleine mer. Ainsi le 18 juin dernier, le vraquier LADY JANA (pavillon du Togo) a fait l'objet d'une attaque par 4 esquifs avec chacun 5 à 6 pirates à bord, à l'ouvert du golfe d'Aden. Le navire a augmenté de vitesse et l'équipage est passé en citadelle. Les tirs des pirates au lance-roquette et à la mitrailleuse ont percé le second réservoir de carburant, affectant la vitesse du navire. Un exemple qui illustre l'augmentation continue du niveau d'engagement et de violence des pirates.
Dans certaines régions du monde, la réaction des États a permis d'enrayer la progression du phénomène. La réponse coordonnée depuis 2004 de l'Indonésie, la Malaisie et Singapour qui ont lancé des opérations communes a, par exemple, abouti à une réduction des actes de piraterie, dont le nombre a été divisé par deux entre 2003 et 2007.
La situation sur le continent africain est cependant plus complexe en raison du délitement des structures étatiques le long de la Corne de l'Afrique et en particulier en Somalie.
C'est la raison pour laquelle l'Europe à travers l'opération Atalante déployée depuis décembre 2008 veille et souhaite prévenir et réprimer les actes de piraterie dans les eaux internationales ainsi que dans les zones territoriales somaliennes.
Avec 10 pays de l'Union participant à l'opération, Atalante est l'une des premières opérations conjointes intégrées de l'Union européenne. Cette action est complétée par les forces de l'OTAN avec l'opération Océan Shiel, mais aussi par la présence sur mer de bâtiments russes, iraniens, indiens, japonais, coréens et chinois.
L'une des raisons de la mobilisation croissante des Etats est non seulement les prises d'otages, mais également la progression de l'impact économique de la piraterie.
Le montant annuel des rançons versées aux pirates somaliens n'aurait cessé de s'accroître. Il était estimé à 131 millions de dollars en 2011, contre 80 millions de dollars en 2010.
Le coût global de la piraterie serait cependant bien supérieur, puisqu'il faut tenir compte des primes d'assurance pour les armateurs, les dépenses afférentes aux équipes de protection embarquées ou encore le coût du recours à des sociétés de sécurité privées de protection des navires.
Concernant les primes d'assurance, le surcoût lié à une traversée de l'océan Indien est généralement de l'ordre de 0,5 % de la valeur du navire, soit souvent proche de 20 000 à 30 000 dollars supplémentaires par jour de traversée. Le contournement des zones dangereuses, par exemple par le Cap de Bonne Espérance, induit un allongement des délais et une consommation plus élevée de fioul.
Selon le rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet (Soc, Haute-Vienne) et François Trucy (UMP, Var) sur l'application de la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer «au total, le « chiffre d'affaires » généré par la piraterie dans l'océan Indien est estimé entre 7 et 8 milliards de dollars ».
La piraterie dans l'océan Indien est donc naturellement devenue une préoccupation majeure des pays dont les bâtiments croisent les côtes somaliennes, mais également une occasion pour s'implanter dans la région. C'est dans cette perspective que le Japon a par exemple installé pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale une base navale en dehors de son territoire à Djibouti. C'est également au titre de la lutte contre la piraterie que la Chine assure dans cette zone une présence quasi permanente.
L'autre conséquence de la piraterie est la tentation croissante des états à privatiser les missions de sécurisation des voies maritimes et des bâtiments. D'ores et déjà de nombreuses sociétés privées proposent leurs services aux compagnies de transport maritime pour sécuriser leurs navires. Ces pratiques autorisées notamment par les législations anglo-saxonnes permettent aux navires de transporter six à huit hommes armés afin de pouvoir repousser les tentatives d'abordage des pirates.
Le recours à ces sociétés de services est également fréquent dans le détroit de Malacca ainsi que dans le golfe de Guinée où les plateformes pétrolières sont sous la garde de navires armés par des équipages locaux financés par les sociétés pétrolières.
Face à l'importance des demandes de navires battant pavillon français pour recevoir la protection de la France, le gouvernement a choisi de focaliser son action de protection sur les navires présentant un intérêt stratégique pour notre pays. Pour ces bâtiments, la Marine nationale fournit des équipes de protection embarquées.
Évolution du nombre d'attaques de piraterie
recensées par le bureau maritime international
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Nombre d'attaques |
120 |
215 |
199 |
168 |
Nombre de navires capturés |
44 |
39 |
36 |
22 |
% captures/attaques |
36% |
18% |
18% |
13% |
Rançon moyenne (USD) |
1 450 000 |
1 900 000 |
4 000 000 |
5 300 000 |
Durée moyenne de rétention (jours) |
59 |
85 |
150 |
/ |
Présumés pirates interceptés (dont France) |
117 (49) |
707 (111) |
929 (176) |
652(27) |
Présumés pirates relâchés |
60 |
422 |
766 |
406 |
Présumés pirates appréhendés et remis à autorité judiciaires (dont France) |
48 (21) |
275 (81) |
143 (54) |
246 (13) |
Comme l'a souligné le rapport d'information de la commission de la défense nationale et des forces armées sur les sociétés militaires privées, présenté par MM Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, pour les autres navires, la question du recours à d'autres solutions, complémentaires aux équipes de protection embarquées, telles que le recours éventuel à des sociétés de sécurité privées se trouve posée. Une telle évolution impose cependant de cadrer l'activité des sociétés avec une loi claire définissant en particulier les conditions d'exercice éventuel de la force dans un espace régi par le droit international.
3. Les espaces maritimes sont également le théâtre d'un développement sans précédent des flux criminels.
Le développement du transport maritime ne concerne pas seulement les activités licites.
Le document préparatoire à l'actualisation du Livre blanc préparé par le SGDSN en 2012 constate que « Depuis 2008, les espaces maritimes sont également le théâtre d'un développement des flux criminels (drogue, armes, êtres humains, prolifération), favorisé par la densité de la circulation par conteneur, qui facilite la dissimulation, et par la fragilité de certains Etats incapables d'imposer des contrôles sur leur territoire. Ces derniers deviennent des zones de production ou de transit de ces flux, en particulier de drogue et d'armes. »
En Méditerranée, les trafiquants ravitaillent l'Europe en cannabis marocain avec des « go-fast », longs hors-bord spécialement fabriqués, équipés de trois ou quatre moteurs de 250 chevaux qui leur permettent de naviguer plus vite que n'importe quelle embarcation étatique entre les côtes marocaines et l'Espagne ou la France.
En Atlantique, les multinationales de la drogue issues des puissantes organisations criminelles utilisent des bateaux de pêches, des porte-conteneurs, voire de petits sous-marins pour transporter des cargaisons de cocaïne d'Amérique du Sud à l'Amérique centrale et l'Afrique de l'Ouest.
La banalisation des moyens de navigation moderne alliée à la prolifération des armements ont ainsi favorisé l'extension des trafics illicites par voie maritime. Ces trafics induisent de plus en plus de violence.
Cette professionnalisation des activités illicites en mer s'observe également pour le trafic des migrants par voie maritime ainsi que pour le développement sans précédent des entreprises de trafic maritime de drogue.
Parce que le développement de la criminalité transnationale en mer tient à des facteurs endogènes, à la mondialisation, au progrès technique et au développement des échanges, il semble que ces phénomènes sont amenés à être des éléments structurels du contexte géopolitique en mer.
En termes de revenu financier, le trafic de drogue est de loin la principale activité illicite en mer. Le développement de son commerce maritime a, en effet, permis la constitution de véritables multinationales disposant de moyens considérables grâce à des revenus se chiffrant à plusieurs centaines de milliards d'euros par an. Ces cartels de la drogue fournissent, à partir de l'Amérique latine pour la cocaïne ou de l'Asie centrale pour l'héroïne, le continent européen, l'Amérique du Nord et plus récemment l'Afrique qui constitue à la fois un nouveau marché et une zone de transit vers l'Europe.
La mer constitue la voie privilégiée des trafics de drogue, les navires permettant une grande capacité de transport, une relative discrétion et d'innombrables possibilités de dissimulation. Les voies maritimes utilisées par les narcotrafiquants sont relativement connues, mais difficile à contrôler compte tenu de l'étendue des mers concernées. Par ailleurs, les trafiquants mettent en oeuvre des moyens sophistiqués pouvant aller jusqu'à l'emploi de navires submersibles.
En outre, les très nombreux micro-Etats insulaires qui disposent de vastes espaces maritimes et de faibles moyens de contrôle constituent autant de refuges pour les cartels dont les moyens sont sans commune mesure avec les budgets de ces Etats. A cet égard, les Caraïbes constituent une plate-forme naturelle du trafic en provenance de l'Amérique du Sud et à destination des États-Unis ou de l'Europe.
Or la répression de ce trafic à ce stade de la distribution est un mode d'action efficace qui permet des saisies de quantités importantes avant la dilution des stupéfiants dans des réseaux de revendeurs difficiles à démanteler. C'est pourquoi, en coopération internationale et inter-administrations, notamment avec les douanes, les marines nationales sont impliquées de façon croissante dans l'interception des navires trafiquants et doivent l'être encore plus.
Car, non seulement ces interceptions rencontrent des difficultés juridiques considérables liées à l'application de la convention de Vienne, mais elles exigent des investissements importants et des moyens de surveillance et d'arraisonnement très supérieurs au montant des saisies effectuées.
En effet, l'arraisonnement en haute mer de navires de pêche ou de cargos ou de navires rapides type « go-fast » suppose des moyens de surveillance importants (satellites, avions) organisés en réseau et couplés avec des capacités hauturières d'intervention capables de mettre en oeuvre de manière graduée toute une palette de moyens de coercition.
A titre d'exemple, l'interception de trafiquants de drogue dans l'Arc Caraïbe suppose le plus souvent des coopérations internationales et interministérielles lors de la phase d'enquête préalable. Lorsque les renseignements sont suffisamment consolidés, une opération d'interception peut être ordonnée. Le plus souvent une frégate de la Marine nationale met en oeuvre son hélicoptère. Des tireurs d'élite de la Marine prennent place à bord et sont capables d'arrêter le go-fast intercepté grâce à des tirs de précision dans les moteurs. Ensuite, une équipe d'intervention interministérielle intervient à bord pour saisir la cargaison et interpeller les contrevenants.
Cette asymétrie est d'autant plus préoccupante que les Etats qui luttent contre le trafic de drogue comme les États-Unis ou les Etats européens connaissent des difficultés croissantes à financer ces investissements au moment même où les revenus de ces trafics permettent au contraire aux trafiquants d'investir toujours plus dans des moyens de transport maritime sophistiqués.
De ce point de vue, les résultats mitigés obtenus par les États-Unis malgré un effort financier considérable dans les moyens de lutte contre le trafic de drogue ne peuvent que susciter des inquiétudes sur la capacité des Etats à limiter l'expansion de ces trafics.
En Europe, le développement du trafic en provenance d'Afrique de l'Ouest constitue une évolution préoccupante. En effet, depuis plusieurs années, les pays longeant le golfe de Guinée : le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Togo, le Nigéria et, plus à l'ouest, la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria sont devenus des zones de transit et de redistribution de la drogue en provenance d'Amérique du Sud grâce à des liaisons maritimes transocéaniques.
La position géographique de l'Afrique de l'Ouest située au 10 e degré de latitude nord, là où la distance entre les deux continents est la plus courte, favorise le trafic, comme l'illustrent les récentes saisies des marines espagnole et britannique.
Les difficultés que connaissent les Etats du Sahel et l'instabilité actuelle des Etats du Maghreb favorisent d'autres acheminements vers l'Europe de la cocaïne.
Au trafic de drogue s'ajoute le trafic illicite de migrants qui devrait augmenter au fur et à mesure que la pression démographique se fera sentir.
A l'instar du trafic de drogue ou de la piraterie, l'immigration illégale et le trafic illicite de migrants ou d'êtres humains sont des pratiques anciennes qui connaissent depuis une vingtaine d'années une recrudescence importante.
Chacun a en mémoire les boat-people fuyant les régimes communistes d'Asie du Sud-Est dans les années 70. Plus récemment, l'éclatement de la Yougoslavie et la crise du régime albanais ont contraint de nombreux ressortissants de ce pays à traverser l'Adriatique pour l'Italie.
De même les incertitudes liées au printemps arabe ont conduit à l'épisode East-Sea d'un navire échoué sur les côtes de Provence. Il s'agit également d'un point central dans la reconstruction de la Libye, ce pays constituant une zone de transit entre l'Afrique sub-saharienne et le continent européen.
Le débarquement de clandestins sur les côtes européennes est aujourd'hui quasiment quotidien. Ainsi, entre le 25 et le 29 mai 2012, 4 débarquements ou tentatives de débarquement par voie maritime ont été constatés sur les côtes italiennes au cours desquelles 152 migrants clandestins (79 Egyptiens, 53 Somaliens, 4 Tunisiens et 16 Libyens) ont été interceptés. Il n'est pratiquement pas un jour sans lequel le PC action de l'Etat en mer de Mayotte ne coordonne l'interception d'embarcations et de passeurs !
Au-delà de ces épisodes parfois dramatiques, le développement de l'immigration illégale par la mer a un caractère structurel lié à l'aspiration de peuples déshérités à rejoindre ce qui est perçu comme un Eldorado économique. Il est en partie lié en Méditerranée à la pression démographique exercée par le continent africain, dont la population continue à croître à un rythme soutenu et qui devrait doubler d'ici 2050 pour atteindre 1,8 milliard d'habitants, soit trois fois plus que l'Europe de demain, plus que l'Inde et 25 % d'habitants de plus que la Chine.
Ces vagues d'immigration irrégulière seront d'autant plus difficiles à maîtriser qu'elles utilisent des vecteurs et des trajectoires très variés qui imposent aux Etats côtiers la mobilisation de moyens considérables de surveillance maritime pour des résultats somme toute modestes.
En effet, seules des patrouilles navales et aériennes quotidiennes relayées par un système littoral de surveillance et d'identification des bâtiments permettent une détection avancée des petites embarcations comme des navires plus conséquents.
En outre la lutte contre l'immigration clandestine se heurte en mer à un droit maritime international qui donne peu de latitude aux Etats côtiers, voire à une instrumentalisation du droit international qui donne obligation au bâtiment de porter assistance aux personnes en danger.
En Europe, le développement de la pression migratoire en provenance du Maghreb et de l'Afrique et la volonté d'en maîtriser le flux ont conduit les Etats européens à promouvoir les deux protocoles additionnels à la convention des Nations unies sur le droit de la mer relatifs à la traite des personnes et au trafic de migrants.
Ces protocoles, qui s'efforcent de définir et de réprimer l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier sur un territoire donné, visent à donner aux Etats riverains des moyens juridiques de lutte contre les passeurs dans un contexte marqué par la liberté des mers et l'obligation de porter secours à des bâtiments en détresse.
Tous les Etats sont loin de pouvoir mobiliser des moyens. C'est d'ailleurs ce constat qui a conduit à la première tentative de mutualisation des compétences en matière migratoire au sein de l'Union européenne, avec la mise en place d'un système intégré de gestion des frontières extérieures (FRONTEX) qui consiste, au-delà des missions d'interception des migrants, à porter assistance et ainsi éviter les drames humains.
L'ampleur du phénomène imposera à l'avenir des moyens accrus. Ces moyens pourront être nationaux ou mutualisés au sein d'une Europe renforcée. Il est souhaitable que les pays d'Afrique du Nord soient également mis à contribution. Il y a un intérêt majeur à ce qu'ils développent des institutions judiciaires et des moyens navals leur permettant de juguler ce phénomène. Il est également essentiel de développer avec ces pays une coopération sur une gestion concertée de la lutte contre les trafics de migrants.
Cette coopération devrait notamment permettre aux bâtiments occidentaux de travailler toujours plus près des eaux territoriales des pays de transit et de travailler en amont au démantèlement des filières.
Les enjeux liés à la lutte contre les trafics illicites en mer sont importants à plus d'un titre car, en dans ce domaine, les eaux territoriales sont les premières frontières où se jouent l'équilibre et la paix de notre société.
4. L'appropriation progressive de la mer par l'homme constitue un risque majeur pour l'environnement marin
Toutes les activités humaines littorales et en mer sont susceptibles de générer des pollutions, chroniques ou aiguës, involontaires et accidentelles ou volontaires.
En mer, les navires, mais aussi les plates-formes de recherche ou d'exploitation pétrolière offshore, les gravières sous-marines, ou les dragages, ou encore les installations aquacoles sont sources de rejets polluants.
Comme l'a souligné devant le groupe de travail M. Francis Vallat, président du Cluster maritime « si la mer est l'avenir de la terre, pour l'énergie, l'alimentation, la recherche pharmaceutique, aussi bien que pour les minerais, il faut la préserver en conservant à l'esprit un "développement durable" qui concilie les deux impératifs de "développement" et de "durabilité" au lieu de les opposer en permanence de manière idéologique ».
Indéniablement la première menace aujourd'hui contre le développement des activités marines créatrices de richesses est la détérioration de cet environnement aujourd'hui relativement préservé par rapport aux dégâts constatés sur terre.
La valorisation des activités marines passe, en conséquence, par la protection de l'environnement en mer tant il serait irresponsable de livrer les mers à une forme de pillage environnemental.
Les problématiques de gestion de l'environnement et de préservation des ressources naturelles traversent aujourd'hui l'ensemble des activités marines aussi bien en termes d'usages de l'espace maritime, comme le transport, que de ressources, comme les gisements offshore.
L'intégration d'une gestion durable de l'environnement est de ce fait au coeur des développements actuels et à venir de l'économie maritime.
Interception lors d'une opération de lutte contre la pêche illégale
Cette gestion implique tout d'abord la gestion de l'énergie et l'encadrement des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre les conséquences des changements climatiques. Elle concerne également les pollutions et autres atteintes au milieu marin et à ses ressources.
L'exemple de la surpêche et des pressions exercées sur les ressources halieutiques illustrent la problématique des conditions d'exploitation futures des ressources.
L'accroissement des pollutions transnationales, à l'image des marées noires du secteur pétrolier, place l'environnement comme un enjeu international qui requiert des développements réglementaires et une uniformisation de ces derniers et des moyens de surveillance et de contrôle.
Dans le domaine du transport maritime, le respect de l'environnement apparaît comme une problématique croissante, avec le développement des normes « antipollution » contraignantes et autres exigences en matière de réduction des consommations énergétiques.
La prise de conscience est d'autant plus urgente que la situation est déjà préoccupante, comme l'a démontré le processus d'évaluation mondiale de l'état des océans de l'ONU (Global Assessment of the Marine Environment) ainsi qu'un programme mondial d'évaluation des eaux (Global International Waters Assessment).
Dans la mer des Caraïbes, l'océan Indien et dans les espaces maritimes d'Asie du Sud-Est, le blanchiment des récifs coralliens annonce leur extinction prochaine sous l'effet de la pollution, des sédiments, des remblais, du tourisme et de l'augmentation de la température de la mer.
En 2000, 27 % des récifs coralliens avaient déjà définitivement disparu du globe. Le dernier rapport du World Resources Institute 9 ( * ) révèle que 75 % des récifs coralliens du monde sont actuellement menacés par les pressions locales et mondiales.
Pour la première fois, l'analyse intègre les menaces liées au changement climatique, et notamment le réchauffement des océans et l'augmentation de l'acidification. Le rapport montre que les pressions locales -telles que la surpêche, le développement côtier et la population- sont les risques les plus immédiats et directs, menaçant plus de 60 % des récifs coralliens aujourd'hui.
La préservation de la biodiversité et des équilibres naturels est également devenue une préoccupation politique majeure car elle est une condition du développement des activités en mer comme l'illustre l'évolution des activités de pêche.
De 20 millions de tonnes dans les années 50, à environ 80 millions de tonnes à la fin des années 80, les captures marines mondiales ont atteint 90 millions de tonnes en 2008 selon la FAO 10 ( * ) .
Le recensement de la FAO montre que la proportion de stocks de poissons de mer sous-exploités ou exploités modérément est passée de 40 % au milieu des années 70 à 15 % en 2008 ; inversement, la proportion de stocks surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution a augmenté, passant de 10 %en 1974 à 32 % en 2008.
Évolution du volume de poissons péchés par zone
En millions de tonnes
Source : Organisation des Nations unies pour l'alimentation (FAO )
En dehors des zones de pêche qui bordent l'Amérique du Sud et l'océan Indien, tous les océans de la planète sont aujourd'hui considérés comme surexploités : la Méditerranée est considérée comme « vidée » et l'Atlantique Nord est en voie d'épuisement des espèces.
Premier acteur du désastre : la pêche industrielle et ses bateaux-usines dont les capacités de conditionnement et de congélation à bord permettent de rester plus longtemps sur les zones les plus riches en poissons, au risque d'en épuiser certaines espèces, comme l'aiguillât commun dans l'Atlantique Nord désormais en danger d'extinction ou la légine en mer australe.
Longtemps les Etats ont protégé leur marché intérieur au détriment de la ressource halieutique. Sous l'égide de l'Europe au niveau régional, avec l'adoption de quotas de l'ONU et de la FAO, au niveau mondial, une réglementation plus contraignante de la pêche et de la surpêche intégrant la protection d'espèces menacées et l'interdiction de certaines méthodes de capture ont conduit à atténuer la dégradation de la situation.
Le respect de ces différentes réglementations suppose une présence accrue des Etats en mer pour assurer surveillance et répression .
Force est de reconnaître que, pour lutter contre la pêche sans permis, l'utilisation d'engins de pêche interdits, la pêche hors des saisons autorisées ou dans des zones fermées à la pêche, la capture de juvéniles ou d'espèces dont la pêche est interdite, les Etats utilisent des moyens très inégaux.
La France, par exemple, a établi une zone de surveillance par satellite dans le sud de l'océan Indien pour aider à la protection de la légine australe. Ce système de surveillance par radar basé sur l'imagerie collectée par les satellites Envisat et Radarsat 1 a permis de réduire de 90% le nombre d'incursions illégales dans le voisinage des îles Kerguelen.
D'autres formes de pollution liées aux activités marines menacent les mers.
Les épaves de navires, les rejets directs de déchets alimentaires, les résidus de cargaison rejetés en mer ou emportés dans le mauvais temps ou lors de naufrages, les rejets illicites de boues de fioul et d'huiles usées, les fuites au pompage, les produits chimiques divers issus de décharges sous-marines, les dépôts de boues de dragages, l'immersion de déchets radioactifs.
Les pollutions liées au transport et aux forages d'hydrocarbure sont également une source majeure de préoccupation dans la mesure où le nombre de pétroliers et de plateformes de forage ne cesse de croître.
Plus que d'autres pays la France a eu à connaître l'ampleur des dégâts occasionnés par les marées noires. Les côtes françaises ont, en effet, été touchées trois fois par des pollutions majeures : le Torrey Canion s'échoue en mars 1967 entre les côtes française et britannique ; en mars 1978, le naufrage du supertanker libérien Amoco Cadiz avait provoqué la fuite de 230.000 tonnes de brut au large du Finistère et en décembre 1999, le pétrolier Erika avait fait naufrage au large de la Bretagne, provoquant une marée noire massive. Aux Etats-Unis, chacun se souvient du pétrolier américain Exxon Valdez qui avait heurté en 1989 un récif dans la baie du Prince William (Alaska), déversant quelque 38.800 tonnes de pétrole.
Indéniablement, malgré le renforcement des normes de sécurité et notamment l'introduction des doubles coques pour les pétroliers, les risques environnementaux liés au trafic maritime se sont accrus en raison de l'accroissement du trafic et du gigantisme des bateaux. Si dans les années 60 un porte-conteneurs pouvait transporter environ 2 000 boîtes, la génération qui sera livrée en 2013 pourra transporter jusqu'à 18 000. L'Amoco-Cadiz transportait 200 000 tonnes de brut, aujourd'hui les pétroliers les plus grands en transportent 500 000.
Le développement de l'offshore profond et ultra-profond, malgré des progrès réalisés dans la gestion des risques multiples a provoqué une douzaine d'accidents majeurs depuis 1976, dont les conséquences ont été lourdes tant sur les plans humains qu'environnementaux.
Aux risques traditionnels liés à la perte d'intégrité des structures (corrosion, fuite, explosion...) viennent désormais s'ajouter ceux créés par les conditions extrêmes de certains gisements, en raison soit de leur emplacement (Arctique, Norvège...), soit de leur environnement (profondeur, force des courants...), soit de leur instabilité (surpression, haute température...).
L'accroissement des risques humains et environnementaux va en effet de pair avec la complexité des opérations de forage.
Les questions de sécurité prennent un relief particulier dans le contexte de projets d'exploitation situés dans des régions inhospitalières ou à des profondeurs dépassant les 3 000 mètres d'eau.
Le cas de l'Arctique, enjeu majeur pour l'industrie pétrolière, est emblématique à cet égard. Même si les conditions techniques s'améliorent, un accident du type Macondo survenant dans ces eaux froides à faible activité bactérienne aurait des conséquences dramatiques.
En effet, comme l'a souligné Patrick Boissier, président-directeur général de DCNS, « la zone arctique est une zone essentielle pour la production des phytoplanctons » qui sont des puits biologiques du gaz carbonique atmosphérique et la base de la nourriture de la plupart des poissons.
Dans l'activité pétrolière offshore, risque industriel et conséquences environnementales se conjuguent immanquablement : l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon (DWH) au printemps 2010 a causé une marée noire d'une ampleur sans précédent avec une fuite de 4,1 millions de barils.
Si l'Europe a été épargnée par les catastrophes environnementales de cette origine, de nombreux accidents se sont néanmoins produits dans les années 1980. Le plus dramatique fut l'incendie en 1988 sur la plateforme Piper Alpha, en mer du Nord, qui a fait 167 morts.
Comme les opérations et les projets d'offshore profond dans des zones écologiques ou climatiques difficiles se poursuivent (Îles Shetland à 1 600 mètres de profondeur, Îles Féroé (1 100 mètres), mer Noire, Méditerranée...) une vigilance accrue sur les conditions dans lesquelles ces opérations sont conduites s'impose (forage, qualité des équipements d'obturation et de confinement en cas de fuite ou d'éruption, formation des personnels...).
L'augmentation de l'ensemble des risques environnementaux a conduit les États à mener des politiques volontaristes de création d'espaces marins protégés.
Les aires marines protégées françaises
Après la création, en 2007, du 1 er parc naturel marin en Mer d'Iroise, le Grenelle de la mer, lancé en 2009, a donné une impulsion décisive au développement des aires marines protégées en France, que ce soit en métropole ou outre-mer.
Les objectifs de la politique maritime française énoncés dans le Livre bleu sont de porter leur superficie à 10 % des zones sous juridiction française d'ici la fin 2012, et 20 % d'ici 2020, dont la moitié en moyenne globale en réserves ou cantonnements de pêche.
Dans le cadre de cette politique, le Gouvernement français a installé trois nouveaux parcs naturels marins, dont deux dans l'océan Indien (Mayotte en 2010, îles Glorieuses en 2012) et un dans le golfe du Lyon en 2011 et mis à l'étude quatre autres parcs (golfe normando-breton, Martinique, estuaires picards et bassin d'Arcachon).
Les zones protégées dans les territoires d'outre mer exigent des moyens particuliers liés à leur environnement géostratégique.
Ainsi le parc naturel marin des Glorieuses à Mayotte, au milieu du canal du Mozambique, nécessite une surveillance d'autant plus forte qu'il est situé dans une zone particulièrement prisée par les pirates.
En résumé, la multiplication des activités marines, la sédentarisation d'un nombre croissant d'activités en mer, l'exploitation de zones jusqu'ici épargnées par l'activité humaine comme l'Arctique ou les dorsales océaniques imposeront à l'avenir une vigilance accrue, un renforcement des réglementations internationales et nationales de protection de l'environnement en mer.
Ces réglementations, pour être respectées, exigeront une augmentation des moyens de surveillance et de répression. Car, sans moyen de répression, la maritimisation risque de se traduire par une détérioration irréversible des océans avec des conséquences sur la flore, la Faune et le climat de la planète.
Or ces moyens de surveillance et de répression, nous le verront plus avant, sont essentiellement des moyens fournis par les marines nationales.
* 9 Le rapport « Reefs at Risk Revisited » est l'évaluation la plus détaillée sur les menaces pour les récifs coralliens jamais entreprise. Ce rapport est publié par le World Resources Institute (WRI), ainsi que Nature Conservancy, le WorldFish Center, International Coral Reef Action Network, Global Coral Reef Monitoring Network, et le PNUE-World Conservation Monitoring Center, et un réseau de plus de 25 organisations, et notamment l'Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens.
* 10 La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture (SOFIA) FAO 2008