b) ... détectée grâce aux déclarations de soupçon à Tracfin
Les normes de vigilance édictées en matière de blanchiment ont pour corollaire une obligation de déclaration de soupçon auprès de la cellule de renseignement financier, Tracfin qui occupe une position primordiale comme interface entre les acteurs de la vie économique et financière au quotidien et les administrations compétentes, qu'elles relèvent du ministère des finances ou de l'autorité judiciaire.
La création de la cellule française Tracfin 317 ( * ) a fait suite à celle du GAFI . M. Carpentier 318 ( * ) a tout d'abord insisté sur la nature documentaire de sa mission : « Le travail de Tracfin consiste à jouer le rôle d'interface entre l'administration et les personnes qui l'alimentent, au titre de leurs obligations légales, d'un certain nombre d'informations que l'on appelle « déclarations de soupçon », à traiter ces informations pour examiner si elles permettent de déceler des actions illégales et, le cas échéant, à disséminer une information « enrichie » intellectuellement à un certain nombre de destinataires habilités. Notre première mission est donc la collecte d'informations provenant exclusivement de personnes habilitées par la loi à les transmettre. »
La déclaration de soupçon 319 ( * ) constitue une obligation légale non seulement pour les banques mais aussi pour les sociétés financières, les assureurs, les notaires, etc. Le soupçon ne concerne que certaines infractions dont le blanchiment de fraude fiscale 320 ( * ) . La déclaration doit être faite de bonne foi, c'est-à-dire que le soupçon doit être étayé et documenté 321 ( * ) .
La mission de collecte de l'information est complétée par un travail d'analyse et d'enrichissement de celle-ci .
Ainsi, M. Carpentier 322 ( * ) a insisté sur le fait que : « Tracfin n'est pas un service opérationnel, au sens de service de terrain. Lorsque nous détenons une information, nous ne posons pas de micros, nous ne faisons pas de filatures, d'auditions, ni de perquisitions. Nous effectuons un travail documentaire consistant à examiner des informations qui émanent non pas d'auxiliaires de justice, mais de professionnels qui s'interrogent sur ce qu'ils observent. Notre principale mission consiste à vérifier si ces informations sont susceptibles de se rattacher, ou non, à un flux financier clandestin illicite »
En effet, aux termes de l'article L. 561-31 du code monétaire et financier (CMF), Tracfin peut communiquer des informations avec les cellules de renseignement financier homologues sur leur demande ou à son initiative. Cette coopération a conduit Tracfin à être ainsi sollicité 1 485 fois par ses homologues étrangers, et à formuler 849 demandes.
* 317 Cellule de coordination intégrée à la direction des douanes dès le 9 mai 1990, elle est devenue un service à compétence nationale le 6 décembre 2006. Un décret et un arrêté du 7 janvier 2011 organisent le service en trois départements : un département des affaires administratives et financières, un département du renseignement et un département des enquêtes.
* 318 Cf . audition du 3 avril 2012.
* 319 Cf. article L. 561-15 du code monétaire et financier.
* 320 Trois types d'opérations sont susceptibles d'être déclarées à Tracfin. Il s'agit des sommes que les banques soupçonnent de participer au financement du terrorisme ou de provenir de toute infraction punie d'une peine de plus d'un an d'emprisonnement, notamment la fraude fiscale (certains types de fraude précisés par décret). Sont également visées les opérations particulièrement complexes, ou d'un montant inhabituellement élevé sans justification économique, ou d'objet légal et pour lesquelles la banque ne dispose pas d'information et d'une manière générale toute opération pour laquelle l'identité du bénéficiaire réel n'a pu être établie.
* 321 La déclaration comprend notamment : l'identité des personnes concernées, l'identification des opérations suspectes, l'origine et la destination des fonds, et toute justification du soupçon.
* 322 Cf . audition du 3 avril 2012.