Rapport d'information n° 668 (2011-2012) de MM. Didier BOULAUD , Xavier PINTAT , Jean-Pierre CHEVÈNEMENT , Mmes Michelle DEMESSINE , Josette DURRIEU , MM. Jacques GAUTIER , Alain GOURNAC , Gérard LARCHER et Bernard PIRAS , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 12 juillet 2012
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INTRODUCTION
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I. ETAT DES FORCES NUCLÉAIRES
FRANCAISES
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II. UNE TRIPLE CONTESTATION DES ARMES
NUCLÉAIRES
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III. DE NOUVELLES INTERROGATIONS SE SONT FAIT
JOUR
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IV. LES DÉCISIONS A PRENDRE
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V. LES TERMES DU DÉBAT
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A. L'UTILITÉ MILITAIRE ET LE COÛT
FINANCIER
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B. L'UTILITÉ POLITIQUE
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C. L'IMPORTANCE INDUSTRIELLE ET
TECHNOLOGIQUE
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A. L'UTILITÉ MILITAIRE ET LE COÛT
FINANCIER
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I. ETAT DES FORCES NUCLÉAIRES
FRANCAISES
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXES
N° 668
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2012 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) par le groupe de travail sur l' avenir des forces nucléaires françaises ,
Par MM. Didier BOULAUD, Xavier PINTAT, co-présidents , Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Mmes Michelle DEMESSINE, Josette DURRIEU, MM. Jacques GAUTIER, Alain GOURNAC, Gérard LARCHER et Bernard PIRAS,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Didier Boulaud, Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Hélène Conway Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; MM. Pierre André, Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini. |
INTRODUCTION
Les forces nucléaires françaises ont subi, depuis 2008, de profondes transformations. Cela s'est traduit par l'entrée en service d'armes améliorées et le renoncement à un escadron de la composante aérienne. Aujourd'hui ces forces sont modernisées et l'essentiel des investissements, pour une période assez longue, a été effectué. Aujourd'hui la question essentielle porte sur la nécessité d'investir à nouveau pour la prochaine génération d'armes.
Un débat a lieu tendant à remettre en cause l'utilité de ces armes et surtout leur coût 1 ( * ) .
L'ancien Premier ministre Michel Rocard a déclaré, le 21 juin 2012 : « on supprime la force de dissuasion nucléaire, seize milliards d'euros par an qui ne servent absolument à rien ». Il est revenu depuis sur ses propres déclarations qu'il a qualifiées de « boutade ». Mais cela n'enlève rien à l'actualité de la contestation. Au même moment, Paul Quilès, ancien ministre de la défense, ancien président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, vient de publier un livre 2 ( * ) dans lequel il conteste le fait que l'arme nucléaire demeure « l'assurance-vie de la nation ». « C'est le dogme ! Il faut un débat », plaide-t-il.
En réponse, François Hollande, président de la République, a déclaré le 26 juin : « qu'il y ait des négociations sur le désarmement nucléaire, la France doit y prendre toute sa part et nous le ferons. Mais renoncer à la dissuasion nucléaire pour des raisons d'économie budgétaires n'est pas aujourd'hui la position de la France. Je me suis engagé devant les Français pour préserver la dissuasion nucléaire, parce que c'est un élément qui contribue à la paix. ». Il a du reste été, quelques jours après ces déclaration, le premier président de la République, depuis Valéry Giscard d'Estaing, à embarquer à bord d'un sous-marin nucléaire lanceur d'engins - Le Terrible. Il a déclaré à cette occasion qu'il souhaitait « par (sa) présence, réaffirmer l'attachement de la France à la force de dissuasion » et saluer « l'engagement et le professionnalisme des personnels qui se dévouent pour la réalisation de cette mission ».
Au-delà des déclarations politiques, le débat sur l'utilité de l'arme nucléaire existe aussi au sein des armées. Outil stratégique imposé par le pouvoir politique, les armes nucléaires n'ont jamais été très populaires dans de nombreux secteurs.
Cet état d'esprit s'amplifie en période de restrictions budgétaires puisque chaque composante, en particulier l'armée de terre, craint de voir ses crédits réduits à cause de la « sanctuarisation » de la dissuasion. Tout le monde sait dans les forces que, moins de crédits pour les armées signifiera moins d'équipements conventionnels pour les soldats, équipements dont ils ont besoin en mission et dont leur vie parfois dépend. Si bien que certains militaires ou anciens militaires appellent publiquement à la réduction des moyens de la dissuasion, voire à la suppression d'une composante. Est-il nécessaire d'organiser une permanence à la mer ? Ne peut-on se contenter d'un seul escadron d'avions porteurs de l'arme ?
La contestation de l'utilité pour notre pays de disposer d'armes nucléaires prend d'autant plus de force que des incertitudes grandissent sur le maintien des armes nucléaires tactiques de l'OTAN et que le déploiement de la défense antimissile balistique américaine en Europe soulèvent des questions difficiles. Si la Grande Bretagne, qui ne prendra sa décision qu'en 2016, décide de renoncer aux armes nucléaires, la France risque de se retrouver seule puissance nucléaire en Europe.
Dans le cadre des travaux de préparation à la rédaction du futur Livre blanc, les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ont ouvert le dossier de l'avenir des forces nucléaires françaises depuis maintenant six mois. Ils ont mené un cycle complet d'auditions et ont pu avoir accès, dans les meilleures conditions, aux principales installations dont ils n'avaient pas encore connaissance 3 ( * ) . Ils s'estiment donc prêts à participer à ce débat : la dissuasion nucléaire est-elle vraiment indispensable à la sécurité de la France ? L'Allemagne, l'Afrique du sud ou le Brésil qui n'en sont pas dotés sont-ils plus en danger que la France ? La dissuasion est elle indissociable de son statut de membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies ? Quel est son coût ? Ne peut-on le réduire ?
Contrairement à ce qui est écrit ici ou là, un tel débat sur la dissuasion nucléaire en France n'est pas impossible, ni réservé à un cercle fermé de décideurs politiques. Au demeurant, les crédits de la dissuasion nucléaire sont détaillés chaque année dans les rapports budgétaires des deux assemblées et font l'objet d'un examen critique.
Le débat doit être sans tabou et permettre de confronter les points de vue. Si consensus il y a dans notre pays autour des forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides, pas sur un catéchisme que l'on se répète et dont la seule existence génère la contestation.
Ce consensus doit résulter d'une analyse stratégique solide, prenant en compte la vision du monde à long terme, les menaces qui en résultent, nos ambitions de défense et l'analyse de nos moyens. Il en va de l'honneur de notre démocratie et de la sécurité de notre pays.
Mais la dissuasion nucléaire est un sujet complexe, dont il convient de pondérer avec exactitude les éléments, avant de délibérer. L'arme nucléaire ne se résume pas par des formules séduisantes mais fausses telle que « arme de non-emploi », utile que si l'on ne s'en sert pas.
L'arme nucléaire n'est pas une arme du champ de bataille, mais elle est employée tous les jours et dissuade tous les jours. Des générations de marins, d'aviateurs, d'officiers supérieurs, d'ingénieurs et de personnels hautement qualifiés ont contribué et continuent de contribuer à en assurer la parfaite maîtrise.
Les armes nucléaires sont des armes complexes qui supposent un minimum de connaissances militaires, mais aussi mathématiques et physiques, d'autant plus difficiles à mesurer qu'elles sont entourées, légitimement, d'un grand secret. Elles s'inscrivent dans une stratégie - la dissuasion, dont la caractéristique principale est de se dérouler dans la tête de l'ennemi et de mettre en jeu les ressorts psychologiques de l'agresseur potentiel.
C'est dans le quinquennat qui s'ouvre que les décisions de lancer les programmes d'études pour la prochaine génération d'armes devront être prises, ou non. Le moment ne pouvait donc être mieux choisi pour ouvrir ce débat et, peut être, de faire évoluer notre propre regard sur la dissuasion, de questionner le discours habituel, de le faire évoluer pour le rendre plus accessible.
Puisse ce rapport, fruit des réflexions d'un groupe de travail co-présidé par Didier Boulaud et Xavier Pintat et composé de Jean-Pierre Chevènement, Michelle Demessine, Josette Durrieu, Jacques Gautier, Alain Gournac, Gérard Larcher et Bernard Piras, contribuer à l'éclairer.
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I. ETAT DES FORCES NUCLÉAIRES FRANCAISES
A. SINGULARITÉS DES FORCES NUCLÉAIRES FRANÇAISES
Les forces de dissuasion nucléaire françaises présentent de fortes singularités par rapport aux forces des autres Etats dotés 4 ( * ) . Ces singularités reflètent la recherche d'une certaine exemplarité en matière de désarmement nucléaire, mais aussi une volonté affirmée d'autonomie. Elle repose également sur une gouvernance d'une extrême rigueur.
1. Le principe de stricte suffisance
La France n'a jamais cherché à produire tous les types d'armes que ses capacités technologiques lui auraient permis de concevoir. De plus, elle a toujours cherché à maintenir son arsenal au niveau le plus faible possible.
Ce principe de stricte suffisance, central dans la doctrine française, fait qu'aujourd'hui la France dispose de moins de trois cents têtes nucléaires quand on compte 20.500 têtes dans le monde, dont plus de 5 000 déployées.
Source : SIPRI - Stockholm International Peace Research Institute - rapport 2011
C'est ce principe qui explique aussi que nous n'ayons que des armes nucléaires stratégiques, alors que la plupart des autres Etats conservent pour l'instant des armes nucléaires tactiques. C'est le cas des Etats-Unis, dont une partie des armes tactiques est mise à disposition de l'OTAN, de la Chine, de la Russie, de l'Inde et du Pakistan. Tous ces pays semblent accepter l'idée d'une bataille nucléaire, ne serait-ce que pour couper court à une offensive conventionnelle massive.
Et c'est encore ce principe de stricte suffisance qui explique que les forces nucléaires françaises ne disposent plus de composante terrestre, ce qui n'est pas le cas de la Fédération de Russie, de la Chine, et des Etats-Unis et que les escadrons des Forces Aériennes Stratégiques (FAS) aient été réduits de trois à deux.
Par ailleurs, la France a une posture exemplaire depuis vingt ans, puisqu'elle a arrêté la production de matière fissile pour les armes nucléaires, a démantelé ses usines, a arrêté tous les essais nucléaires et signé tous les traités de maîtrise des armements, de désarmement et de lutte contre la prolifération : le Traité de Non Prolifération (TNP), le traité d'interdiction complet des essais nucléaires (TICE), mais aussi la convention sur l'interdiction des armes à sous-munitions, celui sur les armes chimiques et la convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Elle remplit toutes les conditions et se soumet à tous les contrôles de l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique (A.I.E.A.) ainsi que toutes les autres instances internationales. Tous nos partenaires du « club des cinq » n'affichent pas le même tableau. Les États-Unis et la Chine en particulier n'ont pas ratifié le TICE.
2. La recherche de l'autonomie stratégique
Les forces de dissuasion françaises sont indépendantes et autonomes, deux qualités qu'elles sont les seules à posséder en Europe. Les forces de dissuasion britanniques par exemple, sont officiellement autonomes dans leur emploi, mais dépendantes du gouvernement américain pour ce qui est des missiles Trident D II 5 et, en partie au moins, des chaufferies de propulsion nucléaires.
Notre pays ne dépend d'aucun autre, aussi bien pour la fabrication des armes, l'approvisionnement de matière nucléaire pour les armes (recyclage de la quantité - finie - de matière) que pour la conception, la production et le soutien des vecteurs. Le seul point de dépendance a porté sur l'acquisition des ravitailleurs des forces aériennes stratégiques (FAS) : les Boeing KC-135 R et C-135 FR. Cette dépendance n'affecte pas la souveraineté d'emploi de ces avions pour la projection des FAS. Toutefois, pour la prochaine génération de ravitailleurs, la préservation de cette souveraineté est un point déterminant qu'il convient de prendre en compte pour l'acquisition des MRTT.
3. L'exemplarité de la gouvernance
S'agissant plus particulièrement des programmes nucléaires de défense, ceux-ci sont sous la responsabilité directe du Conseil des armements nucléaires, présidé par le président de la République, avec le Premier ministre et le ministre de la défense. Ce conseil voit ses décisions exécutées par le comité nucléaire militaire et le CEMA. Parallèlement, le Premier ministre et le ministre de la défense assurent le pilotage de « l'oeuvre commune », organisme d'orientation du comité de l'énergie atomique.
Il existe dans notre pays une séparation très stricte entre la responsabilité de la fabrication des armes, qui incombe à un organisme civil - le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives - Direction des applications militaires (CEA - DAM) sous l'autorité du Directeur des applications militaires - le DAM - et les forces armées, qu'il s'agisse de la composante des forces océaniques stratégiques FOST - CFAS. L'assemblage et l'emploi des armes sont soumis à des protocoles très stricts faisant intervenir la gendarmerie de sécurité des armes nucléaire (GSAN) qui assure une partie du contrôle gouvernemental. Par ailleurs, l'inspecteur des armements nucléaires (IAN) assure un contrôle strict de ces activités.
4. Le rôle spécifique du CEA - DAM
Les missions du CEA-DAM sont les suivantes :
• Armes (depuis 1958) :
- fabrication et maintien en condition opérationnelle des armes en service ;
- démantèlement des armes retirées du service ;
- développement des têtes nucléaires futures ;
- programme Simulation ;
- études scientifiques et technologiques de base.
• Propulsion nucléaire (depuis 2000) :
- chaufferies embarquées (SNLE, SNA, PA) ;
- moyens d'essais à terre ;
- installations portuaires.
• Matières nucléaires (depuis 1993)
- approvisionnement (armes et propulsion) ;
- assainissement des installations ;
• Sécurité et non prolifération (depuis 1996) :
- participation à la lutte contre la prolifération, à la lutte contre les risques et les menaces terroristes et NRBC.
B. LES PROGRAMMES EN COURS
1. Les armes nucléaires
a) Le programme de simulation
Le programme de simulation lancé en 1995 pour suppléer les enseignements des essais nucléaires, est constitué d'un ensemble cohérent d'investissements :
- l 'augmentation des moyens de calcul de la direction des applications militaires du CEA est réalisée dans le cadre du projet Tera . La machine Tera 100, dont la capacité de calcul est 100 fois supérieure à la première machine entrée en service en 2002 (Tera 1) et 20 fois supérieure à celle de Tera 10, entrée en service en 2006, a été livrée début 2010. Elle a été mise en service en 2011. Il est désormais envisagé la réalisation d'une nouvelle machine de classe pétaflopique 5 ( * ) en 2015 (puissance multipliée par 30 par rapport à TERA 100), puis d'une machine exaflopique 6 ( * ) (puissance multipliée par 1 000 par rapport à TERA 100) à l'horizon 2020 ;
- la machine radiographique Airix (Accélérateur à Induction de Radiographie pour l'Imagerie X), destinée à l'étude du fonctionnement non nucléaire des armes . Airix est implantée sur le polygone d'expérimentation du CEA/DAM de Moronvilliers depuis douze ans.
L'évolution des besoins de la simulation et de l'instruction des études de faisabilité démarrées en 2005 pour la seconde phase du programme AIRIX (obtention d'une capacité multiaxes et multiflashs, pour un coût de possession optimisé) ont conduit le CEA/DAM à proposer de se doter d'un nouveau complexe expérimental de radiographie X sur son centre de Valduc, dénommé EPURE (Expérience de Physique Utilisant la Radiographie Eclair) qui remplacera AIRIX.
Dans un souci de synergies d'activités et de réduction des coûts, il a été décidé de transférer à partir de 2012 sur le site de Valduc la machine AIRIX, et de fermer le polygone d'expérimentation de Moronvilliers à l'horizon de 2016.
Le 2 novembre 2010, les chefs d'Etat et de gouvernement français et britannique ont signé un traité relatif à la réalisation d'installations radiographiques et hydrodynamiques communes dans le cadre d'un programme nommé « TEUTATES ». Il semble important de préciser que cet accord n'implique pas d'expérimentations communes et que le TNP et le TICE sont respectés.
Les installations prévues dans le cadre de ce programme concernent, d'une part l'installation EPURE et, d'autre part, un centre de développement technologique ( TDC ) au Royaume-Uni sur le site de l' Atomic Weapons Establishment (AWE) à Aldermaston. Le traité de Lancaster House prévoit que tous les coûts postérieurs à 2015 seront partagés entre la France et le Royaume-Uni ;
- le laser mégajoule (LMJ) , destiné à l'étude du domaine thermonucléaire, permettra de reproduire à très petite échelle les phénomènes thermonucléaires caractéristiques du fonctionnement d'une arme nucléaire. Le LMJ est dimensionné pour un nombre total de 240 faisceaux laser élémentaires regroupés en 60 quadruplets, pouvant délivrer une énergie totale de 1,8 mégajoules.
L'échéance de sa mise en service a été repoussée de deux ans, de fin 2012 à fin 2014. Ce scénario s'appuie sur une configuration initiale du LMJ avec 22 chaînes (176 faisceaux) en gardant ouverte la possibilité de compléter cette configuration, si besoin est, par huit chaînes supplémentaires (et la porter à 240 faisceaux).
Retenons que tous les jalons du programme Simulation ont été franchis avec succès à ce jour et que les progrès de la simulation depuis maintenant dix sept ans ont permis une optimisation des têtes et une réduction des risques. Les moyens et les méthodes de la simulation bénéficient à la recherche et à l'industrie.
b) Les têtes nucléaires
Le programme de modernisation des têtes nucléaires a été mené à bien par le CEA - DAM.
Pour ce qui concerne les têtes aéroportées, les missiles ASMP/A sont équipés de la nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA) , conçue à partir du concept de charge « robuste » et garantie par la simulation. L'intégralité des vecteurs ASMP/A a été livrée entre 2009 et 2011.
Pour ce qui concerne les têtes nucléaires de la composante océanique, la direction des applications militaires du CEA réalisera la nouvelle tête nucléaire océanique - TNO - destinée à équiper, à compter de 2015, le missile M 51.
Vos rapporteurs ont eu accès à la totalité des informations qu'ils ont souhaité obtenir concernant la fabrication, la puissance et les développements de ces têtes nucléaires. Ils ne peuvent en faire état compte tenu des règles de protection de l'information qui entourent ces données.
2. La force océanique stratégique (FOST)
La force océanique stratégique a achevé en 2010 sa transition vers une flotte homogène constituée des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins du type « Le Triomphant ». Le « Terrible » a été admis au service actif fin septembre 2010.
La mise en service opérationnelle du missile M 51.1 a été prononcée simultanément sur le « Terrible ». Son développement a pu être conduit avec seulement cinq lancements ce qui est une prouesse d'ingénieurs. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu développer de manière importante les capacités de simulation des industriels Astrium et DCNS, mais aussi instrumenter les tirs à un niveau jamais atteint auparavant.
Deux grands chantiers restent ouverts pour la composante océanique dans la prochaine décennie :
- d'une part, les trois premiers SNLE feront l'objet de travaux d'adaptation pour recevoir le M 51.1 à Brest. Ces travaux dureront jusqu'en 2018 ;
- d'autre part, le développement de la deuxième version du missile M 51, le M 51.2 a été lancée en juillet 2010, en vue d'une mise en service en 2015 sur le SNLE « Le Triomphant » à l'issue de ses travaux d'adaptation. Ce missile sera équipé de la nouvelle tête nucléaire océanique (TNO) en cours de développement/fabrication par le CEA/DAM.
3. La composante aéroportée
La composante aéroportée a franchi un jalon majeur en octobre 2009 avec la mise en service du nouveau missile AMSP/A sous Mirage 2000 N K3 sur la base aérienne d'Istres. Ce nouveau missile est équipé de la nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA), première tête nucléaire conçue sans aucun essai nucléaire et entièrement garantie par la simulation.
La transition entre les deux générations de systèmes d'armes s'est poursuivie en 2010 avec la mise en service de l'ASMP/A sous le Rafale :
- au sein des Forces Aériennes Stratégiques de l'armée de l'air sur la base aérienne de Saint-Dizier en juillet 2010 ;
- parallèlement sur les Rafale Marine embarqués sur le porte-avions Charles de Gaulle, lorsque ceux-ci sont en configuration nucléaire.
Les avions ravitailleurs Boeing C 135 FR et KC 135 R ont atteint leur limite d'âge. Les premiers avions C 135 sont entrés en service en 1964. Ils sont maintenus avec difficulté, en attendant l'arrivée des MRTT qui doivent les remplacer à l'horizon 2017.
Pour des raisons budgétaires, le programme MRTT n'a pas encore été lancé. Néanmoins, les études de levée de risques concernant la résistance à l'IEMN (impulsion électromagnétique nucléaire) et la sécurité des systèmes d'information ont été lancées fin 2011.
Il importe de rappeler que les avions d'armes des FAS en mission « dissuasion » ne peuvent être ravitaillés que par des avions de l'armée de l'air française et dont on maîtrise la configuration technique (SSI, etc.) ce qui conduit à privilégier une acquisition des MRTT de gré à gré auprès d'un constructeur européen.
4. Les transmissions nucléaires
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la dissuasion nucléaire française, le chef de l'Etat doit avoir la garantie qu'il pourra mettre en oeuvre à tout moment les forces nucléaires.
Les transmissions nucléaires doivent permettre de transmettre aux forces et systèmes d'armes, quelle que soit leur situation ou leur localisation, les éléments nécessaires à l'élaboration des missions, ainsi que les ordres exceptionnels.
Le programme d'ensemble HERMES, en charge des transmissions nucléaires, a également franchi récemment des étapes importantes avec notamment la revue de conception système du programme de transmission des sous-marins (TRANSOUM) et la préparation de la revue de conception détaillée du programme RAMSES IV. Ces systèmes d'amélioration des réseaux de transmission nucléaire seront déployés à partir de 2014 pour RAMSES IV et 2017 pour TRANSOUM. Le système de transmission de dernier secours SYDEREC est opérationnel.
5. Appréciation sur la situation actuelle des programmes
Le programme de renouvellement des deux composantes de la dissuasion a franchi avec succès les échéances de transition. Il ne reste maintenant qu'à réaliser les adaptations M51 des trois premiers SNLE, acquérir les dotations complémentaires de missiles et les nouvelles têtes nucléaires.
Toutefois, la modernisation de la flotte de ravitailleurs en vol a pris du retard pour des raisons budgétaires. Si bien que la première décision à prendre, pour la dissuasion nucléaire, est celle du lancement de la réalisation de l'A330 MRTT en 2013.
Les programmes ont été menés en respectant les calendriers, ce qui est primordial pour la continuité de la dissuasion, et en maîtrisant les coûts, tout en s'adaptant aux nouvelles orientations définies en 2008.
L'effort d'investissement sur cette génération est derrière nous pour l'essentiel.
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II. UNE TRIPLE CONTESTATION DES ARMES NUCLÉAIRES
A. UN POINT DE FIXATION DANS LE PROCESSUS DE DESARMEMENT
1. Les initiatives en faveur du désarmement depuis 2008
Depuis 2008, de nombreuses initiatives en faveur du désarmement nucléaire ont été lancées par des acteurs étatiques ou non étatiques :
• lancement en décembre 2008 de la campagne non gouvernementale Global Zero pour sensibiliser l'opinion publique mondiale et susciter une mobilisation en faveur de l'élimination totale des armes nucléaires. Global Zero a été lancé par une centaine de personnalités du monde entier incluant d'anciens chefs d'Etat, d'anciens ministres des Affaires étrangères, d'anciens ministres de la Défense, d'anciens conseillers en sécurité nationale et une vingtaine d'anciens commandants militaires ;
• mise en place en 2009 par l'Australie et le Japon d'une commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement (Commission Evans-Kawagushi ) dont l'objectif était d'aboutir à terme à un monde « libre d'armes nucléaires » ;
• en avril 2009, le président Barack Obama prononce le discours de Prague, en faveur d'un objectif de long terme d'un monde sans armes nucléaires, objectif repris ensuite conjointement par les présidents Obama et Medvedev lors d'une rencontre à Londres ;
• signature en avril 2010 du traité New Start entre les Etats-Unis et la Russie prévoyant, d'ici à 2018, la réduction des arsenaux à 1 550 têtes nucléaires déployées, 700 le nombre de vecteurs déployés et à 800 le nombre de lanceurs déployés et non déployés par chacun de ces deux pays 7 ( * ) ;
• lancement de la Non Proliferation and disarmament Initiative en septembre 2010 par un groupe de dix Etats composé de l'Allemagne, l'Australie, le Canada, le Chili, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne, la Turquie et les Emirats Arabes Unis ;
• le discours du président Obama en marge du deuxième sommet sur la sécurité nucléaire à Séoul, en mars 2012, confirme les engagements annoncés lors du discours de Prague de ne plus développer l'arsenal nucléaire américain. Toutefois, des informations de la presse indiquent, dans le même temps, que l'administration américaine envisagerait un approfondissement négocié de la réduction de l'arsenal autour de trois options principales : 1 000/700/300 têtes nucléaires. Pour l'instant l'administration américaine n'a pas confirmé.
• étape importante dans les efforts internationaux en faveur du désarmement nucléaire, la VII ème Conférence d'examen du TNP de 2010 a été un succès. A cette occasion, les 172 Etats parties au traité sont en effet parvenus à adopter par consensus un plan d'actions concret et équilibré sur les trois piliers du TNP : le désarmement - la non-prolifération - les usages pacifiques de l'énergie nucléaire.
Le plan d'actions fixe désormais une feuille de route claire pour les prochaines étapes en matière de désarmement nucléaire, replaçant le débat à un niveau multilatéral qui implique aussi bien les Etats dotés que les Etats non dotés. Force est de constater que depuis, la visibilité des initiatives non gouvernementales a été très substantiellement diminuée.
2. Le lent épuisement de ce mouvement
En premier lieu, la poursuite du désarmement américano-russe paraît incertaine, alors que la Russie fait part de son inquiétude et de son hostilité croissante à l'égard des systèmes de défense antimissiles balistiques américains devant être déployés en Europe.
En second lieu, l'entrée en vigueur du traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) est toujours suspendue à sa ratification par un certain nombre d'Etats, dont le premier est les Etats-Unis, alors que le Congrès américain y est toujours hostile.
Enfin, le lancement d'une négociation sur le traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (traité dit « cut off ») est suspendu au blocage persistant de la conférence du désarmement par les Pakistanais, sans qu'aucune perspective d'avancée ne soit aujourd'hui clairement perceptible.
Au total, les différentes initiatives promouvant le désarmement nucléaire ont perdu de l'audience. Au-delà des intentions affichées par certains pays, soutenant ouvertement le désarmement nucléaire, aucun de ceux qui disposent de cet armement ne se désengage du processus visant à pérenniser et moderniser ses capacités de dissuasion nucléaire.
Parmi les positions les plus critiques exprimées au tournant des années 2010, dans le cadre de la préparation du sommet de Lisbonne, il faut rappeler que figurait l'Allemagne, un de nos alliés les plus proches, qui mettait en avant le fait que la défense antimissile pouvait servir de substitut aux armes nucléaires et donc rendrait à terme inutiles ces dernières.
Dans ce contexte, les Etats-Unis ne diminuent pas leurs efforts de modernisation, y compris dans le domaine des armes tactiques.
Les Russes mettront en service cette année le nouveau missile intercontinental Boulava et leur nouveau SNLE type Borey et se sont lancés dans une modernisation complète de leur outil militaire.
La Chine vient de tester avec succès, après quatre années d'efforts, un nouveau missile lancé à partir d'un SNLE. Elle conduit un programme pour se doter d'une force océanique stratégique.
L'Inde vient de réussir le tir d'un missile à courte portée, lancé à plusieurs mètres d'immersion à partir d'un caisson de lancement et à rejoint le mois dernier, le club très fermé des Etats disposant de missiles à capacité intercontinentales en réussissant le tir d'un missile Agni V d'une portée de 5 000 km. Elle développe également un sous-marin nucléaire Arihant destiné au lancement de ces missiles.
B. L'INUTILITÉ MILITAIRE
La thèse de l'inutilité militaire de l'arme nucléaire a été formulée pour la première fois en France dans une tribune signée par MM. Alain Juppé, Bernard Norlain, Alain Richard et Michel Rocard, le quatorze octobre 2010. Les premiers paragraphes de cette tribune publiée dans le journal « Le Monde », méritent d'être rappelés :
« Conçue dans la lutte extrême de la seconde guerre mondiale, l'arme nucléaire est devenue l'outil de la dissuasion mutuelle des deux protagonistes de la guerre froide, rejoints par le Royaume-Uni, la France et la Chine. La dissuasion, associée à la suprématie stratégique des "deux grands" de l'époque, a joué un rôle de limitation des conflits armés pendant la guerre froide ; elle a conservé en partie cette fonction depuis lors. Deux évolutions profondes de la scène mondiale obligent cependant à réexaminer le rôle de l'arme nucléaire pour demain.
« D'une part, la variété des conflits après la fin des blocs offre beaucoup moins de prise aux mécanismes de la dissuasion. Beaucoup des acteurs y sont engagés avec des objectifs purement locaux, ne se rangent aux pressions d'aucune puissance globale et n'atteignent pas les intérêts vitaux des puissances nucléaires. Celles-ci ont opté durablement pour des politiques coopératives dans leurs rapports mutuels. Les seuls porteurs d'une contestation globale sont des acteurs non étatiques tentant de répandre leur fondamentalisme. La pertinence stratégique de la dissuasion connaît des "angles morts" de plus en plus larges.
« D'autre part, l'instrument de régulation constitué par les accords anti prolifération à partir du traité de 1968 a perdu de son efficacité. Il a pu, voici deux ou trois décennies, amener certains Etats à ne pas acquérir l'arme nucléaire ou à s'en défaire. Mais les engagements des puissances nucléaires qui fondaient l'équilibre du système n'ont pas abouti. Israël, l'Inde et le Pakistan sont entrés dans le "club" sans résistance, le règlement des crises régionales les plus aiguës n'a pas été obtenu et les détenteurs de l'arme n'ont fait que des progrès limités dans le processus de désarmement auquel ils avaient souscrit. »
En d'autres termes, l'arme nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des Etats pour dissuader d'autres Etats. Dans un contexte bipolaire, elle a été l'instrument d'un rééquilibrage en faveur des puissances occidentales, en particulier des puissances européennes pour compenser le déséquilibre du rapport entre les forces conventionnelles des deux blocs. Elle a été conçue à un moment où l'Europe était au centre du jeu stratégique et a permis à notre pays de s'affirmer comme puissance autonome.
Aujourd'hui le contexte stratégique a complètement changé : le monde est devenu multipolaire, les blocs ont disparu et l'Europe n'est plus au centre du jeu. Les acteurs non-étatiques entretiennent une conflictualité latente et asymétrique, sur laquelle la dissuasion n'a pas de prise. La probabilité d'une résurgence de puissance se traduisant par l'affrontement entre grands pays est devenue très faible.
Dans ce contexte, l'arme nucléaire serait devenue non seulement inutile, mais aussi dangereuse et coûteuse.
La critique n'est pas très différente chez l'ancien ministre de la défense Paul Quilès :
« Autrefois, c'est-à-dire avant novembre 1989, date de la chute du mur de Berlin, la stratégie de dissuasion nucléaire était, par excellence, l'instrument de l'équilibre militaire entre l'est et l'ouest. La question de sa pertinence aurait dû se poser dès lors que la confrontation des blocs a pris fin. L'état des risques et des menaces n'a en effet aujourd'hui plus rien de commun avec ce qu'il était dans la période de la guerre froide. Les scénarios dans lesquels la Russie ou la Chine s'en prendraient aux intérêts vitaux d'une puissance occidentale sont, dans la conjoncture actuelle, parfaitement improbables. Quant aux menaces qui trouvent leur origine dans des conflits locaux, elles ne peuvent être contrecarrées par la menace d'emploi de l'arme nucléaire et se situent en conséquence dans les «angles morts» de la dissuasion. Les menaces terroristes relèvent de cette catégorie.(...)
« Comment peut-on alors, loin de ces considérations, répéter sans sourciller que la dissuasion nucléaire est une sorte «d'assurance-vie» ou qu'elle «garantit l'intégrité de notre pays» ? En réalité, le débat sur de telles affirmations n'a pas lieu, pour la bonne raison que celles-ci ne sont pas soumises à un questionnement public, au-delà des échanges au sein des cercles d'initiés.(...). 8 ( * ) »
C. LE COÛT FINANCIER
Du fait qu'elles représentent un coût fixe intangible, les forces de dissuasion évincent budgétairement les programmes d'équipement conventionnels.
On rappelle que les dotations prévues en 2012 au titre de l' action « dissuasion » du programme « équipement des forces » se monteront à 2 666 millions d'euros en crédits de paiement (- 0,9 %) et à 3 122 millions d'euros en autorisations d'engagements (+ 19 %).
Classées par ordre décroissant, on voit que, financièrement, les opérations les plus importantes pour 2012 concerneront la simulation et le missile balistique M51 qui mobiliseront chacune près du quart des crédits de paiement de l'action.
Programmes afférents au système de force « dissuasion » par ordre décroissant d'importance sur les crédits de paiement - en incluant les fonds de concours
S'ajoutent aux dotations inscrites au P 146, celles inscrites au P 144 (études opérationnelles et technico-opérationnelles ainsi que les études-amont dans le domaine nucléaire), au P 178 (maintien en condition opérationnelle de la force océanique stratégique et activité des forces aériennes stratégiques) et au P 212 (infrastructures liées à la dissuasion).
On relèvera la part croissante consacrée aux études amont liées à la dissuasion et la part décroissante de celles dédiées au commandement et à la maîtrise de l'information.
S'agissant du CEA DAM dont le budget peut être un peu difficile à reconstituer, il s'élevait en 2012 à 1,7 milliards d'euros, dont 190 millions d'euros de charge fiscale. Sa masse salariale n'est que de 359 millions d'euros. Le reste est consacré à des dépenses « externes » auprès de l'industrie et d'autres organismes nationaux.
Au total, tous programmes confondus, les dotations consacrées à la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 2012 s'élèvent à 3,4 milliards d'euros de crédits de paiement et à 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement.
Le tableau ci-après montre la constance de l'effort de défense en faveur de la dissuasion qui représente, en moyenne sur la décennie 2002-2012 près de 3,5 milliards d'euros par an, aussi bien en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement.
Signalons en conclusion de cette première partie que, contrairement à certains programmes d'armements conventionnels et sans doute en raison de l'attention dont ils font l'objet, les programmes en matière d'armement nucléaire sont toujours respectueux des calendriers, des délais et des coûts.
*
III. DE NOUVELLES INTERROGATIONS SE SONT FAIT JOUR
A. LE RISQUE D'ISOLEMENT DE LA FRANCE EN EUROPE
1. Le futur incertain des armes tactiques de l'OTAN
Dans une étude récente et très documentée, la fondation Carnegie a exploré les différents scénarii d'une évolution des armes nucléaires tactiques en Europe 9 ( * ) .
Cette étude passe en revue les différents pays sur lesquels des armes nucléaires tactiques et des avions capables de porter ces armes, sont déployées en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie et en Turquie.
Quand en novembre 2010 l'OTAN a entrepris une revue de sa posture nucléaire, l'importance des armes nucléaires est devenue telle dans le débat politique que l'Allemagne a appelé au retrait des armes nucléaires américaines de son territoire. Le parlement néerlandais, à son tour, a déclaré que les armes nucléaires n'étaient plus nécessaires pour garantir la sécurité des membres de l'Alliance.
Certains Etats, conduits par l'Allemagne, espéraient ainsi éliminer les armes nucléaires tactiques, estimées à deux cent armes, et rétablir l'OTAN à l'avant-garde du mouvement de désarmement nucléaire mondial.
Précisons qu'il s'agit de bombes à gravité américaines de type U.S. B61 et que ces bombes sont portées par des avions Tornado en Allemagne et General Dynamics - Lockheed Martin F 16 dans les autres pays.
Les avions Tornado devraient normalement être retirés du service au tournant des années 2015-2018. Mais compte tenu de leur mission nucléaire, le gouvernement allemand a décidé de prolonger certains avions jusqu'à l'horizon 2020.
L'avion de combat JSF 35 pourra très probablement emporter des armes nucléaires tactiques moyennant de petites adaptations à coût relativement réduits, de l'ordre de cinq à dix millions de dollars.
L'Allemagne introduit l'Eurofighter dans ses forces. Toutefois, l'Eurofighter n'est pas initialement conçu pour emporter des bombes à gravité et donc une adaptation sera nécessaire, d'autant que l'Allemagne n'a pas commandé de JSF 35.
Or il semble peu probable qu'un gouvernement allemand, quel qu'il soit, demande et que le Bundestag accepte, la certification nucléaire des Eurofighter ou bien l'achat de chasseurs bombardiers, capables d'effectuer des raids nucléaires.
Dans l'hypothèse où l'Allemagne opterait en faveur d'un retrait des armes nucléaires tactiques de son territoire, il est très probable que les Pays-Bas et la Belgique suivraient, laissant seules l'Italie et la Turquie en charge du fardeau nucléaire de l'OTAN en Europe. Une telle hypothèse ne risquerait-elle pas de conduire à un abandon pur et simple des armes nucléaires tactiques en Europe, hors Turquie, laissant la charge aux Etats-Unis seuls de garantir le fait que l'Alliance resterait malgré tout « nucléaire » ?
Si cela advenait, la France et le Royaume-Uni se retrouveraient isolés en Europe.
2. La décision attendue du Royaume-Uni
Comme on le sait, la force de dissuasion britannique repose uniquement sur une composante océanique formée de quatre SNLE de type Vangard (voir annexe). Depuis 1994, tous les missiles Trident embarqués des SNLE britanniques n'ont plus de cible pré-indiquée. Un seul sous-marin est en patrouille permanente à la mer. Il doit être averti à quelques jours pour être en état de lancer ses missiles.
Pour l'instant, la position officielle rappelée à vos rapporteurs par l'Ambassadeur Sir Peter Ricketts est la suivante (voir l'entière déclaration en annexe) :
« Le Gouvernement de sa majesté est persuadé que les armes nucléaires demeurent un élément nécessaire de la capacité dont nous avons besoin pour dissuader d'autres puissances dotées d'armes nucléaires.
« Le Royaume-Uni n'utiliserait ses armes que dans des circonstances extrêmes pour assurer son auto-défense et conformément au droit international.
« La politique de dissuasion britannique repose sur cinq principes :
« prévenir des attaques nucléaires. Les armes nucléaires britanniques n'ont pas été conçues pour une utilisation militaire pendant un conflit, mais au contraire pour dissuader et empêcher des actes de chantage nucléaire et des actes d'agression contre nos intérêts vitaux qui ne puissent être contrés par d'autres moyens ;
« le Royaume-Uni ne conservera que la quantité minimale de puissance destructrice nécessaire pour remplir nos objectifs de dissuasion. C'est ce que nous appelons la dissuasion minimale ;
« nous maintenons délibérément l'ambiguïté sur le fait de savoir avec précision quand, comment et à quelle échelle nous envisagerions d'utiliser l'arme nucléaire. Nous ne simplifierons pas les calculs d'un agresseur potentiel en définissant de façon plus précise les circonstances dans lesquelles nous pourrions utiliser nos capacités nucléaires, c'est à dire que nous ne définissions pas ce que nous considérons comme faisant partie de nos intérêts vitaux. Par conséquent, nous n'excluons pas, ni ne retenons comme principe d'action, l'utilisation en premier des armes nucléaires.
« Les armes nucléaires du Royaume-Uni soutiennent la sécurité collective à travers l'Alliance atlantique, pour la zone euro-atlantique.
« Un centre indépendant de décision nucléaire renforce l'effet global de la dissuasion des forces nucléaires alliées. Des forces nucléaires contrôlées séparément, mais soutenues en commun créent et renforcent l'effet de dissuasion global. La force de dissuasion britannique est opérationnellement autonome et le Royaume-Uni n'a pas besoin d'autorisation américaine pour utiliser sa force de dissuasion. »
La question de la poursuite d'un programme militaire nucléaire a fait l'objet d'intenses négociations entre le parti conservateur et le parti libéral lors de la formation du gouvernement de David Cameron en 2010.
Ceci explique que l'intention de ce gouvernement 10 ( * ) de réduire le nombre total des têtes nucléaires de 225 en mai 2010 à 180 en 2020. Le nombre de têtes nucléaires à bord de chaque SNLE passera ainsi de 48 à 40 ; le nombre total de têtes nucléaires opérationnelles sera compris entre 160 et 120. La totalité du stock des têtes ne dépassera pas 180. Le nombre de missiles opérationnels sur chaque sous-marin sera de huit.
Le remplacement des premiers SNLE britanniques, aujourd'hui âgés de 14 à 18 ans, à sortir du service opérationnel (après 37 ans de service) devrait normalement intervenir en 2028.
Une décision de principe ( initial gate ) a été prise et annoncée au Parlement le 18 mai 2011. Cette décision autorise le ministre de la défense à lancer les études nécessaires pour un nouveau SNLE qui sera propulsé par une nouvelle chaudière nucléaire, ainsi que pour tous les éléments dont la construction nécessite d'être lancés maintenant. Le tableau ci-après donne une idée du coût de renouvellement de la force de dissuasion britannique. Signalons toutefois, que les estimations concernant les têtes et les infrastructures datent de 2006 et n'ont pas été réactualisées.
La décision définitive de poursuivre le programme nucléaire britannique ( main gate decision ) devrait être prise en 2016, après les élections législatives. Il serait prématuré de spéculer sur ce que sera la décision finale du Royaume-Uni. Toutefois, le ministère de la défense britannique vient de signer deux contrats majeurs en mai et juin 2012, avec BAE Marines Systems et Rolls Royce permettant le lancement industriel du renouvellement de la flotte des Vanguard 11 ( * ) .
B. LES INTERACTIONS COMPLEXES DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE AVEC LA DAMB
Le Sénat a beaucoup travaillé sur la DAMB 12 ( * ) , de même que le SGDSN qui a produit deux rapports classifiés sur ce sujet. Des analyses autonomes, mais convergentes de ces trois rapports, il ressort que la DAMB n'est pas incompatible avec la dissuasion nucléaire et qu'au contraire elles peuvent même présenter des aspects complémentaires.
La DAMB peut ainsi être un complément utile en cas de menace située en deçà des intérêts vitaux et pour lesquelles une riposte nucléaire serait disproportionnée. Il peut s'agir par exemple de frappes ponctuelles sur le territoire national à l'aide de missiles balistiques à charges conventionnelles ou non, telles que celle que la Libye avait menée contre les stations d' US Coast Guard situées en Italie suite à l'opération américaine dite « El Dorado Canyon » en 1986.
Par ailleurs la DAMB élève le seuil technologique nécessaire pour les proliférants pour apporter la démonstration qu'ils possèdent des armes dissuasives et complique leurs calculs stratégiques. Sans rouvrir ce débat déjà largement exploré par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, on observera très synthétiquement que la DAMB soulève au moins deux séries de questions :
- la première est celle de la crédibilité de nos forces à percer un bouclier antimissile. Par ailleurs, on ne peut éviter de se poser la question de savoir si le fait pour nos militaires et nos scientifiques de rester à l'écart de la course technologique en cours, ne risque pas de les empêcher d'apprécier la véracité des progrès réalisés par les industriels américains en matière d'interception balistique ;
- la seconde est la perte de souveraineté sur l'espace extra-atmosphérique européen, en raison de l'absence de capacité DAMB du système de commandement et de contrôle des opérations aériennes (SCCOA) français et d'une chaine DAMB opérée entièrement par des militaires américains.
IV. LES DÉCISIONS A PRENDRE
A. POUR LA COMPOSANTE OCÉANIQUE
1. Les SNLE
La date de retrait du service actif du SNLE « Le Triomphant » est prévue au début des années 2030. Le bâtiment aura alors environ trente-cinq ans, puisqu'il a été lancé en 1994 et admis au service actif en 1997.
Pour remplacer ce bâtiment, il est donc nécessaire de démarrer la construction du premier SNLE de troisième génération vers 2020. Pour mémoire, la construction du « Triomphant » a commencé en 1986.
Les études préalables de R & T nécessaires à la conception initiale d'un tel sous-marin, sont d'ores et déjà lancées. Elles visent à identifier les technologies et les architectures et permettront vers 2014-2015 de définir les principaux choix architecturaux qui répondront aux menaces sur la période 2030-2070. La maturation des technologies retenues devra ensuite monter en puissance.
Ces études de R & T permettent de maintenir la BITD nécessaire à la conception des SNLE de troisième génération, alors que les études de conception des SNA Barracuda sont pratiquement achevées, ce programme étant entré en phase de production avec la construction des trois premiers bâtiments.
La coopération dans le domaine des SNLE était un des deux thèmes relatifs à la dissuasion identifiés dans le traité franco-britannique de novembre 2010. Les calendriers relativement similaires des programmes de renouvellement des SNLE en service invitaient à étudier les économies possibles en rapprochant les spécifications et en mutualisant les achats et les développements, au moins au niveau des équipements.
Il n'a toutefois pas été possible d'identifier, pour l'instant, des thèmes majeurs de coopération susceptibles de générer des économies substantielles sur ces deux programmes.
2. Les réacteurs de propulsion navale
Le réacteur de propulsion nucléaire des SNLE de troisième génération sera dérivé des réacteurs des SNLE de deuxième génération et des SNA Barracuda. Un certain nombre d'études et d'essais sont néanmoins nécessaires pour adapter le réacteur aux SNLE de troisième génération qui pourrait présenter des différences en matière de réfrigération et d'échanges thermiques.
Dans ce domaine les études de développement seront nécessaires pour maintenir les compétences d'AREVA TA, concepteur des chaufferies nucléaires de propulsion.
3. Les missiles balistiques
Le missile balistique M 51.1, aujourd'hui équipé de têtes nucléaires 75 (TN75) puis bientôt de têtes nucléaires océaniques (TNO), devra être rénové à mi-vie (RMV) au début des années 2020.
Cette rénovation portera sur le troisième étage de façon à lui permettre d'emporter plus de masse et lui donner plus de souplesse d'emploi. Ces travaux seront particulièrement complexes et sont indispensables pour ne pas risquer d'hypothéquer à terme les capacités de la France face à l'évolution des défenses adverses et des menaces.
Il est nécessaire d'analyser les caractéristiques de missiles futurs qui seront embarqués sur les SNLE de troisième génération, car elles influenceront directement sur leur architecture.
Pour illustrer ces propos, on peut rappeler que les dimensions principales du missile M 51 (M 5 à l'époque) ont été arrêtées en 1984 quand l'architecture du SNLE de deuxième génération a été figée. Les options possibles pour les missiles des années 2050-2060 devront donc être étudiées avant de figer l'architecture du SNLE de troisième génération vers 2015.
Dans ce domaine, l'enjeu du maintien des compétences des sociétés ASTRIUM ST, HERAKLES et SAFRAN (architecture missile, propulsion et centrales inertielles) est majeur.
4. Têtes nucléaires et systèmes de pénétration
L'enjeu des têtes nucléaires et des systèmes de pénétration pour les trente années à venir est de pouvoir s'adapter, dans un délai court (huit à dix ans), aux évolutions du système de pénétration rendues nécessaires pour faire face aux futures défenses.
Le concept « robuste » associé aux architectures des TNA et des TNO autorise justement des évolutions et des adaptations. On rappelle que la garantie de la définition de la TNA a été apportée en 2001 et la garantie de son fonctionnement en 2005. Pour ce qui est de la TNO, la garantie de sa définition a été apportée en 2005 et celle de son fonctionnement en 2010.
Les enjeux de la stratégie technique pour y parvenir sont donc : l'exploitation de la phase 1 d'Epure et la construction de la phase 2 à l'horizon 2022 ; l'exploitation du Laser Mégajoule, dont les premières expériences auront lieu en 2014 et la capacité d'assurer des expériences en « fusion stabilisée » après 2017. Enfin, il sera nécessaire d'élaborer un nouveau standard d'ordinateurs et de logiciels de simulation à l'horizon 2020.
B. POUR LA COMPOSANTE AÉROPORTÉE
1. ASMP/A et le missile aéroporté futur
Mis en service en 2009 sur Mirage 2000N et en 2010 sur Rafale pour une durée de vie de vingt-cinq ans, le missile ASMP/A devra faire l'objet d'une rénovation à mi-vie (RMV) au début des années 2020.
Cette rénovation prendra en compte le traitement d'un certain nombre d'obsolescences techniques mais également une mise à niveau de ses capacités.
Les études nécessaires à cette rénovation de missiles à statoréacteurs sont actuellement conduites par l'ONERA. Elles impliqueront les sociétés MBDA et Roxel principalement.
Les premières réflexions pour le remplacement de l'ASMP/A sont d'ores et déjà lancées : concepts de missiles plus rapides et maturité technologique associée, doctrine d'emploi, choix du porteur en fonction du concept retenu...
Les premiers résultats sont attendus vers 2015 et permettront de sélectionner le concept qui devra ensuite être développé pour entrer en service vers 2035.
2. Porteurs
L'ASMP/A est aujourd'hui porté par les Mirage 2000 N et les Rafale F3. Sa version rénovée au début des années 2020 sera toujours emportée sous Rafale.
Pour la génération suivante, des premières réflexions sont en cours pour étudier les avantages/inconvénients des couples concept missile/avion porteur (avion d'armes/ravitailleurs). En effet, le type de missile (dimensions, poids) peut avoir une influence majeure sur le choix du porteur.
3. Transmissions nucléaires
Le système de transmission de derniers recours SYDEREC devra être remplacé dans les années 2020. Les premières études de concept d'un système de remplacement de SYDEREC ont été lancées.
C. LES ÉTUDES AMONT
Les études amont du domaine nucléaire concernent les thèmes suivants :
- la capacité d'adaptation des performances opérationnelles face à l'évolution de la menace, en matière notamment de capacité de pénétration, de propulsion, de précision, de navigation, d'identification et de transmissions ;
- la réduction du coût global de possession des systèmes d'armes participant à la dissuasion, par l'amélioration de leur souplesse et de leur évolutivité, ainsi que par des actions sur les architectures des propulseurs, leur durée de vie, leur recyclage et la recherche de matériaux plus adaptés ,
- la sûreté nucléaire, avec notamment la connaissance des réponses des propulseurs à poudre aux diverses agressions et l'amélioration des méthodologies d'acquisition de la sûreté.
Hormis pour le lanceur balistique, pour lequel il existe une synergie avec les applications civiles (CNES), toutes les autres études sont spécifiques au domaine de la dissuasion. La crédibilité de l'outil de dissuasion nécessite d'entretenir en France une compétence technique qualitativement élevée. Il s'agit d'être en mesure de pallier toute difficulté technique que rencontreraient les systèmes en service, de les améliorer.
Elles se décomposent aujourd'hui approximativement de la façon suivante :
- 40 % sur les missiles balistiques ;
- 40 % sur les SNLE et l'intégration de la propulsion nucléaire ;
- 10 % sur les vecteurs de la composante nucléaire aéroportée ;
- quelques % sur les communications stratégiques.
Les principaux industriels du secteur sont : DCNS, ASTRIUM ST (Space Transportation) et ses filiales, HERAKLES, MBDA, Roxel, Thales et Safran-Sagem. Des laboratoires ou instituts de recherche, notamment l'ONERA, sont également sollicités.
La DGA intervient en tant qu'expert au travers de ses centres d'essais tels que la DGA « maîtrise de l'information » à Bruz, DGA « techniques navales », le centre d'essais de missiles (DGA « essais de missiles ») ainsi qu'au travers du centre d'analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD) pour les études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et les simulations d'ensemble. La préservation de ces compétences étatiques au même titre que celles du CEA, doit être assurée.
D. LE COÛT DES DÉCISIONS
L'entrée en service récente de nouveaux équipements (SNLE de deuxième génération, Rafale, M 51, ASMPA) pérennise pour au moins une voire deux décennies les moyens de la dissuasion.
Mais les armes nucléaires, qu'elles soient aéroportées ou océaniques, ont une durée de vie limitée du fait de la péremption de certains matériaux et composants. On estime cette longévité de l'ordre d'une vingtaine d'années.
Plus de trois milliards sont aujourd'hui consacrés annuellement à la dissuasion française dans son ensemble. Les besoins seront croissants dans les années à venir pour le développement de la troisième génération de SNLE et de ses missiles.
Dans le cadre de l'application du concept de stricte suffisance, les études de R&T « dissuasion » ont pour objectif d'analyser l'évolution de la menace, d'identifier les technologies émergentes et les architectures associées qui permettront de disposer d'une dissuasion au meilleur niveau. Les études amont « dissuasion » représentent environ cent trente millions d'euros en 2012 et les besoins vont en augmentant. Les études prospectives et stratégiques pour la connaissance de la menace sont de l'ordre de trois millions d'euros par an.
En synthèse, l'enjeu porte désormais sur :
- la préservation ;
- la rénovation/adaptation ;
- leur renouvellement.
Les armes de la dissuasion reposent sur des compétences industrielles et étatiques spécifiques. L'enjeu de la décennie en cours est de les préserver pour être en mesure de réaliser les rénovations du début des années 2020 (ASMP/A et M51) et les renouvellements à l'horizon 2030.
Les études prospectives et stratégiques et les programmes de R & T sont engagés et vont monter en puissance jusqu'à 2020. Les budgets de R & T affectés à l'agrégat dissuasion sont prévus de doubler d'ici 2016 et décroître ensuite alors que les budgets de développement vont augmenter.
La coopération franco-britannique ne conduira malheureusement pas à des économies significatives sur les programmes de SNLE de troisième génération.
L'augmentation des besoins de R & T pour la dissuasion contraindra d'autant les ressources disponibles pour les autres capacités à budget constant.
Les échéances des grandes décisions sont :
- vers 2014-2015 pour le programme de SNLE de troisième génération :
- en 2016 pour l'architecture du successeur de l'ASMP/A et les transmissions nucléaires.
Enfin, il faut bien considérer que le périmètre de la dissuasion a des adhérences avec les programmes conventionnels. Par exemple, l'aviation de combat dont les orientations stratégiques ne sont pas indépendantes de celles de la composante aéroportée, ou encore les sous-marins nucléaires d'attaque qui, au-delà de l'appui opérationnel, sont, dans la doctrine française, indispensables à la formation des équipages de SNLE.
*
V. LES TERMES DU DÉBAT
A. L'UTILITÉ MILITAIRE ET LE COÛT FINANCIER
1. Un abandon total des forces nucléaires ?
a) Arme nucléaire et stratégie de dissuasion
Il est important, en matière de dissuasion, de bien distinguer l'arme de la stratégie : la dissuasion est une stratégie ; l'arme nucléaire est l'arme qui garantit cette stratégie.
Une stratégie de dissuasion peut être garantie par autre chose que des armes. En particulier par des alliances. C'est le cas pour toutes les nations européennes, à l'exception du Royaume-Uni et de la France, dont la stratégie de dissuasion repose exclusivement sur l'appartenance à l'Alliance atlantique et non pas sur l'existence de moyens militaires que ces nations auraient en propre.
Mais, de tous les moyens, militaires ou non, la possession de forces nucléaires est celui qui garantit le mieux le fonctionnement d'une stratégie de dissuasion, à tel point qu'on tend à la confondre, à tort, avec elle. Pourquoi ? Tout simplement, parce que si la dissuasion nucléaire est réellement crédible, c'est-à-dire qu'elle repose à la fois sur une capacité militaire avérée et une intention politique indubitable, les conséquences d'un conflit sont inacceptables pour tout dirigeant étatique rationnel.
En 1960, dans sa préface à l'ouvrage du général Pierre Gallois, « stratégie de l'âge nucléaire », Raymond Aron posait en des termes très simples ce que l'on appellerait aujourd'hui pompeusement l'équation stratégique de la dissuasion :
« A l'heure présente, deux États possèdent armement thermo-nucléaire et véhicules porteurs tels qu'en cas de conflits chacun serait en mesure d'infliger à l'autre des ravages démesurés hors de proportion avec les bénéfices possibles de la victoire. Bien plus, même si l'un des deux attaquait par surprise les moyens de représailles de l'autre, le parti attaqué conserverait assez de bombes d'avions ou d'engins pour infliger aux villes de l'agresseur des dommages immenses. Face à cet équilibre de la terreur, la réaction des pacifistes de bonne volonté est de réclamer le «désarmement général et contrôlé». Et M. Jules Moch dénonce la folie des hommes. Mais les hommes sont-ils réellement fous ?
« En fait, il est impossible de garantir l'élimination des stocks de bombes. Même si les hommes d'État ne se soupçonnaient pas mutuellement des dessins les plus noirs, la suppression des armes de destruction massive serait probablement impossible. En l'état actuel du monde, ces armes rendent suprêmement improbable la guerre que les pacifistes détestent à juste titre. Les États se sont toujours combattus : pourquoi cesseraient-ils de le faire au XX e siècle, s'ils cessaient de craindre la puissance démoniaque de l'atome ? En vérité, la pire solution, celle qui créerait le risque le plus grand, serait un prétendu contrôle des armes atomiques, qui répandrait l'illusion qu'une guerre entre les Grands, livrée avec les armes conventionnelles, est seule possible. Une fois engagé dans la lutte, chacun des grands se hâterait de produire les explosifs, prétendument mis hors la loi. La seule chance de la paix, dans la phase présente, c'est que la paix soit maintenue par l'angoisse qu'inspire la seule évocation de la guerre thermonucléaire. La paix naissant de la peur ? Ce ne serait pas la première ni la pire des ruses de la Raison. » 13 ( * )
Cette équation n'a pas changé. Ce n'est pas l'arme nucléaire qui est épouvantable. C'est la guerre elle-même. En rendant la guerre repoussante au-delà de toute mesure, l'arme nucléaire a empêché la guerre entre les nations européennes dont Alexis de Tocqueville disait déjà qu'elles sont « aptes à tout mais n'excellent que dans l'art de la guerre ».
Soixante ans de paix en Europe ont démontré que l'atome est pacificateur. Les temps ont changé. C'est vrai. Faut-il pour autant se débarrasser de cette arme en raison même de son succès ?
b) Arme nucléaire et conflit conventionnel
Au début du déploiement des armes nucléaires, la question se posait, de savoir si l'arme nucléaire empêcherait toutes les guerres ou bien seulement les « grandes guerres ». Raymond Aron, dans le même ouvrage, posait la question en ces termes :
« Les armes thermonucléaires contribueront-elles à empêcher n'importe quelle guerre ou à empêcher la grande guerre et à favoriser les guerres limitées ? Jusqu'à présent, les experts avaient, en majorité, retenu le deuxième terme de l'alternative. Plus la menace est monstrueuse, moins souvent elle peut être brandie. La guerre totale étant écartée par hypothèse, des conflits limités, aussi bien en ce qui concerne le champ de bataille que les armes utilisées, demeurent possibles. Le général Gallois penche en faveur du premier terme de l'alternative, du moins si les Grands y sont impliqués. »
Plus de soixante après, il est possible de répondre à cette question.
L'arme nucléaire empêche la guerre directe entre États dotés de l'arme. Il n'y a pas de doute là-dessus. Elle empêche également tout Etat - possédant l'arme nucléaire ou pas - de s'en prendre à nos intérêts vitaux.
Mais elle n'a de prise que contre les groupes ayant des territoires susceptibles d'être irrémédiablement endommagés par des armes nucléaires, en d'autres termes n'a de prise que contre les Etats.
Notre pays, bien que doté d'armes nucléaires, avait expérimenté dans les années 1980-1990 le sentiment terrible d'impuissance face à des groupes terroristes agissant sur son territoire national.
Plus récemment, en 2006 et en 2008, l'État d'Israël bien que doté de l'arme nucléaire n'a pas réussi à dissuader des groupes armés de s'en prendre directement à son territoire. En réaction, il a mis en oeuvre des représailles conventionnelles, dont l'objectif n'était autre que de retrouver une certaine forme de dissuasion.
c) Arme nucléaire et analyse des menaces
Nous savons donc que l'arme nucléaire dissuade efficacement les menaces directes d'autres États mais qu'elle ne dissuade pas les autres types de menaces, en particulier les menaces émanant de groupes non étatiques. La question est donc simple : quelle est la probabilité d'une menace émanant d'un État ?
L'honnêteté intellectuelle commande de reconnaître, qu'aujourd'hui, la probabilité d'une attaque directe d'un État par voie militaire conventionnelle contre la France est très faible. Est-ce à dire que l'arme nucléaire ne sert plus à rien ?
Bien que faible, la probabilité de ce type de menace n'est pas nulle. Trois cas de figures peuvent être considérés, dans lesquels la possession de forces nucléaires pourrait devenir critique. Comme nos amis britanniques il nous faut considérer :
- la réémergence d'une menace émanant d'un Etat doté ;
- une menace d'un Etat nucléaire émergent ;
- une menace de groupes terroristes soutenus par un Etat doté.
Pour l'instant, la France n'a pas d'ennemis potentiels ayant, à la fois, la capacité et l'intention de la frapper au moyen d'armes nucléaires ou de s'en prendre à ses intérêts vitaux. Néanmoins, les arsenaux nucléaires restent à des niveaux très élevés. La prolifération d'armes nucléaires ne peut être écartée, de même que l'hypothèse de menaces émanant de groupes non-étatiques soutenus par un Etat doté.
S'il nous fallait dessiner aujourd'hui un format d'armées partant de zéro, il est fort probable, que la nécessité d'acquérir une force de frappe nucléaire, avec de surcroît deux composantes, ne ferait pas partie de nos ambitions de défense.
Nous concentrerions vraisemblablement nos efforts pour contrer des cyber-attaques, la grande criminalité ou les groupes terroristes agissant sur notre territoire.
Au demeurant, ce qui vaut pour la dissuasion vaut aussi pour les autres composantes de nos forces armées et l'on peut se poser la question de l'adéquation des chars Leclerc, du porte-avions nucléaire et des avions de combat aux menaces contemporaines les plus probables.
Car précisément nous ne partons pas de zéro.
L'outil de la dissuasion existe. Il a fallu à notre pays une volonté sans faille et une détermination extraordinaire pour le construire et le rendre parfaitement efficace. Cela a impliqué l'effort de milliers de scientifiques de très haut niveau, des militaires des trois armes dont certains ont passé des mois et des années loin de leur famille, pour assurer à notre pays, la garantie ultime qu'il ne serait pas attaqué. Et plus encore cela a impliqué une communauté de vue entre tous les dirigeants politiques qui se sont succédé depuis plus de soixante dix ans, sur deux Républiques et des efforts budgétaires de tous les Français depuis des générations.
Est-ce une raison suffisante pour continuer à poursuivre les efforts ? Peut-être pas, si l'arme nucléaire ne servait vraiment plus à rien. Mais c'est une raison suffisante pour ne pas l'abandonner à la légère.
D'autant que, compte tenu du très haut niveau d'efforts scientifiques et technologiques nécessaires au déploiement de forces nucléaires, tout abandon, tout relâchement, même provisoire de cet effort, rendrait un retour extrêmement difficile par la suite. C'est ce que montre l'exemple russe.
d) Arme nucléaire et dimensionnement de l'outil de défense français
L'existence de la force de dissuasion structure la quasi-totalité de l'outil de défense français. C'est le cas en particulier de notre flotte hauturière qui est en grande partie, dessinée et conçue pour permettre la permanence à la mer des SNLE. La disparition de ces armes impliquerait de nouveaux choix capacitaires.
Le fait est qu'aujourd'hui, sans les forces mettant en oeuvre la dissuasion nucléaire, nos armées ne seraient vraisemblablement pas capables de repousser ou de dissuader une agression majeure d'origine étatique.
Les forces stratégiques et les forces conventionnelles françaises forment un continuum étroitement imbriqué qui permet à la fois d'assurer la protection du territoire et de respecter les obligations internationales que nous confère notre statut de membre permanent du conseil de sécurité, en étant capable de projeter une quantité raisonnable de puissance, seule, comme en Côte d'Ivoire, ou en alliance, comme en Libye.
L'existence de la dissuasion nucléaire a permis de rehausser le niveau capacitaire et de renforcer la cohérence de notre outil de défense. Renoncer aux forces stratégiques supposerait de « détricoter » cette structure imbriquée.
Pour savoir s'il convient de s'engager dans cette direction ou non, il est nécessaire de mesurer le rapport coût/avantage des forces de dissuasion.
Le coût, on l'a vu, est de l'ordre de trois milliards et demi d'euros par an. Ce coût représente exactement 11 % du budget de défense annuel et 1,2 % du total des dépenses du budget de l'État pour 2012.
L'avantage principal des forces de dissuasion, mais pas le seul, est de nous garantir depuis soixante contre toute attaque d'un autre Etat. Est-ce que cet avantage vaut 1 % du budget de la France ?
La conviction des membres de votre groupe de travail, est que compte tenu de ces éléments, il ne serait pas raisonnable de renoncer aux forces nucléaires.
2. Un abandon partiel des forces nucléaires ?
a) Le bilan coût-avantage des deux composantes
Là encore, le réexamen des composantes doit être fait en fonction d'un bilan coût-avantage.
S'agissant des coûts tout d'abord, d'après les estimations rassemblées par vos rapporteurs, le coût de la modernisation de la FOST sur les quinze prochaines années serait de l'ordre de 29 milliards d'euros, tandis que celui des FAS serait de l'ordre de 2,6 milliards.
Concernant l'utilité des composantes, la permanence à la mer offerte par la FOST présente l'énorme avantage de dispenser les autorités politiques de prendre une décision en cas de crise, comme celle d'envoyer un bateau à la mer, décision forcément visible, et donc, le cas échéant, d'alimenter la tension.
Mais le principal avantage de la composante sous-marine est d'assurer au pouvoir politique la certitude absolue d'une possibilité de frappe en second.
L'existence de la composante aérienne permet au contraire de donner un signe visible de notre détermination politique, si nécessaire en organisant des manoeuvres démonstratives, en appui de la manoeuvre diplomatique lors d'une crise. La composante aérienne dispose de moyens polyvalents et complémentaires de la première composante.
Cette composante autorise également des frappes de précision sur des objectifs qui pourraient être des centres de pouvoir et de décision politiques ou militaires, et donner ainsi un « ultime avertissement ». L'utilisation de cette composante peut servir utilement à dissuader des États belliqueux, non dotés d'armes nucléaires.
Réversible, flexible, très peu coûteuse, la composante aérienne présente également un atout majeur qu'il convient de prendre en compte : elle met en oeuvre un missile de croisière super véloce, qui restera totalement invulnérable à la défense anti-missile balistique, qui comme son nom l'indique n'est capable d'intercepter que des missiles « balistiques ».
b) Les réductions envisageables
S'agissant des FOST, compte tenu de la fréquence et de la durée des cycles de maintenance, ainsi que de la nécessité de permettre la transition de mise à la mer et de prendre en compte certaines fortunes de mer, le chiffre de quatre SNLE semble un minimum pour être certain d'avoir en permanence au moins un navire à la mer. Passer de quatre à trois SNLE supposerait donc de renoncer à une permanence à la mer et de faire reposer toute la dissuasion océanique sur un seul sous-marin. Cela ne serait pas raisonnable.
On pourrait peut être envisager d'utiliser les SNLE de façon duale, à l'instar des escadrons des FAS, avec des lots mixtes de missiles balistiques et de missiles de croisière navals. Mais cette piste n'a pas été explorée plus avant par vos rapporteurs tant elle semble difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la spécificité de la mission nucléaire. Il est vrai que les forces américaines navales ont bien reconverti certains de leurs anciens SNLE en plateformes pour missiles de croisière, mais ils distinguent précisément les missions et spécialisent leurs propres sous-marins.
S'agissant des deux escadrons de la composante aérienne, pourrait-on envisager d'en réduire le nombre à un seul ?
Cette hypothèse doit être envisagée à l'aune des besoins opérationnels et du bilan coût/avantage. S'agissant des besoins opérationnels, la dissuasion repose sur un principe de stricte suffisance défini sur des critères politiques et opérationnels. La réduction du format de la composante aérienne ne permettrait plus de couvrir les besoins opérationnels, et donc de répondre aux exigences politiques. S'agissant du bilan financier, diminuer le format de la composante aérienne reviendrait à diminuer le flux de crédits nécessaires au maintien en condition opérationnelle des avions et des armes, représentant un gain de quelques dizaines de millions d'euros par an pour un escadron, d'une centaine de millions si on supprimait la totalité de la composante aérienne. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
En outre, les moyens utilisés sont polyvalents et participent à des missions conventionnelles telles que la protection de l'espace aérien ou l'intervention sur des théâtres extérieurs. A cet égard, l'entraînement extrêmement exigeant des pilotes français pour être capable de mener des raids nucléaires a montré son utilité lors de l'opération Harmattan en permettant à nos forces aériennes de rentrer en premier sans difficulté et de mener des missions de frappes de précision dans la profondeur d'un territoire hostile.
En conclusion, et sous réserve naturellement du respect du principe de séparation des pouvoirs qui fait du Premier ministre le responsable de la défense nationale et du Chef de l'Etat le chef des armées, vos rapporteurs considèrent que la réduction supplémentaire du format des forces nucléaires n'est pas souhaitable. Les deux composantes, reposant sur des techniques très différentes, se complètent dans leurs effets et rendent impossible toute surprise stratégique en cas de rupture technologique.
B. L'UTILITÉ POLITIQUE
L'utilité politique de la dissuasion nucléaire tient à la place qu'elle confère - ou conférerait - à notre pays sur la scène internationale.
La France fait en effet partie du club - le « P5 » des cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de non prolifération : les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni. Aucun de ces pays n'a annoncé renoncer à son arsenal nucléaire.
Est-ce que la France serait encore légitime à faire partie du conseil de sécurité des Nations unies si elle renonçait à sa force de dissuasion ? La réponse est difficile à donner. Mais une chose est sûre, la répartition des sièges au conseil de sécurité de l'Onu ne repose plus aujourd'hui, soixante dix après la déclaration des Nations unies, que sur ce seul argument. S'il fallait considérer d'autres critères, tels que la puissance économique, le poids démographique, la répartition du nombre de sièges par continent, alors la place permanente de notre pays à ce conseil serait assurément questionnée.
Si renoncer à la force de frappe, c'est prendre le risque d'un déclassement à terme de notre pays dans le concert des nations, dont beaucoup pratiquent une politique puissance et de rapports de force, quelle serait donc la faisabilité politique d'une telle proposition, sans aucune contrepartie pour notre pays ?
Jean-Yves Le Drian - ministre de la défense - affirmait le 28 juin 2012 : « la dissuasion nucléaire donne aussi à la France, le poids politique nécessaire pour parler comme la France doit parler . »
Quant à Christian Jacob - président du groupe parlementaire de l'UMP à l'Assemblée nationale il affirmait le même jour : « ce qui fait que la France pèse sur la scène internationale, c'est qu'elle a la force de dissuasion . »
Lors de la dernière campagne électorale pour les élections présidentielles, François Hollande, alors candidat avait déjà déclaré :
« D'ores et déjà, je veux réaffirmer deux orientations. La première, c'est la consolidation de notre dissuasion nucléaire. Elle est indissociable de notre sécurité et de notre statut international. Elle est, selon la formule trop souvent employée mais juste, « l'assurance-vie » de notre pays, notamment face à la menace de la prolifération. Elle est dédiée à la défense de nos intérêts vitaux, donc elle sanctuarise le territoire. Elle est l'arme de l'autonomie de nos choix. Dissuasion, siège permanent au Conseil de sécurité et capacité crédible de nous engager dans les crises : voilà l'articulation qui nous permet de parler fort et d'exprimer notre point de vue dans le concert des nations.
« Je me suis rendu, il y a quelques semaines à l'Ile Longue pour marquer cet engagement mais dire aussi combien je regarde avec respect les sentinelles et les garants de la sécurité suprême de notre Nation, ceux qui nous permettent, sans que nous le sachions tous, d'être toujours protégés. Le contexte international n'autorise aucune faiblesse. Nous ne devrons en aucune façon baisser la garde. Notre effort pour la paix dans le monde, pour le désarmement et pour la construction européenne va de pair avec notre volonté de préserver les intérêts vitaux de notre Nation. Je ne transigerai donc en rien ni n'abandonnerai aucune de nos prérogatives en ce domaine. Nous conserverons donc les deux composantes, aérienne et sous-marine, de notre dissuasion 14 ( * ) ».
Le fait de disposer de forces stratégiques au meilleur niveau donne aux autorités politiques françaises un supplément de crédibilité. Sans forces nucléaires, et même adossé à l'Union européenne, le président de la République française aurait-il été écouté par le président de la Russie, lors de la crise géorgienne à l'été 2008 ?
C. L'IMPORTANCE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE
1. Les retombées scientifiques et technologiques - l'exemple du CEA - DAM
Le CEA est un opérateur de l'Etat avec le statut d'EPIC (Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial). N'étant pas un industriel, il n'a pas vocation à produire. Ainsi, dès le développement finalisé, il confie la plus grande partie de la production à un industriel en transférant la technologie et en finançant la mise en place des moyens et des compétences.
Acteur économique français important, le CEA/DAM représente 4700 emplois directs répartis en régions, au sein de ses cinq centres. Les années passées, il a généré par le biais des contrats passés à l'industrie et aux services français ainsi que par la valorisation de ses technologies, près de 10.000 emplois indirects. A titre d'exemple, la construction du laser Mégajoule près de Bordeaux, nécessite un effectif de 300 salariés du CEA/DAM, et génère plus d'un millier d'emplois industriels dans la région Aquitaine.
Macroscopiquement, pour ses achats et sa sous-traitance, la DAM transfère environ 70 % de son budget aux entreprises et industries - quasi exclusivement nationales, dont plus de 66 % à des industries de haute technologie pour des activités de R&D et de fabrication.
De nombreux produits industriels et de nombreuses sociétés ont pu développer leur savoir faire et leur marché à partir des travaux financés par le CEA/DAM pour la dissuasion.
a) La technologie SOI (Silicon On Isolator)
Le SOI fut initialement conçu par les équipes du CEA/DAM et du CEA/LETI (Laboratoire d'Electronique et de Technologies de l'Information) pour répondre à des besoins très spécifiques des programmes de la dissuasion. Comparé aux autres technologies des semi-conducteurs d'alors, le SOI permet de réduire très significativement les pertes électriques. Au-delà du concept, la technologie SOI s'est imposée parce qu'en 1991, le CEA/LETI, avec le soutien financier de la DAM a mis au point le procédé IMPROVE, permettant de produire le SOI à des conditions économiques intéressantes. Au delà de la satisfaction du besoin « Défense », cette technologie a pu être valorisée en 1992 par la création d'une « spin-off » du CEA, la société SOITEC qui réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de l'ordre de 200 millions d'Euros et compte près de 1000 salariés.
b) Le calcul haute performance
Le HPC, calcul « hautes performances », est l'une des composants-clés du programme Simulation, qui permet de garantir la sûreté et la fiabilité des armes nucléaires françaises depuis 1996, date de l'arrêt des essais.
Pour atteindre cet objectif, depuis 1996, et compte tenu des programmes armes, il a fallu multiplier par plus de 20.000 la puissance de calcul des ordinateurs pour atteindre en 2010 la puissance de un Petaflops 15 ( * ) .
Au moment où le CEA/DAM en a eu besoin, de tels calculateurs n'existaient pas sur le marché. Le CEA/DAM a donc lancé un partenariat avec la société Bull afin de développer de telles machines.
Le choix majeur de ce programme commun a été de développer de supercalculateurs non pas spécifiques, mais généralistes, de façon à permettre la valorisation de cette technologie dans tous les domaines civils, de la recherche, de l'industrie, de la finance, ...
Bâtis avec des logiciels libres et des processeurs de grande diffusion, les calculateurs de la dissuasion ont donné naissance à une gamme commerciale compétitive de supercalculateurs. Ainsi Bull est devenu un acteur majeur du HPC, qui représente pour lui un chiffre d'affaires annuel de plus de 200 millions d'Euros et près de 400 emplois directs.
Les trois premières générations de calculateurs du CEA DAM étaient classifiées. Elles ont été acquises et ont délivré des performances conformes aux prévisions. Il s'agit de TERA 1 en 2001, qui avait une capacité de 4,8 Teraflops (TF) - de TERA 10 en 2005 avec une capacité de 63 TF (facteur d'augmentation x 10) et de TERA 100, actuellement en fonction avec une capacité de 1,2 Pétaflops (x20).
La proposition de la France est que les prochaines générations de machines permettent de passer la barre des 30 pétaflops en 2015, d'un Exaflop en 2020 et de 10 Exaflops en 2025.
c) Le Laser Mégajoule (LMJ)
Le LMJ, laser Mégajoule construit sur le site aquitain du CEA/DAM, est l'investissement majeur du programme Simulation. Il permettra de valider la Physique du fonctionnement thermonucléaire des armes en donnant accès en laboratoire aux densités et aux températures extrêmes que l'on ne rencontre que dans les étoiles et au sein des armes entrain de fonctionner.
La construction de ce laser demande de maitriser les technologies sur toute l'étendue de la gamme dimensionnelle, puisque les conditions extrêmes présentes au coeur des étoiles ne sont accessibles sur terre qu'en concentrant quasiment à l'infini une grande quantité de lumière produite dans un volume nécessairement très grand. La production de tous les constituants de ce laser (génie civil, électricité, ventilation, procédé laser lui-même, diagnostics, cibles constituant l'expérience...) a fait appel à tous les industriels majeurs français ainsi qu'à de très nombreuses PME qui ont tous dû faire progresser leurs capacités pour satisfaire le besoin.
Le LMJ, dont le succès de son prototype la LIL prouve la réussite de ces industriels, constitue aujourd'hui une exceptionnelle référence internationale : Bouygues n'avait jamais réalisé un ouvrage d'une telle complexité (volume très largement supérieur au Viaduc de Millau) et avec une telle précision dimensionnelle, de grandes entreprises françaises ont réalisé des composants pour le système optique en mettant en oeuvre des procédés améliorés ou nouveau leur permettant de se positionner dans les meilleurs standards mondiaux. Enfin, des PME ont pu acquérir, grâce aux programmes de R&D et aux investissements matériels financés sur le budget Dissuasion, des savoir-faire exceptionnels en matière de polissage de très haute précision des optiques que seules une ou deux entreprises américaines détiennent.
d) La sismologie
Depuis sa création, le CEA/DAM a développé des méthodes et des moyens sismologiques pour caractériser ses propres essais nucléaires ainsi que détecter et localiser ceux conduits par les autres pays. Aujourd'hui, ces compétences et ces moyens sont mis à la disposition de la communauté internationale pour la vérification, en temps réel, du respect du TICE, le Traité d'Interdiction Complète des Essais.
Cette capacité est le fruit de la R&D du CEA/DAM dans le domaine des mesures, de la transmission des données et de l'analyse du signal. Tous ces savoirs ont été transférés à des PME françaises pour qu'elles les industrialisent et assurent le maintien en conditions opérationnelles des moyens du TICE. Ces compétences uniques du CEA/DAM ont aussi conduit à lui confier des missions de surveillance de la sismicité métropolitaine et d'alerte aux tsunamis en Polynésie française et en métropole. Ainsi, la DAM tient à jour la Base de données nationale de référence pour le zonage sismique de la France et a la charge du développement et de l'exploitation de CENALT, le Centre national d'alerte aux tsunamis en Méditerranée occidentale et en Atlantique Nord-Ouest.
Ce savoir faire a été mis en oeuvre lors du tremblement de terre qui a frappé le Japon en mars 2011, pour donner l'alerte aux populations françaises des îles du Pacifique, permettant ainsi de les mettre à l'abri.
e) La physique des particules
Pour donner un dernier exemple, citons la technologie DMILL permettant la réalisation de composants électroniques durcis, c'est-à-dire résistant aux radiations. Antérieure à la technologie SOI, la technologie DMILL a été développée par le CEA à la fois pour des applications dissuasion et des applications civiles. A ce titre, le détecteur géant de particules ATLAS, installé au CERN intègre cette technologie durcie. Il est un contributeur essentiel à la « découverte » du Boson de Higgs.
f) Le transfert à l'industrie de nombreux procédés innovants et la création de pôles de compétitivité
Au-delà des exemples ci-dessus destinés à illustrer les retombées pour l'industrie nationale des investissements dans la Dissuasion sous la forme de produits directement commercialisables et d'emplois associés facilement identifiables, il convient de rappeler que, pour réaliser les programmes qui lui sont confiés pour la Dissuasion, le CEA/DAM a transféré aux industriels français un nombre très important de processus innovants, que ces industriels valorisent quotidiennement dans la production de produits civils.
Pour augmenter encore les retombées pour l'économie nationale des actions financées par la Défense pour la réalisation des programmes de la Dissuasion, le CEA/DAM a développé, depuis plus de dix ans, une stratégie volontariste de participation aux pôles de compétitivité soutenus par les régions où il est implanté. Depuis quelques années, son action au sein de ces pôles a été renforcée, car ces pôles sont un moyen de « reconquête des emplois manufacturiers nationaux ». Ainsi :
En Île-de-France, le CEA/DAM est à l'origine du pôle européen de compétence en simulation numérique « hautes performances », Ter@tec.
En Aquitaine, le CEA/DAM intervient dans deux des pôles majeurs soutenus par la région : ses compétences dans le domaine de la rentrée atmosphérique, développée pour les armes, et en simulation numérique sont intégrées au pôle Aerospace Valley. Il est par ailleurs un des membres fondateurs du pôle « Route des Lasers », qui a pris naissance suite à la décision de construire le Laser Mégajoule sur le centre aquitain du CEA/DAM. La route des lasers s'articule autour de trois axes : la création d'un pôle d'enseignement et de recherche en Aquitaine pour la Physique des Lasers et des Plasmas, en coopération avec l'Université de Bordeaux I, le CNRS et l'Ecole Polytechnique, le développement d'une filière industrielle pour les lasers, notamment avec la création de la zone industrielle Laséris qui regroupe plus de dix industriels.
En Bourgogne, le CEA/DAM est un acteur majeur du « Pôle Nucléaire de Bourgogne » dont il est membre fondateur.
En Région Centre, le centre CEA/DAM du Ripault, expert dans le domaine des matériaux spécifiques et des explosifs pour la Dissuasion, est membre fondateur d'ALHYANCE, plateforme collaborative de démonstrations, de programmes en partenariat et de transferts de technologie pour la « filière Hydrogène » et le stockage d'énergie.
En Midi-Pyrénées, le centre CEA/DAM de Gramat est lui aussi membre partenaire du Pôle Aerospace Valley. Il apporte ses compétences en matière de sécurité pour la réalisation d'études au profit des projets industriels ou institutionnels, comme par exemple à la DGAC.
2. La dissuasion tire l'industrie française vers le haut :
a) Un savoir faire au premier rang mondial, fruit de quarante années d'efforts
Depuis plus de quarante ans, les investissements réalisés par la France dans le domaine de la dissuasion océanique ont conféré à nos missiliers en particulier EADS Astrium, un savoir-faire de premier rang dans le domaine des lanceurs qui n'existe qu'aux Etats-Unis, en Russie et pas encore en Chine et à notre concepteur de sous-marins, DCNS, un savoir-faire unique dans les domaines de la propulsion et du lancement en immersion.
Les programmes de missiles balistiques exigent un savoir faire et des compétences de très haut niveau dans la maîtrise d'oeuvre de systèmes complexes et dans de nombreux domaines techniques tels que l'architecture de missiles, l'hydrodynamique, l'aérodynamique, le guidage-pilotage, l'électronique et logiciels embarqués, les matériaux, la propulsion solide ou encore la sureté nucléaire. Astrium ST possède également des compétences de premier plan dans la rentrée atmosphérique utilisée notamment pour les têtes nucléaires.
Nombre de ces compétences et savoir-faire sont partagés avec la filière Ariane dont, historiquement, les développements se sont trouvés être en quasi-alternance avec ceux des missiles balistiques. Elles concernent aussi la filière industrielle française de propulsion solide (HERAKLES).
Ces programmes de lanceurs militaires et civils ont permis la mise en place et le maintien d'un socle industriel français efficace qui représente globalement dans ce domaine environ 7 000 emplois directs hautement qualifiés. Il est aujourd'hui au meilleur niveau mondial comme en témoignent les succès réguliers d'Ariane V ainsi que la réussite du développement du M 51.
Rappelons que l'entrée en service 16 ( * ) de la première dotation du M51.1 est intervenue en 2010 17 ( * ) conformément au calendrier initial du développement. La version M51.2 sera quant à elle mise en service en 2015. Elle porte sur l'adaptation du système M51 aux nouvelles têtes et non sur le développement d'un nouveau missile. Le maintien en conditions opérationnelles des trois dotations de missiles M51 est assuré au titre d'un contrat en cours dont le renouvellement doit intervenir en 2015.
Le développement des SNLE de la classe « Le Triomphant » a permis à DCNS de développer les sous-marins conventionnels de type `Scorpène' qui ont été vendus à de nombreux exemplaires à l'exportation (Chili, Malaisie, Inde et Brésil).
b) La pérennité des compétences françaises est en danger
Depuis les années 1970, l'industrie française a mené en permanence au moins un développement de lanceur civil ou militaire ce qui a permis le maintien d'un savoir-faire de premier plan au niveau mondial.
Le maintien des compétences lanceurs en France fait aujourd'hui face à un défi historique avec la fin concomitante des développements d'Ariane V et du M51. Cela pose la question cruciale, sans réponse à ce jour, du maintien des compétences françaises dans ce secteur. Faute de nouveaux développements à court terme, l'industrie française perdra sa capacité à concevoir et développer la prochaine génération de lanceurs post M51 et Ariane V. L'exemple des difficultés rencontrées actuellement par l'industrie russe en est la confirmation.
Astrium a fait des efforts particulièrement importants pour adapter son outil industriel, tout en préservant les compétences clés. Cette adaptation a conduit à une réduction de près de la moitié des effectifs depuis les années 90. Le seuil critique des bureaux d'études en deçà duquel il serait dangereux de descendre est aujourd'hui atteint.
A ce titre le Programme M51.3 dont le contrat de développement est attendu pour mi-2013 est vital ainsi que le programme Ariane 5 ME ( midlife evolution ) dont la décision de principe de lancement, confirmée en 2010 par le précédent Président de la République lors de son discours de Vernon, n'a pour l'instant donné lieu à aucune décision concrète des pouvoirs publics français. La prochaine étape majeure est le Conseil Interministériel de l'ESA (agence spatiale européenne) initialement prévu fin 2011, mais finalement repoussé à novembre 2012.
Cette situation, si elle devait perdurer, conduirait de facto à une remise en cause du programme Ariane V ME.
Sans ces deux programmes, l'industrie française se trouverait alors incapable de concevoir et développer la génération prochaine de missiles stratégiques et de lanceurs ; traiter en temps réels des aléas de production et les obsolescences pendant la phase d'exploitation ; minimiser les conséquences et délais de retour en vol en cas d'échec d'un lancement 18 ( * ) .
Depuis les années 60, l'industrie française (DCN puis DCNS) a toujours mené séquentiellement un développement de SNLE, de sous-marin conventionnel (Agosta, Scorpène) et de SNA. Sans ce phasage des programmes, elle se serait trouvée dans l'incapacité de développer la prochaine génération de SNLE.
c) Socle indispensable au maintien des compétences
Le programme M51.3 consiste en un développement d'un nouveau troisième étage du M51 (M51.3) pour une mise en service à partir de 2020, l'étage actuel ayant été repris de la génération précédente M45. Il offrira sur le plan opérationnel des performances accrues.
Il constitue un socle de financement indispensable au maintien des compétences des bureaux d'étude d'Astrium et de la filière industrielle française de propulsion solide, sur la dizaine d'années à venir, en attendant le développement des successeurs du M51 et d'Ariane V.
3. Elle donne aux armées françaises des avantages stratégiques
Le programme ASMP/A et la feuille de route nucléaire aéroportée constitue un des piliers techniques qui soutient la filière des missiles tactiques.
En effet, deux grandes familles de métiers et de compétences clés sont spécifiques au domaine des systèmes de missiles tactiques. D'une part, les technologies communes à l'aéronautique militaire mais qui doivent être adaptées pour des environnements notablement plus sévères compte tenu des performances atteintes et des contraintes particulières de conception. D'autre part, les technologies propres à la fonction terminale des missiles (guidage précis sur objectif et capacité de pénétration).
Ce qui est vrai pour tous les missiles tactiques l'est encore plus pour un vecteur comme l'ASMP/A. Le renforcement de certaines spécificités métiers est en effet nécessaire pour:
- la propulsion avec la nécessaire maîtrise de la technologie statoréacteur ;
- l'aérodynamique pour couvrir un large domaine de vol allant des plus basses aux plus hautes altitudes ;
- les environnements mécaniques et thermiques résultant de sa capacité de vol supersonique à longue portée ;
- la pénétration d'objectifs très défendus en raison de sa grande capacité à manoeuvrer ;
- le durcissement de ses électroniques vis-à-vis d'agressions nucléaires.
- la sûreté nucléaire pour garantir une grande fiabilité et la sécurité.
Ces technologies font appel à un haut niveau de compétences dans les domaines de l'ingénierie, des moyens d'essais et d'expertise mais aussi de la production. De par la nature du programme, ces compétences sont strictement nationales. Ainsi, l'effort financier consacré au développement et à l'entretien de ces filières d'excellence dans le domaine de la composante nucléaire aéroportée permet de garantir un retour à 100% sur le territoire français chez MBDA France, ses sous traitants et partenaires, dont de nombreuses PME.
L'ONERA et MBDA travaillent sur deux projets successeurs de l'AMSP/A
ï Missile à statoréacteur PEA CAMOSIS issu du concept MARS de l'ONERA - qui multiplierait par deux la performance actuelle de l'ASMP/A ;
ï Missile à super statoréacteur hypervéloce PEA Prométhée avec des essais en vol du démonstrateur LEA en 2014-2015, qui multiplierait par quatre la performance actuelle.
Si la France veut maintenir des forces stratégiques aériennes, il est important que ces programmes d'études amont puissent être menés dans de bonnes conditions.
CONCLUSION
La force de frappe nucléaire française est née à Paris en 1939, rue Pierre et Marie Curie à l'institut du radium. Ses travaux ont été transportés à Londres dans les bagages de quelques savants nucléaires français en même temps que leur précieux chargement d'eau lourde 19 ( * ) . Elle est née de la volonté farouche d'une poignée d'hommes de ne pas se résigner, puis de tout un peuple à ne plus jamais connaître ce qu'il venait de vivre.
Elle est l'oeuvre commune de générations d'hommes et de femmes qui ont voulu rendre la guerre improbable et notre pays indépendant. Depuis la seconde guerre mondiale, la force de frappe nucléaire - en tant que symbole de notre indépendance - fait partie du code génétique de notre nation. Elle se veut la garantie ultime que plus jamais aucun État ne nous attaquera, ni ne nous occupera. Quand la France s'est engagée dans cette aventure, c'était au plus mauvais moment pour elle : reconstruction du pays, guerre d'Indochine, guerre d'Algérie. Il s'agissait d'une ambition vitale et nous nous sommes donné les moyens de le faire, sans tenir compte des bilans coût-avantage.
Depuis l'arme nucléaire a été employée tous les jours, tous les mois, toutes les années. Elle a contribué ce faisant à garantir la paix entre les nations européennes. Ce n'est pas rien.
En cinquante ans, la France a acquis en matière de dissuasion nucléaire une compétence qui n'est devancée que, dans quelques domaines, par celle des Américains et qui en termes de « qualité-prix » ou « best value for money » est sans doute la première au monde. C'est un domaine d'excellence de l'ingénierie française.
Aujourd'hui, le mur de Berlin est tombé. Nos ressources budgétaires sont comptées. Il nous faut faire des choix et se livrer à des bilans coût-avantage. Nous sommes un peu dans la situation de ceux qui se demandent s'il ne faudrait pas supprimer la brigade de sapeurs pompiers parce qu'il n'y a plus d'incendies. Mais gardons nous des images simplificatrices !
La probabilité d'une attaque conventionnelle ou nucléaire émanant d'un État, ou soutenu par un État, contre notre pays est faible, mais non nulle aujourd'hui. Mais demain qu'en sera-t-il ? Personne ne sait le dire. Une seule certitude : ses conséquences seraient dévastatrices. Devrait-on cesser de s'en prémunir alors que le coût annuel de cette garantie est encore supportable ? L'analyse stratégique doit être menée avec lucidité et sans passion. Elle doit dresser l'atlas des menaces et le confronter sans fard à nos ambitions de défense, à nos moyens, à l'outil de défense dont nous disposons et à celui que nous souhaiterions avoir.
La force de dissuasion existe. La supprimer ne rapporterait pas grand-chose. La reconstruire serait très difficile, très long, très coûteux, voire impossible. La moderniser permet de maintenir sa crédibilité opérationnelle et nos scientifiques et nos ingénieurs au meilleur niveau. Cette force nucléaire est étroitement imbriquée au reste de nos forces conventionnelles. Le fait de disposer de deux composantes donne à nos décideurs une large palette d'options militaires et met nos armées à l'abri des surprises stratégiques.
La France dispose, à travers l'arme nucléaire, de bien plus qu'une arme. Elle dispose d'une stratégie de dissuasion, c'est-à-dire d'un outil politique d'une grande valeur opérationnelle adossé à une doctrine d'emploi claire et toute entière centrée autour de la défense de ses intérêts vitaux.
Au demeurant, les armes nucléaires britanniques et françaises assurent qu'on le veuille ou non, de facto , la protection de l'ensemble des Européens alors même que nous en payons seuls le prix. Elles permettent aux Européens d'être considérés collectivement, quelles que soient la disparité et la faiblesse de leurs forces conventionnelles, comme un allié qui compte au sein de l'Alliance atlantique. Faut-il vraiment dans un monde qui s'arme que l'Europe se désarme complètement ? Quel serait le sens exact de l'article 42-7 20 ( * ) du traité de Lisbonne sans force de dissuasion ?
Les forces de dissuasion fondent à l'échelle mondiale un équilibre des pouvoirs entre grandes puissances. Or, malgré tous les discours, on ne voit ni les Russes, ni les Américains, ni les Chinois abandonner demain les armes nucléaires pour en laisser le monopole à l'Inde, au Pakistan, à Israël et peut être demain à l'Iran et à la Corée du nord. Dans ces conditions, pourquoi les Européens, pourquoi le Royaume-Uni et la France devraient-ils renoncer unilatéralement ? Ce serait installer un déséquilibre des puissances et ouvrir la boîte de Pandore.
Pour toutes ces raisons les membres de votre groupe de travail dressent, hic et nunc , un bilan coût-avantage des forces nucléaires positif et recommandent non seulement de conserver l'intégralité des forces de dissuasion mais aussi de consentir les investissements nécessaires dans la durée pour les maintenir à un niveau cohérent avec l'évolution prévisible des menaces.
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EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 11 juillet 2012, sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, les membres de la commission ont entendu la communication des co-présidents MM. Didier Boulaud et Xavier Pintat. A l'issue de leur présentation, un débat s'est engagé :
Robert del Picchia : je partage totalement la conclusion du rapport. Je voudrais toutefois poser une question : s'agissant de la TNA, quelle garantie avons-nous que l'arme est capable de délivrer la puissance que l'on pense qu'elle a, au seul vu de la simulation, puisque nous ne faisons plus d'essais ?
Alain Gournac : Je soutiens complètement ce rapport et notamment les considérations sur la composante aéroportée qui est d'une grande flexibilité. Si la France aujourd'hui est encore une grande puissance c'est aussi parce que nous avons l'arme nucléaire. Ne reculons pas.
Jacques Gautier : je voudrais saluer l'initiative du Président de la commission qui en créant ces groupes de travail nous a permis de prendre un temps d'avance dans la préparation des travaux de la commission du Livre blanc et de progresser collectivement dans la connaissance que nous pouvons avoir de la matière. Sur la composante aérienne, je suis entièrement d'accord avec les conclusions du rapport. C'est celle qui pouvait être sacrifiée sur l'autel des restrictions budgétaires, or les pilotes de chasse des deux escadrons font les mêmes missions que les autres et cela a été extrêmement précieux lors de l'opération Harmattan. Pour ce qui est des ravitailleurs MRTT, nous en avons besoin pour le raid nucléaire, c'est vrai, mais je dirais que nous en avons besoin tout court.
Xavier Pintat : en réponse à Robert del Picchia je voudrais dire que en cette matière où nous sommes face à des projets de très long terme, il faut être capable de suivre en permanence les évolutions. On ne peut pas dire « j'arrête de fabriquer la TNA » et puis si besoin, dans quatre ans on rouvre les plans et on se met en fabriquer. Cela ne marche pas comme ça. Sur la garantie de la fiabilité et de la sureté de l'arme, c'est-à-dire donner la garantie au Chef des armées que l'arme fonctionnera si on a besoin qu'elle fonctionne et qu'elle ne fonctionnera pas si on ne veut pas qu'elle fonctionne, cela repose sur la simulation, mais la simulation repose elle-même sur toute une batterie de tests qui ont spécialement conçus dans cette perspective. C'est un trésor. Les Américains n'ont pas l'équivalent, même s'ils ont procédé par le passé à un nombre colossal d'essais nucléaires. Et c'est pour cette raison qu'ils ne veulent pas signer le TICE.
Jean-Pierre Chevènement : les armes nucléaires resteront présentes à l'horizon de l'histoire pendant encore une longue période. On prend pour argent comptant le discours d'Obama à Prague, mais après ce discours il y a eu la Nuclear Posture Review qui prévoit la modernisation des armes nucléaires américaines. Les Chinois s'arment. Les Indiens aussi. Les Russes se réarment et les arsenaux nucléaires ne diminuent pas. Enfin, j'ajouterai que nous ne sommes pas à l'abri de surprises stratégiques. Que sortira-t-il des printemps arabes ? Que se passera-t-il au Moyen-Orient ? Par ailleurs, je trouve que dans la formulation du plan, le rapport fait la part trop belle aux contestataires. J'ajouterais que s'agissant du MRTT il y a urgence.
Daniel Reiner : le groupe socialiste soutient les termes de ce rapport et ses conclusions. La crédibilité de la stratégie de dissuasion repose sur l'arme nucléaire. Si on ne la modernise pas, si on ne la maintient pas, on ne pourra pas donner la garantie nécessaire de fiabilité et de sécurité dans le long terme. Il faut donc évidemment engager les études et prendre les décisions utiles que vous avez indiquées.
Gérard Larcher : je trouve personnellement que c'est bien de prendre l'avis des contestataires, tel que le Général Norlain. S'agissant de la permanence à la mer, elle est d'autant plus nécessaire qu'on ne sait pas encore ce que feront les Britanniques en 2016. Ne sacrifions donc pas une arme qui est employée tous les jours. Enfin, je voudrais dire que le rapport est limpide.
Michel Billout : vous imaginez bien que je ne partage pas tout à fait les conclusions du rapport. Néanmoins j'aurais trois questions : je voudrais savoir quelle est la position des rapporteurs par rapport au désarmement ; quelles ont été les mesures prises pour la sécurité des têtes nucléaires après l'accident de Fukushima ; enfin, puisque vous ne voulez pas que les crédits de la dissuasion diminuent, mais que les crédits de la défense diminuent, comment vous allez résoudre l'équation budgétaire ? Dans quelles dépenses de défense, autres que la dissuasion allez-vous tailler ? Dans les forces conventionnelles ?
Didier Boulaud : pour ce qui est de la sécurité des têtes, c'est assez simple, d'après les informations dont nous disposons, cela a coûté ou coûtera 130 millions d'euros pour porter les installations du CEA aux standards post-Fukushima. Pour ce qui est du désarmement notre position est claire : nous sommes pour. Mais que les autres commencent à désarmer. La France n'a que trois cent têtes, sur plus de vingt mille dans le monde, dont l'essentiel réparti entre les Russes et les Américains. Par ailleurs, si la France n'a plus rien à désarmer, comment peut-elle peser dans le débat sur le désarmement ?
Xavier Pintat : la gouvernance de la dissuasion nucléaire française garantit la sécurité et la sureté des armes, c'est-à-dire, le stockage, l'emploi et le démontage. Nous sommes exemplaires de ce point de vue.
Jean-Pierre Chevènement : la commission Evans-Kawagushi avait proposé qu'à l'horizon 2025, il n'y ait plus que mille têtes nucléaires réparties à égalité entre les Russes et les Américains et mille têtes réparties entre les autres Etats dotés. On ne peut que souscrire à cela. S'agissant du plan du rapport, je suggère qu'on intitule cette partie du rapport : « les arguments avancés par les contestataires de la dissuasion ».
Joël Guerriau : Ce rapport dans le bon sens et je l'approuve également. L'une des questions préoccupantes pour l'avenir sera de savoir de quels moyens nous disposons pour éviter la fabrication d'armes nucléaires bas de gamme dans le monde.
Jeanny Lorgeoux : je soutiens les conclusions de ce rapport qui est favorable à la dissuasion nucléaire, socle de notre souveraineté et donc de notre liberté.
Jean-Louis Carrère : si vous me permettez je vais répondre moi-même à la question de notre collègue Michel Billout, sur l'équation budgétaire : la réponse est simple : nous ne souhaitons pas réduire les dépenses de défense du tout ; nous souhaitons que le périmètre soit intouché, parce que la défense a déjà beaucoup donné. Ou alors nous renonçons à notre capacité de défense.
Le rapport est ensuite mis aux voix. Il est adopté à l'unanimité moins une voix et autorisation est donnée de le publier.
ANNEXES
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mardi 3 avril 2012 |
• MM. François Géré et Philippe Wodka-Gallien - IFAS (Institut Français d'analyse stratégique) |
• Amiral François Dupont - ancien commandant de SNLE - ancien directeur de l'IHEDN |
Mercredi 4 avril 2012 |
• M. Louis Gautier - Cour des comptes et conseiller pour le parti socialiste |
• M. Arnaud Danjean - député européen |
• M. François Auque, président de EADS Astrium |
• M . Daniel Verwaerde - Directeur des Applications Militaires (DAM) au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) |
• Ingénieur général de l'armement, Laurent Collet-Billon - Délégué Général pour l'armement |
Mercredi 18 avril 2012 |
• SE. M. Reinhard Schäfers , ambassadeur d'Allemagne |
• SE. Sir Peter Ricketts , ambassadeur du Royaume-Uni |
Mardi 24 avril 2012 |
• SE. M. Alexandre Orlov - ambassadeur de Russie (audition commune avec le GT « capacités industrielles souveraines ») |
Mercredi 2 mai 2012 |
• Vice-amiral Charles Edouard de Coriolis, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique |
Mercredi 9 mai 2012 |
• M. Francis Delon , Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale |
• M. Bruno Tertrais - Fondation pour la recherche stratégique |
• Général Norlain - ancien général de corps d'armée aérien - co-signataire d'une tribune pour le désarmement nucléaire avec Michel Rocard et Alain Juppé |
Mercredi 16 mai 2012 |
• M. Michel Miraillet - Directeur des Affaires stratégiques ministère de la défense |
Mercredi 22 mai 2012 |
• M. Denis Maugars, président de l'ONERA |
Mercredi 6 juin 2012 |
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Mardi 12 juin 2012 |
• Amiral Édouard Guillaud - Chef d'État-major des armées |
Le groupe de travail s'est également entretenu avec :
CV Bernard-Antoine Morio de l'Isle - adjoint mer auprès du Chef d'état-major particulier du Président de la République, en charge de la dissuasion nucléaire ;
Général de corps d'armée aérien, Paul Fouillant, commandant des Forces Aériennes Stratégiques.
DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS
Jeudi 10 mai 2012 |
Les Mureaux - Astrium Space Transportation Astrium face aux enjeux « Espace et Défense » - Composante océanique de dissuasion - battle lab Poséidon - Défense anti missile balistique - battle lab Égide - Plateforme fonctionnelle du missile balistique M51- Hall d'intégration Ariane V - |
Mercredi 23 mai 2012 |
Valduc - CEA Assemblage des têtes nucléaires Recyclage et fabrication plutonium - Chantier Epure |
Jeudi 24 mai 2012 |
Bruyères-le-Châtel - CEA/DAM Ile-de-France Supercalculateur Tera 100 et programme Simulation Conception et simulation des armes - Surveillance sismique - Surveillance de l'atoll du CEP - Surveillance et non-prolifération - Applications civiles |
Mardi 12 et mercredi 13 juin 2012 |
Base militaire d'Istres (en commun avec le groupe de travail « Capacités industrielles souveraines » Présentation des forces aériennes stratégiques, salle opérations du GRV 2/91 -Présentation du groupe de ravitaillement en vol 2/91 « Bretagne » - Maintenance C135 - Mission nucléaire de l'EC 2/4 « La Fayette » |
DONNÉES CHIFFRÉES
SUR L'ARMEMENT NUCLÉAIRE
données extraites du rapport annuel
2011 du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute)
Au début de l'année 2011 huit Etats possédaient approximativement 20 000 armes nucléaires (ou « engins » dans la terminologie officielle française 21 ( * ) ). 5 000 armes sont déployées et prêtes à être utilisées. 2 000 sont placées en état d'alerte permanente. Les cinq Etats reconnus officiellement comme « Etats dotés de l'arme nucléaire » par le Traité de Non Prolifération (1968) sont la Chine, les Etats-Unis d'Amérique, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Trois Etats n'ont jamais signé le TNP disposent de l'arme nucléaire : l'Inde, le Pakistan et Israël. Le doute subsiste sur la possession par la Corée du Nord d'armes nucléaires. La répartition des engins nucléaires entre ces puissances donnée par le SIPRI est la suivante :
Etats-Unis
En janvier 2011, les Etats-Unis détenaient un arsenal d'environ 2 150 engins nucléaires incluant environ 1 950 armes stratégiques et 200 armes tactiques déployées en Europe.
2 850 autres armes nucléaires sont tenues en réserve constituant un stock total de l'ordre de 5 000 engins. 3 500 autres armes nucléaires sont en attente de démantèlement.
L'année 2010 a été marquée aux Etats-Unis par la publication d'un Livre blanc sur la posture nucléaire (Nuclear Posture Review ou NPR) pour les cinq à dix prochaines années et la signature du traité dit « New Start ».
La NPR est le premier document officiel contenant explicitement l'engagement de poursuivre le but ultime d'une élimination des armes nucléaires. La non prolifération y est placée au même rang d'importance que la politique de dissuasion elle-même.
Cependant, le traité New Start et la NPR n'aboutiront qu'à des réductions modestes du nombre déployé d'armes nucléaires. La NPR ne traduit pas l'engagement du Président Obama, pris à Prague en 2009 de « réduire le rôle des armes nucléaires dans la stratégie nationale de sécurité (américaine) et de mettre un terme à la pensée issue de la guerre froide ».
Au contraire, la NPR réaffirme l'importance des armes nucléaires et recommande de :
- maintenir la triade nucléaire composée de missiles stratégiques intercontinentaux ;
- maintenir plusieurs centaines d'armes en alerte permanente ;
- maintenir des quantités importantes de stock de réserve ;
- procéder à la modernisation des lanceurs et des têtes ;
- construire de nouvelles unités de production des têtes ;
- ne pas s'interdire une utilisation en premier des armes nucléaires ainsi que de la possibilité d'utiliser des armes nucléaires contre des Etats non dotés.
Le tableau ci-dessus donne la répartition des forces nucléaires américaines au début de l'année 2011.
La NPR recommande de maintenir le nombre d'ICBM 22 ( * ) à 420 missiles déployés, chacun porteurs d'une seule tête - avec plusieurs centaines de têtes en réserve. Elle recommande également de maintenir le nombre sous-marins à propulsion nucléaire capables de lancer des missiles balistiques (dans le code américain : « SSBN ») à 14 - ou à 12 à la fin de la décennie 2012, capables de déployer simultanément 240 missiles (« SLBM » ou submarine launched balistic missile), chacun emportant plusieurs têtes - avec plusieurs centaines en réserve. Le nombre des bombardiers stratégiques devrait être maintenu à 60. Ils sont équipés de bombes à gravitation et de missiles de croisière.
Royaume-Uni
La force de dissuasion nucléaire britannique repose exclusivement sur une composante sous-marine : quatre sous-marins lanceurs d'engins de la classe Vangard SSBN (sous-marin à propulsion nucléaire), équipés de missiles Trident II (D5) SLBMs ( submarine launched balistic missile ) et de leurs têtes nucléaires. Les missiles balistiques sont en leasing auprès des forces armées américaines. Ils sont prélevés de façon aléatoire sur le stock de la base militaire de Kings Bay en Géorgie et chargés sous les sous-marins britanniques. Les sous-marins vont ensuite à la base navale de Coulport, Argyll, en Ecosse, où les missiles sont équipés des têtes nucléaires, fabriquées par le Atomic Weapons Establishment (AWE) à Aldermaston, dans le Berkshire (près de Londres).
Chaque sous-marin est équipé de 16 missiles Trident II (D5) susceptibles de porter au total 48 têtes nucléaires, soit un maximum de trois têtes par missile. Il est généralement considéré qu'un nombre de missiles D5 sont déployés avec une seule tête (ce qui permet en outre d'accroître la portée) - laquelle tête peut avoir une charge nucléaire réduite. La flexibilité dans le chargement des têtes reflète la décision du ministère de la défense britannique (MOD) prise en 1998 de donner une capacité « sub-stratégique » (riposte graduée) à la flotte sous-marine, afin d'accroître la dissuasion.
Dans sa posture de dissuasion permanente ( Continuous At Sea Deterrence ou CASD) un sous-marin est en patrouille permanente. Le deuxième et le troisième sous-marins peuvent prendre la mer plus ou moins rapidement quant au quatrième il est en grande visite.
RUSSIE
En janvier 2011, la Russie disposait de 2427 têtes nucléaires opérationnelles. Elle continue à réduire ses forces nucléaires stratégiques en application des traités et selon le principe d'un passage d'une « redondance substantielle » à une posture de dissuasion « minimale mais suffisante ». La stratégie de sécurité nationale approuvée en mai 2009 prévoit le maintien de la parité avec les États-Unis aux conditions économiques les plus rentables.
En février 2010, le président Medvedev a approuvé la nouvelle doctrine militaire. Celle-ci réduit la place des forces nucléaires dans la politique de sécurité nationale en introduisant des critères d'emploi stricts. Selon cette doctrine, la Russie se reconnaît le droit d'user des forces nucléaires en réponse à une attaque nucléaire ou à une attaque conventionnelle si « l'existence de l'État se trouvait menacé » (et non plus, dans la doctrine de 2000, « en cas de situation critique pour la sécurité nationale »). Elle confirme que la tâche est de maintenir la capacité de dissuasion nucléaire à un niveau de suffisance nécessaire pour infliger un dommage prédéterminé à un agresseur en toutes circonstances. Selon les experts, la forces nucléaire russe peuvent garantir une dissuasion suffisante mais ont besoin d'améliorations pour assurer leurs capacités de seconde frappe et de pénétration des défenses anti-missiles. A la lumière de ces réflexions, la Russie donnent priorité au développement de missiles balistiques mobiles par la route (avec le MIRVs) et d'un nouveau type de SLBM.
La Russie dispose de deux divisions de bombardiers stratégiques (76 unités) et poursuit son effort de révision, de modernisation et de prolongation de la durée de vie des ses bombardiers stratégiques.
Les forces stratégiques balistiques consistent en trois armées qui seront réduites à 2 au 1 er janvier 2016. En janvier 2011, la Russie disposait d'une cinquantaine de missiles lourds à très longue portée (RS-20V) dont elle prolonge la durée de vie jusqu'en 2026. Le développement d'un nouveau programme restait en discussion en 2010. Elle tend à prolonger la durée de vie de son arsenal existant de missiles à longue portée, mais aussi sa modernisation : systèmes mobiles, système à têtes autonomes (MIRVs) de type RS-24.
La Marine russe exploite 11 sous-marins lance-missiles balistiques nucléaires pouvant porter 16 missiles de classe RSM-50. Certains voient leur durée de vie prolongée mais avec un équipement plus moderne de missiles de type RSM-54 Sineva. Elle construit trois sous-marins de nouvelle classe (Project 955 Borei) et envisage la construction de 8 qui devraient recevoir 16 nouveaux missiles Bulava (RSM-56). Ce nouveau missile a réussi ses essais en 2010 et il pourra être déployé sur les sous-marins actuels en attendant sa mise en service sur les sous-marins de nouvelle classe (les tests à partir des nouveaux lanceurs étaient attendus en 2011). Les trois premiers sont dotés de 16 tubes lance-missiles et les suivants disposeront de 20 tubes.
CHINE
L'arsenal nucléaire chinois est estimé à environ 200 armes qui peuvent principalement être mises en oeuvre par des missiles balistiques ou des bombardiers (40 armes restant en réserve)
Aucun élément ne montre une évolution significative de ce stock d'armes dans les années récentes. Toutefois, la Chine a accru le nombre de ses systèmes balistiques à moyenne et longue portées dans le cadre de leur modernisation, ce qui lui permet développer une force plus résiliente et plus flexible dans sa riposte.
Le Livre blanc de mars 2011 réaffirme l'option d'une politique de non utilisation en premier des armes nucléaires et l'intention de limiter les capacités au niveau minimal requis pour assurer la sécurité nationale.
Les missiles stationnés à terre sont opérés par l'ANL, ils comprennent des missiles de portée intermédiaire et de longue portée (pouvant atteindre 11.200km), de différentes classes, dont un nombre conséquent de missiles plus modernes et mobiles.
La Chine éprouve des difficultés à développer des moyens maritimes. Ils semblent que ses sous-marins nucléaires aient rencontré des problèmes techniques qui réduisent leurs capacités effectives.
On estime que la Chine dispose d'un petit stock de bombes nucléaires susceptibles d'être lâchées par des avions mais l'armée de l'air chinoise ne semble pas avoir d'unités spécialisées. Selon certaines sources, elle a développé une capacité d'utilisation de missiles de croisière qui peuvent délivrer des frappes nucléaires ou conventionnelles.
LA POSITION BRITANNIQUE (document fournie par l'ambassade du Royaume-Uni à Paris)
DETERRENCE POLICY
• HMG believes that nuclear weapons remain a necessary element of the capability we need to deter threats from others possessing nuclear weapons.
• The UK would only use its nuclear weapons in extreme circumstances of self-defence, and would not use its weapons contrary to international law.
UK deterrence policy comprises five key principles:
• Preventing nuclear attack. The UK's nuclear weapons are not designed for military use during conflict but instead to deter and prevent nuclear blackmail and acts of aggression against our vital interests that cannot be countered by other means.
• The UK will retain only the minimum amount of destructive power required to achieve our deterrence objectives. This is known as «minimum deterrence».
• We deliberately maintain ambiguity about precisely when, how and at what scale we would contemplate use of our nuclear deterrent. We will not simplify the calculations of a potential aggressor by defining more precisely the circumstances in which we might consider the use of our nuclear capabilities - i.e. we do not define what we consider to be our vital interests. Hence, we will not rule in or out the first use of nuclear weapons.
• The UK's nuclear deterrent supports collective security through NATO for the Euro-Atlantic area.
• An independent centre of nuclear decision-making enhances the overall deterrent effect of allied nuclear forces. Separately controlled but mutually supporting nuclear forces create an enhanced overall deterrent effect. The UK deterrent is operationally independent, and the UK does not require US authorisation to use its deterrent.
• All the United Kingdom's Trident missiles have been de-targeted since 1994. Only one Trident submarine is on deterrent patrol at any one time and that submarine is normally on several days `notice to fire' and its missiles are not targeted at any specific country. The missiles can be targeted in sufficient time to meet any foreseeable requirement
TYPES OF THREAT
There are three potential threats identified in the 2006 White Paper:
• The re-emergence of a major nuclear threat.
• A threat from an emerging nuclear state.
• State-sponsored nuclear terrorism.
WHY A DETERRENT IS STILL NECESSARY - IT IS NOT A COLD WAR WEAPON
• The UK does not currently identify an enemy with both a nuclear capability and the intent to use it against our vital interests.
• However, significant nuclear capabilities and nuclear risks remain. There are still substantial nuclear arsenals; the number of nuclear-armed states has increased, not decreased; and there is a significant risk of new nuclear-armed states emerging.
• We cannot dismiss the possibility that a major direct threat to the UK might re-emerge - a state's intent in relation to the use of its capabilities could change relatively quickly, and while we will continue to work internationally to enhance mutual trust and security, we cannot rule out a major shift in the international security situation which would put us under grave threat (SDSR).
• It is the ultimate guarantee of our security and sovereignty and a necessary insurance in an uncertain world.
DECLARATORY POLICY (REVISED IN 2010)
• The UK has long been clear that we would only consider using our nuclear weapons in extreme circumstances of self defence, including the defence of our NATO Allies, and we remain deliberately ambiguous about precisely when, how and at what scale we would contemplate their use.
• The UK remains committed to the long term goal of a world without nuclear weapons.
• We will continue to work to control proliferation and to make progress on multilateral disarmament, to build trust and confidence between nuclear and non-nuclear weapon states, and to take tangible steps towards a safer and more stable world where countries with nuclear weapons feel able to relinquish them.
THE NEGATIVE SECURITY ASSURANCE (SDSR)
• We are now able to give an assurance that the UK will not use or threaten to use nuclear weapons against non-nuclear weapon states parties to the NPT. In giving this assurance, we emphasise the need for universal adherence to and compliance with the NPT, and note that this assurance would not apply to any state in material breach of those non-proliferation obligations.
• We also note that while there is currently no direct threat to the UK or its vital interests from states developing capabilities in other weapons of mass destruction, for example chemical and biological, we reserve the right to review this assurance if the future threat, development and proliferation of these weapons make it necessary.
SDSR REDUCTIONS
The SDSR announced reductions in the size of the nuclear deterrent as a result of HMG's reassessment of the minimum necessary requirements for credible deterrence. It was decided to:
• reduce the number of warheads onboard each submarine from 48 to 40
• reduce our requirement for operationally available warheads from fewer than 160 to no
• more than 120
• reduce our overall nuclear weapon stockpile to no more than 180
• reduce the number of operational missiles on each submarine to no more than eight.
These changes will enable the UK to reduce its overall nuclear warhead stockpile ceiling from not more than 225 in May 2010 to not more than 180 by the mid 2020s.
WHY TRIDENT?
• HMG's preference is for submarine based ballistic missile deterrent force, providing Continuous At Sea Deterrence (CASD).
• CASD is the backbone of our deterrent posture. A deterrent system must be able to function irrespective of any pre-emptive action that might be taken by a potential aggressor.
• Our preference to achieve this is for an invulnerable and undetectable system that allows for the minimum scale necessary, and which is currently expressed by the deterrent patrols of our Vanguard class submarines.
• Submarines are the most cost effective way of delivering a credible deterrent. Their invulnerability to detection makes it impossible for a potential aggressor to launch a pre-emptive strike.
• Trying to achieve this level of capability with other platforms is either not possible or requires an enormous number of platforms.
THE LEGALITY OF REPLACING TRIDENT
• Neither the NPT nor the ICJ Advisory Opinion of July 1996 set out any timetable for the fulfilment of NPT Article VI nor preclude the UK from maintaining its existing capabilities.
• It has sometimes been suggested that International Court of Justice has ruled that threat or use of nuclear weapons is illegal. The International Court of Justice published its Advisory Opinion on the legality of threat or use of nuclear weapons on 8 July 1996. The Court confirmed that the use, or threat of use, of nuclear weapons is subject to the law of armed conflict. The Court did not conclude that such use would necessarily be unlawful.
• The ICJ concluded that legality can only be determined in the light of the specific circumstances applying when such use is being contemplated. The legality of any such use would depend upon the circumstances and the application of the general rules of international law, including those regulating the use of force and the conduct of hostilities.
• We remain confident that the United Kingdom's minimum nuclear deterrent is entirely consistent with international law. We would not use our weapons, whether conventional or nuclear, contrary to international law.
UK AND MULTILATERAL DISARMAMENT
• The Government supports working towards a world without nuclear weapons when the time is right. While we are not there yet, there is clearly a renewed momentum with this work and the UK continues to demonstrate its NPT obligations in this regard.
• The positive outcome of the May 2010 NPT Review Conference and the Action Plan that emerged from this conference is an important step along this road. The Action Plan includes a number of recommendations for follow-on actions across all three pillars (non-proliferation, disarmament and peaceful uses of nuclear energy) for both nuclear weapon States and non nuclear weapons States. We will work closely with all States to translate these recommendations into balanced progress across all three pillars.
• On disarmament the Action Plan recognises the obligation for both nuclear weapon States and non nuclear weapon States to work to help create the conditions for a world without nuclear weapons. It also specifically notes the importance of developing efficient verification capabilities related to nuclear disarmament.
• The P5 agreed to work together on new confidence-building disarmament initiatives, including a working group to enhance understanding of P5 nuclear terminology, and a confidential UK-hosted expert-level meeting to discuss lessons learned from the UK and Norway's bilateral (the UK Norway Initiative - UKNI) work on the verification of nuclear warhead dismantlement.
• In December 2011 the UK hosted an expert-level meeting to discuss lessons learned from the (UKNI). This initiative is an example of the world-leading research the UK is undertaking in order to address some of the technical and procedural challenges posed by effective verification of nuclear warhead dismantlement.
• It is the first such undertaking by a nuclear weapon state, a non nuclear weapon state and the latest progress on this important work will be presented to the Preparatory Committee for the 2015 NPT Review Conference, in Vienna in April 2012. We held a briefing for the P5 on this work in London later in April.
THE P5 PROCESS
• In September 2009, the UK held the a P5 Conference that brought together policy officials, military staff and nuclear scientists from all five Nuclear Weapons States recognised by the NPT to discuss disarmament obligations. It was the first conference of its type and it succeeded in further enhancing trust and confidence between the P5. At the May 2010 RevCon, the 189 parties to the NPT agreed Action Plans across the three pillars (nuclear disarmament, non-proliferation and peaceful uses of nuclear energy).
• In June-July 2011 the P5 met in Paris. The meeting successfully contributed to building mutual trust between the P5; reaching agreement on further work on new confidence-building disarmament initiatives, including the establishment of a working group to enhance understanding of P5 nuclear terminology. The next P5 meeting will take place in Washington later this year.
THE SUCCESSOR SUBMARINE
• The future of the deterrent was not included in the SDSR as the Government made it clear from the outset that it was committed to retaining a nuclear deterrent based on Trident. Instead we commissioned a separate value for money study. The VFM study has delivered £3.2 billion of savings and deferrals over the next 10 years.
• This has reduced the financial pressure in the early years, it has also removed all of the time contingency from the submarine programme and effective delivery of all stages of the programme are essential.
• The Vanguard class submarines will be around 37 years old when they leave service and the scope for further extension is limited.
• The outcomes most relevant to the replacement submarine were:
a. A delay to the In Service Date of the first replacement submarine until 2028 (and a life extension to the current Vanguard fleet to meet that date) and an extension of the production drumbeat from 30 to 36 months;
b. Agreement of a smoothed 7 boat Astute programme to ensure that industrial skills could be maintained through to the start of the production of the successor submarines;
c. A delay to the Main Gate approval point to 2016 and a deferral to that point of whether 3 or 4 boats will be required;
d. A reduction to 8 operational missiles, which in total will carry no more than 40 warheads;
e. A change in the assumption on missile tube diameter from 97» to 87» based on the emerging conclusions of the joint US/UK Common Missile Compartment team;
f. The commencement of the Submarine Enterprise Performance Programme, working with industrial partners to improve commercial arrangements and efficiency.
INITIAL GATE
• The announcement of IG to Parliament was made by the Secretary of State on 18 May 2011.
• The completion of the SDSR allowed the IG Business Case for the successor submarine to be finalised. The Business Case recommended downselecting to a single submarine design powered by a new PWR3 nuclear propulsion system and entry into a £3bn assessment phase to finalise the detailed submarine design, the procurement and build strategies and to start work on some of the long lead items.
COSTS
• The overall cost of the programme which includes submarine, warhead replacement and infrastructure is £15-20Bn at 2006/2007 prices, as stated in 2006 White Paper. The cost of the submarine programme are:
2006/07 prices |
Cost at outturn (including inflation) noted in the 2011 Successor Parliamentary Report |
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Submarine |
£11-14Bn |
£25Bn |
Warhead |
£2-3Bn |
Deferred, so no new estimate available |
Infrastructure |
£2-3Bn |
Deferred, so no new estimate available |
Total |
£15-20Bn |
• The cost of the submarine programme is within 2006 White Paper estimate of £11-14Bn at 2006 Prices. The Parliamentary Report highlights the cost of the Successor Submarine programme at Outturn, totalling £25Bn. This figure of £25Bn equates to the £11-14Bn estimate in the White Paper, but includes inflation.
• The cost of the Successor Assessment Phase is £3Bn at Outturn; this includes approximately £500M of long lead items. So far, the project has spent approximately £900M on Concept work. The total spend up to Main Gate is therefore expected to be £3.9Bn - in line with departmental guidance of spending up to approximately 15 % prior to Main Gate.
Long Lead items
• The programme expects to spend approximately £500M before Main Gate. This expenditure is for:
o The specialist high grade steel (Current plans are for it to be ordered by the shipbuilder in summer 2014 so it is ready for manufacture and cutting in 2016 if Main Gate approval is given. The quantity of steel has yet to be decided.)
o Some of the main boat systems (such as the computer systems, hydraulic systems, atmospheric systems, generators and communications systems)
o Some specialist components including steam generators and test rigs for the propulsion plants
• It will only be spent on the first three boats as it will not be decided until 2016 whether 3 or 4 boats are required.
D5 MISSILE
• In the December 2006 White Paper, the previous Government explained that it had decided to participate in the US life extension programme for the Trident D5 missile, which will extend the life of the Trident D5 Missile systems out to around 2042.
• Decisions on whether we wish to acquire a successor to the life extended D5 missile, and what form any successor might take, are unlikely to be necessary until the 2020s.
• The exchange of letters between the then Prime Minister and the US President, (published on 17 December 2008), set out assurances from the US Government that, in the event they decide to develop a successor to the D5 missile, the UK will have the option, if it so wishes, of participating in such a programme and that any successor to the D5 should be compatible, or can be made compatible, with the launch system to be installed in our new SSBNs.
• This means we will be able to deploy an effective deterrent, should future Governments wish, throughout the life of the new submarines.
WARHEAD
• Since 2006, work has been progressing in order to determine the optimum life of the existing warhead stockpile and the range of replacement options
• Under the 1958 UK-US Agreement for Cooperation on the Uses of Atomic Energy for Mutual Defence Purposes (the `Mutual Defence Agreement') we have agreed on the future of the Trident D5 delivery system and determined that a replacement warhead is not required until at least the late 2030s.
• Decisions on replacing the warhead will not therefore be required in this Parliament. This will defer £500 million of spending from the next 10 years.
• As part of the work to inform future decisions, we are now reviewing the optimum life of our existing warhead stockpile and identifying the range of replacement options that might be available.
• The existing nuclear warhead design is likely to last into the 2040s, although we do not yet have sufficient information to judge precisely how long we can retain it in service.
BALLISTIC VERSUS CRUISE MISSILES
• Cruise missiles simply aren't as capable as ballistic missiles. They are slower, have a limited range, carry a smaller payload and are more vulnerable to missile defence systems.
• We are committed to maintaining the minimum deterrent necessary. If we used cruise missiles we would need many more missiles and submarines than the current ballistic-missile based system and there would be little, if any, cost savings and a risk that we would have a much lower and vulnerable capability.
• The 2006 White Paper ran through a number of options. No system was more cost effective than the submarine-borne Ballistic Missile system and none was as effective in producing a credible deterrent because of the advantages that a submarine-based deterrent has of invulnerability, range and its ability to operate without detection.
THREE VERSUS FOUR SUBMARINES?
• We are investigating fully whether there is scope to maintain continuous deterrent patrols with a fleet of only three submarines but at present four submarines are needed to deliver CASD, so to move to three submarines would require radical improvements in submarine design, reliability, support arrangements and operation.
• This decision will be taken at the «Main Gate» in the purchase of the successor Submarine. The SDSR identified that this is expected to take place in 2016.
SCOTLAND AND THE DETERRENT
• The Government is clear that Scotland benefits from being part of the UK and that the UK benefits from having Scotland within it.
• The Government is not making plans for independence as we are confident that people in Scotland will continue to support the Union in any referendum.
TRIDENT ALTERNATIVES STUDY
• The Cabinet Office is leading the review, drawing inputs from different Government Departments. MIN(AF) is overseeing the work as it progresses. A full programme of work is in hand to address the questions set out in the Terms of Reference. It will consider possible systems and postures which could maintain the credibility of the UK's nuclear deterrent, including whether there are credible alternatives to a submarine-based system.
* 1 Parmi une abondante littérature on signalera : « Armes de terreur - débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques - commission sur les armes de destruction massive » ouvrage coordonné par Venance Journé et introduction de Hans Blix - L'Harmattan - juin 2010 « Le dictionnaire de la dissuasion » - Philippe Wodka-Gallien- Marines éditions - septembre 2011 et « Exigez un désarmement nucléaire total » Stéphane Hessel et Albert Jacquard - Stock - avril 2012.
* 2 « Nucléaire, un mensonge français - réflexions sur le désarmement nucléaire » Paul Quilès - éditions Charles Léopold Mayer - juin 2012.
* 3 Voir liste des déplacements du groupe de travail en annexe.
* 4 La notion d'Etats « dotés » et d'Etats « non dotés » est définie dans le Traité sur la Non Prolifération ou TNP. Il s'agit des Etats-Unis d'Amérique, de la Fédération de Russie, de la Chine et du Royaume Uni, qui forment également ce que l'on appelle le P5 ou « club des cinq », puisqu'avec la France, ils occupent les cinq sièges permanents du conseil de sécurité de l'Onu.
* 5 Un pétaflop est égal à un million de milliards d'opérations en virgule flottante par seconde.
* 6 Un exaflop est égal à un milliard de milliards d'opérations en virgule flottante par seconde.
* 7 Ce dernier plafond est le seul qui concerne un total, par opposition aux deux autres qui concernent seulement ce qui est déployé.
* 8 Paul Quilès, op. cit. p. 14
* 9 Looking beyond the Chicago Summit: Nuclear Weapons in Europe and the Future of Nato http://carnegieendowment.org/2012/04/12/looking-beyond-chicago-summit-nuclear-weapons-in-europe-and-future-of-nato
* 10 Voir SDSR : Strategic Defense and Security Review - Securing Britain in an Age of Uncertainty p.37 - the Deterrent
* 11 Rolls Royce pour la propulsion (1,1 milliard de GBP), BAE Systems Systems Maritime (328 millions de GBP), plus l'octroi d'un programme avec l'AWE (Atomic Weapons Establishment).
* 12 Rapport d'information de MM. Jacques Gautier, Xavier Pintat et Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense n° 733 (2010-2011) - 6 juillet 2011
* 13 Stratégie de l'âge nucléaire - Pierre Gallois - Calmann-Lévy Paris 1960 - p. II de la préface.
* 14 Discours de François Hollande sur la défense nationale - Paris 11 mars 2012.
* 15 Flops : « opérations à virgule flottante par seconde » (en anglais, FLoating point Operations Per Second). Le nombre de flops est une mesure de la vitesse d'un système informatique. La rapidité de calcul obtenue varie en fonction de cette taille. La barre du mégaflops (10 6 flops) a été franchie en 1964 , celle du gigaflops (10 9 flops) en 1985 , celle du téraflops (10 12 flops) en 1997 , celle du pétaflops (10 15 FLOPS) en 2008 . En juin 2011 , le plus puissant superordinateur atteint 8,1 pétaflops. Il s'agit du K computer 1 japonais. En juin 2012, IBM reprend la tête du top 500 computers avec Sequoia, un super ordinateur de 16,32 pétaflops.
* 16 Admission au service actif du SNLE Le Terrible
* 17 La mise en service des trois dotations de M51 s'échelonne de 2010 à 2015.
* 18 Ce qui n'est possible que si les meilleures compétences et la mémoire des programmes ont pu être fixées sur de nouveaux programmes de développement
* 19 De nombreux travaux avaient été effectués au Collège de France par Frédéric Joliot-Curie, Hans Halban et Lew Kowarski qui en déposèrent le brevet en 1939 (brevet d'invention n°445686). Cette avancée de l'équipe française, longtemps restée secrète est mentionnée dans la célèbre lettre qu'Albert Einstein adressa au Président américain Frank Delano-Roosevelt pour initier le projet Manhattan. Voir sur ce point « Dictionnaire de la dissuasion » - Philippe Wodka-Gallien - Marines éditions - septembre 2011 p. 76
* 20 « Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. »
* 21 Le terme d'ogive comme celui de « tête nucléaire » est en principe réservé aux parties antérieures des missiles balistiques ou de croisière et ne recouvre pas les « bombes » par gravitation.
* 22 Inter Continental Balistic Missile - portée au moins égale à 10.000 km.