III. LES ÉQUILIBRES À COURT ET LONG TERMES DU CAS « PENSIONS »
A. UN ÉQUILIBRE DU CAS À ASSURER PRINCIPALEMENT PAR L'AJUSTEMENT DES TAUX DE CONTRIBUTION EMPLOYEURS
L'équilibre du CAS « Pensions » s'inscrit à la fois dans une perspective pluriannuelle, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) retenant des prévisions sur l'évolution de la contribution du budget général de l'Etat au CAS « Pensions » et donc des taux de contributions employeurs, et dans une perspective annuelle. A cet égard, les prélèvements opérés sur le fonds la trésorerie du CAS « Pensions » en 2011 et 2012, pour assurer l'équilibre du compte, soulèvent des interrogations.
1. Les perspectives pluriannuelles d'évolution de dépenses du CAS ont un fort impact sur les comptes publics
a) Les dépenses du CAS ne figurent pas dans la budgétisation triennale, mais des hypothèses d'évolution pluriannuelle sont retenues dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP)
Ne constituant pas une mission du budget général de l'Etat, le CAS « Pensions » n'est pas directement concerné par la budgétisation triennale .
Cette situation est regrettable, au regard des masses budgétaires concernées et de leur impact sur les dépenses de l'Etat . En effet, comme il a été rappelé en première partie du présent rapport, les dépenses de pensions ont été multipliées par 2,5 en vingt ans, sur la période 1990-2010, et les dépenses de pensions ont progressé chaque année depuis 2006 en moyenne de 4,7 % (soit 284 millions d'euros) .
Il serait ainsi utile qu'une information sur les perspectives pluriannuelles figure explicitement dans les PAP et les RAP, qui ne comportent aujourd'hui qu'un rappel de l'évolution récente des taux de contribution employeurs et de la dynamique des dépenses de pensions.
Toutefois, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) comportent des prévisions relatives à la contribution du budget général de l'Etat au CAS « Pensions », portant par conséquent sur les taux de contribution employeurs. C'est au regard de ces prévisions que l'on peut resituer l'évolution des dépenses de pensions dans une perspective pluriannuelle.
b) Un taux de contribution pour les employeurs civils en 2012 supérieur aux hypothèses de la LPFP
Au cours de la budgétisation triennale 2009-2011 , les dépenses effectives ont été chaque année inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale. En effet, sur la période, les hypothèses d'inflation ont été inférieures à celles de la loi de programmation des finances publiques.
En 2009 et 2010, la sous-réalisation s'explique aussi par des départs en retraite moins importants que prévu, générant des dépenses moindres. Les recettes ont pu être ajustées en conséquence, en procédant à un abaissement de 20 points (de 60,14 % à 40,14 %), en décembre 2009, du taux de contribution employeurs pour les fonctionnaires civils.
En 2010 et 2011, l'érosion de l'assiette, pour les raisons détaillées plus haut, a été un facteur explicatif de l'écart entre les prévisions et l'exécution.
Pour la budgétisation triennale 2011-2013 , la diminution du nombre de fonctionnaires - ainsi que des effectifs de la Poste et de France Télécom - a réduit mécaniquement la masse salariale comme assiette des cotisations. L'année 2011 a aussi été marquée par la dernière contribution exceptionnelle de France Télécom. L'impact de la réforme des retraites sur le CAS « Pensions » est détaillé ci-après.
Contrairement aux années précédentes, la LFI 2012 a ainsi dû retenir des hypothèses de taux de contribution employeurs supérieures à celle de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) . Alors que la LPFP pour les années 2011 à 2014 prévoyait des taux de contribution employeurs pour les personnels civils de 65,39 % en 2011, 67,59 % en 2012 puis 71,41 % en 2013, le taux retenu en 2012 (68,59 %) a été supérieur d'un point à celui de la LPFP.
2. L'équilibre annuel du CAS : les recommandations de la Cour des comptes pour une reconstitution du fonds de roulement
a) Des prélèvements sur la trésorerie du CAS pour assurer l'équilibre du compte
S'agissant plus précisément de l'année 2011, la loi de finances initiale avait prévu une exécution du CAS « Pensions » en déficit de 200 millions d'euros, les recettes propres ne s'élevant qu'à 52,404 milliards d'euros, alors que les dépenses prévisionnelles atteignaient 52,604 milliards d'euros. Pour compenser ce différentiel de 200 millions d'euros, la loi de finances initiale pour 2011 avait prévu un prélèvement à due concurrence sur le fonds de roulement du CAS « Pensions ».
Malgré cette mobilisation du CAS « Pensions », comme il a été montré dans la deuxième partie du présent rapport, les recettes exécutées en 2011 ont été inférieures aux prévisions, sous l'effet notamment d'une sous-évaluation de la masse salariale.
Les recettes constatées (soit 52,569 milliards d'euros) ont finalement été inférieures de 241,2 millions d'euros aux crédits consommés (soit 52,811 milliards d'euros). Le prélèvement sur le fonds de roulement en 2011 s'est ainsi élevé à 241,2 millions d'euros , dépassant les 200 millions d'euros prévus lors de l'élaboration de la LFI.
b) Des abondements exceptionnels de crédits du budget général de l'Etat
(1) Une contribution exceptionnelle en 2011 au CAS « Pensions » opérée par des prélèvements sur le budget général
Aux 241,2 millions d'euros prélevés sur le fonds de roulement en 2011 se sont ajoutées, lors de la gestion 2011, des contributions exceptionnelles opérées sur les missions du budget général à hauteur de 237 millions d'euros .
Ces contributions exceptionnelles se sont réparties entre :
- des imputations au CAS de crédits de titre 2 ne relevant pas des pensions, afin de compenser une érosion de l'assiette des cotisations ayant entraîné des recettes du CAS inférieures aux prévisions de la LFI, comme détaillé dans le schéma ci-dessous.
Exemple de compensation au CAS « Pensions » de l'érosion des assiettes de cotisations
Source : commission des finances
Avant d'être affectés au CAS, ces crédits ont été ouverts sur le programme 195 « Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers » de la mission « Régimes sociaux et de retraite » , à hauteur de 226 millions d'euros . Ces dépenses supplémentaires ont été financées par décret de transfert (à hauteur de 155,744 millions d'euros) et par une ouverture de crédits en loi de finances rectificative pour 2011 (pour 70 millions d'euros) ;
- le versement direct au CAS « Pensions » de crédits excédentaires de titre 2, destinés aux pensions, en provenance de programmes du ministère du budget relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , à hauteur de 11 millions d'euros . Contrairement aux autres crédits ayant abondé la mission « Régimes sociaux et de retraite », un décret de transfert n'était en effet pas possible par un mouvement au sein d'un même ministère (en l'occurrence, le ministère du budget), et un décret de virement ne pouvait pas non plus être pris, car son montant aurait dépassé le plafond de 2 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.
Ainsi opérées, les contributions exceptionnelles du budget général de l'Etat ont abondé les ressources des programmes 741 et 742, à hauteur respectivement de 214 millions et 23 millions d'euros.
La procédure mérite d'autant plus d'être examinée qu'une opération d'ouverture de crédits du budget général de l'Etat pour abonder le CAS « Pensions » a, de nouveau, été prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2012 , dès la programmation initiale, ce qui tend à pérenniser une telle mesure .
(2) Une opération que la LFI prévoit de renouveler en 2012
En 2011, il a été procédé à un abondement du CAS « Pensions » pour faire face à un manque avéré de recettes de cotisations du CAS .
Bien que décrite comme exceptionnelle dans la LFI 2011, cette procédure a été renouvelée dans la LFI 2012 , comme n'avait pas manqué de s'en interroger votre rapporteur spécial, lors de la discussion budgétaire de l'automne dernier 46 ( * ) .
Cette dépense inscrite en LFI 2012 est présentée comme une provision pour pallier un éventuel manque de recettes de cotisations du CAS. Comme l'indique le projet annuel de performances annexé au PLF 2012, il s'agit de « constituer une dotation centralisée de crédits destinés à alimenter le CAS Pensions, facilement mobilisable afin de se prémunir contre une moindre recette au titre de la contribution employeur et qu'il n'est pas possible de répartir finement dans les contributions des ministères employeurs au stade du PLF » 47 ( * ) , à hauteur de 250 millions d'euros.
(3) Selon la Cour des comptes, « une commodité technique » méconnaissant les règles de transfert des crédits
Outre qu'il perturbe la lecture de l'exécution de la mission (la contribution au « CAS Pensions » explique 70 % de la surexécution observée sur la mission en 2011), l'abondement du CAS « Pensions » par des crédits du budget général soulève plusieurs interrogations, soulignées également par la Cour des comptes 48 ( * ) , en particulier la question de la « nature fondamentalement différente de cette dépense » par rapport aux crédits de la mission.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace, en effet, des subventions d'équilibre versées à des régimes de retraite en déséquilibre démographique. « Dans le cas des contributions au CAS « Pensions », il s'agit d'une commodité technique d'alimentation des recettes du CAS visant à compenser en gestion un écart entre la prévision et l'évolution effective de l'assiette des contributions employeurs à la charge des différents ministères » 49 ( * ) .
Enfin, toujours dans son analyse de l'exécution 2011, la Cour des comptes a observé que le décret de transfert de crédits a méconnu les dispositions de l'alinéa II de l'article 12 de la LOLF, selon lesquelles « des transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l'emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet déterminé, correspond à des actions du programme d'origine. Ces transferts peuvent être assortis de modifications de la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés ». En effet, selon la Cour des comptes, le versement de ces contributions exceptionnelles au CAS « Pensions » ne correspondait pas aux actions des programmes d'origine de ces transferts.
Interrogée sur ce point, la direction du budget a contesté cette interprétation , en estimant que « les actions porteuses des crédits destinés aux pensions transférés par le décret susmentionné ont bien pour objet, comme l'indique la nature et la destination de leurs crédits (« titre 2 CAS »), de financer la politique publique des pensions » 50 ( * ) .
Les explications, lacunaires, de la direction du budget portent sur le degré de détail de répartition des crédits par action.
Mais des questions plus fondamentales restent posées :
- l'insuffisance du montant des cotisations devant alimenter le CAS « Pensions » : si l'assiette des pensions n'est pas assez dynamique, il devrait être procédé à un ajustement par une modification des taux de contribution employeurs ( cf . infra ) ;
- une fongibilité opérée de fait entre des dépenses de personnel ayant en réalité des finalités différentes , selon qu'elles financent les rémunérations d'activité ou les pensions.
c) Un besoin de reconstitution du fonds de roulement
Le solde d'exécution cumulé du compte spécial s'établit pour 2011 à 1 012 millions d'euros , en baisse de 241 millions d'euros par rapport à 2010, et devrait diminuer à 586 millions d'euros en 2012 , dans la mesure où la loi de finances initiale a retenu comme hypothèse un déficit de 426 millions d'euros du CAS, à nouveau financé par un prélèvement sur le fonds de roulement (ou solde cumulé) du CAS, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous.
Des prélèvements avaient déjà été opérés avant 2010, notamment en 2007 où le montant du fonds de roulement avait diminué à 347 millions d'euros en fin d'exercice.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur spécial par le SRE, d'après les données actuellement disponibles, le solde d'exécution du CAS « Pensions » au 31 décembre 2012 devrait être très proche de l'estimation effectuée en loi de finances initiale.
Evolution du solde cumulé du compte spécial « Pensions »
(en millions d'euros)
Solde cumulé
|
Solde cumulé fin 2010 |
Solde cumulé
|
Solde cumulé estimé fin 2012 |
|
Programme
|
1 075 |
1 185 |
945 |
519 |
Programme
|
38 |
16 |
7 |
7 |
Programme
|
33 |
52 |
60 |
60 |
Total |
1 146 |
1 253 |
1 012 |
586 |
Source: rapports annuels de performances de la mission « Pensions » annexés aux projets de loi de règlement et Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Compte d'affectation spéciale «Pensions »
Ces prélèvements fragilisent le fonds de roulement du CAS qui a pour objet de faire face à des besoins de trésorerie en gestion . Au regard de cette fonction, le SRE préfère ainsi parler de « solde cumulé » plutôt que de « fonds de roulement ».
En effet, le niveau prévisionnel fin 2012 - soit 586 millions d'euros - semble être insuffisant pour répondre aux besoins de gestion, alors qu'on a vu, en deuxième partie du présent rapport, que les déséquilibres infra-annuels peuvent atteindre 700 millions d'euros en exécution. Un milliard d'euros semble ainsi constituer un niveau minimum, ne correspondant qu'à une semaine de dépenses, pour faire face aux délais d'encaissement et aux éventuels retards de versement des ministères.
Dans son analyse de l'exécution 2011, la Cour des comptes a recommandé de reconstituer le solde cumulé du CAS « Pensions » en 2013 . Le SRE a indiqué que « les travaux de budgétisation pour [l'] exercice [2013] ont intégré cette recommandation ».
Indépendamment de son montant, le fonds de roulement a été utilisé , dès l'élaboration du PLF 2011 et du PLF 2012 et contrairement à sa fonction d'outil de trésorerie, comme une variable d'ajustement pour assurer l'équilibre du compte . L'insuffisance à venir du fonds de roulement résulte ainsi de choix délibérément opérés dès l'élaboration du projet de loi de finances initiale, en prévoyant en construction des comptes du CAS en déséquilibre .
Par ailleurs, les prélèvements sur le fonds de roulement posent un problème de sincérité quant au respect de la norme de dépenses .
Pour la maîtrise des comptes publics, le Gouvernement retient en effet une norme d'évolution des dépenses de l'Etat hors charges d'intérêts de la dette et pensions. Cette norme d'évolution inclut donc les dépenses de personnel du titre 2 (hors pensions).
Les prélèvements sur le fonds de roulement du CAS « Pensions » tendent ainsi à minorer les dépenses de titre 2 des ministères, inclus dans le périmètre d'évolution de la norme de dépenses, et à modifier les conditions de respect de cette norme.
d) Des ajustements à opérer par les taux des contributions employeurs
Pour la Cour des comptes, c'est le calibrage initial et l'ajustement éventuel en exécution du taux de contribution de l'Etat employeur qui doit assurer l'équilibre du CAS en dépenses et en recettes, et non les contributions exceptionnelles des missions du budget général de l'Etat ou des prélèvements sur son fonds de roulement.
En exécution 2011, le différentiel entre les dépenses du CAS et ses ressources « classiques » (c'est-à-dire hors prélèvement sur fonds de roulement, soit 241 millions d'euros, et contributions exceptionnelles, à hauteur de 237 millions d'euros) a atteint 478 millions d'euros, soit 1,14 % des ressources provenant des contributions employeurs .
Pour compenser ce différentiel, l'ajustement des taux des contributions employeurs en 2011 aurait pu être majoré de 1,14 %. Dans la LFI 2011, il aurait ainsi fallu procéder à une hausse du taux applicable aux pensions civiles de 6,4 %, et non de 5,2 % (ce qui aurait porté ce taux à 66,13 %, au lieu de 65,39 % dans la LFI 2011), et une hausse du taux applicable aux pensions militaires de 6,3 %, et non de 5,1 % (ce qui aurait porté ce taux à 115,44 %, au lieu de 114,14 % dans la LFI 2011).
Comme on peut le voir, l'arbitrage entre une hausse des taux de contribution employeurs , d'une part, et le recours à des contributions exceptionnelles ou à un prélèvement sur le fonds de roulement, d'autre part, ne modifie pas fondamentalement la tendance à la hausse des taux de contribution employeurs qui, entre 2006 et 2012, ont augmenté de 37,5 % pour les pensions de retraite des civils (de 49,90 % à 68,59 %), et de 21,55 % (de 100,00 % à 121,55 %) pour les pensions de retraite des militaires, comme le montre le tableau ci-après.
Evolution des taux de contribution employeurs au CAS « Pensions »
(en %)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Pensions de retraite - personnels civils |
49,90 % |
50,74 % |
55,71 % |
58,47 % |
62,14 % |
65,39 % |
68,59 % |
Pensions militaires |
100,00 % |
101,05 % |
103,50 % |
108,39 % |
108,63 % |
114,14 % |
121,55 % |
Allocations temporaires d'invalidité - civils |
0,30 % |
0,31 % |
0,31 % |
0,32 % |
0,33 % |
0,33 % |
0,33 % |
Source : PAP 2012 relatif au CAS « Pensions »
Aujourd'hui, il est rare de procéder en cours de gestion à une hausse des taux pour faire face à des déséquilibres, malgré le précédent de décembre 2009 ( cf . supra ). Toutefois, pour l'exercice 2011, les écarts entre les dépenses et les recettes « classiques » étaient déjà en partie anticipés - à hauteur de 200 millions d'euros - aux phases d'élaboration et de discussion du projet de loi de finances.
* 46 Rapport général n° 107 (2011-2012) - Annexe 22.
* 47 PAP annexé au projet de loi de finances initiale pour 2012.
* 48 Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Compte d'affectation spéciale «Pensions ».
* 49 Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Mission interministérielle « Régimes sociaux et de retraite ».
* 50 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.