B. UN PILOTAGE À RENFORCER
Comme l'analyse de l'exercice de prévision des dépenses et des recettes le laissait entrevoir ( cf. partie II.A du présent rapport), le pilotage du CAS « Pensions » fait intervenir de nombreux acteurs, notamment le SRE, la direction du budget et les ministères employeurs.
Cette organisation fait, avant tout, ressortir le besoin, d'une part, d'une meilleure association des ministères employeurs au dispositif d'alerte en cas de dérapage des dépenses ou d'insuffisance des recettes et, d'autre part, d'une amélioration du recouvrement des recettes devant être versées par certains employeurs d'agents publics .
Même si le sujet dépasse la question du seul fonctionnement du CAS « Pensions », votre rapporteur spécial a également souhaité, dans ce cadre, dresser le bilan de la réforme plus globale de la chaîne de gestion des pensions de l'Etat introduite par la révision générale des politiques publiques.
1. Le rôle pivot du SRE, mais l'intervention de nombreux autres acteurs
L'établissement des prévisions de recettes et de dépenses du programme 741, puis la liquidation et le paiement des pensions, font intervenir un grand nombre d'acteurs. Parmi ces derniers :
- le service des retraites de l'Etat (SRE) élabore les prévisions de dépenses de pensions, assure la préparation des documents budgétaires et veille à l'équilibre du compte. Il assure la liquidation des pensions des fonctionnaires et est en charge de l'animation du réseau de paiement, formé par les centres de gestion des retraites, ainsi que la coordination des acteurs de la chaîne des pensions ;
- la direction du budget procède au suivi du compte en prévision et en exécution ; elle veille au respect de l'équilibre pluriannuel du compte et de la correcte budgétisation des recettes et des dépenses ;
- le réseau territorial de la direction générale des finances publiques (DGFiP) assure le paiement des pensions par les centres de gestion des retraites et recouvre les recettes destinées au compte ;
- les ministères employeurs établissent les assiettes de cotisation en lien avec la direction du budget et versent les cotisations ; gestionnaires de la carrière des agents, ils en déclarent le déroulé et complètent les comptes individuels retraite pour permettre, à compter de l'année 2013, la mise en oeuvre de la réforme de gestion des départs en retraite.
a) Le SRE : un gestionnaire du CAS dont les activités interagissent peu avec celles des ministères employeurs
Intégré à la DGFiP, le SRE joue un rôle de tête de réseau et de coordination de la gestion des pensions (cf. encadré ci-après ) .
Le SRE n'est pas réellement un partenaire des ministères employeurs, à la différence de la direction du budget. Lors de leurs auditions par votre rapporteur spécial, les représentants des ministères ont ainsi déclaré n'avoir que peu ou pas de relations directes avec le SRE.
L'exercice par le SRE de ses missions de gestion des
pensions :
Le SRE coordonne la gestion des pensions : - il assure l'animation du réseau de paiement par les centres de gestion des retraites ; - il participe à la coordination de l'action du réseau d'encaissement, en lien étroit avec le service comptable de l'Etat et plus particulièrement, au sein de ce service, avec la mission doctrine comptable et contrôle interne comptable, en matière de réglementation (par la préparation des circulaires relatives aux nomenclatures du CAS « Pensions ») et de contrôle des recettes (par la conception et la diffusion de référentiels et d'outils de contrôle), en répondant aux questions des employeurs ; - il est ordonnateur des dépenses centrales du CAS « Pensions » (compensations démographiques inter-régimes, transferts à la CNRACL dans le cadre des pensions des agents décentralisés, affiliations rétroactives, intérêts moratoires sur décision de justice dans le cadre des révisions de pensions). Avec les ministères employeurs, les relations du SRE s'exercent : - de manière indirecte, par la participation du SRE aux travaux d'un service à compétence nationale, l'Opérateur national de paie (ONP) 25 ( * ) ; - par ses réponses à toute question des employeurs concernant les versements au CAS « Pensions » ; - par la mise en place d'un circuit de remontées d'informations financières, afin de permettre à terme au SRE de contrôler les montants déclarés . Source : SRE, réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial |
Comme indiqué précédemment, le SRE réalise les prévisions pluriannuelles de la dépense de pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité. Toutefois, la direction du budget réalise les prévisions de recettes de cotisations et contributions en utilisant l'information dont elle dispose en ce qui concerne la masse salariale des administrations, ce qui lui permet de fixer les taux de contribution nécessaires pour garantir l'équilibre du programme 741.
Les documents budgétaires (PAP, RAP) sont ainsi préparés par le SRE en collaboration avec la direction du budget.
Le SRE exerce ensuite le suivi de l'exécution du programme 741. Le suivi comptable mensuel se double d'une démarche prospective sur chaque recette et dépense afin d'anticiper tout déséquilibre qui viendrait à se produire en cours d'année. Le SRE peut ainsi alerter la direction du budget dès que des écarts apparaissent, afin d'envisager des mesures correctrices.
b) Le rôle central de la direction du budget dans l'élaboration des prévisions de recettes et la fixation des cotisations employeurs, en liaison étroite avec les ministères employeurs
En matière de prévision de recettes et de fixation des taux de contribution employeurs, c'est la direction du budget qui conserve un rôle central en liaison étroite avec les ministères employeurs .
Les relations entre la direction du budget et les ministères employeurs s'inscrivent dans le cadre général du cycle de préparation du budget.
• En février, lors de la
réunion technique préparatoire
, chaque
ministère produit pour la direction du budget une exécution des
crédits du CAS « Pensions » de l'année N-1 et
établit une prévision de ces dépenses pour l'année
N issue des documents prévisionnels de gestion. Par ailleurs, il
transmet des données relatives aux assiettes exécutées et
prévisionnelles servant à calculer les contributions employeurs
des pensions civiles et militaires.
• En mai, lors de la
conférence de
budgétisation
, les ministères fournissent des
projections pluriannuelles des assiettes servant à calculer la future
contribution employeurs dans le cadre de la préparation du projet de loi
de finances et de la programmation pluriannuelle. Les modalités de ces
projections donnent lieu à des processus d'échange d'informations
itératifs avec la direction du budget.
En année de programmation pluriannuelle, les montants du CAS « Pensions » ainsi que les taux de contribution sont fixés dans la lettre plafond. Pour les années intermédiaires, les taux donnent lieu à des ajustements portés à la connaissance des ministères employeurs, généralement lors de la phase de répartition des crédits.
• En juillet, lors de la
réunion de
répartition
, chaque ministère propose une ventilation
des dotations du CAS « Pensions » par programme (et, pour le
ministère de la défense, en distinguant les pensions civiles et
militaires), qui se fonde sur les données d'assiette transmises. Il
vérifie et, le cas échéant, renégocie en amont avec
la direction du budget que la dotation au CAS « Pensions »
attribuée correspond bien au produit de l'assiette et du taux.
• Pendant l'examen parlementaire du budget, les
éventuels amendements portant sur les assiettes et les taux de
cotisations conduisent à une révision du montant des dotations
calculée par la direction du budget.
•
En cours de gestion
, chaque
ministère actualise au moins deux fois par an la prévision des
versements au CAS « Pensions » (la première fois,
à partir des données constatées en mai), et il la transmet
au bureau sectoriel compétent de la direction du budget. En fin
d'exercice, il communique les montants prévisionnels des versements au
CAS « Pensions » pour la fin de l'année. En cas de
besoin, il sollicite l'ouverture de crédits supplémentaires pour
pouvoir s'acquitter de ses contributions.
Les échanges entre les ministères employeurs et la direction du budget portent ainsi sur les assiettes et les dotations , en prévision et en exécution, mais pas sur les taux de contribution employeurs, arrêtés par le ministère chargé du budget pour assurer l'équilibre du CAS « Pensions ». La direction du budget communique ensuite ces taux aux ministères employeurs dans les circulaires budgétaires puis lors de la parution du décret annuel.
Lors de leurs auditions, plusieurs représentants des ministères employeurs ont observé n'être associés qu'à l'élaboration des recettes du programme 741, et pas à ses dépenses ni a fortiori à la détermination de l'équilibre du CAS .
En effet, il n'y a guère d'espace pour une « contractualisation » de ces relations, dans la mesure où les cotisations et contributions employeurs constituent , comme les autres cotisations sociales, une dépense obligatoire . Placée au coeur du réseau d'informations des ministères, la direction du budget est ainsi pleinement dans son rôle d'assurer les déterminants de l'équilibre budgétaire et, en l'occurrence, du CAS « Pensions ».
Cependant, cette séparation des rôles n'est pas de nature à sensibiliser, ni à responsabiliser les ministères sur les enjeux budgétaires liés CAS « Pensions ».
C'est pourquoi il serait utile d'envisager, a minima , une meilleure insertion des ministères employeurs dans les dispositifs d'alerte sur les écarts apparaissant, en gestion, avec les prévisions de recettes et de dépenses, et que révèle le suivi de la masse salariale.
c) Le suivi de la masse salariale : pour un partage du dispositif d'alerte avec les ministères employeurs ?
Comme cela a été analysé précédemment, le pilotage du CAS « Pensions » est étroitement lié au suivi de la masse salariale.
(1) Les progrès réalisés par la circulaire du Premier ministre du 22 février 2011
La circulaire du Premier ministre du 22 février 2011 sur le renforcement du pilotage et du contrôle de la masse salariale et des emplois de l'Etat a visé à améliorer le suivi et l'exécution des dépenses de personnel, y compris de la masse salariale qui constitue l'assiette des dépenses du CAS « Pensions ».
La circulaire du 22 février 2011 précitée a conduit à l'élaboration d'un document prévisionnel de gestion ministériel (DPGM) actualisé mensuellement, décrivant :
- la mise en oeuvre du schéma d'emplois ;
- les prévisions détaillées d'entrées et de sorties ;
- une prévision mensuelle de consommation du plafond d'emplois ;
- des prévisions détaillées en termes de masse salariale (mesures catégorielles, heures supplémentaires).
Cet outil vise à pouvoir faire face à des circonstances imprévisibles au moment de la préparation et de l'adoption de la loi de finances initiale, par exemple en cas d'écarts par rapport aux prévisions sur les comportements individuels de départ en retraite. Parallèlement, les prérogatives du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) sont renforcées, puisque le CBCM vise le DPGM.
S'il est encore trop tôt pour faire le bilan de ce nouveau dispositif, son utilité est avérée : les bases sont aujourd'hui posées pour la constitution d'un système complet d'alerte , qui associerait l'ensemble des parties prenantes au recouvrement des recettes et au versement des dépenses de pension.
On a vu que, d'ores et déjà, le SRE peut alerter la direction du budget dès que des écarts apparaissent en exécution sur le CAS « Pensions », en vue de prendre rapidement des mesures correctrices sans attendre la fin de l'exercice. Il serait utile d' intégrer les ministères employeurs dans ce circuit d'alerte , notamment par des échanges systématiques d'informations sur le suivi des recettes et des dépenses de pension en cours d'exercice, en croisant les données du SRE avec celles issues des DPGM ministériels.
(2) Des mesures spécifiques au ministère de la défense et aux établissements publics
Depuis le 1 er janvier 2010, le déploiement de Chorus au ministère de la défense s'est inscrit dans un meilleur suivi des dépenses de titre 2 des personnels militaires grâce à l'établissement d'une nouvelle cartographie des dépenses militaires (cf. encadré ci-dessous ) . En effet, auparavant « ni la direction du budget ni le ministère de la défense ne dispos[ai]ent d'un outil de suivi automatique de l'exécution de la masse salariale des militaires ; le ministère de la défense ne dispos[ait] que de remontées, non automatisées et irrégulières, des centres payeurs des armées, largement insuffisantes pour piloter la masse salariale » - comme l'avait observé l'inspection générale des finances dans un rapport de 2006 sur le recouvrement des recettes du CAS « Pensions » 26 ( * ) .
La nouvelle cartographie des dépenses militaires « La nouvelle cartographie des dépenses militaires mise en place au 1 er janvier 2010 a centralisé la responsabilité de l'ordonnancement en matière de solde des militaires des trois armées, du service de santé des armées et de la gendarmerie nationale sur un ordonnateur unique, le Service exécutant de la solde unique (SESU), situé à Metz. « Corrélativement, la direction régionale des finances publiques (DRFiP) de Moselle est devenue comptable unique de la solde des militaires, et dans ce cadre comptable assignataire de la recette « militaire » du CAS pensions. Jusqu'au 31 décembre 2009, six comptables étaient assignataires des dépenses militaires de paie. « Cette réorganisation a coïncidé avec le déploiement de CHORUS au 1 er janvier 2010 dans les services gestionnaires du ministère de la défense. « Les demandes de paiement des contributions militaires du ministère de la défense ont ainsi été émises à partir du 1 er janvier 2010 dans CHORUS, suivies par les contributions employeurs de la gendarmerie à partir du 1 er janvier 2011. « Ces réorganisations, dans un contexte de changement applicatif, ont impacté les délais de comptabilisation des recettes budgétaires correspondantes pour le CAS « Pensions », sans, toutefois, que l'équilibre du CAS « Pensions » en soit affecté. Ces questions ont donné lieu à de nombreux échanges entre la DGFiP, la direction du budget et le ministère de la défense au cours des années 2011 et 2012 ». Source : SRE, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial |
En 2006, l'IGF avait également souligné les insuffisances du suivi des personnels militaires dits « hors budget » , c'est-à-dire employés dans la sphère publique de l'Etat en dehors des armées :
« Les militaires "hors budget" font l'objet d'un suivi très insuffisant de la part du ministère de la défense et des ministères employeurs (affaires étrangères, outre-mer, intérieur, équipement) » 27 ( * ) .
Dans son rapport précité de 2006, l'IGF avait aussi mis en évidence le manque de connaissance des contributions et cotisations dues par les établissements publics :
« Dans le cas des établissements publics, il n'existe aucune liste exhaustive des débiteurs du CAS « Pensions » . De plus, plusieurs comptables peuvent intervenir pour un même établissement public et, pour la plupart d'entre eux, ils ne connaissent pas l'assiette des contributions et cotisations qu'ils sont censés recouvrer. Les difficultés sont accrues pour les agents détachés dont la situation est mal connue et qui sont suivis par les ministères d'origine de l'agent sans aucune coordination » 28 ( * ) .
Interrogé sur ce point, le SRE a répondu qu'une responsabilisation des employeurs d'agents détachés a été mise en place corrélativement à une simplification des modalités de versement au CAS « Pensions ». Des procédures de suivi effectif des cotisations dues par les autres employeurs que l'Etat, comme les établissements publics, ont toutefois permis des progrès (cf. encadré ci-dessous ) .
Les mesures mises en place pour améliorer la
connaissance des employeurs
« Suite au rapport n° 2006-M-076-02 de l'IGF (novembre 2006) plusieurs actions ont été menées pour renforcer la connaissance des employeurs et de leur masse salariale, simplifier les procédures de recouvrement et développer les contrôles. « Dès 2007, une responsabilisation des employeurs d'agents détachés avait été introduite, en même temps qu'une simplification des modalités de versement au CAS « Pensions » : le décret du 19 décembre 2007 a ainsi retenu le principe du versement spontané au CAS suite à précompte mensuel, en remplacement du système antérieur des lettres de rappels trimestrielles des ministères (dont les insuffisances avaient été soulignées par l'IGF). Un comptable a d'autre part été désigné pour encaisser l'ensemble des versements au CAS « Pensions » en provenance des employeurs d'agents détachés sur emplois ne conduisant pas à pensions (le CBCM finances). « En ce qui concerne les outils, le SRE a développé à partir de 2008 une base de données (infocentre) retraçant les assiettes des retenues pour pensions et allocations temporaires d'invalidité (ATI). Cet infocentre, dénommé « silo comptable », retrace les données suivantes : « - Données relatives aux versements effectués par les employeurs dont les opérations de liquidation de la paie sont assurés via l'application PAY, ce qui comprend non seulement les ministères mais également les établissements publics sous convention de paie à façon. En 2011, ces derniers représentaient 3,2 milliards d'euros soit 69 % des recettes des établissements publics au CAS « Pensions » - programme 741 - inscrites aux lignes de cotisations et contributions des agents propres des établissements publics et agents détachés sur emplois conduisant à pension. « - Données relatives aux versements relatifs aux agents détachés sur emplois ne conduisant pas à pension, effectués par les employeurs qui disposent de leur propre logiciel de paie (0,4 milliard d'euros en 2011). « - Données recueillies grâce aux déclarations dématérialisées des données sociales Sur ce point, la généralisation de la nouvelle norme déclarative (4DS) en 2012 à l'ensemble des contributeurs du CAS « Pensions » constitue une avancée décisive en vue d'une connaissance exhaustive des employeurs. Ces données sont actuellement en cours de fiabilisation. « Enfin, des échanges directs du SRE avec les 20 principaux établissements publics hors convention de paie à façon (montant des versements au CAS « Pensions » en 2011 : 1,3 milliard d'euros), complètent ces informations. « Ainsi, en suivant les 20 principaux établissements publics hors paie à façon et les établissements publics sous convention de paie à façon, le SRE contrôle maintenant 97 % des recettes des établissements publics du CAS « Pensions ». Il connaît les employeurs concernés et les assiettes en jeu. Il peut détecter des anomalies portant sur la cohérence entre le montant versé et l'assiette déclarée ainsi que des retards de versement ». Source : SRE |
Pour les établissements publics, des difficultés sont toutefois encore reconnues, liées notamment à la « bascule d'assiette entre titre 2 et titre 3 » 29 ( * ) , pour les personnels militaires des établissements publics, ce qui expliquerait la différence de 41,5 % entre les montants prévus en LFI 2011 (22 millions d'euros) et les recettes perçues (12,9 millions d'euros). Même si elles portent sur des montants assez faibles au regard de la masse des recettes du CAS, les différences entre la prévision et l'exécution sont, en valeurs relatives, très importantes.
2. Des difficultés de recouvrement des recettes en partie résolues
Les problèmes posés par la gestion des dépenses de personnel de certains employeurs ne concernent pas seulement le suivi de la masse salariale, mais aussi les délais de versement des contributions au CAS. Ces questions sont toutefois en partie résolues.
a) Des retards ayant fortement pesé sur la trésorerie du CAS
Le recouvrement des recettes fait apparaître des variations mensuelles qui sollicitent fortement la trésorerie du CAS « Pensions » .
Pour le suivi de ses encaissements et décaissements, le SRE calcule un solde global, appelé « solde avec recettes en attente d'imputation » (SRAI), lequel correspond au cumul de deux soldes :
- le « solde budgétaire », qui est le solde d'exécution en cours d'exercice ;
- le solde des opérations en voie de rattachement au CAS, à savoir les opérations figurant sur le compte pivot du CAS, les opérations sur les comptes d'imputation provisoires et les versements des contributions militaires validées le mois (m) dans Chorus à destination du CAS mais qui ne sont constatées en recettes que le mois suivant (m + 1).
En d'autres termes, le « solde budgétaire » retrace une comptabilité de caisse et le SRAI une comptabilité en droits acquis, en intégrant les opérations en cours de rattachement.
Compte tenu des montants mensuels des comptes d'imputation provisoire et des contributions militaires validées dans Chorus, il existe de fortes variations infra-annuelles entre le SRAI et le solde budgétaire, comme le fait apparaître le graphique ci-dessous.
Solde du CAS « Pensions » au cours de la gestion 2011
(en millions d'euros)
Source : Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Compte d'affectation spéciale «Pensions »
On observe que le SRAI mensuel a été positif pendant tout l'exercice, sauf en janvier et en décembre 2011. En revanche, le solde budgétaire a été souvent négatif , ayant même dangereusement approché (en janvier) du solde cumulé - c'est-à-dire du niveau de déficit en-deçà duquel le fonds de roulement du CAS « Pensions », qui s'élevait pourtant à 1,253 milliard d'euros au 31 décembre 2010, ne serait plus suffisant pour faire face aux besoins de trésorerie.
Ces déséquilibres tiennent en partie aux délais du circuit comptable. Mais ils sont aussi imputables aux retards des versements effectués par certains ministères, en particulier sur les programmes 742 et 743 .
S'agissant des versements de la subvention d'équilibre au FSPOEIE (programme 742), ceux-ci doivent être effectués à hauteur de 60 % de la somme due fin janvier, et de 40 % fin juin. Les retards ont concerné deux ministères, qui n'emploient toutefois qu'un nombre limité d'ouvriers d'Etat : le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie, pour des subventions annuelles s'élevant respectivement à 11,4 millions et 1,3 million d'euros.
Sur le programme 743, le versement de six douzièmes de la subvention du ministère de la défense (soit 313 millions d'euros) 30 ( * ) , destinée à la retraite du combattant et aux pensions militaires d'invalidité, n'a été encaissé qu'au début du mois de février, ce qui explique une part importante du déficit du solde cumulé observé fin janvier 2011 (proche de 700 millions d'euros). Toujours sur le programme 743, des retards ont été imputables aux versements du ministère de l'intérieur, pour les pensions des ministres des cultes d'Alsace-Moselle (pour une subvention annuelle de 15 millions d'euros) et du ministère du logement et de la ville, s'agissant de l'allocation de reconnaissance des anciens supplétifs, laquelle s'élève à 22 millions d'euros.
b) Des progrès en gestion pour faire face à ces déséquilibres
Pour faire face à ces déséquilibres ponctuels, des progrès ont été réalisés progressivement.
Ainsi, depuis le début de l'année 2012, les contributions militaires sont intégralement versées en comptabilité budgétaire à la fin de chaque mois .
En outre, des mesures ont été prises en gestion dès 2012 pour réduire les délais et moins exposer la trésorerie du CAS aux aléas des dates de versement :
- les dépenses relatives à l'affiliation rétroactive à la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS) des militaires rayés des contrôles sans droit à pension de retraite, ainsi que les dépenses du transfert Etat-CNRACL, devraient être anticipées par des versements dès décembre ;
- le versement de la subvention du ministère de la défense au programme 743 a été opéré de manière anticipée en janvier, pour un montant s'élevant à onze douzièmes de la subvention annuelle.
Il est par ailleurs prévu d' étendre à tout employeur de fonctionnaires de l'Etat l'exigibilité d'encaissement des cotisations et contributions au dernier jour du mois . Cette obligation est actuellement limitée aux établissements publics et organismes dotés de l'autonomie financière, ainsi qu'aux employeurs de fonctionnaires de l'Etat ou militaires accueillis sur des emplois ne conduisant pas à pension. Cette mesure sera assortie de pénalités en cas de retard ( cf . infra ). Les versements seront accompagnés d'un bordereau mensuel, selon des modalités de déclaration annuelle de ces informations financières dans le cadre du dispositif des comptes individuels retraite.
En vue de faire davantage coïncider le SRAI et le solde budgétaire, l'automatisation des écritures de recettes au CAS « Pensions » dans le cadre de la trajectoire comptable Chorus a été réalisée en 2012 pour les écritures de contributions employeurs de l'ensemble des ministères civils (cf . encadré ci-dessous ) .
Les progrès dans la gestion des pensions
« Avec la mise en oeuvre de sa trajectoire comptable depuis le 1 er janvier 2012, le projet Chorus, entré dans sa dernière phase de déploiement, retrace désormais les comptabilités générale et budgétaire de l'Etat, et donc du CAS « Pensions ». « La trajectoire comptable Chorus constitue une avancée très importante pour le CAS « Pensions » : « - elle offre une automatisation des écritures de recettes de cotisation et contributions employeurs issues de la paie des fonctionnaires civils (et militaires à la marge) de l'Etat en mode PSOP 31 ( * ) , alors que le système antérieur reposait sur des comptes de liaisons avec le CAS « Pensions », dénoués en mode manuel au stade de l'inscription des recettes budgétaires au programme 741. Cela permet de réduire le délai de comptabilisation des recettes issues de la paie des fonctionnaires civils employés par l'Etat ou dans un établissement public sous convention de paie à façon (soit 68 % de la recette mensuelle) ; « - elle réduit de plusieurs jours les délais de traitement des flux comptables grâce à l'unicité du système d'information budgétaire et comptable. Cette avancée est importante en matière de comptabilisation de la recette « militaire ». « Pour l'exercice de ses fonctions de responsable de programme, le Service des retraites de l'Etat a adapté ses outils de pilotage du CAS « Pensions », qui reposent désormais sur les restitutions et l'infocentre Chorus, en remplacement d'INDIA LOLF ». Source : SRE, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial |
c) Vers la mise en place de pénalités pour les ministères ne respectant pas les délais de versement
Mais la responsabilisation des ministères employeurs pour respecter les délais de versement dépasse les seuls ajustements dans les dates de versement pour éviter les décalages de trésorerie. Depuis 2010, le SRE et la direction du budget travaillent à la mise en place d'un dispositif de pénalités, en cas de non-respect des délais de versement .
Cette mesure sanctionnerait l'extension, décrite plus haut, à tous les employeurs de l'obligation de verser les cotisations et contributions au dernier jour du mois. Suivant les deux projets de décret en préparation (dont un décret en Conseil d'Etat en ce qui concerne les pénalités), en l'absence de paiement intégral des cotisations et contributions dues pour le financement des pensions et allocations temporaires d'invalidité, l'employeur serait passible d'une majoration . Cette pénalité s'appliquerait sur les sommes non payées dans la caisse du comptable public le dernier jour du mois auquel elles se rapportent.
En mars 2012, les deux projets de décret avaient été validés par la DGFiP et la direction du budget, mais devaient encore faire l'objet d'un examen des ministères de la justice, de la fonction publique et de la défense, ainsi que de la commission consultative d'évaluation des normes.
Un tel dispositif s'inspire des pénalités imposées aux entreprises lorsqu'elles ne s'acquittent pas du versement de leurs cotisations dans les délais, en reprenant les dispositions de l'article R. 243-16 du code de la sécurité sociale 32 ( * ) , applicables aux entreprises.
Une phase amiable d'échanges d'informations avec l'employeur aura lieu préalablement à toute décision d'émission de titre, laquelle ne sera pas automatique. Le titre sera pris en charge et recouvré par les comptables du réseau de la DGFiP, assignataires des recettes du CAS « Pensions ».
Cette mesure sera indéniablement utile pour éviter des négligences de gestion par leurs employeurs qui pénalisent le CAS « Pensions ». A la différence toutefois des pénalités de retard dues par les particuliers, elle serait neutre sur l'équilibre du budget de l'Etat , si elle n'avait vocation qu'à retirer des ressources des ministères pour abonder les recettes inscrites au CAS « Pensions ».
Mais, en réalité, les ministères employeurs de personnels civils ne seront pas concernés, puisque le paiement s'opérera automatiquement dans le cadre de la paie des agents de l'Etat. Pour leur part, les ministères employeurs de militaires s'efforcent actuellement de payer leurs contributions avant le paiement des pensions, soit plusieurs jours avant la fin du mois, et ne sont donc pas visés.
En fait, le dispositif a vocation à s'appliquer essentiellement aux employeurs situés en dehors du champ du budget de l'Etat : établissements publics, collectivités locales, La Poste, Orange et tout autre employeur de fonctionnaires de l'Etat redevable d'une contribution au CAS « Pensions ».
d) Une amélioration du contrôle a posteriori
Dans un rapport précité de 2006 sur le recouvrement des recettes du CAS « Pensions », l'IGF avait également observé l'absence de contrôle a posteriori entre l'évolution de la masse salariale et les cotisations et contributions perçues :
« Il n'existe pas de contrôles comptables de cohérence entre la masse salariale exécutée et les retenues et contributions perçues » 33 ( * ) .
Il s'agissait d'observations formulées à la fin de la première année de mise en place du CAS « Pensions ». Depuis, des contrôles de cohérence comptable ont été mis en place. Les méthodes de ces contrôles et les principaux résultats de la gestion 2011 sont présentés dans l'encadré ci-après. Le SRE n'a pas à déplorer d'écarts inexpliqués.
Les contrôles comptables de cohérence
entre la masse salariale exécutée
« Les contrôles comptables sont réalisés par le Service comptable de l'Etat de la DGFiP qui, au travers des contrôles de troisième niveau, examine la cohérence des données comptables, ainsi que l'établit la synthèse ci-après des contrôles opérés au cours de la gestion 2011. « Les contrôles de cohérences comptables de troisième niveau sur les cotisations salariales et les contributions employeurs visent à s'assurer de : « - La bonne application des taux de contribution employeurs et de cotisations salariales, « - La comptabilisation des recettes du CAS « Pensions » sur les comptes prévus par la réglementation comptable, « - La régularité dans l'encaissement de ces recettes de pension (absence de retard). Dans cette optique, plusieurs types de contrôles de cohérences complémentaires sont mis en oeuvre selon une périodicité mensuelle : I.1) Des contrôles de cohérences sont tout d'abord effectués à partir de ratios : «Contributions employeurs de fonction / cotisations salariales de pension ». « Ces contrôles visent à s'assurer de la justesse des taux de contribution employeurs de pensions et de celui des cotisations salariales appliqués lors de la paie (à partir d'un ratio standard appelé « rapport pivot » ou « ratio d'or »). « Les cotisations et les contributions sont essentiellement calculées à partir du TIB (traitement indiciaire brut). « Le calcul des ratios est découpé par catégories de personnel (personnels civils, militaires, détachés auprès des collectivités locales, personnels fonctionnaires des établissements publics, de la Poste et de France Télécom). « En ce qui concerne le personnel civil de l'Etat, les recettes de pension proviennent principalement de la Paie Sans Ordonnancement Préalable (PSOP). Le calcul des cotisations salariales et des contributions employeurs de pension à partir du TIB sont effectués par l'application PAY (la procédure de calcul est entièrement automatisée et homologuée). Des états édités par l'application PAY indiquent aux services liaison-rémunérations, les comptes du CAS « Pensions » sur lesquels les recettes de pensions doivent être comptabilisées. Une fois ces recettes encaissées en fin de mois sur les comptes de recettes budgétaires du CAS « Pensions », l'analyse des ratios « Contributions employeurs de pensions / cotisations salariales de pensions » des personnels civils aboutit toujours à des résultats cohérents avec le rapport pivot (ratio national égal à 8.05 pour un rapport pivot de 8.05). « Pour les militaires, l'essentiel de la paie fonctionne en mode dérogatoire. La paie est versée, à partir de fonds d'avances, par le ministère de la défense aux troupes (via les trésoriers militaires qui fonctionnent selon un mode proche des régies). La constatation de la dépense de paie se fait dans Chorus (puis dans NDC et CGL jusqu'au 31/12/2011) à partir de données transmises par les applications de paie du Ministère de la Défense (dont « Louvois » qui a vocation à devenir l'unique application de paie dès 2012). Les contributions employeurs sont versées au CAS « Pensions » à partir de demandes de paiement (DP) directes transmises à Chorus. Les cotisations salariales de pensions sont versées sous forme de virements bancaires à la DRFiP de Moselle par les trésoriers militaires. « Les ratios de cohérence pour la défense sont suivis en local par la DRFiP 971000 (par trésorier militaire) et ne font pas ressortir d'écarts non justifiés avec le rapport pivot au 31/12/2011. « Pour les autres catégories d'agents (agents des établissements publics, agents détachés), la transmission des données comptables relatives aux cotisations salariales et aux contributions employeurs de pension se fait sur la base d'un système déclaratif. « Les ratios de ces catégories d'agents sont cohérents avec leurs rapports pivots. I.2) D'autres contrôles de cohérence comptable complètent l'analyse des ratios. « a) Des contrôles de cohérences entre les comptes pivots du CAS « Pensions » et les comptes de recettes budgétaires (PSOP uniquement) « Pour les personnels civils de l'Etat, dans le cadre de la PSOP, le contrôle de cohérence "Contributions employeurs de pensions / Cotisations salariales de pension" est complété par la mesure de la cohérence entre : « - les recettes versées sur les comptes pivots (comptes 181.11x) de la paie et provenant de l'application PAY ; « - les masses financières comptabilisées sur les comptes de recettes budgétaires dédiés du CAS « Pensions » pour les personnels civils de l'Etat. « b) Des contrôles de cohérence entre les charges internes et les produits internes (personnels civils et militaires de l'Etat uniquement) « Pour les contributions employeurs de pension et les Allocations Temporaires d'Invalidité (ATI) des personnels civils et militaires, un contrôle de cohérence est effectué par chacune des catégories de personnel entre : « - Les versements de contributions employeurs et d'ATI au CAS « Pensions » par le budget général (charges internes) ; « - Les recettes de pensions encaissées sur les comptes du CAS « Pensions » en provenance du budget général pour les contributions employeurs et les ATI de ces personnels. « Ce contrôle est également mené dans le cadre de la neutralisation des charges internes et des produits internes qui intervient deux fois dans l'année puis en fin de gestion. « Ces deux dernières catégories de contrôles ne font pas ressortir d'écarts non expliqués ». Source : SRE |
3. Le versement des pensions : quel bilan de la réforme de la gestion des pensions des fonctionnaires de l'Etat ?
La réforme de la gestion des pensions des fonctionnaires de l'Etat n'est pas directement liée au sujet de contrôle choisi par votre rapporteur spécial. Cette réforme ne porte pas sur le fonctionnement du CAS en tant que tel, mais sur la chaîne de gestion des pensions , de la constitution des dossiers de pensions au versement de celles-ci.
Néanmoins, votre rapporteur spécial a souhaité dresser un point d'étape de cette réforme importante qui a fait l'objet d'une attention particulière de la part de votre commission des finances 34 ( * ) .
a) Rappel des objectifs de la réforme de la gestion des pensions
(1) La chaîne de gestion des pensions, « un cloisonnement administratif tenace »35 ( * )
Dès 2003 36 ( * ) , la Cour des comptes faisait le constat selon lequel les trois chaînons de la gestion des pensions - ministères employeurs, service des pensions, centres régionaux des pensions - étaient « assez laborieusement et inefficacement reliés entre eux » et manquaient « au moins de coordination et, en réalité, d'un véritable pilotage ».
Les étapes de la chaîne de traitement des pensions avant réforme
Source : Cour des comptes, enquête annexée au rapport d'information n° 27 (2007-2008) de nos collègues Thierry Foucaud et Bertrand Auban, alors rapporteurs spéciaux du CAS « Pensions »
A cela, la Cour ajoutait en 2007 37 ( * ) le constat d'une rationalisation inachevée des systèmes d'information , la multiplicité des systèmes informatiques propres à chaque entité gestionnaire des ressources humaines contribuant à entretenir le cloisonnement des tâches.
Cette fragmentation du réseau « Pensions » constituait, enfin, un frein à la modernisation de la gestion des pensions autour du compte individuel de retraite , destiné à mettre en oeuvre le droit des assurés à l'information sur leur retraite, introduit par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
(2) Une réforme engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques
Décidée par le premier comité de modernisation des politiques publiques, la réforme de la gestion des retraites de l'Etat visait à mettre en place un système de liquidation des pensions de retraite plus efficace et à améliorer le service rendu aux agents en activité et aux retraités .
Elle s'appuyait sur trois mesures :
- la constitution d'un compte individuel de retraite (CIR) pour chaque fonctionnaire permettant, au delà du droit à l'information sur la retraite, l'enregistrement de leurs droits à retraite au fur et à mesure de leur carrière ;
- la mise en place de centres d'appel téléphoniques et en ligne par lesquels les fonctionnaires retraités et actifs peuvent obtenir des renseignements à caractère général ou sur leur dossier personnel de pension ;
- le passage, à l'horizon 2012, à un « processus industrialisé » 38 ( * ) de liquidation des pensions reposant sur le CIR .
Cette réforme devait impliquer tous les acteurs de la chaîne de gestion des pensions de l'Etat :
- les ministères employeurs chargés de reconstituer les états de service des futurs pensionnés ;
- l'ancien service des pensions de l'Etat chargé de la liquidation des pensions ;
- les centres payeurs métropolitains.
La réforme devait être source de gains de productivité importants sur l'ensemble de la chaîne, la logique de la réforme impliquant notamment que les fonctions assumées par les services de retraites au sein de chaque ministère soient transférées au nouveau service des pensions de l'Etat , rebaptisé « Service des retraites de l'Etat » ( cf. infra ).
b) Une réforme jugée sévèrement par la Cour des comptes
(1) Bilan de la réforme en 2012
•
La mise en place du SRE
La première étape importante dans la conduite de cette réforme a été la mise en place du service des retraites de l'Etat (SRE), dont les missions ont été décrites précédemment.
Créé par un décret du 26 août 2009, ce service prend la forme d'un service à compétence nationale rattaché au pôle « gestion publique » de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Il exerce les missions de l'ancien service des pensions auxquelles s'ajoutent la conduite du projet de réforme de la gestion des retraites, l'animation des centres payeurs de pensions et la maîtrise d'ouvrage des systèmes de gestion et de paiement des pensions.
Par ailleurs, en 2009, un comité de coordination stratégique (CCS), placé auprès du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique, a été mis en place afin d'assurer la mise en oeuvre des orientations du projet de modernisation de la gestion des retraites de l'Etat (calendrier et modalités de réforme, avis relatifs au fonctionnement du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat, développement et coordination des partenariats entre le SRE et les administrations « employeuses », notamment pour le déploiement du compte individuel de retraite).
•
La mise en place du compte individuel
retraite (CIR)
Un autre élément essentiel de la réforme repose sur le déploiement des CIR. Selon le directeur du SRE auditionné par votre rapporteur spécial, il se met progressivement en place avec chaque administration concernée. Mais il s'agit là d'un travail de longue haleine .
Dès 2007, les informations présentes sous forme électronique dans les systèmes d'information des ressources humaines des différentes administrations ont été recueillies. Cependant, il est vite apparu que ceux-ci ne comportaient pas l'ensemble de l'historique des états de service des futurs pensionnés. Dès lors, des actions spécifiques de fiabilisation (pour les données présentes), de « migration » (pour les données présentes dans divers systèmes) et de « reprise » (pour les données disponibles seulement sous forme de dossier papier) ont été menées.
Parallèlement, chaque campagne de « droit à l'information retraite » a été, selon le SRE, l'occasion de fiabiliser les comptes des générations concernées, à la fois grâce à la préparation de ces comptes avant la campagne, et ensuite grâce aux retours et demandes de rectification opérées par les fonctionnaires eux-mêmes.
Compte tenu du caractère peu satisfaisant d'une telle démarche et des retards pris, chaque ministère employeur a mis en place un « plan de reprise accéléré » à partir de 2010. Mais l'exécution de ces plans a été ralentie dès 2011 en raison des travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme des retraites de novembre 2010.
Le SRE a, par ailleurs, mis en place des dispositifs d'appui aux services concernés (appui méthodologique notamment, sous forme d'accompagnement, de partage des bonnes pratiques).
Quant au nouveau système informatique qui sous-tend cette réforme et qui vise à remplacer l'application utilisée par une grande partie des ministères employeurs pour la saisie des dossiers de départ à la retraite, il est en voie de déploiement .
•
La réforme du réseau
métropolitain des centres régionaux de pension et la
création du centre de service des retraites
La réforme conduit également à faire évoluer le réseau métropolitain des centres régionaux de pension (CRP) dans sa composition et la répartition de ses missions.
Selon les données transmises par le SRE, vingt-quatre centres régionaux situés en métropole assuraient, en 2010, le règlement mensuel des pensions et la relation avec les retraités de l'Etat. Ils représentaient environ 460 emplois.
Il a été décidé de diminuer, de moitié, le nombre de centres et de concentrer l'activité dans des sites de taille importante , situés dans des départements attractifs pour les personnels de la DGFiP, la combinaison de ces deux critères étant de nature à faciliter la continuité de la mission en préservant la compétence acquise.
Entre février et novembre 2011, douze centres ont été fermés, et leur activité transférée aux douze centres de gestion des retraites restants. Parmi ces douze centres de gestion des retraites (CGR) maintenus, deux - Rennes et Bordeaux - , sont chargés d'assurer la gestion des appels téléphoniques et des courriels de l'ensemble de la population des pensionnés .
(2) Les observations de la Cour des comptes
Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes dresse un bilan relativement sévère de la réforme de la gestion des retraites de l'Etat.
Outre des retards dans le déploiement des comptes individuels de retraite et une adaptation encore incomplète des systèmes d'information, elle évoque « une réorganisation menacée d'être vidée de sa substance », compte tenu d'objectifs de gains de productivité revus à la baisse - comme le montre le tableau ci-dessous - et du maintien des services de retraites dans les ministères employeurs.
Réductions d'emplois prévues
(en ETP)
Estimation 2007 des effectifs |
Réduction d'effectifs prévue initialement |
Cible de suppression des effectifs |
Estimation 2010 des effectifs |
Réduction revue actuellement (horizon 2016) |
Cible de suppression des effectifs |
||
Ministères employeurs |
1 800 |
-900 |
50 % |
1 373 |
- 567 |
41 % |
|
DGFiP |
1 000 |
-300 |
33 % |
979 |
-190 |
19 % |
|
Total |
2 800 |
-1 200 |
43 % |
2 352 |
-757 |
32 % |
Source : SRE, cité par la Cour des comptes
Si votre rapporteur spécial a pris note des efforts déjà réalisés en termes de réduction d'emploi (cinquante emplois au sein des centres de gestion des retraites selon le SRE à la fin 2011), il rejoint néanmoins la Cour des comptes dans ses conclusions :
« Une majorité [des ministères employeurs] souhaitent [...] demeurer impliqués dans l'information, l'aide à la décision pour le départ à la retraite et le traitement de la demande de départ, alors que le service des retraites de l'Etat, grâce au CIR, sera le mieux à même de fournir aux agents une information complète et fiable. Le maintien de structures redondantes entre les ministères et ce service serait contraire à la logique de la réforme. C'est au service des retraites de l'Etat qu'il revient désormais, à l'instar de ce qui se passe dans les autres régimes de retraite, de jouer le rôle pivot dans la gestion et l'information en matière de retraite. Il s'agit là d'un point clé pour la réussite de la réorganisation d'ensemble qui a été engagée ».
(3) Une réforme de la gestion des traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire
Lors de l'audition pour « suites à donner » qu'elle a organisée à l'occasion de la remise en 2007 d'une enquête de la Cour des comptes sur « le service des pensions de l'Etat » 39 ( * ) , votre commission des finances s'était également interrogée sur le coût de gestion que consacre le Trésor public aux versements des traitements annuels aux membres de l'ordre de la Légion d'honneur et aux médailles militaires .
Sans en méconnaître l'enjeu hautement symbolique, elle constatait toutefois que ces milliers de « petites pensions » alourdissaient le traitement de la chaîne de pensions alors même que leur montant unitaire n'excédait pas six euros pour la plupart.
•
Des coûts de gestion
élevés
Les traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire résultent de la mise en oeuvre de l'article R. 77 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire qui prévoit que les décorations de l'ordre de la Légion d'honneur attribuées aux militaires et assimilés, au titre de militaire actif, ainsi qu'aux personnes décorées pour faits de guerre, en considération de blessure de guerre ou de citation, donnent droit à un traitement.
Les traitements annuels s'élèvent à 36,59 euros pour un Grand croix, 24,39 euros pour un Grand officier, 12,20 euros pour un Commandeur, 9,15 euros pour un Officier et 6,10 euros pour un Chevalier.
De même, l'article R. 150 du code précité prévoit que la concession de la médaille militaire donne droit à un traitement. Le montant annuel du traitement d'un médaillé militaire est de 4,57 euros.
Au 1 er janvier 2011, 31 463 légionnaires susceptibles de percevoir un traitement étaient recensés ; le nombre de médaillés militaires pouvant bénéficier d'un traitement était, quant à lui, de 125 868.
Les traitements des membres de la légion d'honneur et de la médaille militaire sont pris en charge et payés annuellement par les services de la DGFiP. Ces dépenses sont retracées au sein de l'action 1 du programme 743 du CAS « Pensions ». Pour 2012, il est prévu les dépenses suivantes :
- 229 100 euros au titre des traitements attachés à la Légion d'honneur ;
- 534 400 euros au titre des traitements attachés à la médaille militaire.
Le traitement peut être abandonné, à titre définitif ou temporaire, au profit soit de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) soit, selon la décoration, de la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur ou de la Société nationale d'entraide de la médaille militaire. Actuellement, si l'abandon du traitement bénéficie de manière marginale à l'ONAC, 17,5 % des traitements sont abandonnés au profit des sociétés d'entraide.
Au regard des montants individuellement payés, le coût de la gestion de ces émoluments est élevé . Selon les données du SRE, le coût de traitement de ces dossiers (1 million d'euros environ) est supérieur aux sommes versées (820 000 euros).
•
Les pistes de réforme
envisageables
Le SRE a exposé à votre rapporteur spécial trois pistes de réformes possibles.
Parmi celles-ci, la suppression pure et simple des traitements de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ne retient pas l'approbation de votre rapporteur spécial . Certes, compte tenu de leur montant unitaire très faible, la suppression des traitements de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ne léserait pas significativement leurs titulaires sur le plan matériel. Cependant, il ne faut pas mésestimer l'effet que pourrait produire une telle mesure sur les 160 000 personnes concernées.
Une autre solution pourrait consister en un paiement du traitement sous forme de capital au lieu d'un versement annuel , selon des modalités de calcul à définir. Cette mesure permettrait de réaliser des économies en gestion, mais elle risquerait d'introduire un élément de complexité. En effet, le montant du traitement de la Légion d'honneur variant selon le grade ou la dignité, se poserait la question de l'évolution de ce capital à chaque avancement. Ce dispositif aurait, par ailleurs, pour effet de majorer la dépense annuelle lors de la mise en place des sorties en capital.
En réalité, une des principales difficultés de gestion des traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire réside dans l'absence de transmission systématique par les pensionnés du relevé d'identité bancaire du compte sur lequel ils désirent voir leur traitement versé. Le comptable doit alors effectuer de nombreuses relances et recherches pour apurer ses comptes.
Dès lors, une piste de réflexion pourrait consister à affecter la totalité des traitements aux deux sociétés d'entraide . Dans cette hypothèse, les centres payeurs continueraient certes à réaliser certaines opérations (suppression en cas de décès ou d'exclusion du titulaire, suspension...), mais la réduction à deux du nombre des créanciers simplifierait, selon le SRE, leur tâche.
A défaut d'une affectation de la totalité des traitements aux sociétés d'entraide qui pourrait paraître trop « directive », il pourrait être envisagé d'introduire dans le code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire une disposition prévoyant qu' en l'absence de réponse de l'intéressé au terme d'un certain délai (un an, par exemple), son traitement serait versé à la société d'entraide concernée. Cette disposition permettrait, selon le SRE, de substantielles économies de gestion , non chiffrées à ce stade.
L'ensemble de ces éléments, et notamment les évaluations d'économies, pourraient être approfondis à l'occasion des prochains débats budgétaires.
* 25 Créé en 2007, l'ONP est rattaché à la direction générale des finances publiques et à la direction générale de l'administration et de la fonction publique. L'ONP est alimenté par les données des Systèmes d'Information des Ressources Humaines (SIRH) des ministères. Il permet de fiabiliser les échanges d'informations entre administrations et de mettre en place de nouveaux modes de contrôle pour accroître la qualité comptable et réglementaire de la paie, dans le cadre notamment de la certification des comptes.
* 26 Inspection générale des finances, rapport sur le recouvrement des recettes du CAS « Pensions », novembre 2006. Rapport n° 2006-M-076-02, établi par Franck Avice, Cécilia Berthaud, Vincent Menuet et Catherine Sueur, sous la supervision de François Auvigne.
* 27 Ibid.
* 28 Ibid. Souligné par votre rapporteur spécial.
* 29 RAP 2012 du CAS « Pensions ». Citation p. 13.
* 30 Sur le programme 743, le reliquat de la subvention du ministère de la défense est versé à raison de cinq douzièmes en juillet et un douzième en novembre.
* 31 Paye Sans Ordonnancement Préalable.
* 32 Aux termes de l'article R. 243-16 du code de la sécurité sociale, « le défaut de production, dans les délais prescrits, des documents prévus aux articles R. 243-13 et R. 243-14 entraîne une pénalité de 7,5 euros par salarié ou assimilé figurant sur le dernier bordereau ou la dernière déclaration remise par l'employeur ; lorsque l'employeur n'a jamais produit de bordereau ou de déclaration ou lorsque le dernier bordereau produit comporte la mention " néant ", la pénalité de 7,5 euros est encourue pour chaque salarié ou assimilé dont le contrôle a révélé l'emploi dans l'entreprise. Le total des pénalités ne peut excéder 750 euros par bordereau ou déclaration. Si le retard excède un mois, une pénalité identique est automatiquement appliquée pour chaque mois ou fraction de mois de retard.
« Une pénalité de 7,5 euros est aussi encourue pour chaque inexactitude quant au montant des rémunérations déclarées ou chaque omission de salarié constatée sur le bordereau ou la déclaration produite par l'employeur. Le total des pénalités ne peut excéder 750 euros par bordereau ou déclaration ».
* 33 Inspection générale des finances, rapport sur le recouvrement des recettes du CAS « Pensions », novembre 2006. Rapport n° 2006-M-076-02, établi par Franck Avice, Cécilia Berthaud, Vincent Menuet et Catherine Sueur, sous la supervision de François Auvigne.
* 34 En application de l'article 58-2° de la LOLF, la Cour des comptes a réalisé à la demande de votre commission une enquête sur le « service des pensions de l'Etat » - Rapport d'information n° 27 (2007-2008).
* 35 Cour des comptes, enquête annexée au rapport d'information n° 27 (2007-2008) de nos collègues Thierry Foucaud et Bertrand Auban, alors rapporteurs spéciaux du CAS « Pensions ».
* 36 Rapport public annuel de 2003.
* 37 Cour des comptes, enquête annexée au rapport d'information n° 27 (2007-2008) de nos collègues Thierry Foucaud et Bertrand Auban, alors rapporteurs spéciaux du CAS « Pensions ».
* 38 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 39 Cour des comptes, enquête annexée au rapport d'information n° 27 (2007-2008) de nos collègues Thierry Foucaud et Bertrand Auban, alors rapporteurs spéciaux du CAS « Pensions ».