(2) La coopération européenne
Les institutions communautaires n'ont qu'un rôle subsidiaire à l'heure actuelle dans la protection de la santé des populations mais qui se renforce avec le temps. Le professeur Anne-Marie Moulin a invité conjointement scientifiques et politiques à « réfléchir collectivement sur ces abandons nécessaires de souveraineté » en mettant en avant la pertinence du niveau communautaire pour faire face à certaines pandémies.
Pour autant, l'Europe dispose d'un système d'alerte précoce et de réaction (ERWS) a été mis en place en 1999 pour avertir les Etats-membres, la Commission de l'apparition de nouvelles émergences susceptibles de donner lieu à une réponse communautaire coordonnée. En outre, un réseau communautaire de surveillance des maladies transmissibles a été mis en place le 26 octobre 2001 par la DG SANCO et le Conseil des ministres de la Santé piloté par un « Comité de sécurité sanitaire ». Ce dispositif s'appuie sur les activités de surveillance conduite par les Etats-membres et porte sur une quarantaine de maladies transmissibles. Il est composé des représentants de tous les Etats-membres et est chargé de faciliter la communication rapide en cas de crise, l'échange d'informations sur les menaces microbiennes ainsi que de coordonner les réponses sur le plan sanitaire.
Par ailleurs, la surveillance s'est trouvée renforcée par la création du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) en avril 2005 qui est chargé de récolter les données et coordonne l'évaluation des risques liés aux maladies infectieuses.
c) Le système français
L'organisation administrative sanitaire en France apparaît peu compatible avec le développement d'une culture de la réactivité en amont des émergences futures. Les nombreux acteurs impliqués dans l'anticipation des futures pandémies s'inscrivent parfois plus dans une logique de concurrence que dans une dynamique de coopération entre acteurs du système de santé. De plus il manque souvent cette relation de confiance avec les professionnels de santé qui permet la réussite d'une action collective.
(1) Les médecins : des acteurs de santé publique à part entière
Le renforcement de la démarche collective de santé publique serait vain sans l'association accrue des médecins .
Aux Etats-Unis, la common law ne fait aux praticiens aucune obligation de porter secours aux blessés et aux malades dans les situations d'urgence. En 1847, le premier code de déontologie publié par l'American Medical Association reconnaissait la « responsabilité » du médecin en cas d'urgence, mais ce langage a disparu des codes dans les années 1950. Les obligations des praticiens en matière de santé publique ont été progressivement oblitérées, et les médecins eux-mêmes poussés à méconnaître leur devoir civique pour ne penser censément qu'au bien-être de leur patient. Un tel système aboutit à cette absurdité que, toute l'obligation de porter assistance reposant sur les frêles épaules des seules infirmières, ce sont les moins préparés techniquement qui devront faire face aux urgences les plus complexes.
En France, l'organisation des médecins généralistes 28 ( * ) en amont pour prévenir les risques infectieux demeure encore parcellaire . Or, le médecin devrait être avant tout considéré comme « un acteur communautaire de santé publique », qui se définit et qui est perçu de manière plus large qu'un prescripteur comme le propose Françoise Weber, directrice générale de l'INvS.
En outre, il faudrait valoriser la participation des médecins traitants à la veille sanitaire afin de renforcer sa position d'acteur de santé publique et ainsi constituer un contrepoint à une communication de masse de plus en plus rejetée par le public. Il s'agit enfin de constituer des réseaux de médecins généralistes de terrain (sur le modèle de la réserve sanitaire) selon un maillage territorial défini. Ces réseaux de médecins constitueraient une tête de pont de professionnels de santé prêts à réagir et à coordonner leurs confrères en cas d'émergences infectieuses
Le professeur Catherine Leport propose notamment d'intégrer davantage la santé publique dans le cursus des médecins dont la formation repose sur la relation singulière entre le patient et le médecin. L'apport principal de cette réforme de la formation des médecins serait de sensibiliser les futurs praticiens à leur rôle d'acteur de santé publique .
Ces réflexions font naturellement suite à la pandémie de grippe A/H1N1 qui s'est caractérisée par une attitude de défiance entre le ministère de la Santé et les médecins traitants quant à leur participation à la vaccination de la population. Ce rôle d'acteur a été renforcé par le contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) que signent les médecins et qui les engage à remplir un certain nombre de tâches de santé publique.
* 28 L'organisation des professionnels de santé est régie par la Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS) du Ministère en charge de la Santé.