2. Les modes de communication en situation épidémique
a) La réponse à une crise sanitaire
Toute épidémie infectieuse émergente peut donner lieu à un problème de santé publique, mais sa diffusion et ses conséquences dépendent en grande partie de la pertinence de la réponse. Comme le souligne le Professeur Michel Setbon, la réponse se conçoit comme une action organisée capable de réduire l'impact sanitaire du phénomène « naturel ». Elle implique d'adapter les comportements de la population aux conditions de diffusion de l'agent. Pour être décidée et mise en oeuvre, la réponse nécessite de réunir certaines connaissances. Quelles sont-elles et comment les agencer pour optimiser leur impact réducteur sur le risque ?
Qu'en est-il dans la réalité ?
- Le modèle historique : le rétrospectif où la réponse est construite progressivement à l'aide des données collectées (VIH, Hépatites B et C, nvMJC, chikungunya, etc.) ;
- Le modèle récent : l'anticipatoire (grippe aviaire H5N1, grippe pandémique A/H1N1) qui conçoit et prépare la réponse avant la survenue ;
- Quelle que soit le modèle et la qualité de la réponse envisagée pour réduire le risque épidémique, son succès ou son échec dépendra dans une large mesure des comportements adoptés par la population exposée ;
- Les (résistances aux) changements de comportements peuvent être prédits à l'aide de méthodes robustes ;
- L'objectif est de connaître la distribution de leurs déterminants afin d'adapter les programmes tant en termes de cibles que de contenus ;
- Le problème est qu'on est face à un processus dynamique au cours duquel la perception du risque et les comportements de la population varient et évoluent dans le temps ;
- Leur faiblesse commune : conçus selon une vision top-down qui ignore et néglige la réaction du public , tant au risque infectieux qu'à la réponse elle-même ;
- Or l'individu concerné juge l'un et l'autre à travers la perception qu'il a du risque (sa croyance que lui sera affecté par l'agent infectieux), bien distincte de l'évaluation produite par les experts.
b) Les exigences d'une communication de crise
L'échec de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) à l'automne 2009 s'explique ainsi en partie par une communication de crise insuffisamment réactive. La communication officielle s'est caractérisée par un manque d'anticipation et de réactivité, notamment face aux rumeurs circulant sur Internet révélant ainsi le caractère insuffisant de sa stratégie d'influence sur Internet. La cellule interministérielle de crise (CIC) comprend une fonction communication qui permet d'apprécier la perception de la crise par l'opinion publique et mesurer les attentes des citoyens et des opérateurs vis-à-vis des pouvoirs publics, d'informer sur l'événement et les mesures prises et de diffuser les recommandations nécessaires. En pratique, les résultats n'ont pas été à la hauteur de ces objectifs et la mise en oeuvre de la communication officielle s'est heurtée à une insuffisante coordination entre les ministères.
Toutes les personnalités auditionnées dans le cadre de cette mission sont unanimes : la qualité de la communication est déterminante pour la réussite d'un plan pandémique. Lors de mon déplacement à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, le chef du service médical d'urgence, le docteur Philippe Bargain a insisté sur la nécessité d'avoir un message homogène vers des publics hétérogènes . En l'espèce, il s'agissait du personnel travaillant au sein de l'aéroport (bagagistes, douaniers, personnels de sécurités) qui devait être inclus dans la communication sur les risques. Les autorités sanitaires doivent pouvoir « donner des éléments de réalité simples pour mettre fin à tous les fantasmes ».
Le tableau reproduit ci-après permet de rappeler des principes de base de la communication de crise qui ont vocation à être rendus pleinement opérationnels en cas d'émergences.
LES PRINCIPES DE BASE DE LA COMMUNICATION DE CRISE
Anti-manuel de la communication de crise |
Principes à respecter pour assurer
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1) Le silence, l'absence : aucune communication 2) La fermeture « No comment » 3) Les démentis « Il ne se passe rien » 4) Les déclarations « rassurantes » « Nous ne savons rien, mais ce n'est pas grave » 5) Le manque total d'humilité « Nous sommes les meilleurs au monde » 6) Le dégagement sur d'autres responsables « Ce n'est pas nous » 7) L'incapacité à donner des informations minimales sur des données élémentaires 8) La mise en cause de ceux qui informent |
A) Une information factuelle immédiate - la reconnaissance du fait qu'il y a bien problème - la démonstration de sérieux : les responsables sont à la barre, ils ont engagé des actions, ils suivent des procédures qui ne relèvent pas seulement de l'improvisation - la reconnaissance des interlocuteurs B) Une communication tout au long de l'épreuve - non pas « rassurer » mais « informer » - informations fréquentes, exactes, aussi complètes que possible - garder la cohérence des messages dans la durée (en reconnaissant sans retard les inévitables informations erronées) Pour répondre à ces exigences, il faut disposer de solides points d'appui : - un (ou des) porte-parole de haut rang, à la fois technicien(s) et décideur(s), préparé(s) à la communication médiatique - un centre de presse bien identifié - des outils de communication préparés à l'avance ( des listes de correspondants, des donnés clés pour un certain nombre de scénarios éventuels, des « encadrés techniques » sur le secteur concerné, les accidents ou problèmes déjà connus ) |
Source : Patrick Lagadec « Communication de crise, communication en crise », in M.Tubiana, C.Vrousos, C.Carde, J-P Pagès (dir.), Risque et société, Gif-sur-Yvette, (c)Editions Nucléon, 1999, pp198-202 (extraits).