3. L'exercice de prospective du gouvernement britannique

Cet exercice, qui a été réalisé avec des moyens humains très importants - le projet a fait intervenir plus de 300 experts, acteurs et partenaires de pointe de presque 30 pays, ainsi que de nombreuses organisations internationales - a été construit autour de 19 questions principales qui circonscrivent l'ensemble du sujet :

1. Quelle menace les maladies infectieuses posent-elles à l'heure actuelle ?

2. Quelle vision nos dirigeants mondiaux ont-ils pour les maladies infectieuses à l'avenir ?

3. Comment la menace pourrait-elle évoluer au cours des 25 prochaines années ?

4. Quelles sont les épidémies majeures qui sont susceptibles d'émerger à l'avenir, et quel pourrait être leur degré de sévérité ?

5. Quels sont les facteurs qui détermineront les changements de risque ?

6. Quel impact le changement climatique pourrait-il avoir sur les maladies infectieuses ?

7. Pourquoi est-il probable que les systèmes de détection, d'identification et de surveillance (DIS) seront si importants pour la gestion sanitaire à l'avenir ?

8. Quels sont les avantages en puissance des futurs systèmes de DIS ?

9. Quels sont les facteurs qui ont l'influence la plus marquée sur la mise en place efficace des futurs systèmes de DIS ?

10. Quels sont les choix stratégiques dont dépendent la gestion sanitaire et les systèmes de DIS futurs ?

11. Quels sont les choix en matière de gouvernance et de règlementation ?

12. Quels sont les choix en matière de normes et d'interopérabilité ?

13. Comment pouvons-nous exploiter au mieux les percées exogènes ?

14. Quels sont les choix fondamentaux pour l'Afrique ?

15. Quelles sont les implications pour la science ?

16. Quelles sont les implications pour la technologie et les systèmes ?

17. Quelles sont les implications en termes de capacités et compétences ?

18. Quelles sont les implications en termes de mobilisation du public ?

19. Quelles sont les étapes suivantes ?

Pour ses auteurs, ce projet est original à trois titres :

1. Ce projet a examiné les maladies dans l'ensemble des espèces humaine, animales et végétales ;

2. Il a fait intervenir des experts de diverses disciplines - des sciences sociales à la génomique, et de l'observation de la Terre à l'épidémiologie ;

3. Il a comparé la situation dans les pays industrialisés et ceux en voie de développement - l'Afrique sub-saharienne et le Royaume-Uni ayant servi d'exemples.

S'agissant des grandes tendances sanitaires dans les 10 à 25 années à venir, le rapport estime que les prochaines grandes épidémies seront plus ou moins liées à huit grandes familles de maladies infectieuses. Cette liste n'est assurément pas complète, mais elle a été compilée sur des bases solides et elle illustre la diversité des défis futurs que ces maladies représentent en matière de gestion sanitaire :

1. Nouvelles espèces pathogènes et nouveaux variants ;

2. Agents pathogènes qui acquièrent une résistance ;

3. Maladies qui sont transmises d'espèces animales à l'homme (zoonoses) ;

4. VIH/SIDA, tuberculose et paludisme ;

5. Maladies épidémiques des végétaux ;

6. Infections respiratoires aiguës ;

7. Infections transmises sexuellement ;

8. Maladies animales qui traversent les barrières nationales et qui sont transfrontalières.

Le projet a effectué une analyse détaillée des caractéristiques de quatre classes de systèmes de DIS importantes - dénommées « Défis pour l'usager « (DU) qui sont en fait des leviers d'action :

- utilisation de nouvelles technologies de l'information pour la capture, l'analyse et la modélisation des données pour la détection précoce d'événements pathologiques infectieux ;

- recours à la génomique et à la post-génomique pour la détection et la caractérisation précoces d'agents pathogènes nouveaux ou qui ont nouvellement acquis une résistance/virulence ;

- transfert de la technologie d'identification et de caractérisation de maladies infectieuses humaines à l'échelon individuel par la mise au point de systèmes de prélèvement « intelligents » ou de dispositifs portables à main (par exemple pour la réalisation de tests sur des fluides) ;

- dépistage à haut débit des maladies infectieuses dans les populations humaines et les espèces animales et végétales au moyen de marqueurs de substitution non invasifs (comme les rayons électromagnétiques ou des composés organiques volatils), par exemple dans les aéroports, les conteneurs de transport maritime/routier et les marchés de bétail.

S'agissant des rapports Nord-Sud, le rapport insiste beaucoup sur la place essentielle de l'Afrique en matière sanitaire . C'est sur ce continent que les leviers d'action peuvent jouer un rôle majeur qui, pour être apprécié, doit faire l'objet d'une balance entre les éléments positifs et les éléments négatifs :

Les éléments positifs :

- l'Afrique supporte le fardeau des maladies le plus lourd tout en possédant probablement les moyens de gestion sanitaire les plus bas du monde . Il est donc nécessaire que les ressources limitées soient ciblées précisément et efficacement, et les systèmes de DIS pourraient à cet égard jouer un rôle crucial ;

- de nouvelles approches pourraient réduire les coûts et rendre les dispositifs de DIS plus simples et plus faciles à utiliser . Par exemple, des bâtonnets diagnostiques de technologie avancée pourraient contribuer à réduire les besoins en personnel hautement qualifié. La télédétection par satellite couplée à une modélisation des maladies pourrait permettre de mieux prédire les flambées sans les difficultés associées à la surveillance sur le terrain ;

- de nouveaux dispositifs diagnostiques pourraient également rendre les échanges commerciaux plus sûrs.

Les éléments négatifs :

- le danger est que les entreprises et organisations qui développent de nouveaux systèmes de DIS axeront leurs efforts sur des maladies plus pertinentes aux pays riches , négligeant de ce fait des pathologies qui sévissent en Afrique ;

- un autre danger est qu'il est possible que les nouveaux dispositifs ne puissent pas fonctionner dans l'environnement de pays en voie de développement - par exemple si une alimentation en courant, une réfrigération ou une formation du personnel sont requises ;

- l'inquiétude qui règne en Afrique est que certains pays pourraient parfois exploiter les maladies à mauvais escient pour imposer ou justifier des barrières commerciales . Il serait important de veiller à ce que les nouveaux systèmes de DIS ne soient pas utilisés à ces fins.

S'agissant des leviers d'action , - c'est-à-dire des choix fondamentaux pour les responsables de l'élaboration de politiques -, l'étude britannique de prospective aboutit à trois conclusions principales :

1. il est essentiel d'adopter une approche réactive - pour la prise en charge des menaces existantes comme de celles imminentes. Il faut une attitude plus proactive et stratégique des décideurs politiques qui doivent mieux prendre en compte les menaces nombreuses et diverses pouvant émerger à l'avenir ;

2. une disparité extrême existe en matière de gestion sanitaire et de capacités de décisions dans différentes parties du globe . Pour pouvoir s'attaquer à des maladies rapidement où qu'elles surviennent, peut-on continuer à laisser cette disparité persister ?

3. les programmes de gestion sanitaire en place dans l'ensemble du monde manquent de cohérence . Il existe trop de programmes verticaux axés sur des maladies uniques. Ne faut-il pas adopter une approche plus unie dans la gouvernance sanitaire mondiale ? Par exemple, l'OMS, l'OIE et la FAO doivent mieux coordonner leur système mondial d'alerte précoce (et de réponse) (GLEWS, pour Global Early Warning System).

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