M. François Durpaire, Historien, enseignant à l'Université de Cergy-Pontoise Invité-témoin
Mme Françoise Vergès . - À propos de l'intervention de Mme Besnacli-Manocou, je vous renvoie au dernier numéro des Temps modernes où j'ai, pour ma part, beaucoup appris sur des situations difficiles sur lesquelles nous avons des idées préconçues. Karfa Diallo a posé une autre question importante, celle de la réparation.
La parole est maintenant à M. François Durpaire, enseignant à l'université de Cergy-Pontoise, dont le dernier ouvrage s'intitule « Nous sommes tous la France, essai sur la nouvelle identité française ».
M. François Durpaire . - Pourquoi intégrer la mémoire et l'histoire de la traite des noirs, de l'esclavage et de leur abolition ?
En intégrant cette année des délégations européennes à ses travaux, le CPMHE a mis en évidence la spécificité française qui fait de cette histoire un présent, puisque les départements d'outre-mer sont français. Dès lors, qu'il ne s'agit pas de pays étrangers, cette histoire ne doit pas être traitée dans des manuels scolaires indépendants ou par des médias spécifiques. La réponse paraît donc simple, les ultra-marins doivent être traités pour ce qu'ils sont, des membres de la communauté nationale.
La seconde question posée porte sur le comment. Tout d'abord, je pense, comme Benjamin Stora, qu'il faut faire pression sur le politique et sur les médias. Certes, nous sommes au Sénat et le 10 mai est mieux traité qu'il ne l'avait été il y a deux ou trois ans, mais hier, pour le 8 mai, on a vu un président de République presque sortant et un président presque entrant et nous verrons demain si nous sommes traités à égalité ou si du chemin reste à faire. De même, si non seulement France Ô et les radios caribéennes, mais aussi les journaux de TF1 et de France 2 ouvrent sur l'évènement, nous pourrons dire que nous sommes traités à égalité.
Ensuite, la question de l'éducation est fondamentale et en particulier celle de la formation des maîtres de l'enseignement secondaire, mais aussi du primaire. Pour donner du sens à tout cela, peut-être faut-il mettre en place une commission pour réécrire, au début du XXI e siècle, ce récit national à l'instar de ce qui a été fait sous la III e République.
Sans qu'il y ait nécessairement une vision de droite et une vision de gauche, peuvent s'affronter deux conceptions, l'une consistant à dire que la France est issue d'un seul héritage et l'autre estimant que, si l'identité de France, comme celle des autres pays, mérite d'être défendue, celle-ci est plus forte du fait de la pluralité de ses héritages. Il y a certes l'héritage de Rousseau et des Lumières. Les idées des philosophes sont à l'origine des droits humains déclarés le 26 août 1789. Mais il y a aussi l'héritage des esclaves, qui, sortant des plantations, ont combattu pour une liberté réelle et une égalité concrète, de ce fait : ils sont ceux qui ont donné corps à l'universel des droits humains qui, sans cela, seraient restés purement théoriques. ( Applaudissements .)