CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES
Contribution de Mme Françoise Laborde, sénateur de
Haute-Garonne,
au nom du Groupe RDSE
L'inventaire réalisé a fait état des nombreuses difficultés, liées en partie à l'évolution de la société mais aussi aux orientations politiques données ces dernières années et qui ont eu un impact regrettable sur le métier, en particulier la suppression de la formation dédiée et la diminution drastique des moyens, comme notre groupe a souvent eu l'occasion de le dénoncer dans les interventions en séance publique au Sénat.
Face à cette situation très dégradée, décrite par l'ensemble de nos interlocuteurs, il est essentiel, pour le groupe RDSE, de rappeler les fondamentaux afin de faire émerger des pistes de réforme.
Le métier d'enseignant est au coeur du service public de l'éducation, dont la mission régalienne est d'assurer l'égalité d'accès de tous les enfants de notre pays, à un socle commun de connaissances. Celui-ci est indissociable de la formation disciplinaire et professionnelle qui permet aux futurs enseignants d'assurer un service public de qualité, de garantir l'égalité de tous devant l'éducation et de permettre la réussite de tous les élèves de la République.
Le professionnalisme de l'enseignant conditionne la formation des citoyens en herbe, il leur donne les clés de compréhension de notre monde moderne et les clés de la réussite individuelle. En d'autres termes, l'enseignant contribue à donner du sens à notre modèle républicain et participe à la mise en action du fameux « ascenseur social », aujourd'hui en panne.
Les travaux de notre mission ont permis d'apporter un éclairage transversal sur ce métier très fragilisé ces dernières années et les causes de ces difficultés.
Le rapport reflète la volonté de remettre à plat la formation des enseignants afin de l'articuler avec le métier d'enseignant en introduisant des outils pédagogiques indispensables pour « gérer » une classe d'élèves et la transmission des connaissances et des savoirs.
Le besoin de confiance des enseignants pertinemment rappelé dans ce rapport, ne passe pas uniquement par la refonte de la formation ou par la réalisation de stages. Il doit être transmis à travers l'enseignement pédagogique qu'il devient urgent de préciser. La détresse décrite dans le rapport laisse penser que l'ensemble du corps enseignant connaîtrait cette situation alors qu'il faut redonner avant tout confiance aux étudiants se destinant à un métier, qui, à condition d'être correctement préparés à l'exercer, peut s'avérer hautement gratifiant et épanouissant. L'adaptation des jeunes enseignants à la gestion d'une classe doit être progressive et l'articulation entre les enseignements et la pratique devrait être examinée plus en détail, notamment s'il est question d'introduire un système de pré-recrutement à la licence comme le suggère notre rapporteure.
La confiance réciproque ne peut être réinstaurée que si l'évaluation des professeurs est réformée de manière à être réellement formative, c'est-à-dire intervenir autrement que par l'intermédiaire du directeur d'école, des élèves ou par des classements très contestables.
Le rôle du service public de l'Éducation nationale aurait pu faire l'objet d'une étude approfondie sur les connaissances que les élèves doivent acquérir et sur la place de l'orientation de l'élève car elles conditionnent le contenu de la formation et l'exercice du métier d'enseignant. L'évaluation des élèves aurait pu être abordée de manière à établir des pistes pour la rendre elle aussi plus formative.
Si j'approuve les grands axes de ce rapport, je pense qu'il serait bon d'évaluer ultérieurement et avec précision leur mise en oeuvre concrète par une étude des réformes du contenu disciplinaire et professionnel de la formation d'enseignant pour apprendre à apprendre, et ce, sans imposer des formules-type.
Le métier d'enseignant se trouve en effet confronté à de nombreux défis. Je tiens à les rappeler et à dresser quelques pistes de réflexion qui devront très rapidement se traduire par des mesures concrètes sur le terrain pour redonner du sens aux enseignements :
- le défi du statut professionnel : comment attirer les vocations, valoriser le métier et permettre une évolution tout au long de la carrière ;
- le défi de la formation : oui, il faut une formation dédiée spécifique. C'est le seul moyen d'assurer une qualité de l'enseignement identique sur l'ensemble du territoire. La pédagogie et les savoirs ne s'improvisent pas, ils se transmettent.
- le défi du contenu des enseignements : directement lié au précédent, il est néanmoins essentiel. Le métier doit s'adapter à l'évolution très rapide de notre société. Par exemple, face à l'émergence des nouveaux médias tels que l'internet, ou encore les nouveaux réseaux sociaux, il est tout aussi important à nos yeux de privilégier l'esprit critique des élèves face à l'utilisation de ces technologies que la quantité de savoirs qu'elles permettent de cumuler. L'école ne peut pas s'exonérer d'une réflexion pragmatique à ce sujet ! De nombreux autres contenus devraient pouvoir trouver une place pérenne dans les enseignements comme, par exemple, la connaissance des métiers ou encore la citoyenneté.
Enfin, il est important de rappeler et de réaffirmer la mission de l'école publique et le rôle de ses enseignants pour que notre jeunesse retrouve toute sa place au sein de la République et croit à nouveau en son avenir.
Contribution du groupe Socialiste et Apparentés du Sénat
Les Sénateurs Socialistes et Apparentés saluent le travail réalisé par la mission d'information sur le métier d'enseignant.
Le constat très sévère du rapporteur, qu'ils partagent, fait à juste titre état de la crise du métier enseignant. La souffrance au travail est de plus en plus exprimée, les conflits hiérarchiques et les dilemmes professionnels se sont multipliés ces dernières années dans l'Éducation nationale.
Les Sénateurs socialistes jugent utile de rappeler la qualité du travail des enseignants. Attachés à leur mission de transmission des savoirs et au principe de l'éducabilité de tous, les enseignants ont une conscience aigüe de leur rôle dans l'École de la République, porteuse d'émancipation et d'égalité.
Pour refonder l'École, il conviendra avant tout de restaurer la confiance dans l'institution. Ce qui nécessite de porter un regard juste sur la situation de notre système scolaire et de ses personnels. C'est pourquoi, les Sénateurs Socialistes et Apparentés souhaitent souligner l'implication et le dévouement des enseignants, au quotidien, auprès des élèves. Ils ne manquent pas de créativité pour développer les projets de leurs établissements ou des pratiques pédagogiques innovantes, dont la méthode Freinet. Comme le souligne le rapport, les enseignants ne sont pas des exécutants mais des créateurs. C'est sur cette force, cette richesse que la refondation de l'école devra s'appuyer.
Loin d'être hostiles au changement, les enseignants l'espèrent et en sont déjà les acteurs. Face aux transformations de la société, ils sont conscients de la nécessité de faire évoluer tant leurs pratiques que le fonctionnement du système scolaire. De très nombreuses initiatives, individuelles ou collectives, engagées sur tout le territoire et qui contribuent à la réussite des élèves ont été relevées au cours de la mission.
La refondation de l'École doit se faire avec l'ensemble des acteurs du système scolaire et ceux qui composent la communauté éducative. Il est indispensable de revenir à des pratiques d'écoute, d'attention, de prise en compte des besoins de l'enfant, tout ceci conjugué avec les objectifs de l'institution. L'École n'est pas utilitariste, elle doit redevenir le lieu d'éveil, d'instruction, de formation et d'appréhension des valeurs du vivre ensemble dans notre République.
En ce sens, l'hommage rendu par le Président de la République le 15 mai dernier, à l'École et aux enseignants était un signe fort en faveur d'une « nouvelle hiérarchie de valeurs au sommet de laquelle se situera la science, l'intelligence, la recherche, la volonté d'apprendre et de transmettre ».
Dans cette perspective, les moyens annoncés par le Président de la République devront être intimement liés à une amélioration de la qualité de l'enseignement et prioritairement affectés là où les besoins sont les plus urgents et où la difficulté scolaire est la plus prégnante. Il faut penser en particulier aux collectivités d'outre-mer, là où le premier défi à relever pour promouvoir la réussite scolaire, est la scolarisation de tous les enfants dans l'École de la République.
En Outre-mer, des problématiques spécifiques qui méritent une attention particulière
Les particularismes de l'Outre-Mer doivent être compris et intégrés par l'enseignant pour permettre un épanouissement harmonieux de l'enfant. En effet, enseigner aux enfants en Outre-Mer comporte des différences avec l'enseignement en France métropolitaine et nécessite des aménagements permettant plus d'adaptation à la culture locale.
Il faut par conséquent des enseignants ayant de solides connaissances de tous les déterminants socioculturels et formés aux problématiques sociolinguistiques et historico-culturelles locales. Cela est d'autant plus vrai en Guyane, où le métier d'enseignant est soumis à d'importantes contraintes. Ainsi, le français, langue de scolarisation, est parlé uniquement à l'école. L'usage de la langue créole ou amérindienne par les enfants, nécessite le recours à un médiateur culturel bilingue. L'enseignement dans des communes éloignées et isolées accessibles seulement par pirogue, entraîne une très faible demande des titulaires expérimentés, si bien que les affectations dans ces communes concernent les débutants, les mutations interdépartementales. Dès lors, nombre d'enseignants renégocient leur affectation.
La multiplication des suppressions de postes dans les territoires d'Outre-Mer, la mutation des professeurs stagiaires et lauréats ultramarins dans les académies de métropole, la suppression massive des réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficultés (RASED), l'incertitude quant à la pérennisation d'emplois de vie scolaire notamment en Martinique, menacent directement la qualité de l'enseignement dispensé dans les DOM et hypothèquent la réussite future des élèves ultramarins, en les privant d'un accompagnement pédagogique adapté à leur handicap ou à leurs difficultés scolaires.
Il importe donc, de lancer dans les plus brefs délais une large concertation avec tous les acteurs du monde enseignant, de l'école primaire au lycée voire à l'université, en Outre-Mer, afin d'apporter, rapidement, des réponses probantes à ces problématiques majeures.
1. Recréer une formation pour les enseignants : une priorité pour la refondation de l'École
a. Reconnaître le rôle de l'enseignant dans sa singularité et sa pluralité
Le rôle de l'enseignant définit son métier et détermine sa formation, dans sa forme comme dans son contenu. Inscrit dans un programme et une stratégie nationale, il doit transmettre des connaissances et des méthodes, stimuler la curiosité et l'ouverture d'esprit des élèves, aiguiser leur sens critique, les préparer à d'autres apprentissages. Ce métier, qui exige des connaissances solides et des compétences spécifiques, consiste notamment à développer le plaisir et le goût d'apprendre, l'estime de soi et la confiance en soi des élèves. Ce n'est pas un art, c'est un métier qui s'apprend.
L'exercice de ce métier est très différent selon qu'il s'agisse de la maternelle, du primaire, du secondaire ou de l'enseignement professionnel, autant de particularités à prendre en compte : les objectifs programmatiques et didactiques, les pédagogies à mettre en oeuvre, les attentes et les besoins des élèves sont divers. C'est à cette pluralité scolaire que les enseignants doivent être formés, en leur permettant d'avoir une meilleure connaissance de leurs élèves. Il apparaît nécessaire de se réapproprier la psychopédagogie, délaissée au profit des sciences « dures », afin de donner aux futurs professeurs la connaissance fondamentale de ce qu'est l'enfant.
b. Restaurer la dimension professionnelle de la formation des enseignants
Pour refonder l'école, la formation des enseignants est une priorité, parce que les systèmes éducatifs les plus performants sont aussi ceux qui ont développé une formation initiale et continue des professeurs de grande qualité. Or pour des raisons budgétaires, idéologiques et par méconnaissance de la réalité du métier, l'ancien gouvernement a négligé et sacrifié la formation des enseignants. Alors que l'insuffisance de formation pratique était décriée, il l'a encore réduite, comme si enseigner était le seul métier qui ne s'apprend pas !
Dans l'exercice de leur métier, les enseignants sont amenés à travailler en équipe. Leur formation doit prendre en compte cette dimension en les formant au travail collectif et à la pédagogie de projet. Même s'ils enseignent des matières très différentes, ils exercent le même métier. Des cours et des projets transversaux permettraient d'assurer un apprentissage partagé, commun à tous les futurs enseignants, développant ainsi l'interdisciplinarité.
Depuis la réforme de la mastérisation, la formation pédagogique de nos jeunes enseignants est insuffisante voire inexistante ; c'est pourquoi l'année de stage doit être rétablie, selon une forme repensée qui sera discutée, avec l'ensemble des partenaires, lors de la concertation préalable au projet de loi de programmation et d'orientation pour l'école. C'est une nécessité pour restaurer l'envie et le dynamisme des futurs lauréats aux concours.
Actuellement les étudiants qui doivent réussir leur master et préparer les concours se trouvent dans une situation impossible : les deux exercices étant difficilement compatibles, sinon en opposition. C'est d'ailleurs un des facteurs identifiés du faible taux de réussite et d'inscription au concours.
Quelles que soient les nouvelles modalités de la formation, il faudra s'assurer que son contenu permette aux étudiants de mener à bien les deux projets, dans un temps repensé et, pour ceux ayant échoué au concours, de se réorienter efficacement dans une autre filière.
Par ailleurs, la formation par alternance offre une voie intéressante à consolider. L'apprentissage, bien pensé, garantit une vraie approche professionnelle sécurisée en ouvrant des opportunités à des étudiants ayant besoin de travailler pour financer leurs études (l'indemnité étant cumulable avec les bourses).
La formation devra mettre en outre l'accent sur les nouvelles technologies, qui représentent un vecteur de changement de la pédagogie.
c. L'école maternelle : des attentes spécifiques
Dans la refonte de la formation des enseignants, un traitement particulier devra être réservé à l'école maternelle. Jusqu'à présent, le principe de polyvalence des professeurs des écoles a permis de justifier l'approche purement disciplinaire de la formation qui ne correspond pas à la spécificité de l'école maternelle, ainsi que l'absence ou les carences de formation spécialisée des enseignants de maternelle, en particulier en psychologie et en sciences du langage.
De plus, les méthodes d'apprentissage et d'évaluation, particulièrement en grande section sont directement alignées sur celles de l'école élémentaire. Le Haut Conseil de l'éducation l'avait pointé. Le rapport de l'IGAENR et de l'IGEN sur l'école maternelle d'octobre 2011, mis sous le boisseau par l'ancien ministre de l'Education nationale, ne dit pas autre chose : « le modèle scolaire élémentaire a envahi toute l'école maternelle », au détriment des élèves les plus défavorisés.
C'est pourquoi leur formation devra intégrer les spécificités complexes d'éducation des jeunes enfants, dans des modalités que la concertation avec les acteurs de l'école devra définir. Car la mise en oeuvre d'une véritable politique d'égalité des chances dès l'école maternelle implique à la fois une pédagogie différenciée et un rééquilibrage des objectifs de l'école maternelle qui ne doit plus être essentiellement dans l'anticipation des enseignements de l'école élémentaire.
d. Mieux accueillir les néo-titulaires dans le métier
Les Sénateurs Socialistes et Apparentés se félicitent du retour au pré-recrutement évoqué dans le rapport, qui permettra de restaurer une filière de promotion sociale. Il faudra l'assortir d'une période de service public obligatoire.
Les conditions d'entrée dans le métier d'enseignant sont une préoccupation majeure qui n'a pas été prise en compte ces dernières années. En témoigne le dernier rapport de la Cour des comptes qui dresse un véritable réquisitoire contre la gestion des ressources humaines dans l'Éducation nationale, particulièrement pour les enseignants débutants. La volonté qui est la nôtre de restaurer la confiance, de pallier la crise des vocations justifie la prise en compte immédiate de cette problématique.
A cet égard, une plus forte mixité au sein des établissements, entre néo-titulaires et enseignants chevronnés, devra être recherchée afin de développer un véritable accompagnement à l'entrée dans le métier. L'identification de maître accompagnateur, référent, sera recherchée. Ainsi, une forme de tutorat pourrait être expérimentée, à l'instar du contrat de génération, dans les établissements classés difficiles, le jeune enseignant se trouvant ainsi épaulé face aux problématiques particulières.
e. La formation tout au long de la vie
La formation des maîtres comprend autant la formation initiale que la formation continue. L'évolution du cadre de vie, de l'environnement de l'école, du contexte enseignant, des méthodes, la modernisation des outils, la volonté de progresser dans le métier... appellent une offre de formation continue argumentée, choisie et déployée avec méthode.
Ces derniers mois, faute de visibilité sur les objectifs pédagogiques et par mesure d'économie (réduction des brigades de remplacement), les enseignants en fonction ont été privés de formation continue. Sa redéfinition participera de ce renouveau et de cette évolution du métier d'enseignant.
2. Pas de pacte éducatif sans communauté éducative
a. L'enseignant, pivot de la communauté éducative
L'élève reste avant tout un enfant : enfant de sa famille, de son quartier, de son village... Son environnement est une donnée fondamentale à prendre en compte dans la réussite éducative : c'est une lapalissade que de reconnaître que certains milieux de vie sont plus favorables que d'autres à l'apprentissage. C'est pourquoi, il convient de replacer l'école, l'établissement dans son environnement, à travers une cohérence des politiques éducatives territoriales, peut-être à l'échelon d'un bassin de vie prenant en compte la nécessaire mixité sociale.
Dans cette perspective, l'établissement scolaire, s'il n'est pas le tout, est bien l'élément central à appréhender en lien avec les autres structures du champ de « l'éducation globale » (structures périscolaires, associatives...). Dans cette démarche d'éducation globale, les collectivités locales sont des acteurs majeurs pour faire émerger et structurer de véritables politiques éducatives locales.
Il est grand temps de retrouver la notion de communauté éducative, pour une école plus ouverte, où l'enfant est considéré dans sa globalité. Les maîtres ont un rôle pivot à jouer dans le dialogue avec les autres partenaires de la communauté éducative : les parents, les élus, les intervenants extérieurs...
Dès leur formation, les enseignants doivent être sensibilisés à cette dimension de leur métier qu'il faut désormais orienter vers la co-éducation plutôt que la standardisation des pratiques. C'est cette communauté éducative qui doit être associée à la révision des rythmes scolaires, par la création de parcours cohérents et complémentaires d'éducation, car c'est le même enfant qui parcourt les différents espaces et temps éducatifs.
b. Pour une continuité de la prise en charge de la grande difficulté scolaire
Pour lutter contre l'échec scolaire, la continuité des parcours éducatifs, du « fil continu » pour les élèves en rupture que l'on appelle les « décrocheurs », sera une question centrale dans la mise en oeuvre de chemins différents pour réussir. Actuellement, le manque de deuxième chance représente un fléau pour notre École républicaine et pour la réussite de tous. Contre le décrochage scolaire, nous avons besoin d'apporter des réponses diverses, construites sur le terrain, avec des allers-retours possibles entre les différentes solutions proposées, et non de plaquer des réponses toute faites, uniformes, pour tout le monde et partout.
c. Un projet pédagogique co-construit
Le projet pédagogique d'établissement, en tant que co-construction d'un projet partagé par une équipe enseignante, (à ne pas confondre avec l'actuel projet d'établissement trop administratif) devra être le coeur de cette démarche d'éducation globale.
Ce projet pédagogique doit correspondre à une démarche volontaire, dynamique, appuyée sur les objectifs affectés à l'École et impliquant une approche de coéducation de toute l'équipe. Il doit concerner chaque membre du personnel de l'établissement, y compris le personnel administratif, médical, social, chacun dans sa fonction et s'ouvrir aux partenaires de l'École pour en assurer la co-construction et la co-réalisation, dont chacun pourra apprécier la mise en oeuvre.
d. D'une évaluation individuelle pour classer à une évaluation collective pour progresser
Redéfinir le métier enseignant implique de réfléchir aux modes d'évaluations pertinents des pratiques professionnelles. Poursuivant leur idée de co-construction du projet pédagogique, les Sénateurs Socialistes et Apparentés se prononcent en faveur d'une auto-évaluation collective du fonctionnement de l'établissement qui ne se confondrait pas avec l'inspection individuelle des enseignants.
Celle-ci, qui s'établirait sur la base d'un projet éducatif global, ne donnerait lieu à aucun classement. Cette approche autoréflexive présenterait l'avantage de faire émerger un collectif éducatif, de le faire progresser et dans une certaine mesure, participerait à la stabilité de l'équipe éducative, qui nous le savons est un élément fondamental de la réussite des élèves.
Cette démarche collective pourrait donner lieu à la publication, en interne, d'un document qui serait mis au service de l'équipe pédagogique et destiné à être partagé au sein de l'établissement et entre les différents acteurs de la communauté éducative qui en feraient la demande.
Conclusion
La refondation de l'École que nous appelons de nos voeux permettra de réhabiliter un service public d'éducation pour tous.
L'école devra être au coeur du dialogue avec les collectivités locales, les parents, les associations partenaires de l'école, tout particulièrement d'éducation populaire, dans une démarche de co-construction. Il s'agira de (re)créer de vrais liens entre les différents institutions et partenaires du milieu éducatif, en restaurant la confiance et redonnant des marges de manoeuvre aux enseignants qui aiment leur métier et nourrissent une grande ambition pour leur mission. Au sein de cette communauté éducative, l'enseignant aura toute la place qui doit lui revenir.
Mais ce réel changement des pratiques éducatives nécessitera une redéfinition du métier, et par conséquent du statut des enseignants. Ce sera le rôle de la concertation que de définir les grandes lignes de ce nouveau cadre référentiel, qui se concrétisera par la loi d'orientation et de programmation à l'automne 2012.
Contribution du groupe UMP du Sénat
• Il existe aujourd'hui un vrai malaise dans
le métier d'enseignant.
L'enseignant d'aujourd'hui n'est plus l'enseignant d'il y a 50 ans, qui avait un vrai statut social parce qu'il représentait le savoir et l'autorité, et qui gagnait relativement bien sa vie. On assiste aujourd'hui à une paupérisation du métier d'enseignant qui est inquiétante et parfois à une remise en cause de l'enseignant dans son savoir (les élèves font parfois plus confiance à Wikipédia qu'à leurs professeurs). De plus, les enseignants s'estiment trop souvent seuls face à leurs responsabilités devant leurs élèves et insuffisamment préparés aux difficultés qu'ils rencontrent.
• Face à ce constat, la politique
menée depuis 2007 s'est appuyée sur une volonté constante
de revalorisation du métier d'enseignant.
Contrairement aux conclusions du rapport, le Gouvernement précédent a mené une politique active en matière de revalorisation du métier d'enseignant.
Il a été décidé par un « pacte de carrière » de privilégier une meilleure rémunération des enseignants et leur accompagnement tout au long de leur carrière.
- Un métier mieux rémunéré . La moitié des gains générés par la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été reversée en augmentation de salaires. Depuis 2010, un enseignant débutant touche en moyenne de 153 à 259 euros de plus par mois (selon qu'il est certifié ou agrégé), soit l'équivalent d'un treizième mois. L'effort financier a été concentré sur les jeunes professeurs, afin de renforcer l'attractivité du métier et de prendre en compte l'élévation du niveau de recrutement des enseignants (bac+5 depuis la rentrée 2010).
- Un droit individuel à la formation (DIF) a été mis en place pour favoriser la mobilité professionnelle. Il a également été prévu des entretiens RH réguliers pour que les enseignants puissent faire le point sur leur situation professionnelle.
Il a été décidé de privilégier le « sur-mesure » de l'enseignement, le qualitatif, pour lutter contre le décrochage, plutôt que le quantitatif : plus de pédagogie individualisée, de différenciation des parcours, afin qu'aucun élève ne quitte le système éducatif sans qualification, sans diplôme (180 00 élèves ont été considérés comme décrocheurs en 2010). Inverser cette tendance nécessitait de donner la priorité à la maîtrise des savoirs fondamentaux, la valorisation de la formation par alternance ou l'accompagnement éducatif après l'école.
• Les préconisations du rapport
:
- une préconisation irréaliste et démagogique abandonnée en chemin : la création de 150 000 postes sur cinq ans
Lors de la présentation du rapport à la mission, Mme Gonthier-Maurin recommandait un plan de recrutement pluriannuel « d'au moins 150 000 recrutements sur cinq ans, 90 000 pour le renouvellement intégral des départs en retraite et 60 000 recréations de postes supprimés ».
La présidente de la mission, Mme Colette Mélot, s'est inquiétée de l'irréalisme de cette proposition, ainsi que de l'imprécision entourant son mode de financement , car cette proposition aurait coûté extrêmement cher à l'État, dans une période de crise nécessitant la réduction des déficits publics et des dépenses. Lors de la campagne présidentielle, il a été estimé que la création de 60 000 postes préconisée par le parti socialiste représenterait 2,5 milliards d'euros par an.
Suite aux remarques des sénateurs du groupe UMP mais également des sénateurs du groupe socialiste en net désaccord avec leurs collègues du groupe CRC, la rédaction du rapport a été modifiée, supprimant toute référence à la création de postes.
Il faut préciser que si une augmentation du nombre de postes d'enseignants devait être décidée, les premières victimes risqueraient d'être les enseignants , car avec un tel budget consacré à recréer des postes, la conséquence logique serait inévitablement un gel des salaires.
Rappelons enfin qu'en février 2012, l'OCDE, qui fait référence sur l'éducation avec l'étude PISA, a posé la question du lien entre les moyens et les résultats. Elle a ainsi conclu que les pays performants attirent les meilleurs élèves vers la profession d'enseignant en leur offrant des salaires plus élevés et un meilleur statut professionnel. En quelque sorte, avoir moins de professeurs mais mieux payés est le gage du succès, la qualité doit primer la quantité.
- la remise en cause de la formation des enseignants
Si l'on ne peut que partager le souhait d'un cadrage national fort ou d'une meilleure prise en compte de la diversité du métier d'enseignant dans sa formation, on peut regretter la critique systématique de la « mastérisation » contenue dans le rapport et s'interroger sur la nécessité qu'il y aurait de « recréer une structure spécifique dans la lignée des IUFM ».
Il faut rappeler que la « mastérisation » fut le fruit d'une large concertation, visant un meilleur niveau de formation théorique des enseignants et également une meilleure formation pratique aux réalités du métier d'enseignant :
- avant même de passer le concours, les étudiants qui se destinent au métier d'enseignant ont la possibilité de réaliser des stages d'observation et de pratique accompagnée (dès la première année de master) et des stages en responsabilité au cours de la seconde année de master ;
- après le concours, les jeunes enseignants effectuent une partie de leurs temps d'enseignement en présence d'un enseignant expérimenté qui les accompagne dans leurs débuts de métier et bénéficient d'une formation continue renforcée.
La mastérisation permet la revalorisation du salaire des enseignants débutants, justifiée par l'élévation du niveau de qualification requis pour devenir enseignant.
Un retour au système précédent nierait les dysfonctionnements qui existaient dans les IUFM et marquerait un recul en matière de qualité de la formation.
• Les préconisations du groupe UMP du
Sénat :
Notre système éducatif ne pourra progresser que si l'on substitue à la logique de l'augmentation des moyens des leviers spécifiques, comme l'initiative et la confiance donnée aux acteurs de terrain, et pour les élèves une adaptation de l'école à leur profil particulier.
- une meilleure évaluation des enseignants
Le système d'évaluation des enseignants apparait peu satisfaisant et anachronique : il ne vise qu'à vérifier leur bon respect du programme national et leur aptitude à le finir dans les temps, sans réellement reconnaitre la valeur de l'investissement des enseignants ni déterminer leur influence sur les résultats de leurs élèves.
Aussi un décret paru le 8 mai dernier a-t-il mis fin au système de notation, déconnecté des réalités éducatives, au profit d'un dispositif d'appréciation de la valeur professionnelle fondé sur un entretien professionnel tous les trois ans, conduit par le supérieur hiérarchique direct. Sans doute faut-il tenir compte, comme cela a été prévu par le décret, de l'avis du supérieur hiérarchique direct de l'enseignant, mais sans doute faudrait-il également maintenir l'avis des inspecteurs généraux en charge de la discipline. Le double regard de l'inspecteur et du chef d'établissement est en effet la garantie d'une notation équilibrée . L'amélioration de l'évaluation doit passer par la recherche de cet équilibre.
Un tel système serait valorisant pour les enseignants et permettrait de mieux déterminer leur influence sur les résultats de leurs élèves.
- une affectation des enseignants en fonction des priorités
Les priorités actuelles ne sont pas celles des années 50. A l'époque, il fallait former une élite et donc y affecter les enseignants les plus chevronnés.
Aujourd'hui, la priorité est l'acquisition des fondamentaux à l'école primaire et au collège, ce qui est particulièrement ardu dans les zones difficiles.
Il faut reconnaître la spécificité du métier d'enseignant en ZEP. Aussi serait-il souhaitable, comme l'a proposé la mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire 45 ( * ) , d'empêcher l'affectation d'enseignants néo-titulaires en ZEP .
- la question du collège unique
Mis en place en 1975, le collège unique a permis une grande avancée pour la démocratisation de l'éducation. En 1980, 58 % des enfants d'ouvriers entrés en 6 e accédaient à la 3 e . Ils étaient 96,5 % vingt ans plus tard.
Cependant, cette massification a engendré des difficultés à partir des années 80 du fait notamment de l'hétérogénéité des nouveaux collégiens. Si la philosophie du collège unique doit être maintenue, il apparait aujourd'hui souhaitable, pour éviter l'échec scolaire qui ruine l'avenir de certains jeunes, d'adapter le collège à leurs besoins réels. Loin de remettre en cause le collège pour tous, il s'agirait de permettre une diversification des voies .
Des classes « métiers-étude » pourraient être mises en place sur le modèle des « sport-études » pour permettre aux jeunes à partir de 14 ans qui le souhaitent d'axer une partie de leur enseignement sur le monde professionnel. L'initiation aux métiers pourrait se faire en milieu scolaire et en lien avec les entreprises, tout en gardant une possibilité de réorientation ultérieure, à tout moment.
- une meilleure orientation
Chaque année, trop d'élèves mal orientés s'engagent dans des formations universitaires qui ne sont pas adaptées à leur parcours : soit ils sont insuffisamment préparés, soit ils n'en connaissent pas les exigences, soit les débouchés sont restreints.
Il faut poursuivre le processus engagé par la réforme des lycées qui a prévu un meilleur accompagnement en amont afin de réduire le taux d'échec. L'orientation active doit permettre en effet aux lycéens d'accéder à une information générale sur les filières de l'enseignement supérieur mais aussi à un conseil personnalisé. Cette orientation est « active » au sens où elle engage aussi bien l'élève que l'université ou l'établissement d'enseignement supérieur dans une démarche de réflexion concertée.
L'orientation plus progressive qui a été mise en place doit être poursuivie. Ainsi, à partir de la rentrée scolaire 2011, le processus d'orientation active, qui s'adressait jusqu'alors aux élèves de terminale, a été avancé en classe de première (générale, technologique et professionnelle). Il est important en effet que le jeune se prépare tôt aux choix déterminants qu'il aura à prendre et qui engageront son avenir.
En conclusion, les sénateurs du groupe UMP relèvent que le rapport laisse de côté des questions déterminantes pour faire évoluer le métier d'enseignant et améliorer les résultats des élèves. Ils ne peuvent s'associer aux conclusions du rapport, étant à la fois en désaccord avec le constat effectué et la plupart des mesures préconisées, souvent purement démagogiques.
* 45 Rapport d'information de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la Mission commune d'information sur le système scolaire : « De la pyramide aux réseaux : une nouvelle architecture pour l'école », 21 juin 2011 - n° 649 (2010-2011).