IV- LA
NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE INFORMATION
DES CITOYENS
Les nombreuses personnalités auditionnées par les rapporteurs ont toutes souligné la nécessité d'apporter au public une information plus scientifique et de meilleure qualité sur les apports des neurosciences et l'évolution des traitements possibles des maladies neurologiques et psychiatriques. Toutes insistent sur les effets pervers d'informations sensationnelles laissant croire à des découvertes ouvrant à des traitements . Les scientifiques et le monde politique doivent répondre aux sollicitations des médias, si friands de toute explication neuroscientifique imagée de nos comportements et exposer le plus souvent possible l'état des connaissances réelles auprès de nos concitoyens.
Olivier Oullier 180 ( * ) a insisté lors des auditions publiques de mars 2008 et de juin et novembre 2011 sur la réflexion à mener sur la « façon de communiquer sur les bonnes pratiques scientifiques, mais aussi sur les résultats qui peuvent être exploitables et transférables hors des laboratoires »... Il a réaffirmé aux rapporteurs que « la recherche, la connaissance et le débat contradictoire, tout comme la diffusion la plus efficace et la plus posée possible des résultats scientifiques, restent les meilleurs remparts contre les dérives inexorables de l'utilisation et du détournement de certaines de nos pratiques en neurosciences. Ces dérives peuvent nous paraître inéluctables mais nous avons nombre d'arguments et de techniques pour les contrer et faire valoir les bonnes pratiques à commencer par faire entendre nos voix dans la littérature scientifique et en dehors. Je vous remercie à travers vos auditions parlementaires de nous y aider. »
Hervé Chneiweiss 181 ( * ) suggérait que la France qui participe activement à une action internationale, la semaine du cerveau, la troisième semaine de mars, utilise ce moment « pour décrire les merveilles de ce qu'est la découverte du cerveau, mais aussi pour réfléchir, comme nous le dit Hannah Arendt, à penser ce que nous faisons. Quelles que soient les révélations scientifiques, il faut penser cela dans un contexte humain ».
Marie-Agnès Bernadis 182 ( * ) , coordinatrice de la délibération citoyenne Meeting of Minds à la Cité des sciences et de l'industrie organisée en 2006 sur les neurosciences à l'échelle européenne a relaté en détails l'organisation de ces débats et les recommandations auxquelles ils avaient abouti. Celles du panel français portaient sur la prise en charge des maladies neurodégénératives et sur l'utilisation de l'argent public, sur l'annonce du diagnostic au cas par cas, sur la nécessité de l'accompagnement du patient et de son entourage, sur un meilleur accès aux structures de soins, sur la nécessité de ne pas catégoriser les individus à partir d'une information obtenue en imagerie cérébrale, sur les dérives de l'utilisation des données d'imagerie dans le monde professionnel. Les citoyens français avaient bien identifié la différence entre intervention sur un handicap et augmentation des possibilités humaines et tout un débat avait porté sur le traitement des enfants hyperactifs par la ritaline. Le panel français, tout comme le panel européen, avait souligné avec force la nécessité d'un investissement plus fort dans la recherche fondamentale sur le cerveau, malade ou non.
Cet intérêt démontre aussi qu'un enseignement de ces problématiques dans le secondaire serait utile. En fait, ainsi que l'avait remarqué en conclusion François Berger 183 ( * ) : « Ce qui ressort des débats citoyens dont il vient d'être question est une très belle leçon de démocratie. J'y étais plus ou moins opposé. Or les recommandations sont très rigoureuses. Elles ont réussi à intégrer la complexité du sujet et à se démarquer des lobbies et des discussions habituelles. J'ai l'impression que, lorsqu'un sociologue ou un philosophe discute avec un représentant des neurosciences, ils n'arrivent pas à communiquer. Or le citoyen a complètement résolu le problème. Ceci doit nous rendre vraiment optimistes »
Donc, une fois de plus, vos rapporteurs, tout comme leurs collègues de l'OPECST qui viennent de présenter en février 2012 deux rapports, l'un sur « l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques 184 ( * ) », l'autre sur « les enjeux de la biologie de synthèse 185 ( * ) » recommandent l'organisation de débats publics et un effort des pouvoirs publics pour l'information des citoyens et des médias sur les progrès et les limites de la recherche scientifique.
L'Office parlementaire y prendra sa part en poursuivant son travail d'étude et d'alerte par l'organisation de nouvelles auditions publiques sur toutes les préoccupations évoquées au long de ce rapport et qui recoupent parfaitement celles exprimées par le débat citoyen de 2006.
Recommandations :
- Mettre en place un enseignement de bioéthique dans le secondaire ;
- Organiser dans un cadre pluridisciplinaire des débats citoyens afin de permettre aux scientifiques de faire partager leurs découvertes et leurs interrogations ;
* 180 Professeur de psychologie à l'Université d'Aix-en-Provence et conseiller scientifique du Centre d'analyses stratégiques. (Audition publique du 29 juin 2011).
* 181 Directeur de recherche, groupe « Plasticité gliale et tumeurs cérébrales » au Centre de psychiatrie et neurosciences de l'Université Paris-Descartes, membre du Conseil scientifique de l'OPECST - (Audition du 29 novembre 2011).
* 182 Audition publique du 26 mars 2008.
* 183 Professeur de médecine, directeur général et exécutif de CLINATEC (CEA), Institut des neurosciences et CHU de Grenoble, INSERM.
* 184 Rapport du 18 janvier 2012 sur "L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques" par M. Claude Birraux , député, Premier vice-président de l'OPECST, et M. Jean-Yves Le Déaut , député, Vice-président de l'OPECST.
* 185 Rapport du 8 février 2012 sur "les enjeux de la biologie de synthèse" par Mme Geneviève Fioraso , députée