2- Des ambiguïtés liées à la prédictivité de l'imagerie médicale
La loi du 7 juillet 2011 utilise les termes de « fins médicales » pour définir une des trois finalités autorisant le recours aux techniques d'imagerie cérébrale. Comment faut-il l'interpréter ? S'agit-il seulement du diagnostic médical ? Jusqu'où peut-on utiliser les résultats de l'imagerie dans une médecine prédictive ? Une compagnie d'assurance pourrait-elle refuser d'assurer une personne au vu des éléments médicaux fournis par une IRM ou un scanner ?
Par ailleurs, l'article 10 de la loi informatique et libertés proscrit toute décision prise sur la base du seul fondement d'un traitement informatique destiné à évaluer le profil d'une personne ou certains aspects de sa personnalité : « Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.
Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité.»
Avec les techniques d'imagerie médicale, ne risque-t-on pas d'aboutir à des prises de décision par ordinateur sur la base de résultats qui précisément auraient défini le profil ou la personnalité d'un individu, ce que la loi proscrit clairement ? Plus généralement, Bernard Bioulac, 72 ( * ) faisait remarquer que, « si on en arrive bientôt à une situation où la médecine prédictive devient une réalité quotidienne, il faudra déterminer si on continuera à s'en remettre seulement à l'éthique de la pratique médicale, à l'éthique des médecins, ou si un encadrement minimal législatif ne deviendra pas indispensable ». C'est un débat récurrent, qui a déjà été abordé lors de la première loi sur la bioéthique, qui a fait entrer les dossiers médicaux dans le champ de la loi informatique et libertés. Doit-on rester purement pragmatique, en laissant le médecin face à sa conscience, ou bien fait-on le choix d'un encadrement minimal ou maximal, avec l'utilisation des données nominatives ?
Vos rapporteurs estiment que les résultats de données d'imagerie cérébrale sont sensibles, et doivent être protégées de toute utilisation visant à caractériser un comportement, ou un profil psychologique. La mission de veille que la loi du 7 juillet 2011 confie à l'Agence de la biomédecine, devrait être mise en oeuvre en liaison avec la CNIL s'agissant de la protection des données.
Recommandation :
Organiser une veille conjointe de l'Agence de la biomédecine et de la CNIL, sur l'utilisation de données d'imagerie cérébrale dans le but de définir par ordinateur les caractéristiques d'une personne.
* 72 Co-directeur de l'ITMO neurosciences, sciences cognitives, neurologie et psychiatrie (AVIESAN) - (Audition publique du 29 juin 2011).