C- LA MOBILISATION DES ORGANISMES DE RECHERCHE ET DES FONDATIONS AUX ÉTATS-UNIS33 ( * )
Les États-Unis sont en pointe dans les recherches et la mise au point d'outils et de programmes de recherche dans le domaine des neurosciences et de la neuroimagerie depuis les années quatre-vingt, même si les développements de la neuroimagerie ne font l'objet ni d'un pilotage étatique, ni d'un encadrement juridique, ni de réflexion politique au Congrès, comme la mission l'a constaté. Les chercheurs bénéficient d'une approche disciplinaire et multidisciplinaire de la recherche, grâce au système de financement sur projets par le National Institute of Health (NIH), les universités et les fondations.
a- Le NIH : l'organisme de financement et de recherche de référence
Le NIH consacre 17% de son budget aux neurosciences (soit plus de 5 milliards de dollars) et finance des projets de neuroimagerie au sein de ses programmes de recherche intramuros et extramuros. Les 6 instituts principalement impliqués dans les programmes de recherche en neuroimagerie sont le NIMH ("National Institute for Mental Health "), le NINDS (" National Institute for Neurological Disorders and Stroke" - l'Institut national des maladies et troubles neurologiques) , le NICHD ( " National Institute of Child Health and Development "), le NIBIB (" National Institute of Biomedical Imaging and Bioengineering" ), le NCI (" National Cancer Institute" ) et le NIAAA (" National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism"). Un plateau exceptionnel d'équipements impressionnants est mis à disposition des chercheurs, une plateforme technologique constituée de 10 IRM (imagerie par résonance magnétique), 1 MEG (magnétoencéphalographie) et 1 EEG (électroencéphalographie) ainsi qu'une antenne d'imagerie moléculaire dotée de 6 TEP (tomographie à émission de positron) et 1 SRM (spectoscopie à résonance magnétique).
Les recherches menées au NIH portent sur l'utilisation de l'IRM fonctionnelle en neuroimagerie pédiatrique, l'étude de la neuroanatomie fonctionnelle des différents systèmes de mémoire, de la plasticité corticale. Elles portent également sur les troubles psychiatriques, tels les états émotionnels dans les troubles de l'humeur et de l'anxiété, les aspects physiologiques, neurochimiques, neuropharmacologiques de la schizophrénie et de ses facteurs de risque, les mécanismes de l'addiction. Comme l'a expliqué à la Mission le Pr Alan Koretsky, directeur du NINDS , le NIH vise à accroitre l'apport de la neuroimagerie en psychiatrie.
b- Le rôle moteur des fondations et des centres d'excellence alliant public et privé
L'impact des fondations dans la recherche et le traitement des maladies neuropsychiatriques est considérable en termes d'investissement financier et d'accompagnement des projets. Elles font preuve d'une grande ouverture tant vers les États-Unis que vers l'étranger.
La Fondation Dana Farber
Avec un budget de près de 250 millions de dollars, la Fondation Dana Farber soutient activement la recherche sur les innovations en neuroimagerie. Les financements sont destinés à des études pilotes visant à tester de nouvelles hypothèses en utilisant soit des techniques conventionnelles d'imagerie cérébrale, soit les technologies d'imagerie cellulaire et moléculaire, soit une combinaison des deux. Les données obtenues peuvent ensuite être utilisées comme résultats préliminaires lors de demandes de financement à plus grande échelle. Les études tendent à se concentrer sur la manière dont l'imagerie peut accroître la compréhension du fonctionnement normal du cerveau, améliorer le diagnostic, élargir la compréhension des processus pathologiques ou des lésions, et aider à évaluer les effets des traitements. En outre, les études visant à affiner les techniques d'imagerie existantes, ou à poursuivre le développement de nouvelles techniques pour répondre à des questions cliniques, sont également prises en charge.
Nous avons été reçus par Edward F. Rover, président du conseil d'administration de la Fondation qui a expliqué que chaque année un appel à projets est lancé auprès des différents instituts de recherche et écoles de médecine. Chaque institution est chargée de sélectionner le programme qu'elle souhaite soutenir, et ce programme passe par un processus d'évaluation animé par un comité d'experts dans le domaine. Les projets portés par de jeunes responsables d'équipes sont soutenus en priorité, pour compenser leur difficulté à obtenir le premier financement du NIH qui commande en général l'avenir du projet. La Fondation dédie la plus grande part de ses ressources aux recherches de neuropsychiatrie.
Le "Martinos Center for Biomedical Imaging" de Boston
Le "Martinos Center for Biomedical Imaging" de Boston, visité par les rapporteurs, est un exemple de partenariat public-privé au sein de la faculté de médecine de Harvard. Le Centre Athinoula A. Martinos est un des centres de recherche en imagerie biomédicale les plus réputés des États-Unis. Il développe des projets de recherche innovants basés sur des techniques d'imagerie biomédicale très sophistiquées ; il fut un des bénéficiaires du plan de relance du Président Obama en 2009 avec une contribution représentant 18% de son budget, 57% provenant du NIH, 12% de fondations privées et 1% de partenaires privés. Le laboratoire de fabrication de prototypes d'antennes qui permet d'optimiser l'acquisition des images IRM et leurs résolutions (antennes cérébrales et cardiaques), met au point des prototypes qui sont ensuite développés par Siemens, avec lequel un partenariat pour les commercialiser est établi. Des post-doctorants français y font des recherches dans de bonnes conditions, selon eux.
Le centre regroupe un ensemble de plateformes techniques de niveau exceptionnel : imagerie de diffusion optique (IDO), IRM, EEG, magnétoencéphalographie (MEG), TEP, et stimulation magnétique transcranienne. Ce centre possède son propre cyclotron pour la production d'isotopes.
Le "Brain Mapping Center", le "Brain Research Institute" et le "Laboratory of Neuro Imaging" à Los Angeles.
À l'Université de Californie (UCLA), sont regroupés sur un même site un centre d'imagerie performant le " Brain Mapping Center ", le "Brain Research Institute", et un centre impressionnant de stockage et d'analyse de données le " Laboratory of Neuro Imaging" (LONI) que nous avons visités. Les thématiques étudiées concernent le développement du cerveau, sa plasticité et ses capacités de récupération suite à un accident vasculaire cérébral, les étapes d'apparition de la chorée d'Huntington. Les origines génétiques et/ou épigénétiques de la maladie de Parkinson font l'objet d'un programme de recherche impressionnant mené sous la direction du professeur Marie-Françoise Chesselet dans le centre de recherche dédié à cette pathologie.
Le stockage centralisé des données permet d'améliorer la sécurité des informations, de favoriser les collaborations scientifiques et d'utiliser les outils d'analyse informatique disponibles dans le centre. Les plateformes techniques des centres d'imagerie de UCLA comportent des équipements d'une performance de 3 à 7 Teslas, avec un système combiné TEP- IRM. Le LONI héberge non seulement les données issues du centre d'imagerie local mais également des données provenant du monde entier. Les scientifiques référents contrôlent les autorisations d'accès, et un protocole strict de l'anonymat des personnes a été mis en place. D'après Roger Woods, directeur du " Brain Mapping Center ", la majorité des utilisateurs du " Brain Mapping Center " et du LONI sont des chercheurs académiques financés par le NIH. Étant donné la durée limitée de ce type de financement, le problème de l'archivage et du maintien de la confidentialité des données dans le temps se pose, d'autant que les chercheurs multiplient les systèmes d'archivage parallèles, semble-t-il.
* 33 Mission des Rapporteurs du 9 au 15 octobre 2011.