4. La priorité donnée à l'éducation et au travail
Le développement de la Corée repose toutefois, autant que sur ses dirigeants, sur les qualités de son peuple. Tous les interlocuteurs non coréens que votre délégation a rencontrés ont insisté sur le haut niveau d'éducation des Coréens et sur l'importance donnée au travail dans ce pays.
Dans une civilisation fortement influencée par le confucianisme, la priorité absolue donnée à l'éducation et aux concours a constitué un avantage décisif dès les premiers temps du processus de développement. La Corée partage aujourd'hui avec la Finlande les résultats les plus élevés dans l'enquête internationale PISA menée tous les trois ans par l'OCDE.
Cette priorité résulte de choix politiques et sociaux mais également de la volonté de chaque famille coréenne de fournir à ses enfants les meilleurs atouts possibles pour réussir dans la vie. Tout au long de l'histoire moderne de la Corée du Sud, les parents ont été disposés à consacrer une part importante du budget familial à l'éducation des enfants. Les établissements les plus prestigieux sont très recherchés ; la majorité des enfants suivent des cours particuliers qui accroissent considérablement le nombre d'heures consacrées à leurs études.
Les entreprises ont ainsi pu appuyer leur développement sur des ouvriers et des cadres bien formés, dont le temps de travail est de loin le plus élevé parmi les pays membres de l'OCDE, même s'il tend à se réduire : 2 512 heures par an en 2000, 2 232 heures en 2009 (contre 1 768 heures aux États-Unis, 1 554 heures en France et 1 379 heures en Allemagne) 9 ( * ) .
5. Les limites du modèle de développement coréen
Si la Corée du Sud a démontré la solidité de sa croissance économique par sa capacité à se rétablir relativement rapidement après les crises économiques, on ne saurait ignorer les défis qui se posent à ce pays.
Les grands groupes ont montré depuis les années 1960 leur capacité à répondre aux grands défis du développement, notamment dans les industries lourdes et manufacturières. Toutefois, dans les nouvelles technologies, les innovations de rupture viennent souvent de petites ou moyennes entreprises, dont le tissu économique coréen est très peu riche. Or l'hégémonie des chaebols , qui avait reculé après la crise financière de 1997, semble au contraire se renforcer ces toutes dernières années 10 ( * ) . De plus, alors que le coût très faible de la main d'oeuvre faisait autrefois de la Corée l'un des « ateliers » du monde (le salaire mensuel était inférieur à 100 dollars en 1960), c'est à présent vers d'autres pays du sud-est asiatique que se tournent les grandes entreprises coréennes elles-mêmes pour faire fabriquer leurs produits.
La Corée du Sud, plus encore que les autres pays développés, doit également faire face au défi énergétique. Le pays est le premier importateur de pétrole par habitant.
Le système éducatif coréen lui-même, souvent présenté comme un modèle à suivre par le président des États-Unis Barack Obama depuis une visite à Séoul en 2009, fait localement l'objet de débats importants. Les critiques portent sur le recours massif et coûteux aux cours particuliers et sur l'incapacité supposée du système universitaire à apporter sens de la créativité et pensée critique aux étudiants.
Enfin, la dénatalité très marquée qui caractérise aujourd'hui la Corée pourrait conduire ce pays à définir un nouveau modèle de société dans les décennies à venir : avec un taux de fécondité de seulement 1,19 enfant par femme en 2008 (le plus faible de l'OCDE, contre 2,00 en France), le renouvellement des générations ne pourra être assuré par croissance naturelle.
* 9 Nombre effectif d'heures travaillées par travailleur au cours d'une année, statistiques de l'OCDE (http://stats.oecd.org/Index.aspx?DatasetCode=ANHRS).
* 10 Voir Philippe Pons, « En Corée du Sud, les chaebols gagnent en puissance et étouffent les PME », Le Monde, 10 août 2011.