5. Les institutions muséales
a) Le Centre Georges Pompidou (CNAC)

Le Centre Pompidou, avec le musée national d'Art moderne (MNAM), constitue indéniablement un des acteurs majeurs de l'art d'aujourd'hui en France. Il symbolise aussi la dynamique de l'art contemporain, avec plus de trois millions de visiteurs depuis 2009, mettant à l'honneur des artistes vivants comme Pierre Soulages dont l'exposition fut la quatrième plus forte fréquentation du Centre Georges Pompidou (502 000 visiteurs).

Le soutien à la scène française dans le monde constitue très clairement un objectif majeur pour le Centre Pompidou. Son président estime avoir une responsabilité particulière vis-à-vis de la scène artistique nationale, dont le rayonnement doit s'appuyer tant sur la programmation que sur la politique d'acquisition. Ainsi les expositions temporaires ont-elles récemment valorisé le travail d'artistes tels que Arman, Alain Bublex, Sarkis, Patrick Jouin, Saâdane Afif ou Valérie Jouve.

L'audition des représentants du Centre Pompidou a d'ailleurs permis de voir que malgré tous les témoignages de rejet ou manque de reconnaissance des artistes français, la scène française peut quand même être valorisée à l'étranger lorsqu'on prend la peine de mettre en oeuvre une politique internationale de longue haleine, à l'exemple du musée de Brisbane, en Australie, dont la collection comporte bon nombre d'artistes français. L'appréciation de la place de la France est beaucoup plus complexe et vaste que l'approche réductrice des marchés.

Le Centre Pompidou, dans son action, rencontre également des obstacles qui sont révélateurs de faiblesses pour le marché de l'art en général. En résumé, on peut souligner les points suivants :


• la faiblesse, en France, des collectionneurs privés qui jouent partout dans le monde un rôle majeur ;


• cette particularité française est d'autant plus lourde de conséquences que le budget d'acquisition des institutions est dérisoire au regard des moyens dont disposent les musées à l'étranger. Ainsi avec 2,5 millions d'euros (budget d'acquisition en décroissance de 50 % depuis 4 ans), le musée national d'Art moderne fait pâle figure à côté de la Tate modern ou du MoMA qui consacre chaque année entre 50 et 70 millions de dollars aux acquisitions ;


• à côté de cette concurrence internationale, la scène française subit aussi les effets d'un phénomène de dispersion des efforts, de cloisonnement des acteurs et de manque de cohérence ou de dialogue entre État, institutions culturelles et acteurs privés. On peut ainsi se demander si une plus grande coordination ne serait pas nécessaire dans la politique en faveur de l'art d'aujourd'hui quand on constate que le Palais de Tokyo va avoir pour mission de promouvoir les artistes en milieu de carrière, alors que le Centre Pompidou le fait déjà (Othoniel - Abdel Abeschem). Comment vont s'articuler les efforts respectifs de ces structures ? Pourquoi ce point n'a-t-il pas été réglé alors que le Palais de Tokyo doit achever ses travaux en avril 2012 ?

Le rapport de 2010 du directeur du musée national d'Art moderne, Alfred Pacquement, « La collection du Musée national d'art moderne - État et perspective », dont l'encadré ci-après présente un résumé des principaux enseignements, permet de prendre conscience des enjeux du monde de l'art contemporain, notamment au regard du rôle crucial des acteurs privés pour les collections publiques.

LA COLLECTION DU MUSÉE NATIONAL D'ART MODERNE
ÉTAT ET PERSPECTIVES

La collection du Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle (Mnam/Cci) est le seul ensemble d'oeuvres modernes et contemporaines comparable à celui du MoMA à New York. Elle comprend 63 000 oeuvres, dont des monographies exceptionnelles. Ce rapport relève cependant des lacunes persistantes.

La diversification des collections : jusqu'aux années 1970, l'impasse a été faite sur certains grands mouvements, notamment internationaux, ou certaines disciplines comme la photographie (entrée en 1974).

Disciplines : la diversité des disciplines représentées est devenue exemplaire, le Mnam disposant notamment d'un riche fonds audiovisuel, d'architecture et de design.

Courants : les lacunes historiques sont plus difficiles à combler, le prix des oeuvres ayant nettement augmenté pour atteindre 5 à 10 M €. Le Cnam se tourne donc surtout vers les dons, legs et dations et le marché national.

Le renouvellement des moyens de financement : un budget d'acquisition autonome créé en 1974 a permis d'étendre la collection. Mais ses moyens sont en diminution depuis 20 ans, appuyée depuis 4 ans ; sa dotation annuelle avoisine actuellement 1,5 M €.

Incitations indirectes : les mesures fiscales favorables ont un impact positif sur les acquisitions du Mnam, notamment le système de la dation en paiement et la loi de 2003 sur le mécénat.

La loi sur les Trésors nationaux a eu peu d'effets, puisqu'elle ne concerne que les oeuvres de plus de 50 ans et présentes depuis 50 ans en France.

Dons, les et dations : les artistes ou leurs familles ont fait des apports considérables, dont l'atelier de Brancusi. Ce mode d'acquisition rend les collections du Mnam abondantes mais moins exigeantes que celles du MoMA.

Il se raréfie toutefois, les collections privées étant vendues aux enchères comme celle d'YSL-Pierre Bergé.

Budget d'acquisitions autonome : de 4,5 M € en 2005, il passe à 2,5 M € en 2009 soit la moitié de ce qu'il était en 1990. Le rapport note qu'il est inférieur au budget du CNAP (3 M €), consacré pourtant aux seuls artistes vivants.

Fonds du patrimoine : le MCC peut utiliser ce fonds pour acquérir des oeuvres exceptionnelles, comme le Revenant de Chirico. Mais la dotation du Centre Pompidou est inférieure à 1 M € et réservée à l'art moderne.

Mécénat : les mécènes individuels comprennent quelques familles fidèles. Le mécénat d'entreprise reste limité, mais les associations civiles ont un rôle prééminent : notamment la Société des amis du Mnam et la Centre Pompidou Foundation. Au total le mécénat représentait 5 M € en 2008.

Comparaisons : le Centre Pompidou a acquis en 2009 des oeuvres d'une valeur de 2,6 M €, contre 3 M € pour le FNAC, 6 M € pour le musée d'Orsay et jusqu'à 23,5 M € pour le Louvre. Le MoMA consacre $ 50 à 70 M par an aux acquisitions. Ce budget est constitué de dons défiscalisés ($ 40 à 50 M), de reventes d'oeuvres et de revenus du capital.

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