C. UNE PRISE DE CONSCIENCE TARDIVE, SUIVIE D'UNE IMPORTANTE MOBILISATION

La mauvaise application de la directive s'explique d'abord par une mobilisation beaucoup trop tardive . La France n'avait pas pris conscience des risques de contentieux, ni des délais nécessaires à la mise aux normes des stations d'épuration. De fait, la mobilisation n'est devenue véritablement effective qu'au moment de la première condamnation financière de la France, en 2006 16 ( * ) . Deux vecteurs se sont avérés décisifs pour l'accélération de la mise aux normes des stations : d'une part, le plan Borloo. D'autre part, la 9 ème programmation des agences de l'eau (2007-2012).

1. Le plan Borloo : une coordination des outils financiers et réglementaires

Le plan d'action pour la mise aux normes de l'assainissement des eaux usées des agglomérations françaises, dit « plan Borloo », a été mis en place à l'automne 2007 afin d'achever la mise en conformité des 146 stations les plus importantes.

Il décline des dispositions réglementaires, telles que le renforcement des mises en demeure de l'ensemble des collectivités non conformes, l'obligation de contractualiser avec les agences de l'eau, la nécessité de prévoir un calendrier et un plan de financement précis, la consignation des fonds nécessaires auprès des collectivités récalcitrante s, le blocage de l'urbanisme, les procès-verbaux pour pollution des eaux, ou encore la réduction des primes pour épuration des installations non conformes, couplées aux dispositions financières mises en oeuvre par les agences de l'eau dans le cadre de leur 9 ème programme d'intervention, en particulier la modulation des aides en fonctions des résultats ( cf. infra ).

Dans ce cadre, les services de l'Etat et les agences de l'eau ont prioritairement porté leurs efforts sur les gros ouvrages liés aux contentieux en cours et sont aujourd'hui totalement investis sur les ouvrages de taille moyenne.

Au-delà de ces outils financiers et réglementaires, le plan Borloo a permis une mobilisation de tous les acteurs qui se sont mis à travailler ensemble sur ce dossier pour la première fois. Il s'est notamment traduit par une action conjointe de la police de l'eau, du préfet et des agences de l'eau.

La ministre de l'écologie a présenté le bilan du plan Borloo le 29 septembre dernier. Depuis 2007, 141 stations ont été mises aux normes et les travaux seront terminés avant la fin 2013 pour les cinq dernières stations les plus importantes. La ministre a également annoncé un nouveau cadre d'action pour la politique d'assainissement sur la période 2012-2018, qui représente un investissement de 13 à 14 milliards d'euros . Une première liste de 74 stations de taille moyenne a été identifiée. L'objectif prioritaire consistera à suivre leur reconstruction ou leur modernisation avant fin 2013. Les collectivités devront également s'assurer du maintien dans le temps de la performance de toutes les autres stations et de leurs réseaux de collecte .

Le lancement d'un nouveau plan d'action est positif à plusieurs égards . D'une part, il démontre la prise de conscience du Gouvernement quant à l'urgence de se conformer enfin à la directive sur les eaux résiduaires urbaines. D'autre part, il confirme la dynamique de mobilisation initiée en 2007. Enfin, il contribuera aussi à l'atteinte de l'objectif de bon état écologique des cours d'eau imposé par la directive-cadre sur l'eau ( cf. infra ).

2. Le retard pris dans les programmes d'action des agences de l'eau a été partiellement comblé à travers la 9ème programmation (2007-2012)

Le retard pris dans l'application de la DERU s'explique en partie par la mauvaise anticipation des pouvoirs publics, qui n'ont pas inscrit la mise aux normes des stations d'épuration dans les septième et huitième programmations des agences de l'eau (1997-2001 et 2002-2006). Les investissements n'ont donc pas été prévus à temps, accentuant le retard de cinq ans.

Or, l'accompagnement financier des agences est fondamental pour les collectivités territoriales , dont la plupart rencontrent des difficultés pour financer seules ces investissements très lourds et s'inquiètent du coût de mise en oeuvre de ces mesures.

Le plan Borloo a ainsi prévu l'inscription prioritaire dans la 9 ème programmation des agences de l'eau (2007-2012) de la mise aux normes des agglomérations non conformes. C'est donc seulement à partir de la 9 ème programmation (2007-2012) que l'on a corrélé les financements et les projets, avec la mise en place de mesures coercitives et la conditionnalité des aides . On a ainsi constaté des progrès importants en 2008 et 2009.

Dans ce contexte, les agences de l'eau ont renforcé considérablement les dispositifs incitatifs à la mise en conformité des stations d'épuration des eaux usées aux normes communautaires. Le respect des engagements contractualisés avec les collectivités gestionnaires conditionne par exemple le bénéfice des aides des agences de l'eau.

L'agence de l'eau Adour-Garonne a par ailleurs mobilisé en 2010 un complément d'emprunt à un taux bonifié auprès de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 15 millions d'euros, pour faciliter le financement de la mise aux normes communautaires des stations d'épuration et de la mise en oeuvre des priorités du Grenelle de l'environnement.

Enfin, les financements mis en place par les agences de l'eau dans le cadre du 10 ème programme d'intervention (2013-2018) auront vocation à poursuivre la dynamique engagée.

Un exemple d'action volontariste : les actions menées
dans le bassin Rhône-Méditerranée - Corse

D'une situation moyenne (plus de 200 systèmes épuratoires à mettre en conformité vis-à-vis de la DERU) en 2007, année de début de programme de l'agence, le bassin est passé à une situation encourageante, grâce au travail commun des services de l'Etat et de l'Agence de l'eau.

Les dispositions du 9 ème programme de l'agence de l'eau se sont centrées sur les incitations financières :

- la conditionnalité de la prime épuratoire à la conformité équipement : la prime épuratoire est nulle en cas d'équipement non-conforme. Cette action s'est traduite par une réduction du montant de prime versée aux collectivités, de l'ordre de 12 millions d'euros par an ;

- une dégressivité progressive des aides : le taux initial est de 30 %, puis il est réduit de 5 % par an pour atteindre 0 % en 2012. La date de dépôt du dossier conditionne le taux d'aide ;

- la contractualisation des engagements : en contrepartie de ces contraintes fortes, l'agence s'engageait sur un taux de subvention si la collectivité s'engageait sur un planning réaliste des travaux.

En outre, l'incitation financière des agences de l'eau s'est doublée d'une incitation réglementaire menée par les services de l'Etat :

- actions du préfet coordonateur de bassin à destination des acteurs, notamment des préfets du bassin pour les engager fortement sur la mise en conformité ;

- 290 mises en demeure préfectorales dans les bassins sur les stations d'épuration de plus de 2 000 EH, avec une gradation possible des mesures (blocage de l'urbanisme, consignation de sommes...).

Fin 2010, il restait à financer 48 sites, la majorité des dossiers étant en cours d'instruction. Ces éléments permettent d'envisager une situation globalement positive à la fin de l'année 2011.

La mise en place de la dégressivité financière des aides de l'agence, conjuguée aux actions volontaristes des préfets (mises en demeure, menace de blocage voire blocage de l'urbanisation, réunions de concertation), ont généralement permis de lever les points de blocage, par exemple en Corse. La suppression des primes épuratoires jusqu'à la mise en service des installations s'est révélée très efficace pour les grandes et moyennes collectivités.

Il subsiste toutefois quelques points de vigilance :

- la situation en Corse avec Ajaccio et Bastia, pour lesquelles l'agence n'a pas encore reçu les éléments lui permettant de prendre une décision d'aide. Les travaux n'ont pas débuté et il est à craindre que le délai de mise en conformité ne soit pas tenu ;

- une trentaine de nouvelles stations d'épuration sont déclarées non-conformes chaque année du fait de la vétusté des ouvrages. Il faut donc poursuivre l'effort ;

- une bonne coordination sur l'ensemble de la sphère Etat, entre la police de l'eau et l'agence, est une nécessité pour atteindre l'objectif et éviter les incohérences des discours et des interventions.

Source : Agence de l'eau et DREAL du bassin Rhône-Méditerranée-Corse


* 16 Voir le rapport n° 332 (2006-2007) de Fabienne Keller : « Changer de méthode ou payer : un an après, la France face au droit communautaire de l'environnement ».

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