2. Un concept en débat
a) Les perturbateurs endocriniens sont-ils toujours délétères ?
Le concept de perturbateurs endocriniens, s'il fait consensus, ne fait pas l'objet d'une définition complètement consensuelle.
On peut prendre pour base la définition de Weybridge, au Royaume-Uni, en 1996 , qui est le résultat d'un colloque organisé par la Commission européenne, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) qui joue un rôle essentiel dans la définition des tests de toxicité, l'OMS et l'industrie chimique européenne.
Un perturbateur endocrinien a été défini comme « une substance étrangère à l'organisme qui produit des effets délétères sur l'organisme ou sa descendance, à la suite d'une modification de la fonction hormonale ».
La définition de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) est sensiblement différente : « un agent exogène qui interfère avec la production, la libération, le transport, le métabolisme, la liaison, l'action ou l'élimination des ligands naturels responsables du maintien de l'homéostasie et de la régulation du développement de l'organisme ».
En 2002, l'OMS présentait une définition quelque peu différente : « Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ».
A travers ces différentes définitions, ce qui apparaît clairement, c'est d'une part le point de consensus : la dimension mécanistique du concept de perturbation endocrinienne. A la différence d'une substance toxique qui agit directement, le perturbateur endocrinien agit par le jeu complexe du système hormonal. C'est un mode d'action .
D'autre part, l'enjeu est de savoir si cette perturbation emporte nécessairement des effets délétères sur l'organisme et/ou sa descendance éventuelle. Peut-il exister des perturbations de l'homéostasie qui ne soient pas délétères ? Peut-on définir un seuil ?
Ce questionnement a un impact direct sur la réglementation. Doit-on et comment peut-on éventuellement distinguer les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens des substances devant être interdites car cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques ? De fait, certains perturbateurs endocriniens sont d'ores et déjà interdits car ils sont qualifiés de « CMR ».
b) Les perturbateurs endocriniens, une famille ou des produits et des usages ?
L'autre point important aujourd'hui en débat est de savoir ce que regroupe cette catégorie des perturbateurs endocriniens.
Par souci de simplification, beaucoup de publications, pas seulement dans les médias généralistes, parlent des perturbateurs endocriniens en général et amalgament toutes les substances. Cette vision peut conduire à une sorte de tout ou rien alors qu'il s'agit d'une famille de centaines de produits.
En réalité, tout en conservant la pertinence relative de l'analogie qui est associée au concept de perturbateur endocrinien, il convient de distinguer les produits entre eux. La chimie produisant presqu'autant de molécules qu'il y a d'usages différents, il faut sans doute se garder de considérer dans un seul ensemble tous les phtalates, tous les parabènes, tous les pesticides...
Au-delà des propriétés mécanistiques des produits eux-mêmes, il convient aussi de tenir compte des usages et des expositions . Le produit est-il relargué dans l'environnement ? Par quel processus ? Est-on en contact avec lui ? Dans quelle proportion y est-on exposé ?
Par exemple, il y a une différence entre la doublure plastique du fil électrique qui passe dans une plinthe et un contenant alimentaire susceptible d'être chauffé. La réflexion peut être de même nature pour les revêtements muraux. Pour le plomb, les diagnostics des appartements mettent en évidence la présence ou l'absence mais surtout l'accessibilité au plomb qui peut conduire à une exposition effective.
Dans ce domaine, il faut aussi prendre en compte les expositions professionnelles par rapport à un produit dangereux. Il peut être plus aisé de protéger l'ouvrier producteur et les applicateurs industriels que l'usager même professionnel lorsqu'il s'agit d'un artisan car les mesures de protection peuvent être contraignantes, coûteuses et pas toujours appropriées. C'est notamment le cas des agriculteurs qui utilisent des pesticides sans protection ou insuffisante, car ils n'ont pas à leur disposition tous les éléments pour le faire en toute connaissance de cause.