F. LES RECOMMANDATIONS DE VOS RAPPORTEURS
Les recommandations peuvent varier du tout au tout en fonction des objectifs poursuivis. Ainsi, pour prendre le débat bien connu des familiers de ce dossier sur le choix d'un intercepteur endo-atmosphérique ou exo-atmosphérique, tout dépend en fait de la question posée : que veut-on faire ? S'agit-il de parer une menace militaire, d'aider nos industriels à conquérir de nouveaux marchés, de conforter nos alliances dans le cadre européen ? Alors le choix doit s'orienter naturellement vers un intercepteur endo-atmosphérique. Mais s'il s'agit de préserver sa souveraineté, de ne pas risquer le dévissage technologique et de ne pas risquer un découplage entre la compétence C2 et la compétence balistique, alors il nous faut préférer le choix d'un intercepteur exo-atmosphérique.
Une chose est sûre : poursuivre plusieurs objectifs à la fois est le meilleur moyen de n'en atteindre aucun. Suivre un cap moyen entre deux ports ne nous amènera nulle part. En revanche, il est possible de suivre différents caps à différents moments et de toucher ainsi différents ports. Cela s'appelle tracer une route. Plusieurs routes sont possibles. Celle que vous suggèrent vos rapporteurs est la suivante :
1. Mettre le cap sur la préservation de notre autonomie stratégique et la valeur de notre force de dissuasion
Pour vos rapporteurs, la première priorité consiste à préserver notre autonomie stratégique et la valeur de notre force de dissuasion.
Cette priorité découle de trois objectifs :
• Assurer notre autonomie nationale d'appréciation sur l'évolution de la menace et sur les situations de crise balistique ; cet objectif conduit à se doter de la capacité d'alerte avancée prévue par le Livre blanc ;
• Pouvoir pleinement participer à la conception du futur système de DAMB de l'OTAN, c'est-à-dire à la définition de son commandement et de l'architecture de déploiement ; pouvoir aussi comprendre et connaître le fonctionnement de ce système ; cet objectif nécessite une exacte connaissance de la menace, grâce à l'alerte avancée précédemment évoquée ; il requiert également la compréhension fine de la mécanique de l'interception exo-atmosphérique - là où se joue la défense antimissile des territoires ;
• Assurer la crédibilité à long terme de notre dissuasion nucléaire, en pouvant mesurer les conséquences des nouvelles technologies de l'interception sur les capacités de pénétration de nos forces nucléaires.
Pour toutes ces raisons, il serait souhaitable de garder le cap que nous nous sommes fixés dans le Livre blanc et de tenir sans délai les engagements diplomatiques que nous avons contractés dans les discussions qui ont précédé et suivi le sommet de Lisbonne. Il serait également extrêmement utile de constituer un Centre français de défense antimissile, chargé de coordonner l'ensemble des opérations. Enfin, il faudrait lancer un plan d'études amont (PEA) sur l'interception exo-atmosphérique.
a) Constituer un centre national de la défense antimissile
La défense antimissile est devenue un sujet trop important pour être traité comme un travail supplémentaire par ceux qui s'y consacrent au sein de l'appareil étatique. Il faut une force de travail entièrement dédiée à ce sujet. Le niveau auquel il convient de fixer cette force, sa mission exacte, son organisation et son rattachement doivent être déterminés par l'Exécutif, mais il pourrait s'agir dans un premier temps de quelques dizaines d'experts seulement. L'important nous semble être que ces personnels travaillent à temps plein sur ce sujet. L'idée est de constituer une sorte d'équipe de France de la défense antimissile balistique.
Ce premier pas serait d'un coût modeste. Il permettrait de constituer un lieu d'expertise et d'échanges impartial où les industriels et les experts étatiques pourraient et devraient s'échanger les informations nécessaires à la formation des décisions publiques, sur le modèle du Missile Defense Centre britannique. Ce serait un levier pour multiplier nos efforts.