3. La direction diplomatique : déterminer notre place dans l'Alliance

Pour suivre le cap diplomatique, il est nécessaire de se poser la question du rang que nous souhaitons tenir au sein de l'Alliance atlantique et, au-delà, se demander si l'idée d'une défense européenne a encore quelque consistance.

a) Quel rang pour la France ? Quelle place pour l'Europe ?

Les incertitudes qui pèsent actuellement sur la DAMB ne permettent pas de savoir si le bouclier antimissile qui est en train de se mettre en place sera un bouclier américain étendu à l'Europe ou bien un bouclier de l'Alliance protégeant l'Europe ? La nuance est de taille.

S'il s'agit d'un bouclier américain, sa dimension, sa forme, son efficacité et finalement sa présence ne dépendront très naturellement que des dirigeants américains. L'EPAA a succédé à l'approche de George W. Bush, sans que nous soyons consultés. Elle répond à un besoin de protection que nous n'avons pas formulé. Elle donne le sentiment d'être financée pour l'essentiel par les contribuables américains. Mais les armes mises à la disposition de l'Europe existaient déjà. Ces armes seront-elles déployées pour défendre l'Europe ou pour défendre les Etats-Unis ? Les Européens ne sont-ils pas en train de financer un système de commandement qui aurait vu le jour de toutes les façons et qui n'aurait aucune raison d'être si la défense européenne n'était pas la première barrière de protection du territoire américain ?

Que se passera-t-il demain si les dirigeants américains jugent notre motivation à prendre en charge notre propre défense insuffisante ? Jusqu'à quand les contribuables américains accepteront-ils de financer la protection des Européens ? C'est la question qu'a posée le secrétaire à la défense américain Robert Gates 49 ( * ) . Cette question sera à nouveau posée lors des prochaines élections présidentielles, en novembre 2012. Que fera le prochain Président des Etats-Unis ? Et celui ou celle d'après ? Sur quelles garanties juridiques repose l'EPAA, au-delà des « slides » de la MDA et d'un engagement verbal ?

S'il s'agit vraiment d'un bouclier de l'Alliance, alors nous allons bientôt pouvoir en mesurer la part européenne. Cette part sera égale au poids politique et diplomatique des Européens dans la définition des règles de commandement du C2.

Mais il est à craindre malheureusement que ce soit davantage un bouclier américain qu'un bouclier de l'Alliance . S'il ne fallait présenter qu'un indice, retenons le fait que les Européens sont absents du débat engagé avec la Russie et laissent ce pays discuter en face-à-face avec les Américains, d'une défense qui nous concerne et que nous cofinançons.

Bien entendu, les Européens auront leur mot à dire dans la rédaction des règles d'engagement, du CONOPS et des règles d'interception. Il est probable que des sociétés européennes, seules ou en joint venture avec des sociétés américaines, soient en mesure de remporter les appels d'offres, qui en fonction des décisions qui seront arrêtées fin 2012, auront pour but de sélectionner les entreprises chargées d'écrire le logiciel de la DAMB. Mais la DAMB est un peu comme le poker : il faut payer pour voir.

La voix des Européens sera d'autant plus audible que :

- ils diront la même chose ;

- ils auront des « contributions », qu'il s'agisse de l'alerte avancée ou des effecteurs et de senseurs à brancher sur le C2. Ils peuvent soit apporter ces contributions en nature ; soit les acheter aux industriels américains.

Si les Européens sont divisés, et qu'ils n'ont rien apporté, ni rien acheté que se passera-t-il ? Est-ce que les Américains n'auront pas légitimement tendance à privilégier des règles de commandement protégeant le territoire américain ? Que ferions-nous à leur place ?


* 49 Discours d'adieu de Robert Gates à l'OTAN - « réflexions sur le statut et le futur de l'Alliance transatlantique » prononcé le 10 juin 2011 à Bruxelles disponible sur le site : http://www.securitydefenceagenda.org/Contentnavigation/Activities/Activitiesoverview/tabid/1292/EventType/EventView/EventId/1070/EventDateID/1087/PageID/5141/Reflectionsonthestatusandfutureofthetransatlanticalliance.aspx . Sur les nombreuses réactions que ce discours a suscitées voir en particulier : http://www.bruxelles2.eu/defense-ue/defense-ue-droit-doctrine-politique/le-dernier-missile-de-bob-a-leurope-finie-la-dolce-vita-aux-frais-de-la-princesse-us.html

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