c) Un engagement programmatique limité au C2
Le sommet de Lisbonne a entériné le principe selon lequel une future défense antimissile de l'OTAN destinée à protéger les populations, les territoires et les forces des pays alliés européens reposerait sur la contribution volontaire des nations pouvant apporter les moyens nécessaires.
Il a été également décidé que l'aptitude de l'OTAN à assurer le commandement et le contrôle de cette défense antimissile territoriale s'appuierait sur des améliorations du système de commandement et de contrôle (BMC3I) prévu dans le cadre du programme ALTBMD de défense de théâtre .
Ce choix avait déjà été recommandé à l'occasion du sommet de Bucarest, en 2009, lorsque diverses options de couplage au 3 ème site américain avaient été étudiées. Il a été confirmé au regard de l'EPAA par un rapport de la Conférence des directeurs nationaux d'armement en date de juin 2010.
La solution de deux C2 séparés, l'un pour la défense de théâtre, l'autre pour la défense du territoire, a été écartée pour éviter de dupliquer les efforts et de mener en parallèle deux processus distincts de mise à niveau des mêmes systèmes C2 de défense aérienne.
Par ailleurs, le programme ALTBMD pour la défense antimissile de théâtre permet de satisfaire la majorité des exigences attendues pour la défense antimissile des territoires.
Pour pouvoir réellement doter l'OTAN d'une capacité de défense antimissile des territoires, ce futur C2 OTAN devra nécessairement être relié au système de commandement et de contrôle américain ( US C2BMC - Command, Control, Battle Management and Communications ).
A cet effet, une passerelle d'échange d'information devra être mise en place à la base américaine de Ramstein , en Allemagne, siège du quartier général de la composante Air du commandement stratégique américain en Europe (EUCOM), d'où sera assuré le commandement des moyens déployés dans le cadre de l'EPAA. C'est également à Ramstein que se situe le commandement Air de l'OTAN.
Par rapport au C2 initialement prévu pour le programme ALTBMD - le BMC3I - les exigences supplémentaires à satisfaire pour assumer la fonction défense des territoires visent principalement à permettre au système de diffuser les informations sur la situation, d'assurer les consultations nécessaires et de planifier les conséquences d'une interception et l'ordre de priorité des points ou zones à protéger.
Il faut de nouveau rappeler que le BMC3I initialement destiné à la défense de théâtre, comme le BMC3I amélioré désormais prévu pour les défenses de théâtre et du territoire, ne constitueront pas des systèmes entièrement autonomes et dédiés à la défense antimissile. Ils se grefferont sur le système de défense aérienne de l'OTAN, le NATINADS , pour lui permettre d'assurer une fonction de défense aérienne et antimissile balistique intégrée .
En 2010, les directeurs nationaux d'armement de l'OTAN ont effectué un chiffrage du coût de l'extension du programme ALTBMD à la défense antimissile des territoires. Seule cette extension est éligible au financement commun, c'est-à-dire répartie entre les nations selon leur clef de contribution au budget d'investissement de l'OTAN (11,62 % pour la France en 2011).
Ce chiffrage ne pouvait constituer qu'une estimation imparfaite, dans la mesure où les annonces de déploiement de moyens américains ne sont pas suffisantes pour déterminer l'architecture précise d'une future capacité OTAN de défense antimissile à l'échelle du territoire européen, et que les concepts d'opérations restent à établir.
Avec les hypothèses retenues, le coût estimatif a été établi par les directeurs nationaux d'armement à un montant compris entre 83 et 147 millions d'euros .
Le Secrétaire général de l'OTAN , M. Rasmussen, a pour sa part assez largement arrondi ces montants en évoquant à de multiples reprises un ordre de grandeur de 200 millions d'euros sur 10 ans , à partager entre les 28 Etats membres. Dans de nombreux discours, il a mis en rapport la modestie de cet investissement et l'étendue des bénéfices qu'il procurerait : la protection de 900 millions de citoyens des pays alliés !
Afin de bien comprendre la signification de ces chiffres, il convient de souligner trois points importants.
Premièrement, qu'il s'agisse de 83, 147 ou 200 millions d'euros, ces montants très estimatifs compte tenu des incertitudes pesant sur certaines hypothèses fondamentales, représentent le coût additionnel des fonctionnalités nouvelles à apporter au système de commandement et de contrôle pour la défense de théâtre développé dans le cadre du programme ALTBMD. Il s'ajoute donc au coût de ce programme dans sa configuration initiale, estimé à 833 millions d'euros. C'est donc plutôt de 1 milliard d'euros dont il faut parler, pour un C2 de l'OTAN élargi à la défense antimissile des territoires.
Deuxièmement, ce milliard d'euros représente uniquement le système de commandement et de contrôle . Il n'intègre pas, bien entendu, l'ensemble des moyens à fournir par les nations pour que ce C2 permette réellement à l'OTAN d'assurer la protection des populations et territoires européens. Il faut rappeler que l'étude de faisabilité rendue en 2006 évaluait à 27 milliards d'euros l'investissement nécessaire à une défense complète du territoire des pays alliés européens, non compris les capteurs spatiaux supposés être ceux des Etats-Unis.
Troisièmement, la défense antimissile des populations et des territoires européens ne pourra être effectivement assurée par l'OTAN que si celle-ci mène à son terme le programme ALTBMD dans l'ensemble de ses composantes (basse couche et haute couche). Or ce programme a pris du retard. Les échéances calendaires ont été repoussées. Les investissements à financer demeurent importants puisqu'entre 2005 et 2010, 139 millions d'euros seulement ont été autorisés, sur un total de 833 millions d'euros auquel s'ajoute désormais le coût additionnel des capacités antimissile des territoires.