ANNEXE 3 AUDITION DE MM. GILLES CARREZ, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES FINANCES LOCALES, ET ÉRIC JALON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Réunie le mercredi 6 juillet 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu MM. Gilles Carrez, député, président du comité des finances locales, et Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, sur les perspectives de la péréquation entre les collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis , président . - Je remercie Gilles Carrez, président du comité des finances locales, et Éric Jalon, directeur général des collectivités locales, d'avoir accepté notre invitation.
Si les conclusions du groupe de travail sont devenues celles de la commission des finances du Sénat, elles ne préjugent pas de sa position lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 mais constituent une contribution, élaborée en toute indépendance, au débat auquel participent bien évidemment l'exécutif - la direction générale des collectivités locales remettra un rapport au Parlement et rédigera d'ici septembre un projet d'article législatif - et le comité des finances locales, qui est invité à rendre un avis sur le rapport du Gouvernement. Nous devons également être attentifs aux réflexions d'autres instances : la commission des finances de l'Assemblée nationale qui a confié à Marc Laffineur, devenu depuis ministre, et Jean-Pierre Balligand un rapport d'information dont les premières conclusions ont été rendues publiques le 21 juin dernier ; parmi les associations et syndicats d'élus, je pense notamment à Paris-Métropole et à l'Association des maires ruraux.
A ce jour, nous sommes les seuls à avoir abordé l'intégralité des sujets. Nous avons traité du FPIC (Fonds de péréquation intercommunal et communal) sous tous ses aspects, mais aussi du FSRIF (Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France) et de son articulation avec le FPIC, des potentiels financiers et aussi de la péréquation de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), départementale et régionale. C'est important, car la péréquation horizontale touche tous les niveaux de collectivités territoriales. Il ne faut pas l'oublier lorsqu'on dresse le bilan de ses effets en termes d'aménagement du territoire.
Notre commission a également réussi à traiter les sujets les plus délicats sur un mode non conflictuel et en trouvant des solutions n'opposant pas les différents types de collectivités, ainsi de la question des strates, qui pollue parfois le débat alors qu'elle n'est pas essentielle ou de l'opposition Paris / province. A cet égard, la solution proposée par le groupe de travail, qui intègre et neutralise à la fois les effets du FSRIF par rapport au FPIC, est très originale.
Troisième particularité des propositions de la commission : la simplicité et la transparence. Nous souhaitons aller le plus loin possible dans la définition du potentiel corrigé, pris en compte pour les calculs de la péréquation horizontale - je crois d'ailleurs qu'il y a consensus de tous ceux qui ont réfléchi sur ce sujet. Ces deux objectifs nous ont aussi guidés dans le choix des critères de reversement du FPIC. Le potentiel financier agrégé et le revenu moyen par habitant sont les deux seuls critères qu'il nous semble juste de retenir avec, éventuellement, une pondération par l'effort fiscal. Aller au-delà, intégrer d'autres critères, comme le pourcentage de logements sociaux ou le nombre de places de crèches, nous ramènerait aux disputes interminables sur le bon critère de charges et les notions de bonne ou de mauvaise gestion.
Ce sont enfin les principes de simplicité et de transparence qui nous ont amenés à proposer de donner une place déterminante aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le fonctionnement du FPIC. D'abord parce que, pour l'État, il est évidemment plus simple et moins coûteux d'avoir 2 700 interlocuteurs que 36 000. Ensuite car nous souhaitons rester neutres à l'égard des choix d'organisation institutionnelle des territoires : les intercommunalités doivent assumer pleinement leur fonction de péréquation interne. Certes, toutes ne l'ont pas encore intégré et certaines ont un mode de fonctionnement perfectible, mais notre groupe de travail a prévu des dispositifs de garantie des droits des communes membres.
La commission des finances s'est volontairement limitée à traiter de la péréquation horizontale, entre collectivités. Cela ne veut pas dire que nous n'aurions pas de propositions à formuler sur la péréquation verticale et, plus généralement encore, sur les dotations de l'État, y compris dans leurs composantes forfaitaires. Et cela concerne tous les niveaux de collectivités : bloc communal, départements et régions. La Cour des comptes avait ainsi montré, dans un référé rendu en 2008, l'importance des dotations de « garantie » versées au sein de la DGF des communes : celle de certaines communes comporte plus de 50 % de part « garantie », ce qui, selon la Cour, traduit les avantages acquis au titre de l'histoire de l'attribution de la DGF, alors même que la plupart des communes concernées ne sont pas défavorisées. La ville de Cannes, avec un potentiel financier par habitant de près de 2 000 euros, soit le double du niveau moyen de sa strate, percevait 335 euros par habitant de DGF « garantie » (48 % de sa DGF en 2008) ; les cas de Chamonix ou de Saint-Tropez sont tout aussi étonnants. S'agissant des départements, on constate en 2011 que la dotation de fonctionnement minimale (DFM) des vingt-quatre départements « historiques » est en moyenne de 47,1 euros par habitant, contre 22,1 euros pour les autres départements éligibles, ce qui constitue également une injustice dans les dotations de péréquation verticale versées par l'État. A terme, c'est donc également la péréquation verticale, et l'ensemble du calcul de la DGF, qui devront être revus et les instruments forgés par nos rapporteurs devraient nous permettre de trouver des modalités de répartition des dotations verticales.
De votre audition, nous attendons des réponses. Et d'abord sur le calendrier : l'échéance de septembre sera-t-elle tenue? Ensuite, sur le périmètre du rapport du Gouvernement et de l'avis du comité des finances locales. La question des reversements du FPIC, qui n'a pas encore été abordée par ce dernier, le sera-t-elle ? Mais cela rejoint le sujet du calendrier.
Pourriez-vous nous dire aussi, sur chacune des grandes questions - définition du potentiel financier, des objectifs de montant des prélèvements et des reversements du FPIC, combinaison du FPIC et du FSRIF, fonds de péréquation de CVAE - ce qui vous rapproche et ce qui vous sépare des propositions de la commission des finances du Sénat ? Enfin, quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la disponibilité de simulations avant le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 ? Sur quelles données ces simulations porteront-elles ? Dans le cas où des informations exhaustives ne seraient pas disponibles, pouvez-vous définir des échantillons représentatifs ? Je note que l'absence de simulations nous a aidés à progresser dans la définition des concepts et des principes, à forger des convictions.
M. Gilles Carrez, député, président du comité des finances locales . - Je suis toujours heureux de venir discuter avec vous, surtout sur un sujet aussi important. Depuis plusieurs années, nous avons l'habitude de travailler ensemble au comité des finances locales dont plusieurs d'entre vous sont membres, ou encore dans des commissions mixtes paritaires, l'an dernier encore, qui ont souvent permis de rapprocher nos vues.
Votre document me semble très proche de ce que je sens se dégager au comité des finances locales. Sur la stratification, votre position diverge de celle de mes deux collègues députés, mais je serais personnellement plus proche de celle du Sénat.
Sur le calendrier, comme vous je suis partisan d'amorcer la pompe dès la loi de finances pour 2012.
M. Jean Arthuis , président . - Très bien !
M. Gilles Carrez . - Le fait de ne pas disposer de simulations a facilité l'émergence de certains concepts ; en revanche cela peut réserver des surprises qu'il faudra gérer. Le comité des finances locales se réunit les 12 et 20 juillet pour traiter des reversements et de leurs modalités. Il y a de grandes convergences sur la nécessité de critères simples et peu nombreux, et il y a un profond consensus pour privilégier celui du revenu. Le calendrier devrait donc pouvoir être tenu : le Gouvernement et la direction générale des collectivités locales rédigent le rapport pour le mois d'août ; le projet de loi de finances pour 2012 doit présenter une proposition, étant entendu que nous mènerons le travail d'ajustement au Sénat et à l'Assemblée. Plus le texte du Gouvernement se rapprochera du consensus existant, plus la discussion sera facile.
Pour la simulation, nous avons les états 1259 ; si les chiffres sont stabilisés à 80 % ou 90 %, il nous manque la répartition de la CVAE, laquelle, il est vrai, ne représente que 26,5 % des ressources du bloc communal. Les éventuelles variations par rapport aux états 1259 ne changeront pas fondamentalement les analyses globales, mais seulement ce qui concerne telle ou telle commune. Nous aurons la répartition de la CVAE fin août ou début septembre ; nous rencontrerons alors une difficulté car, une fois que les simulations seront à disposition de nos collègues, commune par commune, nous devrons gérer de rudes réactions lors du débat parlementaire : nous aurons intérêt à être solides sur nos concepts... Mais il me semble que nous avons dès maintenant des idées assez précises.
Le calendrier est compatible avec une mise en place dès 2012. Reste que pour être efficace, il faut être progressif et cheminer lentement. L'échéancier devrait être de 250 millions la première année, 500 la seconde, 750 la troisième...
M. Jean Arthuis , président . - Et un milliard en 2015...
M. Gilles Carrez . - Tout à fait.
Il serait dommage de rater la première marche, celle de 2012 : si nous n'enclenchons pas le dispositif dès l'année prochaine, nous risquons de perdre de vue l' « ardente obligation » que nous nous sommes fixée en réformant la taxe professionnelle. Nous avons voulu lier la péréquation à cette réforme parce que, si nous ne le faisions pas, nous n'y parviendrions pas. Dès lors qu'il y a un bouleversement fiscal, il est bien plus facile de faire avancer cette idée de péréquation. Il faut donc amorcer le mouvement dès 2012.
Sur la consolidation, je suis tout à fait d'accord avec ce que propose le document : consolidation géographique, avec le potentiel financier agrégé, et prise en compte du maximum de recettes - nous serons moins critiquables si nous prenons tout parce que les effets pervers seront ainsi amortis. Cependant, il importe, dans une approche consolidée, de bien distinguer l'aspect prélèvement de l'aspect redistribution.
Je n'ai pas de divergence sinon sur la dotation d'intercommunalité, qui obéit à 85 % à des critères de péréquation et qui est assez volatile. N'aurait-on pas intérêt, au moins dans un premier temps, à l'exclure des ressources prises en compte ? Pour le reste, je suis d'accord pour prendre en compte la totalité de la DGF et les recettes fiscales non affectées. Cela écarte le versement transport ou la taxe d'ordures ménagères ; on peut s'interroger sur la taxe de séjour, mais l'enjeu n'est pas considérable...
Pour le prélèvement, se pose la question de la répartition EPCI et communes. Le prélèvement, c'est l'EPCI : il est calibré en fonction de l'écart par rapport au potentiel financier des autres territoires. Ce prélèvement donnera une somme qui sera répartie entre l'EPCI et les communes parce que, dans le potentiel financier consolidé, il y a beaucoup de recettes fiscales qui sont communales - la taxe sur les casinos par exemple. Si on ne prend pas en compte la richesse communale, on risque de créer des avantages excessifs et de prendre beaucoup à des communes pauvres dans une intercommunalité où il y en a de plus riches, et inversement. Il faudrait prendre des échantillons. S'il y a unanimité, on fait confiance, on accepte ; après, une majorité qualifiée, sera nécessaire ; enfin, la loi prévoira quelque chose mais, pour y voir clair, nous n'avons pas encore les éléments nécessaires.
M. Jean Arthuis , président . - Le prélèvement s'opère au niveau intercommunal et le reversement au bénéfice de l'intercommunalité : la commune particulièrement riche sera mise à contribution.
M. Gilles Carrez . - Vos collègues proposent un prorata : si la commune la plus riche représente 30 % du total, on lui applique 30 % du prélèvement. Nous amortissons par nos raisonnements moyens l'extrême diversité entre communes. Si notre proposition aboutit ne serait-ce qu'à une centaine de cas aberrants, on ne parlera que de cela, et cela nuira à la crédibilité d'un travail de qualité.
Je suis pour la stratification : pour que le système marche, il doit être accepté et la non-stratification est inacceptable pour les grandes villes. Mieux vaut partir avec la stratification puis moduler ensuite, plutôt que risquer un blocage dès le départ. En revanche, je suis moins convaincu par votre proposition d'une stratification pour le reversement. Je suis tout à fait d'accord sur le fait de ne pas avoir d'effet de seuil, dans un système où on peut contribuer et recevoir. Certains souhaiteront peut-être qu'on réintroduise un peu de logement social. Je suis très hésitant...
M. Jean Arthuis , président . - Le logement social est exclu des critères !
M. Philippe Dallier . - Voilà !
M. Gilles Carrez . - Très bien ! Vous aurez mon soutien à l'Assemblée nationale car ce qui compte, c'est la situation des habitants, pas le statut du béton. Dans une ville, le pourcentage de la population exonérée de taxe d'habitation n'est pas corrélé au nombre de logements sociaux. Quand il y a beaucoup de petits propriétaires, il peut être supérieur à celui d'une ville voisine où les logements sociaux sont nombreux. Le critère du revenu est le meilleur.
Par ailleurs, le pouvoir d'achat, le reste-à-vivre, une fois payés les frais fixes est meilleur à Clermont-Ferrand qu'en région parisienne où les salaires sont peut-être plus hauts mais le logement et les transports beaucoup plus chers.
M. Jean Arthuis , président . - Ce sont peut-être les épargnants de Clermont-Ferrand qui ont investi dans le logement en région parisienne...
Mme Nicole Bricq . - Et le Scellier !
M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales . - Nous convergeons sur de nombreux points. Un premier motif de satisfaction est que vos travaux ont validé l'idée, qui n'existait pas il y a un an, de faire du potentiel financier agrégé l'outil de mesure de la richesse à l'échelle des intercommunalités et de leurs communes membres, et d'en faire le fondement de la péréquation horizontale. Vous proposez de distinguer entre un potentiel financier « de base » qui servirait pour la péréquation verticale, et un potentiel financier « corrigé » à utiliser pour la péréquation horizontale. C'est assez proche de nos réflexions puisque nous avons soumis au comité des finances locales trois scénarios de potentiel financier agrégé pour la péréquation horizontale : l'un avec un potentiel fiscal nouveau et la dotation forfaitaire des communes, le deuxième avec le potentiel fiscal nouveau et la totalité de la DGF des communes ; le troisième avec le potentiel fiscal nouveau, la totalité des DGF des communes et les dotations d'intercommunalité. Notre démarche est donc proche de la vôtre.
Nous avons quelques écarts techniques sur le contenu du panier de ressources susceptibles de constituer ce potentiel fiscal nouveau. Comme vous, nous proposons d'exclure la TEOM, la taxe de séjour, les recettes des amendes de police, parce que ce sont des ressources affectées. Pour la même raison, nous écartons les taxes d'aménagement. Pour le passage du potentiel fiscal au potentiel financier, nous n'avions pas, a priori, proposé d'intégrer les versements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), pour ceux qui ne sont pas déjà intégrés dans la garantie individuelle de ressources, parce que cela supposerait de recenser précisément les attributions auxquelles procèdent les conseils généraux, et de s'assurer que tous appliquent bien les mêmes règles dans les calculs et versements aux fonds départementaux. Or, c'est impossible si l'on veut respecter le calendrier prévu. De plus, l'enjeu est limité puisqu'on parle de 400 millions sur un panier de recettes de 67 à 73 milliards d'euros.
Il y a encore débat, au sein du groupe de travail, sur la dotation de péréquation verticale - certains élus craignant des effets de neutralisation - comme sur les dotations d'intercommunalité : il sera difficile, au moins jusqu'en 2014, de les intégrer car, pendant cette période où les intercommunalités changeront de périmètre, cela supposerait soit de prendre les dotations de l'année n en effectuant la répartition à la fin du premier semestre au mieux, soit de recalculer celles de l'année n - 1 selon les périmètres de l'année n.
L'articulation entre FPIC et FSRIF est la question la plus compliquée. Le groupe de travail en traitera sans doute lors de ses réunions de juillet. La première des deux principales options consiste en une simple superposition des deux mécanismes, c'est-à-dire qu'on ferait fonctionner leur répartitions de manières indépendantes, sous réserve de s'assurer que cela n'aurait pas pour effet de restreindre les ressources des collectivités concernées au point d'entraver leur libre administration. En 1991, lorsque le FSRIF avait été mis en place, le Conseil constitutionnel avait considéré le mécanisme de plafonnement comme une garantie. Dès lors qu'on aurait deux dispositifs avec un mécanisme de plafonnement, resterait à décider - et ce serait compliqué - lequel serait prioritaire.
L'autre option serait de faire fonctionner successivement chacun des deux dispositifs.
M. Charles Guené . - Voilà !
M. Eric Jalon . - On prendrait en compte dans le potentiel financier agrégé des collectivités d'Ile-de-France, pour calculer leurs prélèvements et leurs reversements au titre du Fonds national, ce qu'elles ont déjà donné ou reçu au titre du FSRIF. C'est plutôt vers cette option que l'on se dirigerait.
Vous posez aussi la question d'un dispositif « parachute » ou « à l'allemande » qui assurerait à chaque collectivité un niveau de ressource égal à 60 % ou 70 % de la moyenne. Cela changerait plus en profondeur la physionomie du FSRIF. Nous ne sommes pas fermés à l'idée d'y travailler, mais je ne suis pas sûr que cela soit accessible dès la loi de finances 2012.
M. Philippe Dallier . - Les propositions de Paris-métropole sont plus compliquées !
M. Eric Jalon . - La troisième question est celle des prélèvements. Nous convergeons sur l'essentiel. Le ministre chargé des collectivités territoriales ne souhaite pas différer à 2013 le démarrage du dispositif. La montée en puissance sera linéaire, par paliers : 250 millions d'euros, 500, 750, puis 1 milliard. Le principe d'un prélèvement par répartition signifie que l'on fixerait la cible en valeur absolue et non en pourcentage, et que l'on répartirait ce prélèvement selon un système de points en fonction d'un écart à la référence, de manière à lisser les effets de seuil. Reste à définir ce seuil.
Sur la question des strates, nous avons présenté trois scénarios : non-stratifié, à quatre strates - scénario qui a été écarté - et à six strates. Comme vous, nous préférons un mécanisme stratifié, plus équilibré en termes de contribution par habitant.
Plusieurs scénarios également s'agissant du nombre des contributeurs : un tiers de contributeurs (assiette que le ministre juge trop limitée), 50 % ou 75 %. La dernière option paraissant insuffisamment discriminante, l'hypothèse privilégiée s'établirait autour de 50 % ou 60 % de contributeurs.
Faute de simulations, je serai prudent sur les reversements. Nous partageons a priori vos propositions sur l'indice synthétique : potentiel financier agrégé, revenu par habitant et une partie d'effort fiscal, pour tenir compte de ce qui a été fait en termes de sollicitation fiscale avant la réforme de la taxe professionnelle.
Nous prenons note avec intérêt de votre proposition de répartition des reversements entre intercommunalités et communes membres : accord unanime, accord majoritaire ou, à défaut, fixation de la répartition par la loi. Je suis plus dubitatif sur la pertinence de mécanismes distincts pour ruraux et urbains, car ce qui est possible pour une centaine de départements devient beaucoup plus compliqué avec 2 600 intercommunalités.
D'ici fin juillet, nous achèverons nos travaux de simulation sur les prélèvements, les reversements et sur le FSRIF. Nous avons fait devant le comité des finances locales une présentation agrégée des scénarios de prélèvements, et tenons à votre disposition les simulations par bloc local, ainsi que de la répartition entre l'EPCI et ses communes membres. Nous avons aujourd'hui les résultats individuels de ces simulations avec, sur la base des états 1259, une répartition de la CVAE résultant de la loi de finances pour 2010. Nous attendons fin août ou début septembre une répartition sur la base de la loi de finances initiale 2011.
Fin juillet ou en août, à défaut de consensus au sein du groupe de travail du comité des finances locales, nous proposerons à l'arbitrage du ministre ce qui sera la proposition du Gouvernement : le projet de loi de finances comprendra bien un projet de fonds de péréquation communale et intercommunale. Nous rédigerons simultanément le rapport du Gouvernement, que nous transmettrons avec ses annexes au comité des finances locales courant septembre, en même temps que le PLF. Enfin, à l'automne, nous poursuivrons avec vous la discussion du budget avec des simulations actualisées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - D'accord pour dire qu'il faut prendre en compte un maximum de recettes pour la consolidation, et que le critère du revenu est sans doute le meilleur, j'attire cependant votre attention sur le prélèvement sur les jeux. C'est une compensation pour les communes qui accueillent une importante population saisonnière et assument des charges qui n'ont pas à incomber aux résidents. Il serait injuste de prendre en compte la taxe casino dans le calcul du revenu ! François Trucy tiendrait le même raisonnement que moi s'il était présent.
M. Jean Arthuis , président . - Il faut bien distinguer l'ancienne taxe sur les jeux des deux dotations de dix millions d'euros instaurées par la récente loi sur les jeux en ligne, aubaine pour les villes sièges de casinos et d'hippodromes, et qui doivent, elles, être prises en compte dans le calcul de la richesse.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Absolument. Je ne visais que la première, qui tend à compenser les efforts que font les communes concernées pour accueillir la population saisonnière. Je suis directement concernée !
M. Jean Arthuis , président . - Difficile de prendre en compte tous les cas particuliers... Comment traiter la taxe sur les remontées mécaniques ?
Mme Nicole Bricq . - Vous intégrez le FNGIR dans la notion de potentiel financier, et dites prendre en compte l'effort fiscal des intercommunalités ainsi que leur situation avant la réforme de la taxe professionnelle. Or le FNGIR, parce qu'il gèle une situation, pénalise les intercommunalités qui étaient très intégrées avant la réforme. La notion d'effort fiscal permettra-t-elle de gommer cet effet, qui déforme le potentiel financier ?
M. Gilles Carrez . - Le FNGIR est le résultat direct d'une modification de la recette fiscale. Il est donc normal qu'il soit pris en compte, à l'instar de la compensation de la part salaire de la TP. Je ne vois pas de relation entre son montant et l'effort fiscal.
Mme Nicole Bricq . - Si, car on traite toutes les intercommunalités de la même manière, qu'elles aient été très intégrées ou non !
M. Philippe Dallier . - S'agissant de l'articulation entre le FPIC et le FSRIF, la proposition du Sénat a l'avantage de lever la crainte d'un effet « double lame » : d'abord le FSRIF, avec sa moulinette, puis prise en compte de la contribution ou de la recette donnée par le FSRIF avant de tomber dans la moulinette nationale du FPIC.
M. Jean Arthuis , président . - Comme si l'Ile-de-France était une intercommunalité qui réglait d'abord ses problèmes en interne !
M. Gilles Carrez . - Je ne le vois pas comme ça. Prenons le cas d'une commune isolée (elles le sont pour la plupart) qui contribue largement au FSRIF. Elle paye d'abord sa contribution au FSRIF, puis au fonds national. On soustrait alors du calcul de ses ressources le prélèvement consenti pour le FSRIF. Il y a bien deux lames : d'abord le FSRIF, ensuite le fonds national.
M. Philippe Dallier . - Mais on ne comptabilise pas deux fois une recette qui se serait évaporée ! Paris-Métropole a la même logique : on rééquilibre d'abord les choses entre nous ; ensuite, on se soumet à la même règle au niveau national.
M. Gilles Carrez . - Paris-Métropole a formulé des propositions intéressantes. Je me suis néanmoins interrogé sur la péréquation de niveau national, réservée aux seules intercommunalités. La position des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) me semble ne pouvoir être que temporaire : quand l'intercommunalité sera généralisée sur l'ensemble du territoire, ils ne pourront rester ainsi en suspension !
M. Philippe Dallier . - Je préfère les propositions du Sénat sur le FSRIF à celles de Paris-Métropole, car elles nous font rentrer dans le cadre général, et mettent les communes isolées sur le même pied que les intercommunalités.
M. Gilles Carrez . - Il y a une double lame, mais pas un double compte.
M. Jean Arthuis , président . - Et la lame « nationale » est moins brutale, puisqu'il y a déjà eu un prélèvement !
M. Denis Badré . - On tient compte des efforts consentis avant.
M. Gilles Carrez . - Il est important que le FSRIF intervienne en premier.
M. Charles Guené . - On reste dans une logique globale d'appréciation de la richesse consolidée.
M. Éric Jalon. - Admettons que le seuil de prélèvement au dispositif national est de 100. Une commune isolée d'Ile-de-France dont l'indice est de 140 subit un prélèvement FSRIF qui le fait passer à 120 : c'est sur cette base-là que sera calculée sa contribution au fonds national.
M. Philippe Dallier . - Tout à fait !
M. Jean Arthuis , président . - Nous progressons, je m'en réjouis.
M. François Marc . - Je salue la présence de Gilles Carrez parmi nous et me réjouis que le journal « Les Echos » consacre une pleine page à son dernier rapport, qui souligne bien que les entreprises du CAC 40 paient beaucoup moins d'impôt sur les sociétés que les PME !
M. Gilles Carrez . - Le rapport est plus nuancé que le titre de l'article...
M. Jean Arthuis , président . - Nous aurons ce débat.
Mme Nicole Bricq . - Nous l'avons déjà eu !
M. François Marc . - « Il faut agir sans attendre », dit-il. Vous pourrez vous inspirer de notre proposition de loi, débattue en séance le 28 avril dernier !
M. Jean Arthuis , président . - C'est réducteur...
M. François Marc . - Il faut bien se réjouir des bonnes nouvelles...
La péréquation, cela fait des années qu'on en parle, sans jamais rien faire. Il faut profiter de la réforme de la taxe professionnelle, dites-vous. Mais depuis les lois Raffarin, nous attendons, en vain, une loi d'orientation sur la péréquation ! Le FPIC ne pèse que sur 2 % de la richesse des collectivités. Au lieu de faire de la belle dentelle, va-t-on enfin avancer, et prendre en compte les véritables écarts entre collectivités territoriales ?
Les strates ont des avantages comme des inconvénients. Avez-vous envisagé de vous inspirer du modèle de majoration de la population, utilisé pour le calcul de la dotation de base dans le cadre de la DGF, et qui permet de lisser les allocations ?
M. Éric Doligé . - L'autonomie financière des collectivités n'est pas écornée, contrairement à l'autonomie fiscale. Une commune peut être très riche, mais ne pouvoir prélever d'impôt !
M. Pierre Jarlier . - On raisonne à partir de deux potentiels financiers : de base et corrigé, après péréquation. Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) deviennent une dotation d'État, sans règle d'affectation. Or, ils font partie des recettes des communes. L'instauration de strates pose la question des effets de seuil ; le potentiel financier augmente d'abord rapidement, puis moins vite : pouvez-vous nous donner des éléments de calcul sur le potentiel financier agrégé ?
M. Gilles Carrez . - François Marc est injuste. La réforme constitutionnelle de 2003 a consacré le principe de péréquation. Dès 2004, nous nous sommes attelés à la péréquation verticale. Jean-Claude Frécon, membre du comité des finances locales, peut en témoigner : nous avons doublé la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, et cela n'a pas été pas facile !
La péréquation horizontale, il est vrai, n'existait qu'en Ile-de-France, depuis la loi de 1991. Là, pour la première fois, on bouge : la péréquation des DMTO des départements a permis de redistribuer 440 millions d'euros en 2011 ! Nous amorçons un mouvement fort.
Mme Nicole Bricq . - Notre problème, c'est l'articulation entre péréquation horizontale et péréquation verticale, qui fait partie de la solidarité nationale.
M. Jean Arthuis , président . - La péréquation horizontale ne peut donner l'illusion que l'on a réglé le problème.
M. Gilles Carrez . - Absolument. La péréquation horizontale ne signe pas l'arrêt de la péréquation verticale.
M. Jean Arthuis , président . - Il faudra revoir la question, en prenant appui sur les indicateurs mis au point par nos collègues. Tout le monde ne peut être gagnant : c'est comme ça qu'on met en danger les finances publiques ! Il y aura forcément des perdants : ceux qui ont été trop longtemps gagnants de manière illégitime !
M. Éric Jalon . - Cette année, les dotations de péréquation, DSR et DSU, ont connu une hausse de 6 %, financée par l'écrêtement du complément de garantie. Les communes les plus riches ont été fortement écrêtées, au bénéfice de la péréquation verticale. Les redéploiements sont à l'oeuvre.
Il est vrai que la notion de potentiel fiscal perd un peu de sa pertinence. Pour les communes et intercommunalités, 85 % des ressources de l'ancienne taxe professionnelle ont toutefois été remplacées par des ressources modulables. D'où l'introduction de la notion d'effort fiscal.
S'agissant des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, je souhaiterais, sans faire de provocation, que l'on consulte les présidents de conseil généraux sur leurs pratiques de redistribution, car celles-ci varient d'un département à l'autre. Je ne suis pas certain qu'il faille les harmoniser, dès lors qu'elles font l'objet d'un relatif consensus, et que les sommes en jeu sont relativement limitées.
M. Jean Arthuis , président . - Nous en reparlerons. Les présidents de conseils généraux doivent accepter de bouger, sans quoi tout se bloque. Si l'on n'accepte pas l'esprit de réforme, ce pays va succomber.
Je remercie Gilles Carrez et Eric Jalon. Leurs propos sont encourageants pour la mise en oeuvre des conclusions adoptées par la commission des finances. C'est une première étape, le début de la péréquation horizontale. Il va désormais falloir évaluer la péréquation verticale, au regard de l'idée que nous nous faisons de l'équité.