D. LA TRANSFORMATION TERRITORIALE

1. La coopération intercommunale

Tout plaide pour constater son enrichissement.

a) Éléments statistiques

En 1990, nous comptions en métropole 9 communautés urbaines, 214 districts et 18 058 syndicats (dont 14 596 à vocation unique), 9 syndicats d'agglomération nouvelle.

En 2011, il existe 2 599 EPCI à fiscalité propre, regroupant 35 041 communes pour une population totale regroupée de 58,8 millions d'habitants 223 ( * ) .

Sur ces 2 599 EPCI, 1 320 pratiquent la fiscalité professionnelle unique, totalisent 18 212 communes regroupées pour une population de 47,6 millions d'habitants.

Le tableau suivant retrace, de 1993 à 2010, l'évolution des groupements à fiscalité propre 224 ( * ) :

Groupements
à fiscalité propre

Communes regroupées

Population regroupée
(en milliers d'habitants)

1993

466

5071

16100

1994

866

8973

21800

1995

1102

11516

24600

1996

1235

13566

27300

1997

1446

16240

29900

1998

1577

17760

31800

1999

1678

19128

34000

2000

1845

21347

37100

2001

2000

23497

40300

2002

2174

26870

45100

2003

2360

29754

48800

2004

2461

31426

50700

2005

2524

32308

52100

2006

2573

32923

53300

2007

2588

33413

54200

2008

2583

33636

54600

2009

2601

34166

56400

2010

2611

34774

57900

Source : DGCL

Depuis 2006, voici l'évolution constatée du nombre de groupements de communes à fiscalité propre 225 ( * ) :

Au 1 er janvier

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Communauté urbaine

14

14

14

16

16

16

Communauté d'agglomération

164

169

171

174

181

191

Syndicat d'agglomération nouvelle

6

5

5

5

5

5

Communauté de communes

2389

2400

2393

2406

2409

2387

Nombre d'EPCI à fiscalité propre

2573

2588

2583

2601

2611

2599

Nombre total de communes

32923

33413

33636

34166

34774

35041

Population totale regroupée
(en millions d'habitants)

53,3

54,2

54,6

56,4

57,9

58,8

dont à TPU :

Nombre de groupements

1162

1200

1224

1263

1302

1320

Nombre total de communes

15145

15859

16336

16970

17732

18212

Population totale* (en millions d'hab.)

40,9

41,8

42,4

44,3

46,4

47,6

Sources : DGCL, Insee Recensements de la population

* Population totale en vigueur au 1 er janvier de chaque année, des communes composant les groupements

Nous observons une croissance continue du nombre de communes se retrouvant dans un EPCI à fiscalité propre et au cours de l'année 2009, 125 communes isolées ont adhéré à des groupements existants (304 en 2008). Soyons certains que la loi du 16 décembre 2010 permettra une recomposition de la carte intercommunale. Concernant leur poids économique, les EPCI à fiscalité propre ont vu leurs dépenses réelles d'investissement évoluer au cours des six dernières années de la manière suivante :

Dépenses d'investissement des EPCI à fiscalité propre :

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Dépenses réelles d'investissement

6,73

8,08

8,34

9,78

9,68

9,45

Hors remboursements

5,42

6,65

6,91

8,24

8,10

7,91

(en milliards d'euros) 226 ( * )

Ces chiffres peuvent être comparés avec ceux des années 80 :

1980

1981

1982

1983

1984

1988

1989

Investissement 227 ( * )

16,2

20,5

24,6

26

28,4

43,9

44,4

Équipement

10,9

14,5

17,1

18,3

20,2

27,8

28,4

(en milliards de francs)

Si l'on additionne les comptes des communes et de leurs groupements à fiscalité propre, l'évolution des dépenses d'investissement donne les chiffres suivants :

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Dépenses réelles d'investissement

33,23

35,44

37,22

41

38,56

39,17

Dépenses d'investissement
hors remboursements

25,43

27,30

29,72

33,55

31,37

32,03

(en milliards d'euros) 228 ( * )

Notons également que l'épargne nette de ce groupe d'organisations a été de 7,58 milliards d'euros en 2009 (5,42 en 2005 ; 6,82 en 2006 ; 6,36 en 2008) 229 ( * ) .

b) La dynamique de coopération

Elle existe incontestablement mais c'est un mouvement complexe et diversifié qui allie diplomatie et fermeté.

(1) Un mouvement complexe et diversifié230 ( * )

Nous avons des communautés qui réunissent moins de 5 communes, d'autres qui en comptent plus de 20 ; qui comptent moins de 5 000 habitants, d'autres plus de 20 000. 231 ( * )

Certaines correspondent à un canton (surtout dans l'Ouest), d'autres ont un périmètre inférieur au canton. Certaines sont « à cheval » sur deux ou plusieurs cantons, et même sur plusieurs départements voire sur deux régions.

43 départements totalisent moins de 10 communes isolées, 13 plus de 40.

Le rythme de la coopération varie : entre le 1 er janvier 2006 et le 1 er janvier 2010, 16 départements ont vu le nombre de communes isolées diminuer de plus de 40 communes 232 ( * ) ; dans 23 autres, il a été inférieur à 5.

Dans 59 départements, une majorité de communautés a plus de 10 000 habitants. Si le Grand-Ouest se remarque par une forte coopération, l'Île-de-France, quoique région particulière, souffre d'un déficit de coopération communale : les Yvelines, avec 122 communes isolées ; la Seine-et-Marne, avec 56 233 ( * ) . N'y a-t-il pas dans certains cas de nouveaux rapports à tisser entre communes, départements et région ?

Le mouvement de coopération continue de progresser : 1 870 communes isolées au 1 er janvier 2006 ne le sont plus au 1 er janvier 2010. Le dispositif mis en place par la loi du 16 décembre 2010 devrait favoriser ce processus ; encore faut-il espérer que la logique de progrès l'emporte sur la logique défensive.

Signe positif : le nombre de fusions est en nette progression. En 2010, elles ont concerné 395 communes, 16 communautés et 1 592 635 habitants. 234 ( * )

(2) Un mouvement qui demande diplomatie et fermeté

Le temps de l'intercommunalité dans sa création et son fonctionnement est un temps long, très différent du temps municipal. Il suppose beaucoup de pédagogie pour évacuer les faux problèmes et les fausses controverses, faire reconnaître l'intérêt communautaire, faire comprendre que loin d'affaiblir, la coopération étend le champ d'intervention, de compétences, de décisions des représentants des petites communes 235 ( * ) . Elle peut apporter des services que l'État - ou une commune seule - n'est plus à même d'assumer.

Un sujet mérite attention : l'intercommunalité n'entraîne pas ipso facto la disparition de la commune. À ses promoteurs, dans la concertation, de définir le contenu des pouvoirs du maire.

Au nombre de ceux-ci, et à titre d'exemple, doit figurer le pouvoir de signer les actes d'urbanisme (permis de construire, permis de démolir...).

La gouvernance d'un EPCI diffère de celle d'un conseil municipal par le nombre d'élus, leur diversité d'appartenance communale, les rapports avec l'administration, la nature des délibérations. Elle demande concertation, entretiens, visites, information, écoute...

Un conseil municipal se gouverne avec une majorité, un conseil communautaire demande la recherche du plus large rassemblement.

Si la coopération va de soi intellectuellement, si elle est nécessaire, eu égard à notre « paysage communal », elle n'est pas un long fleuve tranquille.

Il faut parfois beaucoup de courage à l'élu pour faire avancer un dossier difficile, conflictuel, impopulaire, qu'il concerne l'élargissement du périmètre intercommunal, la politique du transport, de solidarité financière, d'accueil des gens du voyage, ou encore le traitement des déchets et des ordures ménagères.

Bien souvent, « la discrétion présidentielle » sera un atout pour gérer une capacité consensuelle, conforter le pouvoir, la renommée du maire.

Citons deux sujets sensibles et exemplaires, avec d'importantes conséquences.

Les communautés ont eu la faculté de mettre en place une taxe professionnelle à taux unique. Le sujet n'est pas simplement fiscal et financier : certes, il faut s'accorder sur la durée de transition pour aller vers un taux unique, se mettre d'accord sur les critères de répartition de la dotation de solidarité. Voilà des sujets qui enrichissent la capacité de compréhension et de négociation.

Mais, bien souvent, il faudra aller au-delà et toucher à l'aménagement du territoire, étendre telle zone d'activité attrayante, fermer telle autre, coûteuse et vide, réorienter géographiquement le programme local de l'habitat...

Au nombre des apports, de la richesse de la coopération, il existe une culture de négociation, de développement, de dépassement des frontières particulièrement utile.

Second sujet tout aussi sensible : la mutualisation.

La mutualisation (entendons un service ou une activité placés sous une autorité hiérarchique partagée) concourt à doter nos communes et nos communautés d'outils en correspondance avec leurs objectifs. Ce processus demande lui aussi clarté et confiance.

Il peut compromettre le cours de la coopération du fait des enjeux politiques qu'il déclenche, des difficultés de management qu'il crée, des conflits de pouvoirs qu'il engendre. L'absence de culture commune peut susciter des tensions.

Le temps et la sagesse résoudront ces embarras et ces oppositions car nous sommes, d'une manière générale, dans une période de construction et vouloir tirer immédiatement des économies ne semble pas réaliste 236 ( * ) .

Ce qu'il faut saluer, appuyer, développer ce sont les orientations prises.

Une récente étude de l'ADCF porte sur la mutualisation des services à partir d'études de cas 237 ( * ) . Elle montre - sans surprise - la diversité des situations. Dans certains cas, ce sont tous les services qui sont mutualisés : communautés de communes de Charny, Reims-Métropole, Strasbourg, Verdun. Ailleurs, ampleur et fonctions varient à l'extrême : ici, ce peut être réduit à l'informatique ; là, ce peut être l'ensemble des services techniques ; ici, il peut y avoir une direction générale commune, un cabinet commun ; là, nous pouvons retrouver le service du droit des sols, des marchés publics, de l'information, de la communication, de la culture, des archives, du patrimoine, de la police municipale, des ressources humaines, du déplacement, de l'eau et de l'assainissement, des fêtes et manifestations, des relations internationales...

Une fois de plus, nous voyons opérer la diversité : celle de la forme, de la thématique, du degré d'intégration...et des motivations.

Preuve est apportée de la nécessité de la souplesse législative, réglementaire et de l'extrême importance de la responsabilité politique dans la construction des convergences.

Dans une partie de l'opinion, des critiques ont été exprimées sur le mode d'élection des conseillers délégués. Ils ne seraient « pas élus au suffrage universel ». Ils le sont, mais au suffrage universel indirect.

La solution aujourd'hui retenue - élection par fléchage - constitue une bonne solution : rien ne serait plus néfaste à la coopération intercommunale que de voir siéger en son conseil une représentation communale adverse de la majorité du conseil municipal.

La procédure retenue reste une voie moyenne et il n'est pas interdit d'imaginer un régime différent, plus intégré là où la coopération est plus avancée, correspondant à un véritable bassin de vie aux frontières internes moins affirmées.

Mais, d'une manière générale, nous devons rechercher à faire correspondre légitimité et authenticité, légitimité politique et authenticité des compétences, des utilités, des moyens.


* 223 Par population totale (légale) on entend la population municipale (personnes résidant dans la commune, les personnes détenues dans un établissement localisé dans la commune, les sans-abri recensés et les personnes ayant une habitation mobile) et la population comptée à part (étudiants dont la résidence familiale est sur une autre commune, personnes résidant dans un établissement de moyen ou de long séjour, retraités, malades, militaires, religieux...).

* 224 Par groupement à fiscalité propre, il faut entendre les intercommunalités dont le financement est assuré par le recours à la fiscalité directe locale (fiscalité professionnelle unique : ex. TPU - et fiscalité additionnelle).

* 225 « Les collectivités locales en chiffres 2011 », DGCL, p. 21.

* 226 Op cit., p. 59.

* 227 Investissement : équipement brut et remboursement de la dette. Cf. « Les collectivités locales en chiffres », DGCL, 1992, p. 46.

* 228 Op. cit., DGCL, 2011, p. 61

* 229 Par épargne nette il faut entendre l'épargne de gestion (recette de gestion moins dépenses de gestion) diminuée du remboursement de la dette.

* 230 Cf. « État de l'intercommunalité », ADCF, décembre 2010.

* 231 Toute appréciation doit tenir compte de la géographie, de la démographie, de la vie politique... et de l'histoire locale. Il n'y a pas nécessairement corrélation entre forte densité de population et communautés de grande taille. L'étude de l'ADCF cite les Alpes-Maritimes, la Haute-Garonne, la Gironde, l'Isère, la Loire, la Meurthe-et-Moselle (p. 1).

* 232 Dans deux départements, la progression a été très forte : 98 en Haute-Garonne, 132 dans l'Aube. Ces deux départements conservent un nombre important de communes isolées (71 en Haute-Garonne, 79 dans l'Aube).

* 233 La totalité des communautés de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) compte moins de 10 communes et plus de la moitié moins de 5 communes.

* 234 Seules 4 communautés dépassent les 200 000 habitants, celle de Rouen comptant 484 625 habitants.

* 235 Demeure le cas des très petites communes : il en existe 3 608 qui comptent moins de 99 habitants.

* 236 Les économies qui résultent de la suppression de l'instruction des permis de construire par les services extérieurs de l'État s'accompagneront nécessairement d'une augmentation de la dépense des collectivités territoriales qui devront assumer cette fonction. Nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido écrivent : « l'intercommunalité et la mutualisation sont généralement génératrices de coûts supplémentaires à court terme... Une approche purement comptable, qui consisterait à comparer les économies réalisées à moyen terme avec les coûts de mise en place, n'a donc pas de signification : les économies d'échelle que permettraient, mutatis mutandis, l'intercommunalité et la mutualisation étant transformées en services nouveaux ou améliorés, l'appréciation de la « rentabilité de l'investissement », ne peut se mesurer uniquement en termes financiers » Cf. « La mutualisation des moyens des collectivités territoriales », Sénat, n° 495, mai 2010.

* 237 Étude ADCF « La mutualisation des services : un enjeu d'intégration intercommunale : étude de cas » ADCF-IET, mai 2011.

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