4. Un milieu marin divers, pauvre et fragile

La Méditerranée est pauvre en éléments nutritifs, notamment parce que le brassage vertical de ses eaux est insuffisant (faible amplitude des marées, moindre effet des vagues). En quelques sites seulement ( upwelling , domming ), les eaux profondes riches en nutriments émergent en surface où la lumière permet leur utilisation par les organismes phytoplanctoniques.

En moyenne, la production primaire brute des eaux (55 à 80 g/m 2 /an) et leur biomasse (à 0,2 à 15,2 mg/m 3 ) sont inférieures à celles de l'océan Atlantique.

Mais, en retour, le manque de brassage produit une transparence des eaux qui facilite la photosynthèse jusqu'à une profondeur d'une centaine de mètres.

Ce phénomène a créé une grande diversité de chaînes biologiques. L'inventaire effectué par la FAO dénombre 1 526 espèces d'utilisation alimentaire dont 240 poissons osseux, 55 crustacés, 51 végétaux marins, 46 bivalves, etc.

La mer Méditerranée est donc un des points forts de la biodiversité planétaire.

Alors qu'elle ne représente que 0,8 % de la surface et 0,3 % du volume des eaux océaniques, elle abrite de 7 à 8 % des espèces marines connues (12 000 espèces décrites), avec une forte population endémique (25 % du total).

Cette biodiversité est inégalement répartie, notamment en fonction :

- de la localisation - la biodiversité est plus élevée dans la partie occidentale, quel que soit le groupe taxinomique considéré :

- des fonds - près de 90 % des espèces végétales benthiques et plus de 75 % des poissons sont concentrés dans des fonds de 0 à 50 m, alors que ces derniers ne représentent que 5 % de la surface du Bassin. [On notera que ces fonds sont les plus sensibles aux pollutions telluriques car plus proches de la terre].

Les zones littorales regroupent 27 types d'habitats différents dont :

- les magnoliophytes (plantes à fleurs terrestres qui sont retournées au milieu marin vers - 100 à 120 millions d'années avant J.C.). Elles forment des herbiers sous-marins de cinq types, au nombre desquels il faut mentionner les prairies de posidonie , qui abritent le quart de la faune pour une surface de l'ordre de 1,5 % des fonds.

Ces prairies sont aussi un facteur important de l'oxygénisation des eaux grâce à la photosynthèse qu'elles mettent en oeuvre jusqu'à une profondeur de 100 m.

- les coralligènes, algues qui sont communes à l'ensemble du Bassin (à l'exception d'Israël et du Liban) se développent dans des conditions de faible luminosité (fonds plus importants jusqu'à 140 m, grottes). Ces milieux abritent une grande diversité d'invertébrés fixes et constituent le deuxième biotope en termes de biodiversité.

Cette diversité est fragile, comme en témoignent les mosaïques des pêches conservées au Musée du Bardo, à Tunis, qui présentent autant d'espèces aujourd'hui disparues que d'espèces encore exploitées.

Elle est également menacée de façon plus récente par les espèces invasives comme la caulerpa taxifolia qui détruit les herbiers de posidonie et donc les biotopes de plusieurs espèces. Il faut mentionner aussi les espèces lessepsiennes introduites de la mer Rouge depuis l'ouverture du canal.

Par ailleurs, l'intensification de la littoralisation et des apports terrigènes insuffisamment épurés menace directement les milieux côtiers .

Sur ce point, une attention particulière doit être accordée aux étangs, lagunes et zones deltaïques, riches en éléments nutritifs, dont le brassage saisonnier des eaux joue un rôle important dans le cycle de reproduction de nombreuses espèces.

Ces lagunes sont très nombreuses en Méditerranée :

Méditerranée : 626 lagunes

PAYS

NOMBRE DE LAGUNES

Espagne

116

France

59

Italie

244

Slovénie

4

Croatie

10

Montenegro

10

Albanie

3

Grèce

36

Turquie

66

Syrie

2

Egypte

7

Lybie

16

Tunisie

28

Algérie

13

Maroc

12

TOTAL

626

Source : Projet CLIM.BIO.MED.NET - Union européenne

Outre leur vulnérabilité aux apports telluriques, imputable au très faible brassage des eaux dans des profondeurs faibles, elles ont deux particularités :

- ce sont des systèmes dont la production primaire est très élevée . Elle est de l'ordre des grandes remontées naturelles de phytoplancton (upwelling), deux fois et demie plus forte que celles des côtes et près de quatre fois plus forte que celle de la pleine mer ;

- elles abritent relativement à leur très faible surface (0,6 %) un grand nombre d'espèces (15 % des macroinvertébrés, 55 % de la macroflore et 43 % des poissons).

Enfin, on doit rappeler que l'ensemble des milieux côtiers subit des épisodes climatiques extrêmes relativement fréquents (fortes crues, épisodes longs de sécheresses). Ceci se traduit en particulier pour les petits fleuves (oueds) par des apports brusques et violents en débit et en substances entraînées.

A titre d'illustration, une étude faite par l'unité mixte de recherche de l'université de Montpellier dédiée à l'écologie des systèmes marins côtiers a clairement mis en évidence l'impact des crues sur la contamination de l'étang de Thau :

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