6. Les phytotoxines
Le phytoplancton est l'ensemble des algues microscopiques flottant dans l'eau (d'une taille de 3 à 300 u) ; il constitue en élément fondamental de la chaîne alimentaire marine. En Méditerranée, il y a 2 à 3 fois moins de phytoplancton qu'en Atlantique et 3 à 6 fois moins que dans la Manche.
Le phytoplancton peut perturber les milieux marins de deux façons :
- une prolifération excessive qui diminue l'oxygène au détriment de la faune et de la flore marine (cf. supra la pollution par les nutriments).
- la production de phytotoxines dangereuses pour la faune marine 43 ( * ) ou pour les consommateurs de produits marins.
Les informations recueillies sur ce type de pollution par votre rapporteur ne concernent que la France, seul pays du bassin où le phénomène a été observé dans la durée.
Le REPHY (réseau national de surveillance des phytoplanctons et des phytotoxines) stocke des données depuis 1987. Il existe aussi des réseaux régionaux de suivi lagunaire (Languedoc-Roussillon et Corse).
a) Les données générales
Les eaux côtières
S'agissant des eaux côtières méditerranéennes, les résultats des évaluations sur la période 2004-2009 sont les suivantes :
En conclusion, la qualité des eaux côtières en Méditerranée envisagée sous l'angle du phytoplancton, est bonne ou très bonne.
Les lagunes
Les lagunes méditerranéennes sont très sensibles aux apports de l'amont :
Mais leur état général est satisfaisant :
b) Les données par catégorie de phytoplanctons toxiques
Les phytotoxines lipophiles (du type dinophysis)
Ce type de toxines affecte les consommateurs de coquillages et se traduit par des troubles intestinaux et des poussées de fièvre.
L'observation de leur apparition depuis 15 ans montre :
- la stabilité du nombre d'épisodes toxiques,
- une récurrence des apparitions dans les étangs des côtes languedocienne et corse,
- une poussée de toxicité hivernale - ce qui pose un problème pour les ventes de coquillages de fin d'année.
Les phytotoxines paralysantes (du type alexandrium)
Ces toxines produisent des symptômes gastro-intestinaux accompagnés de signes neurologiques pouvant aboutir à des paralysies périphériques et respiratoires et même à un décès dans les cas les plus graves.
En Méditerranée, après de fortes poussées en 1998-1999, les cinq derniers exercices n'ont enregistré qu'une seule apparition de la phytotoxine en 2007 dans l'étang de Thau (avec un taux supérieur au seuil sanitaire européen).
Le cycle de la vie de l'alexandrium comportant une phase enkystée qui lui permet d'attendre des conditions favorables, les scientifiques s'interrogent sur les raisons qui font que la présence de cette phytotoxine, introduite par déballastage, a régressé.
Les chercheurs de l'UMR Ecologie des systèmes marins côtiers de l'université de Montpellier ont travaillé sur les conditions d'apparition de ce type de toxine dans les étangs de Thau et de Tarragone.
Des premières conclusions se dégagent :
1. L'apparition de la toxine (probablement introduite par déballastage ou introduction de naissains) n'est pas liée aux taux de nitrates et de phosphates dans l'étang qui a considérablement diminué ;
2. Il existe, dans l'étang de Thau, des pics d'apparition à l'automne ;
3. La toxine n'apparaît pas quand la colonne d'eau est agitée ;
4. La comparaison avec l'étang de Tarragone en Espagne fait apparaître que l'efflorescence de la toxine peut être synchronisée avec des températures de l'eau élevées (? 25°) :
Source : UMR 5119 - Université de Montpellier
Les phytotoxines amnésiantes
Ce type de toxines entraîne des symptômes gastro-intestinaux accompagnés de signes neurologiques (maux de têtes, troubles de la mémoire) et, dans les cas graves, des convulsions et/ou un coma pouvant aboutir à un décès.
Contrairement aux autres phytotoxines, elle apparaît au printemps ; elle semble moins présente en Méditerranée qu'en Atlantique 44 ( * ) . Après une apparition marquée en 2002, on n'en a recensé que 3 manifestations.
Les polytoxines (du type ostreopsis)
Il s'agit de polytoxines émergentes en Méditerranée qui peuvent créer des intoxications alimentaires (troubles gastro-intestinaux, neurologiques et cardiovasculaires). Des décès ont été enregistrés aux Philippines et à Madagascar. Une autre caractéristique de ces polytoxines est qu'elles peuvent avoir des effets aérosols (embruns) aboutissant à des irritations des yeux et à des difficultés respiratoires dans les cas graves.
Leur présence est récurrente, depuis 2006, dans les eaux côtières de Marseille et Villefranche.
S'agissant d'un problème nouveau, leur apparition a conduit à la mise en place d'un réseau de surveillance renforcé.
Une des hypothèses avancées est que l'apparition de ce type de phytotoxine très virulente dans les eaux tropicales pourrait être liée au réchauffement climatique des eaux de la Méditerranée.
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Dans la mesure où la poussée des diverses phytotoxines décrites ci-dessus implique des risques sanitaires non négligeables, il serait souhaitable que l'effort de recherche actuellement mené soit renforcé et, si possible, de façon coopérative avec d'autres pays impliqués ; ceci d'autant plus que l'on a observé une progression des risques de dissémination de ces toxines depuis une dizaine d'années.
* 43 Aux Etats-Unis, ces efflorescences de phytotoxines sont violentes et peuvent entraîner la mort de certains mammifères marins (cétacés, siréniens). En France, les poussées sont moins fortes et les souches moins virulentes.
* 44 Probablement parce les coquilles Saint-Jacques qui sont les mollusques les plus touchés ne sont pas exploités en Méditerranée.