5. Les micro et macro-déchets
Ce terme recouvre des objets de tailles variables, du filtre de cigarette à la machine à laver en passant par les gravats divers.
En fonction de leur nombre et de leur nature, ces objets peuvent causer des dégâts d'ampleur différente aux milieux naturels :
- les déchets industriels résiduels contenant des métaux ou des metalloïdes (comme le chlore) présentent des dangers liés à ces métaux ou métalloïdes ;
- les résidus de plastiques sont particulièrement dangereux pour les oiseaux, les mammifères marins et les tortues qui confondent les sacs en plastique dérivant avec des méduses ;
- les plus petits objets peuvent être également dangereux comme en témoigne la photo ci-après (source NOAA) du contenu de l'estomac d'un jeune albatros.
Le poids de ces déchets dans l'estomac d'un fulmar (oiseau marin) équivaut à 60 g dans un estomac humain.
En Méditerranée, ces déchets sont essentiellement originaires des centres urbains côtiers et leur nombre est corrélé à la fois à l'état de développement 40 ( * ) , à l'importance du tourisme et à la politique de gestion et de récupération des déchets mise en oeuvre par les autorités.
Suivant une étude de MEDPOL, l'origine des macro-déchets en Méditerranée est la suivante :
Origine des macro-déchets en Méditerranée
Source : MEDPOL
On observe ainsi que les rejets directs des ménages, les installations touristiques et le rejet des décharges constituent près de 50 % de cette source de pollution ; les rejets fluviaux et les activités nautiques (trafic maritime, plaisance) en représentant près de 30 %.
Les milieux côtiers
Un rapport datant de septembre 2009 du PNUE (programme des Nations Unies pour l'environnement) a fait une évaluation mondiale de ce problème ; un chapitre de ce rapport est consacré à la Méditerranée.
Le PNUE y regroupe les efforts de recensement des déchets principalement conduit par des associations de défense de l'environnement.
L'ICC (International Clearing Campaign) qui dépend de l'ONG « Ocean Conservacy » a mené de 2002 à 2006 des campagnes sur les côtes de 14 pays méditerranéens .
Le résultat de ces campagnes montre que le poids des objets trouvés est en baisse, 102 tonnes en 2002 et 34 tonnes en 2006, mais que le nombre d'objets trouvés baisse dans une moindre proportion (198 000 en 2002 et 132 000 en 2006).
Ces données sont à interpréter avec prudence car le nombre de volontaires participants aux campagnes a baissé de moitié entre 2002 et 2006.
Au total, ces campagnes ont permis d'avoir un aperçu sur la nature des objets retrouvés :
- 27 % sont des filtres de cigarettes,
- 10 % des embouts de cigares en plastique,
- 10 % des bouteilles en plastique,
- 8,5 % des sacs en plastique,
- 7,6 % des canettes en aluminium,
- 5,8 % des bouteilles de verre,
- 5,3 % des emballages de nourriture et de tabac.
À compter de 1994 et principalement sur la base des remontées de chalutage, l'IFREMER s'est intéressé au recensement des macrodéchets présents dans les zones côtières (et en mer cf. infra).
La densité de ces macrodéchets est de 40/km 2 mais peut être plus forte aux débouchés des grandes villes (Nice, Marseille, Gênes).
La mer
L'association grecque de protection de l'environnement marin a mené, de février à avril 2008, un sondage pour répertorier les déchets flottants à l'aide de bateaux volontaires.
Au total, 14 rapports couvrant une distance parcourue de près de 2 000 km ont été rendus.
La synthèse de ces rapports a fourni deux éléments importants sur les déchets flottants :
- 83 % sont en plastique,
- leur densité par mille nautique parcouru va de 0,08 à 71, étant précisé que la proximité des côtes accroît fortement le nombre d'objets recensés.
L'étude précitée de l'IFREMER a montré que certains fonds marins de la Méditerranée occidentale étaient beaucoup plus fortement colonisés par les phénomènes de macro-déchets que ces espaces océaniques :
Plus récemment, l'initiative « Euromed » conduite par cette association en collaboration avec l'IFREMER, l'université de Liège et l'université de Gênes a recensé plus spécifiquement les micro-débris de plastiques près des côtes Nord de la Méditerranée occidentale.
Cet inventaire a été effectué avec des filets normalisés pour capter des objets d'une taille supérieure à 300 u 41 ( * ) (granules de plastique de 4 à 5 mm introduites en mer par ruissellement, produits des dégradations des macrodéchets plastiques).
Le nombre de ces micro-déchets est en moyenne de l'ordre de 115 000 par km² avec des pointes de 892 000 km².
Cette concentration moyenne atteint des niveaux qui dépassent ceux des grandes gyres océaniques où les courants concentrent sur des surfaces restreintes des dizaines de milliers d'objets en plastique.
Par extrapolation, le nombre de ces microdéchets atteindrait un poids de 500 tonnes sur l'ensemble du bassin.
Les interrogations sur la « polymérisation » de la mer
On produit dans le monde 300 millions de tonnes de plastiques par an (5 millions de tonnes au début des années 50).
Le devenir de ces plastiques de l'environnement, qui n'est pas un problème proprement marin, ni un problème proprement méditerranéen est préoccupant.
En premier lieu, des études convergentes (Bermes 2002 ; Gregory 2009) ont recensé 260 espèces animales qui ingèrent ou sont étouffées par des débris de plastiques, des invertébrés aux mammifères marins 42 ( * ) .
Par ailleurs, ces débris flottant sont colonisés par des microorganismes et deviennent le vecteur de migrations d'espèces invasives .
Certaines recherches (Teuten et al. 2009) ont prouvé que ces objets peuvent être communiqués au phytoplancton et transmettre via cet élément de la chaîne alimentaire des éléments contaminants en suspension (les PCB, HAP, les POP dont les effets reprotoxiques sont avérés) qui se fixent sur leurs surfaces.
Par ailleurs, leur ressemblance avec le zooplancton dont se nourrissent les larves de poissons est à la source d'occlusions intestinales.
Enfin, les plus petits de ces objets, d'une taille de l'ordre de 50 u, sont mal documentés. Comme l'est très peu l'étude de leurs métabolites en milieu marin.
Compte tenu du caractère général du problème, il serait souhaitable que la recherche coopérative à l'échelle mondiale dans ce domaine soit activée, éventuellement sous l'égide du PNUE.
* 40 On rappellera que les Français utilisent 18 milliards de sacs en plastique par an et que la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 avait prévu qu'un décret fixerait les conditions d'interdiction, avant le 1 er janvier 2010, des sacs en plastique non biodégradables. En novembre 2006, la commission européenne a déclaré le décret concerné non conforme à la Directive emballage (94/62CE).
* 41 Et, en surface, à une profondeur de 15 à 20 cm.
* 42 Par exemple, 95 % des fulmars trouvés morts sur les côtes ou la Mer du Nord avaient du plastique dans leur estomac.