CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

Contribution du groupe socialiste
et des sénateurs radicaux de gauche

Les sénateurs socialistes et des sénateurs radicaux de gauche saluent l'importance des travaux réalisés par la mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation.

S'ils partagent, pour l'essentiel, le constat du rapporteur, qu'il s'agisse du succès global de notre système scolaire en matière de massification contrebalancé, ces dernières années, par l'accroissement des inégalités scolaires, ainsi que de son appréciation pour le moins critique de la « réformite aigüe » du gouvernement actuel en matière éducative, ils contredisent l'idée que notre pays consacre des moyens croissants à la politique éducative. Certes, comme le mentionne le rapporteur, la dépense intérieure d'éducation représentait bien 6,9 % du PIB en 2009... mais contre 7,3 % en 2000 ! De même, si le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux n'a pas permis l'assainissement des finances escompté par le gouvernement, la RGPP, avec sa stricte logique comptable, a surtout réussi à mettre l'école à genoux, particulièrement en milieu rural ! Mais de cela, il n'est point question...

Si les sénateurs socialistes et des sénateurs radicaux de gauche souscrivent bien évidemment à l'objectif d'une « nouvelle ambition en faveur de la réussite scolaire de » TOUS « nos enfants dans une société qui a considérablement évolué » (pour reprendre et compléter les termes du rapporteur), ils ne pensent pas que la priorité doit être donnée à un nouveau cadre décisionnel et organisationnel livré clés en main à la communauté éducative. Une vraie politique de lutte contre les inégalités scolaires doit être fondée sur l'évolution des pratiques pédagogiques.

Néanmoins, du fait des politiques de démantèlement de l'éducation nationale (avec plus de 65.000 postes supprimés depuis 2007), d'expérimentations à outrance, et de « réformite » à courte vue, que la communauté éducative a dû absorber depuis 2007, et qui a largement contribué à l'accroissement de l'injustice scolaire, il ne peut être question de lui administrer une Nième réforme venue d'en haut.

C'est pourquoi, nous proposons une grande concertation de l'ensemble des acteurs de la communauté éducative (personnels de l'Éducation nationale, collectivités locales, parents, associations...) afin d'engager notre nation, dans un nouveau pacte éducatif partagé, pour sortir d'un système scolaire qui sélectionne par l'échec et assurer la réussite du plus grand nombre.

Dans cette perspective, les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche pointent six axes prioritaires, pour remettre notre système scolaire sur les rails de la lutte contre les inégalités et redonner à notre école républicaine son rôle d'émancipation et d'ascenseur social.

Six axes prioritaires pour une école républicaine de la réussite pour tous :

1. Le rôle de la maternelle et de la préscolarisation dans la lutte contre les inégalités sociales et scolaires qui en découlent :

Tout se joue dès le plus jeune âge : le rôle de la maternelle est essentiel dans la lutte contre les inégalités sociales, tout particulièrement en matière d'acquisition du langage et d'accès à la pensée abstraite. Or, depuis 2007, la maternelle a été la variable d'ajustement des coupes budgétaires du gouvernement. La préscolarisation dès deux ans a ainsi payé un lourd tribut à la RGPP : elle est passée de 35,4 % en 2000 à environ 13 % actuellement. Cette tendance doit être inversée. L'école maternelle doit être renforcée et sécurisée dans son rôle d'enseignement préélémentaire sur tout notre territoire, tout particulièrement en milieu rural, première cible des fermetures d'écoles, et dans les quartiers sensibles. C'est pourquoi, à l'initiative de Mme F. Cartron, le groupe socialiste a déposé une proposition de loi pour rendre la scolarité obligatoire à trois ans.

2. Une refonte de la formation des enseignants, initiale et continue, pour enseigner autrement :

Le niveau de formation des enseignants au grade de master constitue une évolution positive, mais cette élévation ne s'est pas accompagnée d'un développement de la formation professionnelle en immersion, à la hauteur des attentes et des enjeux de l'enseignement du XXI e siècle. Enseigner est un métier qui s'apprend : là encore, l'aspect strictement comptable ayant primé, les orientations de la « réforme » ont semblé oublier ce principe fondamental. Nous devons donc renforcer la formation pratique, par des stages en immersion suffisamment longs et significatifs, qui permettent une prise de responsabilité progressive et un accompagnement personnalisé. Il conviendrait également que les masters comportent des enseignements spécifiques en sociologie, psychologie et sciences de l'éducation, disciplines de soutien à l'adaptation de la pédagogie de l'enseignant à des publics divers, dont les élèves à besoins spécifiques, et à la gestion de groupes d'élèves hétérogènes.

3. Un véritable projet d'établissement autour de la pédagogie différenciée, vecteur de la réussite scolaire pour tous :

Contre la difficulté et le décrochage scolaires, l'accent doit être mis, dans le cadre de l'horaire normal d'enseignement, sur la pédagogie différenciée, les méthodes et la personnalisation des apprentissages, portées par un projet d'établissement partagé. Dans cette perspective, les équipes pédagogiques pourront disposer d'une part de la dotation en heures d'enseignement. L'autonomie pédagogique des établissements scolaires doit se concrétiser à travers le projet pédagogique et non pas, comme le propose le rapporteur, par un « contrat d'objectifs entre les recteurs et les établissements ». La question de la transmission des savoirs et des compétences est au coeur du métier enseignant ; la majorité, par dogmatisme « anti-pédagogie », l'a laissée de côté. Pour les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche, ces questions priment : de l'évolution de l'acte et du projet pédagogiques, doit découler l'architecture organisationnelle et fonctionnelle de notre système scolaire, et non l'inverse. C'est pourquoi, la concertation à engager devra prioritairement traiter les questions du socle commun des connaissances et compétences qui impliquent des apprentissages par pôles thématiques pluridisciplinaires, d'un véritable fonctionnement par cycles qui remet en cause le fonctionnement par classe annualisée au profit de rythmes d'apprentissages différenciés en groupes de travail, afin de tendre vers une réelle continuité éducative.

4. La modulation des moyens et la mixité sociale :

Les socialistes et les radicaux de gauche ont toujours défendu le principe « donner plus à ceux qui ont moins ». Aussi, ne peuvent-ils que partager l'objectif de garantie d'une politique durable et efficace de lutte contre les inégalités scolaires. Par contre, les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche sont résolument hostiles au retour à une sectorisation plus stricte pour les seuls élèves de l'éducation prioritaire, qui ne peut conduire qu'à l'aggravation de la ségrégation scolaire. Cette proposition du rapporteur est une aberration : une carte scolaire assouplie voire inexistante pour les plus favorisés, la contrainte pour les plus fragiles ! Le rapprochement des dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire est nécessaire pour réduire l'empilement des mesures ; cependant aligner leur géographie, comme le stipule le rapport, ne doit pas conduire à écarter les zones rurales défavorisées du bénéfice de l'éducation prioritaire. C'est pourquoi, nous proposons une modulation de la dotation de moyens par établissement en fonction des catégories sociales du public scolarisé, ainsi qu'une nouvelle sectorisation comprenant un indice de mixité sociale.

5. Le partenariat éducatif pour une éducation globale :

Les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche plaident pour un développement des politiques éducatives partenariales à l'échelon des bassins de formation, pour une meilleure articulation des actions de tous les acteurs de l'éducation au sens large (collectivités locales, éducation nationale, associations...). Cette politique partenariale doit garantir une cohérence des différents temps de vie de l'enfant, dans une perspective d'éducation globale. Elle implique une école plus ouverte sur son environnement. Il s'agit d'aboutir à un projet éducatif partagé s'appuyant sur le territoire. Ce type de projet partenarial est plus à même de coordonner les trois leviers : famille, école et son environnement socio-économique, qu'un pilotage par le nouvel échelon hiérarchique régional du « préfet éducatif » via un « contrat de stratégie éducative régionale » prôné par le rapport.

6. La spécificité de l'école en milieu rural :

Les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche ne partagent pas l'analyse du rapporteur sur les inconvénients pédagogiques des petites écoles rurales, puisque les élèves en primaire des zones rurales y réussissent globalement mieux, y compris ceux scolarisés dans des classes uniques à plusieurs niveaux. Ces petites écoles du rural isolé ou de montagne sont même celles qui ont développé le plus tôt le fonctionnement en réseau, grâce aux NTIC, pour rompre justement leur isolement. Nul besoin de « transformer les territoires ruraux en foyers d'innovation scolaire », ils le sont déjà ! Attelons nous plutôt à créer les conditions de diffusion de l'innovation !

Et si regroupement pédagogique il doit y avoir, il doit répondre à un objectif pédagogique et être initié par les collectivités locales dans une démarche partenariale. Rappelons, à toute fin utile, que l'écart de « coût » entre une école centralisée et des écoles éparpillées dans les villages est faible (de l'ordre de 5 %), seule la prise en charge du « surcoût » diffère ! C'est pourquoi, nous réclamons, avant toute chose, un moratoire sur les fermetures de classes, et ce dès la rentrée 2011 !

Redonner au service public, et en premier lieu à celui de l'Éducation nationale, son rôle de réduction des inégalités sociales et territoriales, pour la réussite de tous les élèves, telle doit être notre priorité. Le sujet retenu pour cette mission impliquait un débat biaisé dès le départ : comment lutter contre les inégalités sociales et scolaires, sans aborder les pratiques pédagogiques et la formation des enseignants ? Comment réfléchir à une nouvelle organisation territoriale de notre système scolaire sans inverser la logique budgétaire actuelle et stopper le démantèlement de notre système scolaire ? Aussi, les sénateurs socialistes et les sénateurs radicaux de gauche n'ont-ils pas souhaité prendre part au vote de ce rapport.

Coïncidence ? Au moment où est adopté ce rapport, N. Sarkozy se lance dans une communication électoraliste - à propos de laquelle personne n'est dupe - sur les fermetures de classes en... 2012 ! De là, à penser que ce rapport a été conçu par la majorité sénatoriale, en mal de reconnaissance élyséenne, comme un moyen de contribuer à la réflexion programmatique du « Président-candidat »...

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