CONCLUSION
En conclusion, votre commission se félicite que sa mission à Zagreb ait pu permettre de lever les ambigüités sur l'initiative française et montrer que la France s'inscrivait bien dans une logique de soutien, d'accompagnement et d'accélération des efforts croates pour conclure les négociations d'adhésion.
Sur un plan plus politique , il apparait naturellement souhaitable de clôturer ces négociations lors du Conseil européen des 23 et 24 juin, d'abord pour donner à cet événement toute la solennité qui convient, mais aussi parce que cette date serait particulièrement symbolique puisque le 25 juin seront fêtés les 20 ans d'indépendance de ce jeune État.
Quelle que soit la date d'adhésion finalement retenue, votre commission souhaite que la France, qui a eu un rôle très actif dans les négociations, soit parmi les premiers États membres à adopter , le moment venu, le projet de loi de ratification du traité d'adhésion , dont votre commission sera saisie pour son examen au Sénat, puisque la révision constitutionnelle de 2008 a prévu que l'adhésion croate serait la dernière à être ratifiée suivant la procédure parlementaire classique, à la majorité simple.
EXAMEN EN COMMISSION
Lors de sa réunion du 14 juin 2011, la commission a examiné le présent rapport.
A la suite de l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.
M. Robert Badinter - Si la Croatie est si marquée par l'influence allemande, c'est en raison de la forte diaspora croate qui vit en Allemagne et en Autriche et qui joue un rôle politique important. Les investisseurs français devraient marquer plus d'intérêt pour ce marché prometteur ; il faudrait renforcer notre présence.
M. Didier Boulaud, co-rapporteur - 400 000 touristes français visitent chaque année la Croatie.
M. Jacques Blanc, co-rapporteur - Nous nous inquiétons de la réorganisation en cours des services français d'appui aux entreprises et en particulier aux PME : jusqu'alors implantés à Zagreb, ils sont sur le point d'être relocalisés à Vienne et mutualisés sur plusieurs pays des Balkans, ce qui ne nous paraît pas être une bonne chose.
M. Jacques Berthou - Quel est le niveau de développement de la Croatie par rapport à ses voisins, et en particulier par rapport à la Serbie ?
M. Didier Boulaud, co-rapporteur - Le revenu moyen par habitant de la Croatie est dans la moyenne haute de l'Union européenne (65 % du revenu moyen européen), les Serbes ayant quant à eux un revenu moyen par habitant inférieur de moitié à celui des Croates. Les Slovènes sont comme les « Suisses des Balkans », disposant d'un niveau de revenu plus élevé.
M. Robert Badinter - Les Slovènes sont en réalité au même niveau de développement que les régions autrichiennes les moins avancées.
M. Jacques Blanc, co-rapporteur - Pays méditerranéen, la Croatie est prête à s'engager dans l'Union pour la Méditerranée.
M. Didier Boulaud, co-rapporteur - J'ai pu mesurer la susceptibilité, dans cette région, de certaines questions, notamment linguistique.... On considère à Zagreb, par exemple, que la langue croate n'a rien à voir avec la langue serbe...
M. Philippe Madrelle - Comment s'est résolu le différend sur les eaux territoriales ?
M. Didier Boulaud, co-rapporteur - La Slovénie et la Croatie s'en remettent à l'arbitrage d'un tribunal international, qui interviendra après l'adhésion croate à l'Union européenne. J'aimerais insister sur la difficulté de la restructuration en cours des chantiers navals, un seul chantier étant rentable sur les six. Des milliers d'emplois sont concernés. C'est un sujet très sensible.
M. Michel Boutant - Je m'interrogeais également sur les différents niveaux de développement économique des Balkans occidentaux.
M. Jacques Blanc, co-rapporteur - Les États des Balkans occidentaux sont tous désireux d'entrer dans l'Union européenne. En Croatie par exemple, la seule divergence entre la majorité et l'opposition sur ce point porte sur la séquence chronologique entre le référendum pour l'adhésion et les élections législatives.
M. Didier Boulaud, co-rapporteur - Majorité et opposition s'opposent en effet sur ce sujet, le Gouvernement qui est en très mauvaise situation dans l'opinion publique souhaiterait organiser le référendum avant les élections législatives qui doivent se tenir au plus tard mi mars 2012.
M. Josselin de Rohan, président - Le différend historique entre les Serbes et les Croates mettra au moins une génération à disparaître. Les responsabilités dans les atrocités commises sont d'ailleurs largement partagées : n'oublions pas les agissements croates pendant la seconde guerre mondiale, en soutien du régime nazi. Le clivage religieux s'y ajoute, la Croatie étant fervente catholique et les Serbes orthodoxes. En outre, les deux influences s'affrontent en Bosnie-Herzégovine. L'adhésion à l'Union européenne permettra à ces États d'élargir leur champ de vision et de dépasser ce lourd contentieux. Rétrospectivement, on ne peut que déplorer la reconnaissance peut être un peu hâtive du nouvel État croate par les Allemands qui, précipitant l'écroulement de la Fédération yougoslave -qu'il serait naturellement difficile de regretter dans sa configuration politique de l'époque ! , a donné le signal de l'égorgement réciproque.
M. Robert Badinter - La reconnaissance par le chancelier Kohl, sans égard excessif pour la France à cet instant là, a précipité non pas l'éclatement de la Fédération yougoslave, qui était engagé, mais bien plutôt la guerre civile. Elle était toutefois inéluctable. Les Croates n'ont pas été en reste en matière de crimes contre l'humanité, même si leurs crimes peuvent apparaitre moins nombreux en quantité par rapport à ceux commis par les Serbes. Dans nos sociétés, nous avons le culte de la mémoire des victimes des actes barbares davantage que celui des actes héroïques. Cette culture de la mémoire des martyrs est très difficile à surmonter : se serrer la main à Verdun est plus facile que de faire ce que Willy Brandt a fait à Auschwitz...
M. Josselin de Rohan, président - Je partage votre avis, n'oublions pas que l'ancien Président croate Tudjman a réhabilité des figures croates de la seconde guerre mondiale qui étaient plus que contestables.
La commission a approuvé ensuite ces conclusions et autorisé leur publication sous forme d'un rapport d'information.