9. Audition de MICHEL SAVY, professeur à l'École des ponts et chaussées et à l'Institut français d'urbanisme Paris 12
Quelle sera la place de la logistique dans la ville du futur ?
Le mouvement des marchandises est une des composantes principales du fonctionnement des villes. Des progrès importants sont possibles dans la gestion de ce mouvement, dans la mesure où il génère 20 % des déplacements de véhicules, 30 % de l'occupation de la voirie et 50 % de l'énergie consommée dans les transports.
Mais le maintien de la logistique en milieu urbain est difficile . En effet, la pression du coût du foncier conduit à un éloignement de plus en plus important des centres de logistiques à l'extérieur des villes, ce qui engendre des nuisances importantes et conduit à des coûts de plus en plus élevés pour l'acheminement des marchandises vers les centres urbains.
La question prospective sur le sujet est dès lors la suivante : « quelle sera la place de la logistique dans la ville du futur ?
Pour répondre à cette question, il faut s'intéresser à plusieurs types de villes :
- les villes portuaires qui joueront à l'avenir un rôle de plus en plus certain dans le cadre de l'économie mondialisée et de la grande logistique internationale (comme Le Havre, Rouen, La Rochelle, etc. ; le marché aux fleurs d'Amsterdam - marché totalement mondialisé dont la bourse hyper-logistique est à Amsterdam - est une parfaite illustration de cette fonction mondiale des villes ports) ;
- les villes de l'intérieur pour lesquelles se posera la question de leur desserte et pour lesquelles il conviendra de préserver un espace de logistique en centre ville (comme le montre l'exemple du port de Gennevilliers - le port de Paris - et qui a failli être transformé en « marinas »).
Mais la réhabilitation de la logistique en centre ville implique de réinventer des formes d'architectures pour les entrepôts en zone dense, notamment sous la forme d'immeubles multifonctionnels (des lieux où s'effectuerait, par exemple, le transfert des marchandises entre les gros véhicules et les petits véhicules de desserte finale non polluants). La marge de progression est importante sur cette fonction puisque, à l'heure actuelle, 25 % des livraisons de marchandises sont assurés par 75 % des véhicules de transport.
L'expérience japonaise est sur ce point éclairante. Les conditions du succès de la logistique japonaise tiennent :
- à la grande rigueur dans l'utilisation de la rue conçue comme un espace rare et précieux (respect des règles de stationnement, utilisation de petits chariots par les livreurs entre le lieu de stationnement et le magasin de desserte, ponctualité de la livraison...) ;
- à l'utilisation de méthodes fines de réservation de l'espace de stationnement (réservation à distance du lieu de stationnement, livraison par petites quantités, présence de manutentionnaires sur les lieux de stationnement etc.... ; Barcelone est un bon exemple en Europe du recours à ces méthodes) ;
- à des comportements particuliers des consommateurs (achats par petites quantités de produits ultra-frais, ouverture des magasins de proximité 24 heures sur 24, multiplicité des lieux de vente dans les rues, les gares, les lieux publics etc.....) ;
- au recours à la logistique verticale (par exemple avec des entrepôts de plusieurs étages non polluants).
Le modèle de l'hypermarché à la française en périphérie de ville est un modèle malade , même s'il n'est pas condamné à court terme. Mais en termes de bilan environnemental, ce système est négatif car il externalise sur le consommateur le coût de la logistique final malgré l'apparence d'une limitation de ce coût par des livraisons concentrées dans les grandes surfaces.
Le e-commerce peut contribuer à diminuer les nuisances de la logistique finale dans la mesure où le circuit de livraison est optimisé par rapport à la logistique individuelle. L'exemple japonais du distributeur Yamato spécialisé dans le « B to C » ( Business to Customer ) est intéressante : plusieurs plages quotidiennes de livraison, possibilité de faire transporter ses bagages, parfaite adaptation aux commandes par internet etc....
La réglementation des livraisons dans les villes pourraient créer un contexte favorable au développement de cette logistique du dernier kilomètre, à condition que cette réglementation soit faite aux dimensions de l'agglomération alors que, actuellement, la plus grande confusion règne dans les mesures prises au niveau des communes.
M. Michel Savy se propose de faire parvenir au secrétariat les scenarii sur lesquels il a travaillé dans le cadre d'une réflexion prospective sur la logistique et il souligne les travaux en cours à la DATAR dans le domaine de la prospective territoriale déclinée en fonction des grandes villes, des villes moyennes et des villes corridors.
Pour lui, il y a de nombreuses raisons de s'intéresser à la logistique : en particulier la lutte contre les nuisances, l'amélioration du bilan carbone des transports, l'emploi d'une main d'oeuvre non qualifiée, le maintien d'activités non délocalisables.