B. L'ÉTAT DES LIEUX DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES PAR SECTEURS
Vos rapporteurs soulignent que la Nouvelle-Calédonie connaît actuellement une période déterminante pour la mise en oeuvre des transferts de compétences définis par l'accord de Nouméa. Il paraît essentiel que ces transferts soient réussis et que la Nouvelle-Calédonie ait les moyens d'assurer l'exercice effectif de ces compétences, en particulier des compétences normatives, après leur transfert.
A cet égard, vos rapporteurs craignent que la Délégation générale à l'outre-mer (DEGEOM) ne dispose pas de moyens d'expertise juridique suffisants pour apporter un appui continu au gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ils considèrent qu'après la réorganisation de l'administration du ministère de l'outre-mer dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il convient d'adapter les moyens de la DEGEOM aux besoins rencontrés par la Nouvelle-Calédonie - et par certaines collectivités d'outre-mer - pour la mise en oeuvre de leurs compétences normatives. Ces besoins ne doivent pas être négligés ou minimisés dans une perspective d'économie à court terme, qui risquerait fort de se traduire, à plus longue échéance, par un surcroît de dépenses pour rattraper les retards et corriger les désordres.
1. Le droit civil, l'état civil et le droit commercial
• Périmètre de compétence
En matière de droit civil, il s'agit des règles relatives à l'état des personnes (livre Ier du code civil) relatives à l'état civil, au domicile, aux absents, au mariage, au divorce, à la filiation biologique et adoptive, à l'exercice de l'autorité parentale, aux incapacités, au PACS et au concubinage, ainsi que certaines règles non codifiées dans le code civil (en matière de droit médical et de droit de la propriété industrielle notamment). La loi organique du 19 mars 1999 exclut du transfert les règles relatives à la nationalité, à la justice et à l'organisation judiciaire. En outre, la procédure civile relève déjà de la compétence de la Nouvelle-Calédonie.
En matière de droit commercial, seules les règles relatives à la justice et à l'organisation des juridictions commerciales sont exclues du transfert. La concurrence et les professions commerciales relèvent déjà de la compétence de la Nouvelle-Calédonie. Seront donc transférées à la Nouvelle-Calédonie les règles générales relatives au commerce, aux fonds de commerce, aux sociétés commerciales, à la concurrence, aux effets de commerce, aux entreprises en difficultés.
Compte tenu de l'étendue de ce domaine de compétences transférables, M. Philippe Gomes, alors président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait souhaité que le Conseil d'Etat soit saisi d'une demande d'avis, afin de définir ce périmètre le plus clairement possible.
Aussi le Gouvernement a-t-il saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le périmètre des matières transférées au titre du droit civil, du droit commercial et des règles concernant l'état civil. Cet avis a été rendu le 7 juin 2011.
Selon le relevé de conclusions du Comité des signataires du 8 juillet 2011, « après un examen théorique des périmètres, le Conseil d'Etat propose une méthode de définition pragmatique des compétences transférées qui consiste tout d'abord à renvoyer au code civil et au code de commerce puis à rattacher certaines matières extérieures aux deux codes et enfin à en exclure d'autres, non transférables. Sur cette base, une proposition sera communiquée au comité local de pilotage ».
• Modalités du transfert
L'échéancier des transferts de compétences doit faire l'objet d'une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du Congrès 44 ( * ) , au plus tard le dernier jour de la deuxième année suivant le début du mandat du congrès commençant en 2009, c'est-à-dire en décembre 2011 45 ( * ) .
Selon la convention du 17 juillet 2010, la Nouvelle-Calédonie doit effectuer le recensement des textes applicables dans le domaine concerné, tandis que l'Etat s'engage à procéder à une actualisation du droit existant en réalisant les extensions de textes souhaitées par la Nouvelle-Calédonie.
Pour cela, un groupe de travail rassemblant les représentants des professionnels du droit, des juridictions et des institutions s'est réuni d'août 2008 à décembre 2009. Le suivi du transfert est assuré sous l'autorité de la DEGEOM et de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice.
Le groupe de travail a pu classer les demandes exprimées par les professionnels entre les catégories suivantes :
- les demandes ne relevant pas de la compétence de l'Etat,
- les extensions de textes relevant de la compétence de l'Etat mais ne soulevant pas de difficulté majeure,
- les extensions de textes relevant de la compétence de l'Etat mais qui nécessitent une adaptation et une concertation,
- les demandes rejetées par le groupe.
Un premier projet de code civil et de code du commerce a été élaboré et transmis pour étude au ministère de la justice.
Lors de sa réunion du 8 juillet 2011, le Comité des signataires de l'accord de Nouméa a observé que la mission technique d'appui aux transferts de compétences « a pu constater avec les partenaires le bon avancement des travaux sur le recensement du droit applicable et les extensions demandées. La ministre chargée de l'outre-mer a confirmé qu'il sera procédé aux extensions nécessaires préalablement au transfert » 46 ( * ) .
Les mesures d'accompagnement par l'Etat ont en outre été précisées et devraient permettre :
- la désignation d'un magistrat en charge du transfert du droit commercial ;
- la mise à disposition de la Nouvelle-Calédonie d'un magistrat en charge du droit civil, qui prendra ses fonctions à la fin du mois de juillet 2011 ;
- un soutien à la formation de stagiaires calédoniens pour la rédaction de textes législatifs et réglementaires dès le mois de septembre 2011 ;
- la mise en place d'un dispositif de veille juridique.
Vos rapporteurs saluent ces mesures, indispensables à l'évaluation et à l'organisation du transfert de la compétence normative en matière de droit civil et de droit commercial.
Dans le relevé de conclusions du IXème Comité des signataires, ceux-ci « constatent avec satisfaction que les différentes problématiques se posant pour ce transfert sont ainsi toutes identifiées et en cours de traitement, permettant ainsi de soumettre au congrès le projet de loi du pays avant le 31 décembre 2011 ».
* 44 Art. 26, loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.
* 45 Art. 3, loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009.
* 46 Voir le relevé de conclusions en annexe au présent rapport.