II. LA MISE EN oeUVRE DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES, MOTEUR DE L'ACCORD DE NOUMÉA
L'objet principal de la mission confiée à vos rapporteurs était de faire le point sur la mise en oeuvre des transferts de compétences de l'État à la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci compte environ 245 000 habitants. Aussi ses capacités de mise en oeuvre des transferts de compétence sont-elles nécessairement limitées.
Dans son relevé de conclusions, le Comité des signataires réuni le 8 juillet 2011 a ainsi résumé le défi que doivent relever l'État et la Nouvelle-Calédonie dans les prochaines années : « Les transferts de compétence qui doivent intervenir jusqu'en 2014 sont d'une ampleur sans précédent. Ce sont des matières fondamentales qui concernent directement la vie quotidienne des calédoniens. Elles sont par ailleurs techniquement complexes et demandent un travail législatif et réglementaire important. Il est de la responsabilité commune de l'Etat et de la Nouvelle-Calédonie de veiller à ce qu'ils aient lieu dans les meilleures conditions possibles et que les calédoniens n'aient pas à subir les conséquences de ces transferts ».
A. LE RÔLE INDISPENSABLE DE L'ÉTAT, GARANT DU RESPECT DE L'ACCORD DE NOUMÉA
1. Un échéancier adapté en 2009
M. Yves Dassonville, alors haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, a expliqué à vos rapporteurs que l'État observait une position constante, considérant les transferts de compétence comme le moteur de l'accord de Nouméa.
Ainsi, face à certaines réticences locales, l'État joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de ces transferts. Après le rétablissement de l'autorité de l'État à compter de la fin de l'année 2007, l'envoi d'une mission d'appui a permis de relancer la réflexion sur les transferts de compétences. La loi organique du 3 août 2009 a ensuite précisé les modalités et délais de réalisation des transferts les plus lourds.
La répartition des compétences définie par le titre II de la loi organique du 19 mars 1999 a déjà entraîné le transfert à la Nouvelle-Calédonie de quatre services : l'inspection du travail, le service du commerce extérieur, la partie de service du vice-rectorat chargée de l'enseignement public du premier degré et la partie du service des mines et de l'énergie chargée de la réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt.
Le congrès n'ayant pas demandé le transfert de nouvelles compétences en 2004, la mise en oeuvre des nouveaux transferts devant intervenir à compter de son mandat commencé en mai 2009 supposait une modification de la loi organique du 19 mars 1999, afin d'actualiser les modalités de calcul de la compensation financière, d'organiser dans le temps les transferts et de préciser le sort des services et des personnels correspondants, compte tenu de la charge correspondant à l'exercice des compétences visées.
Lors de la réunion du Comité des signataires de l'accord de Nouméa du 20 décembre 2007, l'Etat a proposé qu'une mission d'experts, de magistrats, de membres de corps d'inspection et de hauts fonctionnaires appartenant aux ministères concernés par les transferts, soit constituée pour apporter un appui aux groupes de travail créés localement.
La mission d'appui, installée par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer le 20 février 2008, a formulé des propositions pour les transferts prévus par la loi organique du 19 mars 1999. Les conclusions de la mission d'appui ont été validées par le comité de pilotage puis par le VIIème comité des signataires prévu par l'article 6.5 de l'accord de Nouméa, qui s'est réuni à Matignon le 8 décembre 2008.
Ce comité a ainsi approuvé l'application à l'ensemble des transferts des points suivants :
- la période de référence pour la compensation financière sera de trois ans pour le fonctionnement et de 10 ans pour l'investissement ;
- la compensation sera indexée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;
- aucune compensation ne sera accordée à la Nouvelle-Calédonie pour des charges liées à l'activité normative (toutefois, une assistance juridique est envisagée pour la compétence droit civil, règles concernant l'état civil et droit commercial) ;
- aucune de ces compétences ne peut faire l'objet d'un transfert partiel, ce qui n'exclut pas un transfert progressif ;
- les textes applicables en Nouvelle-Calédonie au jour choisi par le congrès pour le transfert effectif d'une compétence restent applicables tant que le congrès ne les modifie pas.
Le comité des signataires a par ailleurs approuvé les modifications de la loi organique du 19 mars 1999 rendues nécessaires par les scénarios adoptés. Il a enfin pris acte de l'accord existant sur l'adoption de dispositions visant à assurer un fonctionnement plus équilibré et plus efficace des institutions, ainsi qu'une plus grande transparence des relations entre les exécutifs et les assemblées.
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 a modifié la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999, afin d'adapter le calendrier de transfert de certaines compétences et d'aménager les modalités de compensation financière, ainsi que les conditions de mise à disposition de personnels de l'Etat auprès de la Nouvelle-Calédonie.
Cette loi organique a reporté à la fin décembre 2011 le vote des lois du pays relatives au transfert des compétences en matière d'état civil, de droit civil et commercial, et de sécurité civile.
Les autres compétences qui doivent être transférées d'ici 2014 (enseignement, police et sécurité de la circulation aérienne intérieure et de la circulation maritime) ont fait l'objet de lois de pays, votées par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 30 novembre 2009 :
- loi du pays n° 2009-9 du 28 décembre 2009 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'Etat en matière d'enseignement du second degré public et privé, d'enseignement primaire privé et de santé scolaire ;
- loi du pays n° 2009-10 du 28 décembre 2009 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'Etat en matière de police et sécurité de la circulation aérienne s'effectuant entre tous points de la Nouvelle-Calédonie, et de sauvegarde de la vie humaine dans les eaux territoriales ;
- loi du pays n° 2009-11 du 28 décembre 2009 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'Etat en matière de police et sécurité de la circulation aérienne intérieure et des exploitants établis en Nouvelle-Calédonie dont l'activité principale n'est pas le transport aérien international.
Ces lois du pays ont retenu l'échéancier de transfert suivant :
2011 |
|
1er janvier |
Sécurité de la navigation dans les eaux territoriales |
1er juillet |
Police et réglementation de la circulation maritime d'un point à l'autre de la Nouvelle-Calédonie et de la sauvegarde de la vie humaine en mer |
2012 |
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1er janvier |
Enseignement du second degré public et privé |
Enseignement primaire privé |
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Santé scolaire |
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2013 |
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1er janvier |
Police et sécurité de la circulation aérienne intérieure |
? Les transferts prévus par l'article 23
A ce jour deux établissements publics de l'Etat ont été transférés à la Nouvelle-Calédonie, en vertu de l'article 23 de la loi organique (l'Office des postes et communications et l'Institut de formation des personnels administratifs). Les établissements publics suivants doivent encore être transférés à la Nouvelle-Calédonie par des décrets en Conseil d'Etat pris sur propositions du congrès, qui précisent la date et les modalités de transfert :
- l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) ;
- l'agence de développement de la culture kanak (ADCK). Par courrier du 20 janvier 2010, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie propose au Premier ministre un transfert au 1 er janvier 2012 ;
- le centre de documentation pédagogique (CDP). Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis le 27 juillet 2010 le souhait que ce transfert soit réalisé en 2011. Compte tenu des mécanismes liés au financement des transferts de compétences, le décret n° 2011-623 du 31 mai 2011 portant transfert à la Nouvelle-Calédonie du centre de documentation pédagogique de Nouvelle-Calédonie prévoit que ce transfert prend effet le 1 er janvier 2012, après approbation de la convention entre l'Etat, représenté par le haut-commissaire de la République, et la Nouvelle-Calédonie, représentée par le président du gouvernement, qui devra en déterminer les conditions.
? Les modalités d'établissement de la compensation financière
Aux termes de la loi organique du 19 mars 1999 modifiée, le droit à compensation des charges d'investissement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxe et fonds de concours, constatées sur une période de dix ans précédant le transfert de compétences.
Le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences. La dotation globale de compensation (DGC) évolue chaque année en fonction d'un taux résultant de la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année en cours.
Les nouvelles modalités de calcul du droit à compensation s'appliqueront uniquement pour les nouveaux transferts. En revanche, les nouvelles modalités d'évolution de la DGC sont applicables à tous les transferts, même ceux en cours dès l'exercice 2010.
Pour ce qui concerne la compensation des charges en matière d'enseignement public du second cycle du second degré, le droit à compensation des charges d'investissement est égal à la moyenne des dépenses actualisées, constatées sur la période comprise entre 1998 et 2007. Ce droit à compensation évolue chaque année dans la même proportion que la variation de la moyenne sur quatre trimestres de l'indice du coût de la construction en Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, la loi organique de 2009 prévoit la poursuite du financement par l'État des opérations de réalisation des lycées d'enseignement général, technique et professionnel du Mont-Dore et de Pouembout qu'il a engagées avant que le transfert ne soit effectif.
Vos rapporteurs insistent sur l'obligation pour l'État de réaliser ces projets conformément aux perspectives de développement de la Nouvelle-Calédonie et de ses besoins croissants en matière d'éducation et de formation, et en inscrivant chaque année dans la loi de finances les crédits de paiement nécessaires . Ils relèvent que l'expérience malheureuse du lycée Escoffier, de Nouméa, dont les travaux ont été suspendus pendant de longues semaines faute de crédits, n'est pas de nature à préserver la confiance des citoyens.
? La mise à disposition de personnels
Les personnels de l'enseignement sont, à compter du transfert de la compétence et pour une durée indéterminée, mis gratuitement et globalement à la disposition de la Nouvelle-Calédonie.
Afin d'accompagner de manière plus globale la Nouvelle-Calédonie dans l'exercice de ses compétences, d'ores et déjà transférées ou à venir, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et le haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ont signé le 20 septembre 2010, en présence de la délégation de votre commission, une convention-cadre sur l'accompagnement du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, définissant le cadre, les domaines et les modalités de l'accompagnement par l'Etat.
Cette convention-cadre permet de définir des priorités claires en termes de mesures d'accompagnement et d'anticiper ainsi d'éventuelles difficultés techniques liées aux transferts de compétences. Elle vise à éviter que la Nouvelle-Calédonie ne soit conduite à multiplier des demandes successives et isolées grâce à une définition claire du périmètre de l'accompagnement de l'Etat, des modalités pratiques de sa mise en oeuvre, ainsi que des domaines d'intervention.
Les acteurs du processus des transferts de
compétences
(source : gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie)