M. Henri de
RAINCOURT,
Ministre chargé de la coopération,
le 3 mars
2011
La commission auditionne M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération.
M. Josselin de Rohan, président . - Monsieur le ministre, cher Henri, Nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, vous qui connaissez notre maison depuis si longtemps et qui en êtes encore sociétaire, d'une certaine façon ! Nous souhaitons faire avec vous un tour d'horizon des principaux enjeux de notre politique de coopération. Votre ministère a un rôle stratégique qui s'affirme de plus en plus : en témoigne l'inscription au programme du G20 et du G8 des questions relatives à l'aide au développement. Je suis persuadé qu'un ministère de la coopération fort est un atout et un instrument indispensable de notre présence et de notre influence, particulièrement en Afrique à laquelle vous avez consacré vos premiers déplacements. Nous voudrions aborder ce matin trois thèmes qui se complètent : les objectifs que vous vous fixez d'ici 2012, l'actualité et l'évolution au Maghreb et en Afrique subsaharienne, et enfin le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'Agence française de développement (AFD). Ce contrat vient d'être signé. Il définit les priorités de cet opérateur pivot de la coopération française, pour les années à venir. En application de la loi sur l'action extérieure de l'Etat, nous aurons d'ailleurs à nous prononcer sur ce contrat.
Mais avant d'aborder ces sujets, je voudrais d'abord vous poser une question sur votre champ de compétences. L'aide au développement est une compétence partagée entre votre ministère, celui des affaires étrangères dont vous dépendez, celui des finances à travers la direction du Trésor qui exerce la cotutelle sur l'AFD, mais aussi la direction du budget, le tuteur universel auquel aucun ministère n'échappe ; tout cela naturellement sous l'autorité du Président de la République qui a fait de l'aide au développement un des thèmes de la présidence du G20. Quel est le rôle du ministre de la coopération, tel que vous le percevez ? Quelles sont ses marges de manoeuvre ? Pouvez-vous également nous dire, à l'issue de vos missions en Afrique, comment est aujourd'hui perçue notre coopération par rapport à celle de nos partenaires européens, ou à celle de pays émergents comme la Chine ou l'Inde? Soyez assuré du soutien de notre commission pour définir une politique ambitieuse, à la dimension de l'influence que nous voulons pour la France dans le monde, mais tenant compte des dures contraintes économiques et financières.
Comment notre coopération s'adapte-t-elle aux évolutions de la situation internationale, pour répondre à la situation dans la zone sahélienne, pour accompagner les mutations en cours dans les pays du Maghreb ? Le Conseil des ministres a adopté un programme de soutien à la transition en Tunisie : quel en est le contenu ? Notre intérêt, celui de la France et de l'Europe, est d'accompagner tous nos voisins du Maghreb dans cette transition historique.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. - C'est un bonheur de commencer la journée en votre compagnie, compte tenu des liens personnels qui m'unissent à chacun de vous. Si je suis encore sociétaire de ce club qu'est le Sénat, j'espère en redevenir membre quand prendra fin la fonction par essence éphémère qui m'a été confiée en novembre dernier. Je n'y étais pas préparé ! Mais j'estime avoir une grande chance car il est passionnant de s'occuper chaque jour de choses aussi déterminantes pour l'avenir de notre société et de la planète alors que tout change si vite.
J'apprécie de pouvoir travailler avec le Parlement et singulièrement avec le Sénat. Nombre d'entre vous vous passionnez pour les questions de développement, de coopération et pour les autres continents. Les liens entre le législatif et l'exécutif sont indispensables.
Il nous faut une politique renouvelée pour coller à l'actualité, à l'évolution du temps, des comportements, des relations internationales. Or, une politique mobile et réactive n'est pas si facile à mener en raison du grand nombre des partenaires, des intervenants, des organismes participants. Les procédures, nationales, européennes ou internationales sont lourdes...
Nous essayons de coller à la réalité. En Tunisie, les adaptations apportées à notre action sont plus avancées que dans les autres pays. La politique traditionnelle de coopération de la France, qui est un outil précieux d'influence dans le monde, n'est pas en train de se rétracter, au contraire !
Nous recherchons le dynamisme et l'efficacité. J'ai tenu à travailler en partenariat étroit avec les responsables du développement au niveau de l'Union européenne, avec le commissaire Piebalgs et ses services, notamment. Les modalités d'intervention de l'Union ne sont pas simples, elles prennent du temps, alors qu'il y a parfois urgence. Notre politique nationale est clairement affirmée depuis longtemps mais il convient de l'inscrire dans une dynamique collective.
Quant aux sommes consacrées, le gouvernement français et la représentation nationale n'ont pas à rougir de ce que fait la France. Dans le budget de l'Etat, les crédits de la coopération sont de 10 milliards d'euros. D'ici 2015, selon l'objectif fixé au plan international, il faudra consacrer 0,7 % du PIB à l'aide publique au développement ; la France en est à 0,5 %, contre une moyenne de 0,3 % dans l'ensemble de l'OCDE. J'ajoute que les crédits de mon ministère, comme ceux de la culture et de la recherche, ont été sanctuarisés dans la loi de finances pour 2011, alors que les crédits de fonctionnement des autres ministères ont été réduits de 10 %. Nous bénéficions d'un traitement de faveur. Dans le total de l'aide publique au développement, 55 % relève des relations bilatérales, 45 % des actions multilatérales. Nous entendons passer à 65 % d'ici 2013, afin que les subventions accordées, les bonifications d'intérêt, soient mieux identifiables.
J'en viens aux priorités. Géographiquement, l'aide publique au développement est pour 60 % versée aux pays d'Afrique - les quatorze pays pauvres prioritaires bénéficient de plus de 50 % de nos subventions. Nous voulons être présents dans les pays de la Méditerranée auxquels nous consacrons 20 % de notre effort budgétaire sous forme essentiellement de prêts. Nous examinons comment nous pouvons, en lien avec les autorités tunisiennes, donner une impulsion nouvelle à notre aide à la Tunisie, comme à d'autres pays, en prenant en compte les priorités exprimées par les mouvements en cours.
Quant aux priorités sectorielles, ce sont les objectifs du millénaire pour le développement : lutte contre la pauvreté, santé -550 millions d'euros par an-, éducation 1 milliard d'euros dédiés aux frais d'écolage- et soutien à une croissance durable et partagée. Il faut bien sûr intervenir sur les infrastructures, sinon comment développer l'activité, et soutenir l'agriculture, secteur fondamental et dont la production devra augmenter de 70 % puisque l'Afrique comptera dans quarante ans 2 milliards d'habitants, contre 1 aujourd'hui.
M. Jean-Louis Carrère. - Ne nous refaites pas le discours de Dakar !
M. Henri de Raincourt. - Je ne vois pas le rapport... Il s'agit donc d'accompagner la croissance, l'emploi - objectifs énoncés, Monsieur Carrère, dans le discours du Cap.
Dans le fonctionnement de notre politique de coopération, nous souhaitons une démarche de plus en plus transparente à l'égard du Parlement. Celui-ci a participé à l'élaboration du document-cadre qui définit les perspectives à dix ans et sera associé à l'évaluation qui sera menée tous les deux ans. Il est membre du comité de pilotage et tous les rapports lui seront transmis. En outre le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française du développement (AFD) -qui n'est pas encore signé mais qui a achevé son long parcours interministériel, au terme duquel le Premier ministre a rendu ses arbitrages- sera très prochainement transmis pour avis par le secrétariat général du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat. Enfin, le Parlement est associé à la définition des engagements à promouvoir dans le cadre du G8 et du G20.
Notre politique de développement n'est pas uniquement liée à l'aide publique. Le secteur privé a un rôle à jouer. Je vous renvoie sur ce point également au discours du Cap. Le capital de Proparco, filiale secteur privé du groupe AFD, a été triplé. Nous garantissons des prêts accordés à des entreprises grâce à un fonds de 250 millions d'euros, nous prenons des participations dans des PME qui voudraient investir en Afrique. Ce sont là des outils utiles. Mais non suffisants.
En effet, des besoins nouveaux apparaissent, notamment pour la protection des biens publics mondiaux pour lesquels il est nécessaire de définir des actions et des financements. D'ici 2025, il faudra trouver 300 milliards d'euros supplémentaires par an, stables et réellement additionnels. Le président Chirac et le président Lula avaient montré l'exemple en créant la taxe sur les billets d'avion ; le président Sarkozy, dans le cadre du G20, proposera des financements innovants, par exemple une contribution de ceux qui profitent le plus de la mondialisation mais ne payent rien en échange : 5 centimes d'euro sur chaque transaction de change de 1000 USD dans le monde. C'est peu pour celui qui paie la taxe ; mais avec 40 milliards d'euros annuels de produit, bien des actions deviendront possibles dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, de la santé,... Scolariser tous les enfants d'Afrique coûterait par exemple 16 milliards d'euros par an.
Tous les pays ne sont pas favorables à cette idée, mais elle est inscrite à l'ordre du jour de toutes les réunions internationales, celles du G20 en particulier. La France pense parvenir à mobiliser un nombre suffisant de pays pour que la mesure entre en vigueur et déclenche un processus de preuve par l'exemple.
Vous m'interrogez sur le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Les mouvements populaires ont suscité des changements rapides et de grande ampleur. En Tunisie et en Egypte, les dirigeants ont changé ; ailleurs cette étape n'a pas été franchie. Nous sommes en contact permanent avec la Tunisie, même si les équipes dirigeantes ne sont pas stabilisées, ce qui est bien normal. Nous nous efforçons de cerner l'ordre de leurs priorités pour réorienter l'aide française et européenne. Les missions gouvernementales qui se sont rendues en Tunisie, à commencer par celle de Mme Christine Lagarde et M. Laurent Wauquiez le week-end dernier, élaborent un plan. Notre partenaire a besoin de soutien en matière de formation, d'organisation, de gouvernance, il a besoin de prêts, plus que de subventions. En Egypte, où le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères se rendra samedi et dimanche prochains, il s'agit de voir avec les autorités de transition, mieux identifiées qu'en Tunisie -l'armée, en fait- les besoins et les attentes.
En Libye, la situation est plus tendue, tragique. Une crise humanitaire s'y déroule. La France s'efforce d'apporter son aide et de rapatrier chez eux tous ceux qui le souhaitent. Les déclarations effarantes de Mouammar Kadhafi se succèdent... Plus tôt il partira, mieux cela vaudra.
M. Christian Cambon. - M. Vantomme et moi-même, co-rapporteurs pour avis du budget de la coopération, vous remercions du climat de travail et de coopération fructueuse qui règne au ministère depuis votre arrivée. Nous sommes prêts à travailler avec vous de façon exigeante et attentive.
La coopération est un outil d'influence, mais aussi de correction des inégalités et des dérèglements de la mondialisation. L'action de l'Union européenne en ce domaine est significative : elle est le premier bailleur au monde, avec 60 % de l'aide publique au développement. Un quart de l'aide française passe par le canal européen, essentiellement par le fonds européen de développement. Mais ces circuits n'ont qu'une faible lisibilité et l'Europe ne pèse pas à hauteur de ses engagements financiers. Il est temps de promouvoir une vraie division des tâches, comme on commence, par exemple, à le faire au Mali : chaque pays anime l'action sur un secteur, éducation, santé, etc. Il ne s'agit pas de supprimer les différents niveaux d'intervention mais d'aller vers plus d'intégration européenne. Une politique de modernisation de la coopération européenne a été engagée avec le Livre vert. A quelle échéance peut-on espérer une rationalisation du travail européen ? Les négociations sont-elles en cours ?
L'attention est aujourd'hui focalisée sur le Maghreb, mais, dans le Sahel où nous avons des otages, la situation est également préoccupante : trafics en tous genres et terrorisme prolifèrent. La seule réponse française, à ce jour, est un renforcement de la coopération militaire et policière avec les Etats de la zone. C'est indispensable mais cela ne suffit pas. Il faut venir en aide aux populations dont l'extrême pauvreté fait le lit du terrorisme. Quelle est la stratégie de l'Europe dans ces zones -zones à risque pour nos coopérants ?
Jour après jour nous somme surpris d'apprendre quelles sommes faramineuses ont été captées par les dirigeants de pays destinataires de l'aide publique. Certes, ce ne sont pas nos crédits qui sont ainsi détournés -l'argent provient plutôt des activités pétrolières et minières- mais la gouvernance laisse à désirer... Le fils du président de Guinée Conakry a acheté un yacht de 288 millions d'euros : l'opinion publique pourrait finir par s'étonner que l'on attribue des aides, financées par les contribuables, à des pays dans lesquels des montants considérables sont détournés. La Cour des comptes de l'Union fait remarquer qu'aucune procédure n'a été mise en place par la Commission européenne pour réduire le risque de mauvaise gestion ou de corruption. Quels sont les projets du gouvernement pour sécuriser les aides et pour évaluer la gestion dans les pays destinataires de l'aide ? Les Français veulent que leur argent soit bien utilisé.
Le directeur général de l'AFD et le secrétaire d'Etat au commerce extérieur estiment que l'aide devrait mieux contribuer à soutenir les exportations des entreprises françaises. Cette remarque pourrait signifier qu'à terme nous revenions sur l'engagement pris il y a 10 ans avec l'ensemble des bailleurs de fonds d'un déliement de l'aide. Le déliement de l'aide risque-t-il d'être remis en cause ? Ce serait dommage, car il semble bien que les aides déliées réduisent de 30 à 40 % le coût des projets et soient en définitive plus favorables aux entreprises françaises qui accèdent ainsi à l'ensemble des appels d'offre et pas uniquement à ceux financés par la France Mais d'autres pays, comme la Chine, n'hésitent pas à mettre leur aide en balance avec les contrats escomptés en retour.
L'évaluation est au centre de l'activité des commissions parlementaires. Comment mieux cerner l'efficacité de l'aide au regard des objectifs poursuivis ? Le ministère de la coopération anglais a récemment procédé à une évaluation très précise et de grande ampleur de l'aide multilatérale et bilatérale, interrogeant plus de cinquante institutions et opérateurs, pour juger de leur solidité organisationnelle et de la pertinence des buts poursuivis. L'évaluation bisannuelle à laquelle vous nous conviez est une bonne chose mais il faudra un jour songer à nous doter d'un instrument comparable, afin que le Parlement sache si l'argent est dépensé à bon escient.
Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD ? Je vous rends hommage, Monsieur le ministre, pour avoir consulté le Parlement sur ce document. Quel est votre sentiment sur l'économie de ce contrat ? L'Etat continuera-t-il à prélever 100 % du dividende de l'agence et celle-ci aura-t-elle les moyens de son action en Afrique subsaharienne ? Gagne-t-elle suffisamment d'argent lorsqu'elle intervient dans les pays émergents ?
L'Allemagne a suspendu, événement sans précédent, sa contribution au fonds mondial de lutte contre le sida en raison des malversations qu'il a subies. Je sais qu'il est interdit d'évoquer l'éventualité d'une baisse des crédits sans susciter l'ire de certaines associations mais les moyens déployés, considérables, suscitent des interrogations.
M. Henri de Raincourt . - Quelques mots du champ de compétences de mon ministère, d'abord : ce dernier a été intégré il y a quelques années au sein du ministère des affaires étrangères et européennes. Mais il conserve sa vie propre. Il s'appuie largement sur la direction de la mondialisation et sur les directions régionales et je profite de l'occasion pour rendre hommage à ses agents, non seulement performants mais passionnés, en pointe sur tous les sujets importants, climat, santé, etc. La France peut être fière d'eux !
Le ministre de la coopération valide le document cadre évoqué précédemment et préside le conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Il en valide le contrat d'objectifs et de moyens.
Quant au champ géographique, il recouvre bien sûr l'Afrique mais aussi tous les pays en développement listé par le CAD de l'OCDE. Les choses se passent très bien avec le ministre des affaires étrangères, avec le ministre du budget -même si avec ce dernier les relations sont plus tendues... La politique européenne de développement se décline dans le cadre du Livre vert que la France approuve et qu'elle a même largement inspiré. J'entretiens les meilleures relations de travail avec le commissaire Piebalgs et ses équipes. Nous l'avons ainsi associé à notre démarche lorsque nous avons lancé une mission pluridisciplinaire en Guinée Conakry. Pour nous, il faut un chef de file pour chaque domaine. Les procédures de l'Union européenne sont lourdes et complexes, elles durent trop longtemps : lorsque des sanctions ont été prononcées, il faut au moins trois ans pour les lever ! Cela doit changer.
Au Sahel, la stratégie européenne sera bientôt définie et la demande française ainsi satisfaite. Mme Ashton présentera ses propositions au conseil affaires étrangères le 21 mars prochain - et non en février comme nous l'avions un temps espéré. Nous sommes tout à fait conscients des dangers, des trafics, des terrorismes qui prolifèrent dans cette région. Nous aidons les pays lorsque ceux-ci le demandent : car les modalités de la coopération ont changé, nous ne nous imposons pas. Ainsi l'intervention de nos forces militaires pour libérer nos deux jeunes compatriotes enlevés à Niamey, qui hélas n'a pas réussi, a été lancée à la demande du président du Niger.
Cette coopération fonctionne très bien. L'échange d'informations avec ces pays fonctionne bien. Hélas la coopération entre les pays de la zone n'est pas aussi forte : mais nous y travaillons et les choses sont en train de s'améliorer. C'est important car les terroristes prospèrent sur la pauvreté, ils achètent avec l'argent des rançons la neutralité de la population et se fondent parmi elle.
Du reste, si trois véhicules ont été interceptés en Mauritanie alors qu'ils se rendaient à Nouakchott pour y exploser - l'un devant se jeter contre l'ambassade de France - c'est grâce aux renseignements fournis par la population, intriguée par des mouvements étranges et qui a prévenu les autorités...
Depuis 2008, 350 millions d'euros ont été mobilisés pour la politique de développement dans la région. Nous coordonnons nos efforts avec ceux de l'Union européenne. Nous avons récupéré trois otages mais quatre personnes sont encore détenues et nous mettons tout en oeuvre pour qu'elles soient libérées. En cette matière seule la discrétion ouvre des perspectives positives, par conséquent je n'en dirai pas plus.
La corruption est un fait tragique, qui emporte les effets les plus néfastes. Ces excès ne sont d'ailleurs pas étrangers aux mouvements de révolte qui ont saisi les peuples : avec le rajeunissement de la population, le niveau croissant de formation des jeunes, la circulation de l'information en instantané sur internet, tout se sait très vite ! Et la population est exaspérée de ce qu'elle apprend.
Nous sommes attachés à la traçabilité de nos aides : il est hors de question que l'aide n'atteigne pas sa destination. Je l'ai dit, la corruption porte sur des sommes beaucoup plus importantes et qui proviennent d'autres secteurs. La France s'est efforcée de lutter contre les paradis fiscaux. Je clôturerai cet après-midi la V e Conférence internationale de l'initiative pour la transparence dans les industries extractives : c'est une façon de montrer tout l'intérêt que notre pays attache à cette démarche.
Il est vrai que l'on a tendance à penser, lorsque l'on accorde une aide, que nos entreprises devraient profiter en retour des marchés ouverts, des appels d'offre lancés. Il en va pareillement dans les collectivités locales, du reste : lorsque le conseil général attribue un marché à une entreprise d'un autre département, les réclamations pleuvent... Pourtant le déliement des aides décidé depuis dix ans comporte des avantages, que vous avez énoncés. Le gouvernement n'a nulle intention de rompre avec cette ligne de conduite.
S'agissant de l'évaluation, je rappelle que la Cour des comptes remettra un rapport cet été sur l'aide publique au développement. Outre les rapports bisannuels évoqués, les lois de finances comprennent des indicateurs de suivi et de résultats. La France participe aussi aux travaux de redevabilité du G8.
L'AFD est une agence d'une grande efficacité, elle mène des opérations remarquables. Le contrat d'objectifs et de moyens est une déclination du document cadre élaboré en collaboration étroite avec le Parlement. Nous avons obtenu du Premier Ministre les moyens que nous voulions pour l'agence. Elle n'est pas une administration traditionnelle, on ne peut la placer comme les autres sous la toise des effectifs réduits de 10 %. Comment lui rogner les ailes si l'on veut qu'elle se déploie dans les diverses régions du monde et les divers secteurs d'activité ?
L'AFD dégage des dividendes, à hauteur de 200 millions d'euros par an, qui sont intégralement reversés à l'État : plus elle se déploie, plus l'actionnaire y gagne ! Une partie de ces dividendes pourraient également servir à conforter ses fonds propres. Jusqu'à 75 millions d'euros de résultat, les dividendes seraient de 75 % pour l'État ; au-delà, pour moitié seulement.
Les pays émergents rapportent de l'argent, car ils consomment surtout des prêts, peu ou pas bonifiés. Ces prêts sont aussi un moyen pour nous d'exercer une influence sur des sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique, en Chine ou en Indonésie, et de rendre ces pays plus vertueux même si cette action est parfois mal perçue par l'opinion publique.
La France verse 300 millions d'euros par an au Fonds mondial contre le sida. Les détournements décelés au Mali, en Mauritanie, en Zambie et à Djibouti sont regrettables, mais saluons l'effort de transparence ; sur 35 millions détournés, sur un total d'engagement dépassant 2 milliards, 7 ont déjà été récupérés. Le directeur du fonds a mis en place un système de vérification pour empêcher que de tels faits se reproduisent, et des procédures judiciaires ont été engagées auprès des autorités des pays concernés. Il ne faut pas que les donateurs suspendent leur participation au Fonds ; la France va d'ailleurs porter la sienne à 360 millions.
M. Yvon Collin. - Vous avez répondu à de nombreuses questions.
Le neuvième rapport de suivi sur l'éducation publié par l'Unesco le 1er mars souligne le déficit d'éducation dans les pays qui connaissent des conflits armés et la faiblesse de l'aide au développement destinée à l'éducation. Celle-ci stagne depuis 2007, et le décalage entre engagements et décaissements freine les actions sur le terrain. Ces pays ont besoin de flux prévisibles, mais souffrent de leur manque de crédibilité. Comment notre politique d'aide au développement peut-elle dépasser ces limites ?
En 2009, l'aide française à Haïti était de 35 millions ; nous étions septièmes en termes d'APD, quatrième bailleur bilatéral. À la suite du séisme de janvier 2010, la France a annoncé un effort de 326 millions pour la période 2010-2011. Il semble que le décaissement tarde. Quel est le niveau d'aide réellement mise en oeuvre sur le terrain ?
M. Henri de Raincourt. - En matière d'aide à l'éducation, nous sommes déjà les premiers. Le taux d'analphabétisation en Afrique a baissé de moitié. Nous consacrons 1 milliard d'euros au titre des frais d'écolage, et nous formons en France plus de cent mille étudiants africains. Nous voulons dégager des financements nouveaux pour des besoins nouveaux, dont l'éducation. Il y reste bien sûr des progrès à faire. En Afrique subsaharienne, l'action de l'AFD a contribué en 2009 à des programmes permettant la scolarisation dans le primaire de plus de 1 800 000 enfants.
S'agissant d'Haïti, nous sommes exemplaires : sur les 326 millions d'aide à la reconstruction que nous engageons sur deux ans, 70 % sont effectivement mis en oeuvre. Nous sommes donc au rendez-vous. Ce n'est pas le cas de tous les pays qui se sont engagés, et le décalage entre les aides promises et la réalisation des opérations de reconstruction est important. Le pays est loin d'être reconstruit.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Premier point : la situation des centaines de milliers de réfugiés, de toutes nationalités, qui se pressent à la frontière tuniso-libyenne. La Tunisie, très déstabilisée, ne peut plus faire face à cet afflux. Que comptent faire le gouvernement français et l'Union européenne dans les prochains jours ?
Proparco et l'AFD auront un rôle essentiel à jouer pour réorienter et rééquilibrer l'économie tunisienne. Dites au ministre des affaires étrangères qu'il faut renforcer notre poste diplomatique à Tunis, et y nommer un ambassadeur expérimenté, poli et sérieux, qui ne sème pas la panique. Exit M. Boillon, le plus vite possible !
La France n'a pas à rougir de son effort en matière d'aide au développement, dites-vous ? Ce n'est pas vrai pour l'Afrique subsaharienne : entre 2004 et 2009, les subventions aux pays pauvres sont passées de 219 à 158 millions d'euros ! Les crédits ont baissé de 50 millions. Comment continuer à faire de l'aide sous forme de dons avec 10 millions par pays et par an pour les pays prioritaires ?
Avec la création de l'Institut français, les services de coopération et d'action culturelle vont disparaître ; leurs attributions en matière de coopération vont donc passer à l'AFD. Avez-vous intégré cette dimension dans la négociation du contrat avec l'AFD ?
Enfin, une hausse de 60 millions de notre contribution au Fonds sida a été annoncée. Il s'agira de moyens extrabudgétaires : d'où viendront-ils ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - Vous nous avez présenté un rapport très complet, monsieur le ministre : vous donnez l'impression de maîtriser ces procédures complexes et souvent opaques. Il serait souhaitable que vous veniez nous présenter la politique française dans son contexte, en la situant par rapport aux politiques que mènent les États-Unis et la Chine en Afrique.
La France connaît bien l'Afrique, où le français est répandu. Tout ce qui peut y renforcer la coopération privée doit être encouragé. Les pays arabes qui se soulèvent aujourd'hui ont pour point commun le nombre de jeunes sans emploi : s'il y a un endroit où favoriser les délocalisations, c'est le Maghreb ! Faisons pour stabiliser cette région ce que l'Allemagne a fait pour l'Europe centrale et orientale. Un moyen serait de garantir les investissements de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie.
Les pays du Sahel voient leur démographie exploser. Au Burkina ou au Niger, pays francophones, le taux d'analphabétisation frise les 45 % : y investir dans l'aide à l'éducation ne serait pas de l'argent gâché ! Pourquoi ne pas renforcer l'aide à la formation des enseignants ? Cela a longtemps été l'un de nos points forts : nos écoles normales étaient un modèle ! La République démocratique du Congo comptera bientôt 150 millions d'habitants : c'est un enjeu majeur.
M. Henri de Raincourt. - La situation à la frontière tuniso-libyenne est tragique. Outre les avions envoyés par la France, un navire est en route vers la Libye pour évacuer des personnes vers l'Égypte.
Permettez-moi de ne pas porter de jugement sur l'actuel ambassadeur en Tunisie : c'est le conseil des ministres qui nomme les ambassadeurs...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Il faut l'envoyer dans le Far West ! (Sourires)
M. Henri de Raincourt - Nous sommes conscients qu'il faut redéfinir et réorienter la coopération avec les pays du Maghreb, et notamment avec la Tunisie, où nous avons d'ailleurs envoyé une mission. On nous demande d'accentuer notre effort en matière de formation, notamment professionnelle, car il y a une inadéquation entre formation et emplois.
Mme Cerisier-ben Guiga oublie de comptabiliser les contributions de la France au titre de l'aide multilatérale : 800 millions d'euros par an ! Les crédits ne baissent pas. Le Fonds sida est essentiellement destiné à l'Afrique. L'action de l'AFD en Afrique subsaharienne comprend également des prêts, qui ont bondi de 275 millions en 2002 à 1,8 milliard en 2010, à 2,2 milliards si l'on ajoute les sommes qui transitent par Proparco.
Le partage des responsabilités entre le ministère des affaires étrangères et l'AFD est clair.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il va évoluer.
M. Henri de Raincourt - La présence française peut être rationalisée ; la présence géographique et sectorielle de l'AFD en sortira renforcée. Bref, les choses se passent plutôt bien.
Monsieur Chevènement, je suis à la disposition du Sénat pour resituer la politique française en Afrique dans son contexte, comme je l'ai fait hier à l'Assemblée.
Il va falloir consentir un effort considérable en matière d'éducation pour répondre à l'explosion démographique. Les financements innovants que nous voulons dégager y seront consacrés ; la formation des maîtres est une priorité, que j'ai évoquée lors de déplacements en Afrique.
S'agissant de la garantie des investissements, nous sommes au rendez-vous. Nous avons créé un fonds d'investissement doté de 250 millions, accompagné d'un fonds de garantie pour les prêts contractés par les PME. Je pense que le gouvernement voudra poursuivre dans cette direction intéressante.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Est-ce l'AFD qui met en oeuvre le dispositif ?
M. Henri de Raincourt. - Oui, avec Proparco.
M. Didier Boulaud. - Une remarque annexe : M. Lellouche nous a promis une note indiquant la part des ventes d'Airbus qui revient à la France. Je me demande si chaque pays partenaire ne s'en attribue pas la totalité ! (Sourires) La commission l'a-t-elle reçue ? (M. le président indique que non).
S'agissant de la formation des maîtres, il faut revenir aux anciennes méthodes, qui fonctionnaient fort bien à mon époque. La formation actuelle est un vrai scandale !
Mme Bernadette Dupont. - Certains régimes sont aujourd'hui en proie à l'instabilité ou à des régimes politiques instables. Comment articulons-nous notre aide avec ces situations ?
M. Henri de Raincourt. - La France a des relations d'État à État. Nous n'avons pas de grille déterminant si tel gouvernement est fréquentable ou non, même si je comprends que certaines relations puissent choquer. Il faut être vigilant. Nous ne nous interdisons pas d'exprimer nos préoccupations en matière de droits de l'homme ou de libertés.
Il y a quatre mois, personne ne prévoyait l'intensité et la rapidité des changements qui sont intervenus dans les pays arabes. Il faut gérer la transition, être présent auprès des responsables intérimaires pour les orienter dans le bon sens. Nous sommes admiratifs et satisfaits de voir la liberté et la démocratie se répandre dans des pays qui en étaient privés, mais il faut rester vigilant : la démocratie n'est pas un don du ciel, mais un combat quotidien. Il faut la conforter. Espérons que la formation des jeunes, la circulation de l'information fassent que le douloureux précédent de l'Iran ne se reproduise pas.
L'argent ne va pas à un gouvernement, mais à des organismes, des entreprises, à la société civile. Dans le cadre de la coopération décentralisée, elle va à des collectivités, ce qui est souvent une garantie contre la corruption.
C'est une grande chance que de m'être vu confier cette mission !
M. Josselin de Rohan, président. - Merci de vos réponses exhaustives et précises, monsieur le ministre. Nous voyons que vous avez pris la mesure de vos nouvelles fonctions ! Nous espérons vous réentendre bientôt, et saluons votre ouverture envers le Parlement. Nous travaillons tous au même but.
M.
Dov ZERAH,
Directeur général de l'Agence française de
développement,
le 8 mars 2011
M. Jacques Blanc, vice-président - Votre nomination en conseil des ministres en qualité de directeur général de l'Agence française de développement (AFD) en juillet dernier est intervenue dans un contexte de mutation profonde de son environnement et de ses activités.
Le volume d'interventions de l'Agence a été multiplié par cinq depuis dix ans, et son champ d'intervention géographique étendu à plusieurs reprises, vers l'ensemble de l'Afrique d'abord, puis en direction des pays émergents prioritaires. Son champ sectoriel s'est aussi considérablement accru avec le transfert, en 2004, des actions de coopération dans l'ensemble des secteurs relevant des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), notamment la santé, l'éducation de base et le secteur productif. Ses activités de financement du secteur privé ont connu un développement accéléré, tandis que sa production intellectuelle s'est significativement renforcée. Par bien des aspects, l'AFD se compare désormais, au plan international, aux principales agences bilatérales et aux banques multilatérales de développement.
Votre agence est aujourd'hui l'opérateur pivot de la coopération française. Elle a un rôle stratégique qui s'affirme de plus en plus, comme en témoignent l'inscription au sein de l'agenda du G20 et du G8 des questions relatives à l'aide au développement, l'importance prise par les questions du développement du Sahel ou des pays du Maghreb ou celles relatives à la lutte contre le réchauffement climatique. L'évolution de l'actualité contribue sans nul doute à accroître les attentes des pouvoirs publics à l'égard de l'AFD.
En septembre dernier, le Premier ministre vous a défini ses priorités à travers une lettre de mission. Vos tutelles ont ensuite, en liaison avec vos services et en concertation avec le Parlement, défini une stratégie de coopération de développement. Aujourd'hui, vous venez de négocier avec l'Etat votre contrat d'objectifs et de moyens.
Pouvez-vous nous décrire l'économie globale de ce contrat ? Nous expliquer la valeur ajoutée de ce document par rapport au document-cadre ? Nous décrire les objectifs qui vous sont fixés, les moyens qui vous sont attribués, les économies de fonctionnement qui vous sont imposées et le programme d'activité qui en découle ?
Je rappelle aux membres de la commission que nous aurons, en application de l'article 1 de la loi sur l'action extérieure de l'Etat, à nous prononcer sur ce contrat sur le rapport de nos collègues Cambon et Vantomme. Ce contrat va nous être communiqué très prochainement par le secrétariat général du gouvernement. Il était prévu que nous l'ayons dès aujourd'hui pour cette audition. Cela n'a pas été possible. Mais nous comptons sur vous Monsieur le directeur général pour nous en communiquer l'essentiel.
Pouvez-vous également nous indiquer comment et quand, à l'issue de l'avis du Parlement, sera adopté ce contrat et par quel organisme, le conseil d'administration ou le conseil d'orientation stratégique ? Cela sera l'occasion de nous éclairer sur la gouvernance de l'AFD. C'est également pour moi l'occasion de réitérer le souhait du Président qu'un de nos rapporteurs de la commission puisse siéger au conseil d'administration de votre Agence comme l'impose la loi sur l'action extérieure que nous avons adoptée en juillet dernier.
M. Dov Zerah. - Je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter à la représentation nationale le contrat d'objectifs et de moyens de l'agence française de développement. Je ne sais pas encore exactement quand et selon quelle modalité le COM sera adopté. Les sénateurs sont les bienvenus au Conseil d'administration de l'AFD et cela avant même que le statut de l'Agence ne soit modifié en application de la loi sur l'action extérieure de l'Etat.
Depuis 2005, l'AFD a en effet connu une profonde évolution, voire une véritable révolution. Grâce à une extension de son champ d'intervention géographique et à une diversification sectorielle, l'AFD a multiplié par quatre ou cinq ses engagements et atteint aujourd'hui une taille comparable à son homologue allemand ou à des banques régionales de développement telles que la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement. Cette croissance a été rendue possible par un accroissement de 35 % des effectifs depuis 2005.
Par rapport à la croissance rapide de ces dernières années, une phase de consolidation est nécessaire. Cette volonté de consolidation qui est la mienne s'est d'ores et déjà traduite par de nombreuses initiatives dont la constitution d'une direction exécutive des risques, qui s'imposait compte tenu de la croissance des engagements de l'agence.
Le contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation, qui s'inspire du document-cadre adopté par le Gouvernement en liaison avec le Parlement, traduit également cette volonté de consolidation. Il comporte une clarification de la stratégie de l'agence en matière de concentration géographique et sectorielle.
En matière de concentration géographique, nous avons proposé à nos tutelles de consacrer 80 % des subventions-projets aux quatorze pays prioritaires de la coopération française, hors pays en crise ou en sortie de crise. On s'aperçoit en effet que, lorsque l'on concentre 60 % de l'effort budgétaire de l'Etat, subventions et prêts compris, à l'Afrique subsaharienne, la majorité de ces engagements ne vont pas aux pays francophones de cette zone dont la capacité d'emprunt est limitée. C'est pourquoi il nous faut concentrer davantage nos interventions sous forme de dons aux quatorze pays prioritaires et en particulier à ceux de la zone sahélienne. Notre proposition n'a été retenue qu'en partie car les tutelles ont souhaité garder des marges de manoeuvre.
En matière de concentration sectorielle, le projet de contrat d'objectifs comporte des cibles sur deux secteurs : l'éducation et la santé. Pourquoi ces secteurs ? Parce qu'ils ne peuvent être financés que difficilement par des prêts ou par des instruments de marché. C'est pourquoi, il est prévu que l'AFD consacre au moins 40 % des subventions-projets affectés au secteur de l'éducation en Afrique subsaharienne et 48 millions d'euros de subventions par année dans les pays prioritaires pour la santé et notamment la santé maternelle et infantile. Il nous faudra également conserver des moyens pour intervenir dans les domaines de l'eau, de l'assainissement et du développement urbain.
Lors de la négociation du contrat d'objectifs, il y a eu un débat fourni sur le modèle économique de l'agence et la réduction des frais de fonctionnement. Une de nos tutelles a souhaité nous assimiler à un opérateur de l'Etat au sens de la LOLF, à l'instar des établissements publics administratifs ou des administrations centrales, et nous imposer une réduction de nos coûts de fonctionnement comparable à celle imposée à ces opérateurs. Or j'insiste sur le fait que nous ne sommes pas un opérateur de l'Etat au sens de la LOLF car nous ne bénéficions d'aucune subvention de fonctionnement. Non seulement la majorité de nos ressources ne provient pas de l'Etat, mais nous versons à l'Etat actionnaire un dividende conséquent qui s'est élevé en 2009 à 220 millions d'euros. L'AFD a versé, depuis 2005, 1,1 milliard d'euros de dividendes à l'Etat. Dans ces conditions, il faut bien comprendre que brider le développement de l'AFD par des contraintes conduira à réduire, à terme, le dividende dont pourrait bénéficier l'Etat. J'ai constaté lors de ces négociations une véritable dérive consistant à vouloir imposer à l'agence des contraintes en valeur absolue en matière d'effectifs et de frais généraux qui correspondent à un « micro-management ». Cette dérive n'est pas compatible avec l'autonomie de gestion dont nous devons pouvoir jouir pour mener une stratégie pertinente. Je ne suis pas opposé à mener une politique de réduction de nos coûts de fonctionnement. J'ai même proposé de réduire le taux de croissance de ces frais de 12 % par an ces dernières années à 2 % en 2011. Je suis favorable à ce que, comme pour les autres établissements bancaires, soient imposés par l'Etat actionnaire des ratios qui prennent en compte l'évolution de l'activité de l'agence tels que frais généraux sur encours ou d'autres ratios de ce type. Cela ne me paraît en revanche pas pertinent de fixer un plafond d'emplois à l'unité près ou un montant de frais généraux hors dépenses du personnel.
S'agissant du dividende, le fait que l'Etat prélève 100 % du résultat net de l'agence ne me paraît pas une attitude vertueuse. Ce n'est pas un mécanisme incitatif puisque, dans ces conditions, l'agence n'a aucun intérêt à dégager des résultats. L'agence est confrontée aujourd'hui à un problème de fonds propres puisqu'elle atteint dans un certain nombre de pays un plafond en regard du ratio prudentiel « grands risques ». C'est le cas au Maroc, en Tunisie. Cela sera bientôt le cas en Afrique du Sud, en Turquie et au Vietnam. Ce problème eût été moins important si nous avions pu conserver une partie de notre dividende pour accroître nos fonds propres. Nous avons proposé un ratio de 35 % de retenue par l'Etat qui correspond à l'impôt sur les sociétés auquel l'agence n'est pas soumis. Nos tutelles auraient retenu un prélèvement de 75 % sur les 75 premiers millions, de 50 % sur les sommes entre 75 et 140 millions.
M. André Vantomme. - Monsieur le directeur général, merci pour ces précisions. Avec mon collègue Cambon qui est aujourd'hui souffrant, nous avons pris un peu d'avance, pour préparer cette audition. Aussi nous nous sommes fait présenter le projet de COM par le cabinet du ministre, ce qui nous permet aujourd'hui de vous poser quelques questions sur le contenu de ce document.
Quand on regarde l'évolution des moyens en subventions attribués à l'AFD depuis dix ans et les objectifs fixés par le COM et le document-cadre : Est que vous n'avez pas le sentiment qu'on demande à l'AFD de faire toujours plus, de contribuer toujours plus à l'APD française déclarée à l'OCDE avec toujours moins de moyens publics ?
Dans le projet de COM en cours, il y a, en dehors des cibles géographiques issues du document-cadre, quelques cibles par secteur concernant l'éducation et la santé. Dans ce dernier domaine, la France contribue à hauteur de 360 millions d'euros au fonds Sida. A travers le COM, vous vous êtes engagé à hauteur de 50 millions en matière de santé maternelle et infantile, et la France s'est engagée globalement à hauteur de 150 millions dans ce domaine. On aboutit à ce que les crédits bilatéraux viennent abonder des crédits multilatéraux déjà très conséquents au niveau de l'ensemble des bailleurs de fonds. N'est-on pas en train de concentrer notre effort de façon excessive, alors même que parallèlement les sommes pour travailler dans le domaine de l'eau, de l'agriculture, du développement du secteur privé dans les pays du Sahel sont aujourd'hui dérisoires. Dans les 14 pays qui devraient être prioritaires, on est à 10 millions d'euros par pays. N'y a-t-il pas un risque de surconcentration qui de plus peut ne pas correspondre aux besoins de nos partenaires ?
Dans le projet de COM, vous vous engagez sur 10 % des subventions dans les pays en crise. En 2008 et 2009, ces pays en crise représentaient 27 % à 25 % des subventions. Est-ce à dire que vous allez réduire vos activités en Afghanistan et dans les territoires palestiniens ? La catégorie des pays en crise ne risque-t-elle pas d'inclure de nouveaux pays à l'issue des événements qui ont lieu au Maghreb ?
Il semble qu'en marge du COM, il y ait eu un accord de concessions réciproques par lequel l'AFD récupère 25 % de son dividende jusqu'à 75 millions d'euros et 50 % au-delà en contrepartie de quoi le budget vous impose des réductions de frais de fonctionnement. Ce n'est pas les 10 % d'économie demandés aux établissements publics, mais on cherche manifestement à réduire les coûts de fonctionnement de l'AFD. Le contrat fixe notamment un plafond pour les effectifs du personnel à 1.174, un plafond pour les frais généraux à 83 millions d'euros. Est-ce que vous pourrez nous dire à quoi correspondent ces derniers chiffres et si globalement l'équilibre vous paraît satisfaisant par rapport aux objectifs ?
Est-ce qu'un système réservant 1/3 du dividende à l'actionnaire, 1/3 de fonds propre et 1/3 de financement de subvention à des projets dans les zones prioritaires n'aurait pas été plus vertueux ? Est-ce qu'asseoir une partie du financement de notre aide à l'Afrique sur la marge bancaire dégagée dans des zones plus prospères ne serait pas une façon de retrouver des marges de manoeuvre en subvention et de répondre aux critiques formulées à l'encontre de votre investissement dans les pays émergents ?
Il y a dans le contrat d'objectifs et de moyens des objectifs de réduction des coûts de fonctionnement bien compréhensibles. Il y a un certain nombre d'indicateurs dont on peut toutefois se demander quels seront leurs effets à terme sur le modèle économique de l'AFD. Je pense à l'effet de levier, c'est-à-dire le montant des engagements par euro de subvention ou de bonification. Là où l'effet de levier est le plus fort, c'est de prêter sans aucune bonification au Mexique. Je pense également au ratio charges d'exploitation sur encours. Là où il est le plus faible, c'est là où l'AFD peut ouvrir une agence avec un agent et conclure dans la foulée des prêts de 300 millions d'euros comme en Colombie. Est-ce que ces ratios ne peuvent pas conduire l'AFD à s'éloigner de l'Afrique et du développement ?
On a beaucoup critiqué la faible capacité de la France à anticiper les évolutions du Maghreb. L'AFD a parmi ses missions une mission de production intellectuelle et de recherche sur les questions de développement. Pouvez-vous nous dire quels sont vos objectifs dans le domaine pour préparer les grandes échéances internationales à venir, je pense à la présidence française du G8 et du G20, à la conférence sur les PMA à Istanbul, à celle sur l'efficacité de l'aide du prochain rendez-vous de négociation internationale sur le climat ? Je pense également à des réflexions sur le développement du Maghreb et de l'Afrique.
M. Dov Zerah. - L'AFD reçoit 355 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les bonifications des prêts concessionnels qu'elle consent et 182 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour des subventions-projets. Grâce à cet effort financier de l'Etat et à des ressources propres, l'AFD contribue à 16 % de l'aide publique au développement française déclarée à l'OCDE.
Je ne sais pas si on peut dire que les pouvoirs publics demandent toujours plus à l'AFD avec de moins en moins de moyens, mais je trouve que le plus gênant reste l'absence de règles de gestion stables qui nous permettent une programmation dans la durée.
Les chiffres que vous me citez en matière d'effectifs et de frais généraux sont des chiffres que nous avons proposés et qui constituent la contribution de l'AFD à la réduction de ses frais de fonctionnement. Nous avions également proposé une revalorisation générale annuelle des salaires du personnel de 0,5 % sur trois ans. J'ai considéré qu'il fallait valoriser le personnel qui avait contribué à générer des résultats que vous connaissez et un dividende de 220 millions d'euros au titre de 2009. Les tutelles, dans un contexte de maîtrise de l'évolution des rémunérations dans la fonction publique n'ont pas retenu cet objectif.
La concentration de l'effort en subventions-projets sur les quatorze pays prioritaires ne devrait pas dans mon esprit se faire au détriment de notre action dans les pays en crise.
Je conçois qu'on puisse estimer que la France contribue largement à l'aide au développement dans le domaine de la santé aussi bien par le biais de son aide bilatérale que par celui de son aide multilatérale.
L'AFD a effectivement de multiples facettes. Elle est principalement engagée sur deux axes, un axe vertical qui va du Maghreb à l'Afrique sub-saharienne, un axe horizontal qui couvre le monde arabo-musulman. Elle intervient par ailleurs dans le cadre de la préservation des biens publics mondiaux dans les pays émergents avec des moyens aussi peu concessionnels que possible. On ne peut pas considérer que l'AFD puisse investir dans certaines zones ce qu'elle gagne dans d'autres. Il n'y a pas de vases communicants. L'AFD ne construit pas ses taux d'intérêt et ses prêts pour gagner de l'argent mais bien pour participer au développement d'un pays.
L'évolution actuelle de la situation en Tunisie, en Egypte nous conduira inévitablement à réorienter notre aide pour accompagner la transition au Maghreb.
Nous allons poursuivre la mission de production intellectuelle de l'AFD, mais le budget consacré à cette mission devra sans doute être réduit compte tenu des économies de frais de fonctionnement demandées.
Deux arbitrages ont été effectués depuis mon arrivée en matière de coûts : poursuivre les recrutements pour limiter le recours à des intérimaires et des prestataires extérieurs, et privilégier la production financière.
M. Jean Faure. - La restructuration que vous êtes en train de mener n'a pas toujours été bien comprise. Elle se traduit, dans le sud-est asiatique, par la suppression du chef d'agence du Laos et le regroupement de l'agence du Laos avec les agences du Cambodge et de la Thaïlande, ce qui risque d'affaiblir la présence de l'agence dans cette zone où de nombreux projets ont été poursuivis avec succès ces dernières années. La réduction de la présence de l'agence au Laos risque d'accroître encore la prépondérance de la Chine, qui finance non seulement de très nombreux barrages mais également une ligne de TGV qui permettra de relier la Chine à ce pays. Nous avions établi avec votre prédécesseur des relations de confiance fondées sur des échanges fréquents qui permettaient de discuter de ce type d'évolution qui suscite de nombreuses inquiétudes parmi les parlementaires au fait de l'évolution de la situation dans cette zone. Nous avions, par ailleurs, compris que l'agence française de développement allait étendre sa capacité à gérer des microprojets. Qu'en est-il ?
M. Dov Zerah. - Cela fait quatre fois que, depuis ma nomination, je viens devant votre commission pour expliquer la stratégie poursuivie par l'agence. Je le fais bien volontiers. Je participe également à des petits-déjeuners thématiques avec des parlementaires et j'ai demandé à mes services de bien vouloir participer à la rédaction d'une lettre parlementaire sur le développement. C'est dire si je suis attentif à nouer des contacts étroits avec la représentation nationale.
La situation de l'agence au Cambodge ne changera pas. En Thaïlande, il est vrai que je m'interroge sur la nécessité de maintenir deux juristes à temps plein. Au Laos, je propose aux tutelles que le directeur d'agence soit celui de l'agence du Cambodge. De façon générale, l'ouverture et le maintien des agences de l'AFD à l'étranger ont un coût important. L'intervention dans une géographie n'impose pas la présence physique d'agents expatriés permanents. Sachez par exemple qu'une seule personne expatriée à Bagdad coûte environ 1,1 million d'euros par an. Dans le contexte de réduction des frais de fonctionnement qui nous est demandée, il faut procéder à des choix nécessairement délicats.
Nous sommes favorables au financement de microprojets, notamment la promotion de la micro-finance. Nous allons continuer à soutenir ce type de projet, notamment en Tunisie.
Dans le contexte actuel de rigueur budgétaire, l'AFD ne peut se positionner que sur quelques sujets sensibles et concentrer ses opérations afin de maximiser la visibilité de ses interventions.
M. Robert Hue. - Nous sommes attentifs à vos choix de gestion et nous comprenons les contraintes auxquelles vous êtes soumis. Nous sommes également sensibles au processus historique qui est en train de se dérouler au Maghreb. Vous dites vous-mêmes que l'agence ne pourra répondre à toutes les demandes formulées par la Tunisie. Quelles mesures prendrez-vous pour être en position d'intervenir dans les pays qui sont plus que jamais des priorités géopolitiques de la France ?
M. Dov Zerah. - L'AFD se doit d'être présente en Tunisie. Elle l'est depuis longtemps et elle fera tout son possible pour intensifier ses interventions. La première difficulté est de sélectionner les projets qui font l'objet d'une demande de financement de la part des nouvelles autorités tunisiennes. Lors du déplacement de Mme Kosciusko-Morizet en Tunisie, nous avons notamment vérifié qu'au fil des semaines les priorités restaient les mêmes malgré de fréquents changements de ministres. Ces demandes concernent trois secteurs prioritaires qui sont en adéquation avec la présence de l'AFD en Tunisie. Elle concerne tout d'abord l'emploi et la formation professionnelle dans laquelle l'AFD s'est impliquée depuis longtemps en lien avec les industries locales. Elle vise ensuite les infrastructures et notamment les restructurations urbaines et l'assainissement des eaux, dans le cadre d'un rééquilibrage territorial. Dans ce domaine, un nouveau sujet, la gestion des déchets solides, est apparu avec les événements récents. Le troisième secteur concerne le domaine financier avec, d'une part, le développement de la micro-finance et, d'autre part, le soutien au secteur bancaire.
Mme Catherine Tasca. - Je rejoins totalement ce qu'a dit mon collègue Jean Faure sur le Laos. Nous avons approuvé le recentrage des actions de l'AFD sur l'Afrique subsaharienne, mais il faut également prendre en considération la francophonie. De ce point de vue, le Laos constitue un des rares bastions de la francophonie en Asie. Il ne faut donc pas affaiblir notre présence dans ce pays si nous voulons garder notre influence dans la région.
M. Dov Zerah. - Vous avez raison, la francophonie fait partie des priorités de l'agence et de nos tutelles. Le choix des quatorze pays pauvres prioritaires rassemble en effet, pour l'essentiel, des pays francophones de la seule Afrique sub-saharienne. L'AFD va continuer à financer le projet de Luang Prabang. La réduction des coûts de fonctionnement nous conduit à des choix délicats. Nous allons réduire les effectifs de l'agence de Pékin de 17 personnes à 12, celle de Brasilia de 5 à 2 personnes.
Mme Catherine Tasca. - Ni Pékin ni Brasilia ne sont des priorités de la francophonie contrairement au Laos.
M. André Vantomme. - Les événements récents au Maghreb ont été accompagnés de la révélation des sommes considérables accumulées par certains dirigeants. Ces cas de prévarication et de corruption concernent des sommes considérables que l'on ne peut pas ignorer. En effet, nos concitoyens ne comprendraient pas qu'on leur demande de contribuer plus largement à l'aide au développement de ces pays sans prendre des mesures pour limiter les risques de corruption et améliorer leur gouvernance. On ne peut pas faire comme si cela n'existait pas.
M. Dov Zerah. - Il est clair que les événements récents ont conduit les organisations internationales à dresser une liste de personnes susceptibles d'avoir été impliquées dans les turpitudes des régimes précédents. En tant qu'organisme bancaire, l'AFD dispose de procédures de vérification particulièrement strictes. Les événements récents nous ont conduits à renforcer notre vigilance. Les problématiques d'éthique et de gouvernance sont essentielles et constituent une priorité de l'agence qui s'est engagée depuis longtemps auprès d'organisations comme Transparency International pour lutter contre la corruption.
M. André Vantomme. - Dans ce contexte, d'aucuns voudraient aujourd'hui revenir sur le déliement de l'aide au développement pour qu'elle puisse contribuer plus largement au commerce extérieur de la France et aux exportations des entreprises françaises.
M. Dov Zerah. - Il n'est pas question de revenir sur le déliement de l'aide. Il n'y a d'ailleurs pas de lien structurel entre le déliement et les risques de corruption. Il n'y a ni plus ni moins de garantie avec les entreprises françaises et les entreprises étrangères. En revanche, il me semble de mon devoir d'essayer, dans le cadre d'une aide déliée, de répondre aux préoccupations des entreprises françaises.
Mme Bernadette Dupont. - Pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur les subventions et les prêts et nous expliquer par quels moyens les secteurs sociaux peuvent être financés par des prêts ?
M. Jean Faure. - Je suis bien conscient des contraintes financières qui s'imposent à vous, mais je redoute qu'en l'absence de chef d'agence au Laos l'AFD ait le même poids quand il faudra négocier avec les administrations ou intervenir auprès des ministres.
M. Dov Zerah. - Nous finançons les structures intervenant dans le domaine social avec des prêts. C'est le cas au Maroc et en Tunisie où nous prêtons à des cliniques ainsi qu'à des centres de formation professionnelle. C'est évidemment moins le cas en Afrique sub-saharienne où il nous faut intervenir par le biais de subventions.
Le réseau des agences de l'AFD doit pouvoir évoluer. Si nous voulons pouvoir accroître nos effectifs en Tunisie et en Egypte, il faut pouvoir les réduire ailleurs. Nous avons fermé nos agences au Yémen et en Angola. Nous continuerons à travailler au Yémen à partir de Djibouti, et au Laos mais nous ne pouvons pas financer la présence d'agences et de directeurs d'agence dans tous les pays où nous intervenons. Je serais heureux que la France puisse avoir la même capacité de financement que la Chine mais ce n'est pas le cas. Il nous faut donc rester le plus réactif possible pour ajuster le réseau à nos priorités.
M. Jacques Blanc, vice-président. - Je constate que le directeur général de l'AFD, loin de se plaindre, fait preuve d'une rare ténacité. Je dois retenir la volonté de l'Agence française de développement d'accroître sa présence dans les pays de la Méditerranée.