MARSEILLE - COLLÈGE HENRI WALLON 17 NOVEMBRE 2010

Personnes rencontrées :

M. BENZINE Fayçal, Enseignant histoire-géographie

M. BERKANE Nabil, CPE

Mme BUISSON Maryse, Chargée de mission IA

M. CANONGE Olivier, Principal adjoint

Mme CAPELLI Joélyne, Enseignante

Mme CHASTAN Nathalie, Assistante sociale

Mme CHUQUET Sylvie, Enseignante SVT

M. DEMARI Jean-Baptiste, Directeur de l'école élémentaire Clairsoleil

M. DOS REIS Philippe, Enseignant SVT (référent)

Mme GASIYI Mimia, Parent d'élève délégué

Mme KENNEL Anne, Secrétaire du comité exécutif du RAR

Mme LAZREG Sabah, Enseignante lettres

M. RIOU David, Enseignant mathématiques (référent)

M. ROUX Antoine, Principal

M. TARDY Julien, Enseignant sciences physiques

Mme TURQ Michèle, Enseignante lettres

Collège Henry Walllon (14e arrondissement de Marseille)

Le collège Henri Wallon est un collège « réseau ambition réussite » du 14 ème arrondissement de Marseille (quartiers nord) récemment rénové, et jouxtant un autre collège (Marie Laurencin) dont les bâtiments sont provisoires.

M. Antoine Roux, principal, a regretté la stigmatisation des quartiers car on y trouve beaucoup de bons élèves, respectant les règles. Le collège essaie de leur donner les « armes scolaires » ; mais pourquoi ne retrouve-t-on pas ces jeunes ensuite dans la société française ? Pourquoi les retrouve-t-on dans des filières aux débouchés réduits ? Le coût élevé des études post-bac constitue une partie de la réponse. Mais il faut que le travail paie pour que ces jeunes reprennent confiance.

Un débat s'est ensuite engagé avec l'ensemble des acteurs présents. Les classes à projets ont été évoquées. Ces projets sont développés en dehors du temps scolaires, en plus des programmes.

Tout ce qui peut faire naître l'ambition chez les élèves est positif. Par exemple :

- les emmener visiter l'université ;

- organiser des sorties qui leur permettent de visiter des lieux sortant de leur quotidien (les pavages de l'Alhambra par exemple) ;

- le travail sur l'expression linguistique et artistique (danse, théâtre) ;

- le travail en groupe, pour « vivre des aventures collectives » qui permettront de se construire ;

- le développement de leur esprit critique (vis-vis des médias, de la société de consommation etc).

L'enseignement traditionnel en classe est trop long. Il favorise les élèves ayant des aptitudes à l'écriture, à la conceptualisation, laissant de côté des jeunes doués dans d'autres domaines, par exemple artistiques. L'évaluation, qui privilégie le Français et les mathématiques, suit le même schéma. Le fait que l'adolescent soit ou non bien dans sa peau n'est jamais pris en compte. L'enseignement des arts et du sport n'est pas au niveau de ce qu'on devait faire.

Face à ce constat, il faut encourager la cohésion entre les élèves, l'interdisciplinarité, l'autonomie et le travail en groupe .

Il faut aussi leur donner une meilleure image d'eux-mêmes et de leur quartier . Des élèves du collège ont par exemple assisté à une pièce récemment jouée au Théâtre de la Cité à Marseille, intitulée « Nous ne nous étions jamais rencontrés », portant sur les représentations mutuelles des habitants des quartiers de Marseille.

L'école ne constitue par une entité à part. Elle s'inscrit dans un contexte urbain, social, culturel etc. Or la place de l'enfant dans la société a évolué et est venue bouleverser les représentations familiales. Dans d'autres pays, le concept d'adolescence n'existe pas. Dans ce contexte, l'école ne peut pas tout faire mais elle devrait permettre aux enfants d'être acteurs de leurs apprentissages, à l'image de ce que fait l'école maternelle et qui se perd parfois ensuite, en fonction du type de pédagogie mise en oeuvre, à l'élémentaire et au collège.

Le collège unique est une belle idée mais sa démocratisation a échoué . On voit aujourd'hui resurgir l'idée que des enfants n'auront jamais accès à un certain type d'apprentissage. La stigmatisation perdure au-delà du collège : un lycée de Marseille a par exemple regroupé dans la même classe de Seconde tous ses élèves issus des quartiers Nord.

Les élèves ont tendance à se réfugier dans le collectif, ce qui se traduit notamment dans leur tenue vestimentaire : le survêtement est, de fait, l'uniforme de ces jeunes adolescents, en raison de son coût peu élevé et parce qu'il permet de se fondre dans le groupe.

De façon générale, ces jeunes ont beaucoup moins de facilité que d'autres à affronter seuls les problèmes. Réussir est pour eux problématique d'un point de vue identitaire car cela signifie changer de groupe d'appartenance. Certains peuvent y renoncer pour ne pas se démarquer de leur entourage.

On observe que de plus en plus d'enfants sont en très grande difficulté dès l'école maternelle . L'école a malheureusement peu de prise sur ce phénomène. La très grande précarité des familles et le déclin de la fonction paternelle sont des facteurs explicatifs de cette tendance lourde. Dans certains cas, la mère est aussi absente ; les enfants sont pris en charge par d'autres parents (oncles, cousins...), ce qui se produit assez fréquemment dans les familles d'origine comorienne. Les Comoriens, qui ont souvent suivi une trajectoire les menant des Comores à Marseille en passant par Mayotte puis la Réunion, sont concernés au premier chef par cette très grande précarité.

Face à la très grande difficulté scolaire et sociale, qui se manifeste dès le plus jeune âge, les structures d'animation pour la petite enfance sont insuffisantes. Il y a un « abandon de service public » qui se traduit par l'absence de centres de loisirs communaux. Les enfants sont toutefois accueillis par des centres sociaux et associatifs. Les parents gardent très souvent leurs enfants à la maison, pour éviter qu'ils ne traînent dans la rue, avec pour conséquence que ceux-ci vivent cloîtrés .

Lors d'un dernier tour de table, chacun a indiqué les actions qui lui paraissaient prioritaires :

- améliorer la visibilité à court, moyen et long terme des politiques publiques : par exemple, on ne sait pas ce que deviendront les contrats des professeurs référents qui se terminent l'année prochaine ; la recherche de financements pour les projets prend un temps considérable et demeure toujours incertaine ; il faudrait que la mise en oeuvre de ces projets ne repose plus sur la bonne volonté des uns et des autres, mais sur des dotations horaires et financements pérennes ;

- permettre aux élèves d'enlever leur étiquette « ZEP » le plus tôt possible ;

- développer les programmes de développement affectif et social (PRODAS) dans les écoles primaires car les effets positifs en sont démontrés ;

- accroître la mobilité des élèves et les passerelles de rencontres entre quartiers afin que l'éducation civique enseignée à l'école ait un sens ;

- travailler sur les besoins des adolescents et sur les réponses apportées par l'école à ses besoins ;

- permettre l'accès de tous à la culture ;

- donner du sens aux enseignements, par exemple en emmenant les enfants dans le pays de la langue étrangère qu'ils apprennent ;

- arrêter de leur mentir en leur faisant croire à l'entrée en 6 ème qu'ils auront tous leur baccalauréat ;

- l'accès à la culture et aux services publics ne constitue toutefois qu'une réponse partielle : le vrai défi, la condition de possibilité de la mixité sociale, c'est l'accès à l'emploi.

Paroles d'acteurs

« Donner aux élèves les armes scolaires »

« Transformer les difficultés des élèves en quelque-chose de positif »

« Les enfants soumettent leurs parents à une forte pression »

« Vivre des aventures collectives pour se construire »

« On favorise ceux qui ont des aptitudes à l'écriture, la conceptualisation, sans valorisation des autres aptitudes »

« On n'arrête pas de les évaluer mais c'est toujours sur les math et le Français »

« L'école n'est pas une entité à part »

« Dans d'autres pays le concept d'adolescence n'existe pas »

« L'école dont je rêve est une école où les élèves ont davantage d'autonomie, sont acteurs de leurs apprentissages »

« On a fait le collège unique mais raté le second étage, celui de sa démocratisation »

« On voit revenir l'idée que certains enfants n'auront jamais accès à cet apprentissage »

« Les élèves ont moins de facilité que d'autres à bâtir leur propre personnalité, à affronter seuls les problèmes »

« Réussir, c'est changer de groupe, changer d'identité : si je réussis je suis en conflit de loyauté par rapport au groupe »

« Un prof ce n'est pas forcément un éducateur »

« De plus en plus d'enfants sont en très grande difficulté dès la Maternelle »

« L'école n'a pas de prise réelle sur les enfants en très grande difficulté »

« Permettre aux élèves d'enlever leur étiquette ZEP le plus tôt possible »

« L'urgence permanente est usante »

« Il est difficile de travailler sur l'éducation civique dans ce cadre de ghettoïsation »

« Arrêter de mentir aux élèves en leur faisant croire à l'entrée en 6 ème qu'ils auront tous leur bac »

« La région parisienne a souvent été un laboratoire »

« Faire des années collège des années d'ouverture culturelle »

« L'accès à la culture c'est d'abord en avoir les codes »

« La vraie question, c'est l'emploi »

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