CLICHY-SOUS-BOIS 6 JANVIER 2011

Personnes rencontrées au collège Romain Rolland

- ARSLAN Leyla, sciences po

- BAMA Etienne, parent d'élève

- BAMA Mireille Ida, parent d'élève

- BAMA Ulrich, élève en 1 ère bac pro électrotechnique

- BAVIÈRE Vincent, professeur d'EPS

- BELHOSTE Catherine, professeur d'histoire-géographie

- BEN-RADHIA Sofia, parent d'élève

- BOUGUEBRI Ali, élève en 2nde

- BOURIET Monique, professeur de mathématiques

- CHARLIER Christian, professeur d'allemand

- CIRÉ Aminetou, élève de seconde

- CIRÉ Mohamed, parent d'élève

- CISSÉ Mariam, conseillère municipale de Clichy-sou-Bois

- DA COSTA PEREIRA Ludivine, élève en 1 ère

- DE OLIVEIRA Jennifer, élève de 2 nde

- FONTUGNE Muriel, professeur d'anglais

- FUSS Julien, professeur de physique-chimie

- GOURDÉ Virginie, assistante pédagogique

- GRANGER Muriel, CPE

- HACIB Essaid, parent d'élève

- HAMMOUTI Rajaa, élève au lycée Jean-Baptiste Clément

- KEPEL Gilles, professeur à Sciences-po

- LEROY Emmanuel, principal adjoint

- MECHMACHE Henria, parent d'élève

- MERIN Lise, professeur de français

- MEZOUAR Mayette, ancienne élève

- NAÏMI Mourad, professeur d'EPS

- NEBZRY Fouzia, parent d'élève

- REJICHI Rim, professeur de Français

- RODRIGUES Carlos, parent d'élève

- SALIHI Mérième, professeur de SVT

- VERAN Vanessa, professeur de lettres modernes

Ce cinquième déplacement sur le site de Clichy-Montfermeil a débuté par la visite d'un logement d'I3F, construit dans le cadre du programme de rénovation urbaine.

Les responsables du PRU et de la MOUS ont ensuite accompagné Mme Fabienne Keller au quartier de la Forestière. Créés autrefois pour loger des cadres, y compris en résidence secondaire, les immeubles de ce quartier sont aujourd'hui progressivement vidés en vue de leur destruction. La visite d'un bâtiment et d'un logement de cette cité a permis d'en constater l'extrême dégradation : les parties communes sont ouvertes, infiltrées d'eau, tout comme les habitations. Les ascenseurs sont définitivement condamnés en l'absence d'entretien (du moins dans les bâtiments bas). Les espaces verts alentours autrefois accueillants sont également très dégradés.

Une première table ronde s'est ensuite déroulée au collège Romain Rolland , à quelques mètres de la cité de la Forestière dont provient la plupart des élèves. Au cours de cette table ronde qui a réuni enseignants et personnels éducatifs, les points suivants ont été soulignés :

- Le collège compte 570 élèves (nombre en légère diminution), 56 enseignants et une quinzaine d'assistants d'éducation et conseillers principaux d'éducation. Plus de 30 % des élèves ont déjà une année de retard en 6 ème . 7 % environ ont 2 années de retard. 48 % des élèves de troisième vont en seconde générale ou technologique. Le lycée de secteur est le lycée Alfred Nobel de Clichy-sous-Bois. Cette année, 6 élèves sont par dérogation au lycée Albert Schweitzer du Raincy. Les meilleurs élèves obtiennent des dérogations dans des lycées du Raincy ou de Livry-Gargan, ce qui contribue à appauvrir le lycée de secteur.

- Les structures familiales se délitent . Les familles sont de plus en plus souvent monoparentales. Les enfants sont seuls, sans repères, lorsque leurs mères partent travailler. Les pères paraissent absents. Ils sont souvent décédés, âgés ou handicapés. Aujourd'hui, la structure familiale repose beaucoup sur les femmes. Elle repose également sur un cadre éclaté : des « oncles » dont on ne connaît pas exactement la relation à l'enfant, des « grands » qui prennent en charge leurs cadets.

- La commune s'est appauvrie, notamment au cours de la dernière décennie . Autrefois, les pères travaillaient chez Citroën, les mères arrondissaient les fins de mois par de petits travaux de confection. La ville était avant tout une cité ouvrière. Aujourd'hui, les familles majoritairement d'origine africaine qui vivent à Clichy subissent une misère et un enfermement terribles. Selon une autre participante à la table ronde, la paupérisation est plus ancienne et l'extrême misère existait déjà à Clichy dans les années 1970.

- Les élèves ont des difficultés à structurer leur pensée et à communiquer, y compris dans certains cas au sein de leur propre famille . Dans un cas, par exemple, il a fallu un interprète pour permettre à une mère turque de communiquer avec son enfant francophone.

- Les enseignants ont des obligations difficiles à concilier : accompagner les élèves en difficulté, ne pas négliger les bons élèves, ne pas « inciter » les élèves à dysfonctionner pour qu'on s'intéresse à eux.

En réponse à la question de savoir quels étaient les facteurs clefs à développer pour améliorer la situation des élèves, les réponses suivantes ont été apportées :

- Associer les parents à l'éducation : les parents ont tendance à laisser l'école et l'enfant gérer seuls les questions qui se posent, notamment dans le domaine de l'orientation ;

- Donner davantage de responsabilités aux jeunes , leur trouver un rôle au collège en leur donnant confiance ;

- Travailler davantage avec les acteurs sociaux en réduisant les lenteurs (notamment le temps de réaction de l'Aide sociale à l'enfance);

- Organiser des modules pour compenser l'existence de classes nombreuses et hétérogènes : diviser les classes, appliquer des pédagogies différenciées ;

- Valoriser les métiers manuels (des actions telles que le forum des métiers tentent d'y contribuer) ;

- Dégager du temps de tutorat , dans l'esprit des « modules relais » (suivi des enfants 10h/semaine pendant 6 semaines avec un suivi 6 semaines après) en accentuant la nécessité d'avoir un référent unique adulte par enfant. Les élèves sont désorientés par la multiplicité des référents adultes que les dispositifs existants mettent en place. De façon générale, après l'école primaire, les élèves ont beaucoup trop d'interlocuteurs.

- Mettre l'accent sur les activités sportives notamment après les heures de cours ;

- Ne pas empiler les dispositifs mais trouver des moments pour travailler autrement et laisser davantage de temps aux enseignants ;

De façon générale, le travail au contact des adolescents des quartiers fragiles montre chaque jour qu'il n'y a pas « un » jeune de banlieue, mais qu'ils sont tous différents. Ils ont autant le droit que les autres jeunes d'être différents entre eux. Le stéréotype du « jeune de banlieue » est une absurdité.

En réponse à une question portant sur l'existence éventuelle d' « influences adverses », la question des dispenses de piscine a été évoquée. Ces dispenses concernent 6 filles sur 2 classes. Elles ne sont pas seulement le reflet d'interdits religieux, mais ont parfois une dimension culturelle (peur de l'eau,...). Par ailleurs, une centaine d'élèves sur 570 fréquentent la cantine.

Une deuxième table ronde a ensuite réuni d'anciens élèves du collège Romain Rolland.

Anciens élèves du collège Romain Rolland

Ces anciens élèves ont des parcours divers : ils sont actuellement élèves aux lycées Alfred Nobel (Clichy-sous-Bois), Blaise Pascal (Villemomble), René Cassin (Le Raincy), Albert Schweitzer (Le Raincy), Jean-Baptiste Clément (Gagny) ; une élève n'a pas trouvé d'affectation à l'issue de la classe de troisième.

Les élèves ont tous un bon souvenir du collège et l'envie d'y revenir. L'élève qui n'a pas trouvé d'affectation après la Troisième, et qui a ensuite refusé une formation jugée trop lointaine, regrette ne pouvoir revenir en arrière pour corriger ses erreurs, et regrette aussi avoir refusé une formation accessible en bus. Elle souhaiterait devenir coiffeuse.

Tous les élèves reconnaissent la rupture entre lycée et collège : « on rentre un peu dans la cour des grands », « les profs demandent qu'on commence à devenir des adultes ». Pour beaucoup cette autonomie contribue à leur motivation : au lycée par exemple, la présence est moins contrôlée qu'au collège, ce qui les responsabilise sur les conséquences de leurs absences qu'ils sont seuls à subir. Par ailleurs, le caractère concret des projets contribue aussi à motiver les élèves. Par exemple, une élève souhaite créer une entreprise de vente de produits multimédias.

Un élève note qu'avant de devenir un excellent élève, il a peiné en sixième car il ne comprenait pas le fonctionnement du collège. Il précise que, dans son lycée, les élèves de Romain Rolland sont regroupés dans la même classe de seconde.

Pour conclure, il a été jugé qu'il serait très utile que ces anciens élèves viennent raconter leur expérience aux élèves actuellement scolarisés au collège.

Une troisième table ronde a enfin réuni des parents d'élèves.

Paroles d'acteurs

Personnel éducatif :

« Depuis quelques années les habitants de Clichy subissent une misère et un enfermement terribles »

« Les élèves ont des problèmes de structuration de leur pensée »

« La structure familiale repose énormément sur les femmes »

« Donner plus de responsabilités aux jeunes, leur trouver un rôle dans le collège »

« Travailler davantage avec les partenaires sociaux (prévention spécialisée, etc) »

« Les enfants font souvent les choix d'orientation seuls »

« Valoriser les métiers manuels »

« Diviser la classe »

« Dégager du temps de tutorat avec un seul référent adulte par élève »

« On a du mal à dire ce qu'est un gamin de banlieue. Il y a des milliers de gamins de banlieue. Il n'y en a pas deux pareils. Ils ont autant le droit que nous d'être différents entre eux. »

Élèves :

« On a une sensation de bien-être en revenant dans l'établissement »

« Au lycée, on rentre un peu dans la cour des grands »

« Au lycée, les profs demandent qu'on commence à devenir des adultes »

« Je voudrais revenir en arrière pour corriger mes erreurs »

« La motivation, c'est venu tout seul »

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