II. LA NÉCESSITÉ DE SOLUTIONS DIVERSES ET COMPLÉMENTAIRES

A. ENDIGUER LE FLUX NORMATIF PAR UNE RÉELLE RESPONSABILISATION DES PRESCRIPTEURS

1. Responsabiliser l'État

Que ce soit dans les contributions des commissions du Sénat ou dans celles des associations, l'accent est mis sur les conséquences du découplage entre l'autorité prescriptrice et le responsable du financement lorsque l'État intervient dans des domaines dont la compétence a été transférée aux collectivités. La rupture du principe prescripteur-payeur donne le sentiment d'une insuffisante responsabilisation du premier.

Les impératifs liés à la solidarité nationale et à l'égalité entre les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, font obstacle à ce que le payeur, en l'occurrence les collectivités, soit érigé en prescripteur.

C'est au prescripteur, et donc à l'État, de devenir -ou redevenir- payeur en prenant en charge financièrement les conséquences de ses normes.

La CCEN a à cet égard un rôle essentiel à jouer en se prononçant sur la juste évaluation et, le cas échéant, sur le niveau et les modalités de compensation proposées par l'État prescripteur.

Pour autant, elle n'intervient qu'à titre consultatif : même si l'avis de la CCEN est favorable dans près de 99 % des cas, l'État reste maître de la décision finale.

Une solution, sur laquelle s'est notamment interrogé le président du Comité des Finances locales lors de son audition devant la délégation aux collectivités territoriales, pourrait consister à soumettre l'adoption des normes de l'État à un avis conforme de la CCEN. Cependant, à supposer que cette solution soit opportune sur le fond, son orthodoxie au regard de la Constitution n'est pas absolument établie.

Aussi pourrait-on concevoir un arbitrage par le juge -administratif, en l'occurrence- à condition de lui donner un support lui permettant d'annuler, le cas échéant, une norme qui ne respecterait pas l'exigence d'une juste compensation de ses conséquences financières.

A cette fin, il pourrait être exigé une motivation spécifique de tout projet de norme ayant fait l'objet d'un avis défavorable de la CCEN (une motivation spécifique paraissant superflue lorsqu'il y a consensus sur la compensation). Cette motivation devrait contenir une évaluation sincère des conséquences financières de la norme et préciser les modalités d'une prise en charge équivalente par l'État.

Le juge pourrait donc annuler pour erreur de motivation les normes qui ne sont pas accompagnées d'une évaluation sincère ou qui donnent lieu à une compensation non équivalente (son examen bénéficierait de celui exercé en amont par la CCEN qui, par hypothèse, aurait conclu à la « non-sincérité » ou à la « non-équivalence »).

Proposition : Exiger, sous peine d'irrégularité, une compensation équivalente par l'État des conséquences pour les finances locales des normes qu'il édicte dans les domaines transférés aux collectivités territoriales.

Pour traduire cette proposition dans les faits, une solution pourrait consister en un fonds de soutien à l'application des normes pour aider financièrement les collectivités territoriales à mettre en oeuvre les prescriptions pesant sur elles. C'est ce que préconisent les sénateurs du groupe socialiste, apparentés et rattachés de la commission des Finances. Ceux-ci proposent que ce fonds soit destiné aux collectivités les plus pauvres. La suggestion mérite d'être envisagée (elle instaurerait de surcroît un dispositif venant, en pratique, renforcer la péréquation), mais risque d'être difficile à mettre en oeuvre (selon quels critères décidera-t-on que telle ou telle collectivité a ou n'a pas de difficultés à appliquer une norme) ; elle reviendrait par ailleurs à n'exiger de l'État qu'une compensation partielle des charges imposées globalement aux collectivités (ce qui serait néanmoins déjà un grand progrès...). Aussi est-il proposé une solution générale :

Proposition : Instaurer un fonds de compensation des conséquences financières des normes de l'État.

2. Responsabiliser les fédérations et, plus généralement, l'ensemble des structures normatives

Plusieurs contributions ont insisté sur les conséquences des prescriptions des fédérations sportives.

Un premier pas pourrait consister à soumettre expressément leurs propositions à l'avis de la CCEN, levant ainsi toute ambigüité sur la compétence de celle-ci en la matière. Cette piste pourrait d'ailleurs concerner toutes les structures investies d'un pouvoir normatif.

Proposition : Soumettre les prescriptions des fédérations sportives, et de tout autre organisme normatif, à un avis de la CCEN.

On est néanmoins en droit de se demander si le Gouvernement (dont le chef est, selon la Constitution, le détenteur de droit commun du pouvoir réglementaire) peut rester ainsi en dehors de l'exercice d'un pouvoir normatif qui, même encadré conformément à la proposition ci-dessus, ne ferait intervenir que l'organisme délégataire et, pour simple avis, la CCEN. La responsabilité de toute décision contraignante à portée générale doit, dans une démocratie, incomber clairement à des autorités politiques.

Aussi est-il souhaitable que tout projet de norme émanant d'une structure normative autre qu'une autorité politiquement responsable (Gouvernement, Parlement, élus locaux) soit subordonner à l'accord explicite du pouvoir exécutif (par exemple du ministère en charge de la matière concernée par le projet).

Cette piste mérite d'autant plus d'être explorée qu'elle permettra de « soulager » la CCEN des projets qui n'auront pas été avalisés par le Gouvernement : celle-ci n'interviendrait que comme « filet de sécurité » sur les prescriptions des organismes normatifs, en cas d'accord de l'Exécutif sur un projet, et non systématiquement.

Proposition : Soumettre, préalablement à leur transmission à la CCEN, les prescriptions des fédérations sportives, et de tout autre organisme normatif à un avis favorable du pouvoir exécutif.

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