2. La concentration des pouvoirs
Il ressort des nombreux entretiens conduits par vos rapporteurs que les élus de l'archipel n'ont pas tous la même appréciation de la situation institutionnelle. Ces divergences recouvrent très logiquement les différences de positionnement institutionnel entre les communes et la collectivité.
Ainsi, M. Stéphane Artano, président du conseil territorial, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de réviser le statut de l'archipel. Expliquant que le conseil territorial avait validé à la fin de l'année 2009 un schéma de développement stratégique pour 2010-2030, il a considéré que l'entente entre le président du conseil territorial et le préfet était un élément essentiel de l'engagement pour le développement de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il a estimé qu'il n'était pas souhaitable de déléguer davantage de compétences aux communes, notamment en matière fiscale, comme le demandaient certains élus. Il a cependant relevé que l'enchevêtrement des compétences pouvait présenter des difficultés, précisant que le trouble provenait davantage de l'exercice des compétences que du statut lui-même, car les communes auraient la tentation de récupérer les compétences sociales.
Mme Annick Girardin, députée, a jugé que l'évolution du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon devrait être débattue au sein de la population et ne pourrait être mise en oeuvre avant le prochain renouvellement du conseil territorial, en 2012. Elle a considéré que l'amélioration de la répartition des compétences entre les différentes collectivités pourrait en revanche intervenir plus tôt.
Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, a estimé que le statut de l'archipel posait des problèmes. Elle a expliqué que la situation actuelle résultait des choix réalisés en 1985, lorsqu'il avait été décidé de soulager les communes de certaines charges, alors que le même élu cumulait à la fois les mandats de député, de maire de Saint-Pierre et de président du conseil général. Elle a relevé que cette répartition des compétences était devenue un carcan, privant les communes de compétences qui devraient leur revenir et les plaçant sous la coupe budgétaire du conseil territorial, qui définit seul les recettes fiscales et douanières, et fixant la part de ces recettes qui revient aux communes.
Elle a indiqué que les compétences du conseil territorial en matière de fiscalité et de tarif douanier lui permettaient de déterminer 60 % des ressources de la commune de Saint-Pierre, les autres ressources correspondant aux dotations versées par l'État (20 %) et aux impôts locaux (20 %), que le conseil territorial peut valider ou non, mais qu'il ne peut supprimer. M. Stéphane Coste, maire de Miquelon-Langlade, a indiqué que les mêmes proportions étaient observées dans sa commune.
Soulignant que cette situation empêchait toute libre administration des communes, elle a précisé que si ces dernières étaient compétentes pour définir le taux des impôts fonciers, elles devaient le faire dans le respect d'un plafond fixé par le conseil territorial, qui a en outre la faculté d'approuver ou de rejeter les augmentations.
En définitive, le droit de débarquement est le seul impôt véritablement fixé par les communes. Or, le conseil territorial a accordé des exonérations à l'égard de ce droit.
Mme Karine Claireaux a proposé que soit inscrite dans la loi organique l'obligation, pour le conseil territorial, d'attribuer une quote-part des droits et taxes aux communes, afin de sortir ces dernières de la situation de dépendance dans laquelle elles se trouvent.
S'agissant de l'urbanisme, Mme Karine Claireaux, rappelant que la loi organique DSIOM permettait au conseil territorial de déléguer des compétences aux communes en ce domaine, a indiqué que depuis 2009 les communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade peuvent instruire et délivrer les permis de construire. Toutefois, les communes n'ont pas les moyens nécessaires à l'exercice de telles compétences et doivent suivre un règlement d'urbanisme qui est fixé par le conseil territorial.
Elle a considéré que le règlement d'urbanisme devrait être défini par les communes. Celles-ci devraient en outre exercer des compétences en matière de logement, domaine dans lequel, a estimé Mme Karine Claireaux, les communes ont les moyens de réagir plus vite que le conseil territorial, dépendant, en cette matière, des services mis à sa disposition par l'État. Elle a conclu à la nécessité d'attribuer les compétences au niveau le plus adapté pour les exercer.
M. Stéphane Coste, maire de Miquelon-Langlade a expliqué que le plan d'urbanisme défini par le conseil territorial permettait l'urbanisation de sa commune. Ainsi, malgré l'arrêté du conseil territorial de 2009 donnant aux communes la compétence pour délivrer les permis de construire, la commune de Miquelon-Langlade ne peut refuser lesdits permis, en application du plan d'urbanisme élaboré par la collectivité d'outre-mer.
En outre, le conseil territorial détient 90 % du territoire de Miquelon-Langlade. Le maire se trouve par conséquent dépourvu de véritables moyens de décision sur sa commune. Vos rapporteurs considèrent que Miquelon-Langlade est, de fait, dans une situation de vassalité par rapport au conseil territorial.
Pour M. Stéphane Coste, la définition des champs de compétence des collectivités constitue le problème essentiel de l'organisation statutaire de l'archipel. Il a estimé que le développement économique devait relever entièrement de la compétence du conseil territorial et que celui-ci devrait être l'émanation des deux communes.