III. DES CONDITIONS HÉROÏQUES
A. L'AMÉLIORATION DU CLIMAT SOCIAL
Il ne suffit pas d'élaborer de bonnes lois, encore faut-il que les innovations juridiques qu'elles contiennent soient réellement acceptées et appliquées par les partenaires sociaux.
Les exemples des dérogations à la hiérarchie des normes ou des modalités spécifiques de négociations d'accords dans les très petites entreprises dépourvues de délégué syndical montrent que ce n'est pas toujours le cas. De nouvelles facultés prévues par le législateur, n'ont été pour le moment que faiblement utilisées.
Par ailleurs, le dialogue social laisse encore à désirer dans notre pays, c'est un lieu commun que de le souligner.
Dans le numéro, précité, de la revue Esprit 356 ( * ) , Jacques Le Goff 357 ( * ) rappelle les propos de l'ancien secrétaire national de la CFDT, Jean-Paul Jacquier, comparant, dans son récent ouvrage « L'introuvable dialogue social », la négociation collective en France à « une pratique sans la foi ».
Jacques Le Goff estime cependant qu'à l'« antagonisme systématique d'antan » se substitue progressivement un « protagonisme » dans des négociations devenues plus transactionnelles.
Dans le même numéro d'Esprit, Annette Jobert 358 ( * ) fait référence à une autre expression de Jean-Paul Jacquier parlant d'« un pays qui n'aime pas négocier ».
Elle estime que « malgré des progrès certains, le constat global, formulé par de nombreux observateurs, est celui d'un dialogue social fragmenté, incomplet, fragile, qui ne répond pas aux exigences d'une véritable démocratie sociale (dont la faiblesse peut être mesurée par celle du taux de participation aux élections prud'homales), ni aux enjeux des transformations économiques et sociales ».
Dénonçant les « faux-semblant de la concertation », elle constate le rôle central que l'Etat continue à jouer dans les relations sociales et met en cause aussi bien les réticences du patronat que les faiblesses et la division du mouvement syndical. Il est à craindre que la loi - celle du 4 mai 2004 prévoit déjà une obligation préalable de concertation sur tout projet gouvernemental de réforme sociale - ne suffise pas, à elle seule, à accélérer le changement des mentalités autant qu'il serait souhaitable.
Il est à espérer - comme cela a déjà été souligné plus haut - que les acteurs sociaux parviennent d'abord à un diagnostic partagé des problèmes (à partir d'une analyse commune réellement prospective et stratégique), sur lequel ils puissent ensuite construire des compromis.
En ce sens, outre le rôle que doivent jouer les institutions de débat (tel le Conseil économique, social et environnemental) ou de dialogue entre partenaires sociaux et responsables politico-administratifs, l'idée de partager un état des lieux entre partenaires sociaux et Etat peut apparaître comme un progrès.
* 356 Janvier 2009. Travail et protection sociale : un droit malmené.
* 357 Ancien inspecteur du travail, professeur de droit du travail.
* 358 Sociologue-directrice de recherche au CNRS.