C. SIMPLIFIER LA GESTION ADMINISTRATIVE DES RÉSERVISTES
Si la réserve opérationnelle de l'armée a fortement cru en effectif et en nombre de missions accomplies avec succès que ce soit sur le territoire national, sa première priorité, ou en OPEX, les cadres de terrain, les réservistes rencontrés par la mission ont donné le sentiment d'une véritable frustration devant la lourdeur de gestion des réserves.
Autant les réservistes entendus ont fait preuve d'enthousiasme pour leur mission, autant ils ont manifesté un véritable agacement devant la persistance depuis des décennies de problèmes administratifs bien identifiés .
Cette complexité, ce sentiment d'inefficacité, sont soulignés par le dernier rapport de la Cour des comptes non seulement comme un facteur de démobilisation des réservistes et un obstacle à leur fidélisation, mais également un facteur de surcoût dans la gestion des réserves.
Le sentiment de la mission après plusieurs dizaines d'auditions est que si la réserve militaire a beaucoup gagné en crédibilité, en maturité et en efficacité par son intégration et son assimilation à l'armée d'active, en matière de gestion et d'administration de la réserve, l'intégration et l'assimilation à l'active d'un personnel qui n'effectue en moyenne que 20 jours par an de façon fractionnée en marge d'un travail à temps plein dans le civil, posent de grandes difficultés : certaines procédures de l'active sont trop lourdes et trop rigides pour des personnels dont la disponibilité n'est pas permanente et conduisent à des contraintes pour les réservistes et à une charge de travail disproportionnée pour les services gestionnaires.
La mission n'ignore pas que certaines difficultés rencontrées ne sont pas spécifiques aux réservistes. Les restrictions budgétaires, la disponibilité des matériels, les possibilités d'entraînement, les difficultés d'habillement ou d'obtention de permis de conduire militaire sont des griefs communs aux militaires d'actives voire le signe d'une bonne intégration de la réserve opérationnelle aux armées. D'autres difficultés sont en revanche propres aux réservistes.
Parmi les thèmes qui reviennent de façon récurrente, il faut avant tout relever les problèmes liés aux délais de paiement des soldes.
La mission estime que la valorisation des réserves devrait commencer par le paiement des soldes à des échéances dignes.
Quel employeur pourrait prétendre être attractif avec un délai de paiement du salaire compris entre 45 jours et trois mois ? Qui peut justifier l'identification du paiement de la solde à celui d'une facture avec des délais similaires à ceux pratiqués par la grande distribution vis-à-vis de leurs fournisseurs, délais le plus souvent qualifiés de « léonins ».
Il faut prendre conscience que si la situation est tolérable ou indolore pour les quelques réservistes privilégiés dont le revenu est maintenu pendant leurs périodes militaires ou pour les quelques-uns, encore plus rares, dont les revenus civils sont élevés, elle est en revanche intolérable pour tous ceux, et c'est la très grande majorité, qui voient leur salaire suspendu durant une période de réserve ou qui attendent de cette activité rémunérée un complément de revenu important pour le budget du ménage.
La mission ne s'est pas fixé pour objectif de proposer dans ce domaine, qui ne relève d'ailleurs pas de la loi, des solutions. Elle ne propose en la matière que des pistes en espérant que les armées se saisissent véritablement du sujet.
Elle observe que la lourdeur de la paye d'un personnel intérimaire et dispersé n'est pas une spécificité de la réserve militaire. Elle a longtemps été au coeur des difficultés de tous les emplois auprès des particuliers. Or, des solutions extrêmement efficaces et fiables ont été trouvées et sont mises en oeuvre avec succès depuis de nombreuses années pour plusieurs millions d'employeurs et d'employés et non pour quelques dizaines de milliers de réservistes opérationnels.
Les URSSAF ont mis en place des procédures sécurisées entièrement dématérialisées pour gérer le Chèque emploi service universel (CESU) et la Pajemploi (Prestation d'aide à l'accueil du jeune enfant).
La mission invite les services gestionnaires à promouvoir au sein des armées et du ministère des finances l'idée d'un Chèque emploi réserve dont la gestion pourrait elle-même être externalisée auprès des centres nationaux de gestion du CESU ou de la Paje.
D'autres aspects de la gestion quotidienne des réservistes méritent d'être rénovés en prenant en compte la spécificité des réservistes.
La mission ne souhaite pas s'étendre plus que de raison sur ces aspects parfois très anecdotiques qui mis bout à bout font le quotidien des réservistes et contribuent à ce sentiment d'insatisfaction auquel il convient de répondre. Aussi elle n'évoquera ici que des exemples pour évoquer des situations connues de beaucoup depuis longtemps qui mériteraient d'être traitées.
La visite annuelle d'aptitude est par exemple aujourd'hui une formalité lourde, longue et fastidieuse aussi mal ressentie par le personnel médical militaire qui en supporte le poids que par le militaire de réserve qui s'y soumet.
Les problèmes liés à la vérification de l'aptitude médicale sont connus : la fréquence annuelle, le niveau de sollicitation très élevé du service de santé des armées; éloignement des centres du service de santé selon l'origine géographique des candidats, le coût des visites pour certains emplois spécifiques. Des solutions existent. Elles passent sans doute par l'adaptation des critères d'aptitudes et l'externalisation de certains examens à des médecins référencés.
D'autres points reviennent régulièrement dans les témoignages des réservistes : la rigidité des règles d'homologation des ESR qui rallonge les procédures de recrutement et d'affectation qui varient entre 15 jours et 4 mois, la lourdeur du programme prévisionnel d'activité qui suppose que le réserviste connaisse à l'avance ses disponibilités dans l'année à venir.
Ces exemples montrent que sans revenir sur les principes fixés par la loi, il y a matière à donner plus de souplesse et à apporter des accommodements raisonnables aux règles en vigueur afin d'atteindre trois objectifs :
- limiter les tracasseries administratives des réservistes ou ce qui est vécu comme telles ;
- assouplir les règles de gestion pour rendre la disponibilité exigée par l'employeur militaire plus supportable pour l'employeur civil ;
- alléger la charge de l'administration de la réserve et ainsi la rendre plus supportable pour l'active au regard des services rendus.
La mission observe que les réservistes ne s'engagent pas par intérêt, mais fondamentalement par dévouement à quelque chose qui les dépasse, à une cause, celle des autres, qui vaut à leurs yeux la peine qu'on y consacre une part de sa vie. La noblesse de cet engagement ne doit jamais être sous-estimée. À tous les niveaux, il importe que la collectivité témoigne de sa reconnaissance envers ceux qui lui consacrent du temps, pour servir.
Or la meilleure valorisation des réservistes demeure leur satisfaction dans les missions qui leur sont confiées par les armées.