D. DES DISPOSITIFS QUI DÉPENDENT DE LA FIDÉLISATION DES VOLONTAIRES
La dernière observation qui s'est imposée à la mission est la relative fragilité de ces réserves qui reposent sur le volontariat et donc sur la nécessité de fidéliser des volontaires qui peuvent à tout moment rompre leur engagement.
L'engagement dans les réserves militaires comme civiles a toujours été fondé sur des valeurs républicaines et communautaires fortes : don de soi, engagement désintéressé au profit de la communauté, volonté de rendre service, primauté de l'intérêt collectif sur l'intérêt personnel.
Dans une société qui demande un engagement accru des jeunes adultes dans leur vie professionnelle et dans leur vie familiale, l'engagement citoyen impose à chacun des arbitrages délicats .
Or force est de constater que ces arbitrages au quotidien se font aujourd'hui dans un contexte qui n'est pas favorable au volontariat. Comme le souligne Luc Ferry dans un rapport sur l'engagement volontaire dans les sapeurs-pompiers : « Notre société connaît une crise profonde de l'engagement au profit de la communauté, alors que dans le même temps l'individu, ses intérêts personnels ou ceux de son entourage proche, deviennent des valeurs dominantes, des moteurs des comportements . ». 94 ( * )
Dans les générations de l'après-guerre, les engagements étaient le plus souvent portés par une référence à un groupe d'appartenance, par l'attachement à des valeurs partagées et transmises de génération en génération. Ce type d'engagement se fait plus rare et moins durable, les sociologues parlent d'engagement « à éclipses », d'engagement « à la carte ».
L'implication des jeunes se fait par des engagements de courte durée facilement remis en question. Or la réserve a besoin de durée tant pour la formation initiale que pour l'acquisition de l'expérience, le maintien du savoir-faire et le travail en équipe qu'elle implique.
La situation du marché du travail, en particulier pour les jeunes, explique très largement ce comportement.
Dans la logique de ces fortes évolutions sociétales, le poids de la famille devient également important. Face aux évolutions et aux fragilisations que connaissent les cellules familiales (travail des deux conjoints, importance attachée à la réussite scolaire des enfants, acquisition d'un logement, divorces, familles monoparentales ou recomposées, garde alternée des enfants...), chacun donne dorénavant une très haute priorité à sa vie familiale.
Les volontaires qui s'engagent dans les réserves ne font bien sûr pas exception à cette tendance, mais à la problématique de devoir concilier vie professionnelle et vie personnelle, s'ajoute pour eux celle de devoir aussi répondre aux impératifs de leur engagement volontaire au profit de la communauté.
Si le poids de la famille joue assez peu au moment de l'engagement, compte tenu de l'époque où il intervient le plus généralement, il devient ensuite au fil des ans et de l'installation dans la vie, une véritable contrainte qui pèse lourd au moment du renouvellement de l'engagement.
Enfin l'engagement dans les réserves comme d'ailleurs chez les sapeurs-pompiers trouvait ses racines dans l'attachement à sa commune ou à sa région, dans la mobilisation au profit de ses concitoyens les plus proches, ceux que l'on côtoyait quotidiennement. Même dans l'armée, le recrutement des réservistes se fait de façon locale à partir des régiments et des bases militaires souvent par le bouche-à-oreille.
Depuis une trentaine d'années, cette appartenance communautaire n'a plus le même poids ; face à des modes de vie différents, à une mobilité plus grande, la commune a aujourd'hui beaucoup moins de réalité. En outre, pour la réserve militaire, la réorganisation en cours des bases de défenses bouleverse la géographie des régiments au risque de perdre de nombreux réservistes.
A ces difficultés s'ajoutent celles qui vont naître de la concurrence entre les réserves. La mission a pu constater que toutes les réserves recrutaient un peu dans un même vivier de gens qui veulent s'engager au service de la collectivité. Il est même vraisemblable qu'à terme certaines réserves soient en concurrence, comme c'est déjà le cas entre les réserves communales et les sapeurs-pompiers volontaires.
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L'analyse des modes de fonctionnement des différentes réserves et de leur rôle respectif permet de se faire une idée assez fidèle de leur contribution potentielle à des scénarios de crise majeure.
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* 94 Rapport de la commission « ambition volontariat », président de la commission, M. Luc Ferry
15 septembre 2009