II. UNE MISE EN PLACE DANS L'URGENCE ET DES MODALITÉS DE GESTION PERFECTIBLES
A. LES DIFFICULTÉS INITIALES DE MISE EN OEUVRE ONT ÉTÉ APLANIES
1. Un afflux de demandes durant les premiers mois
Les personnels des Caf ont dû faire face à un pic d'activité très important :
- 14 % de visites supplémentaires entre 2008 et 2009, 34 % de demandeurs en plus en juin 2009 par rapport à juin 2008 ;
- presque 40 % d'appels téléphoniques en plus entre les deux années (51 % entre les deux mois de juin) ;
- une augmentation de 11 % du nombre de documents à traiter.
Ainsi, au cours de la période d'avril à septembre 2009, les Caf ont traité environ 670 000 demandes de RSA, ce qui n'inclut pas les bénéficiaires du RMI et de l'API dont la migration a été automatique. Durant les premiers mois de l'année 2010, entre 90 000 et 100 000 demandes ont été traitées chaque mois.
En outre, les Caf ont reçu un grand nombre de demandes qui n'ont pas abouti à un droit payable : entre avril et septembre 2009, celles-ci se sont élevées à 231 000, soit un tiers de l'ensemble des demandes traitées. Pour les deux tiers des rejets, le montant des ressources est supérieur au seuil d'éligibilité.
Cet afflux de demandes a eu un impact important sur les indicateurs de performance prévus au contrat d'objectifs et de gestion de la branche famille :
- le taux d'appels téléphoniques traités est passé de 91 % en 2008 à 74 % en 2009 ;
- le taux des dossiers de minima sociaux traités en moins de dix jours est passé de 97 % à 89 % ;
- le taux des courriers traités en moins de quinze jours est passé de 91 % à 78 % ;
- le taux des personnes attendant moins de vingt minutes à l'accueil est passé de 92,5 % à 84 %.
Pour autant, il faut souligner que les difficultés liées à la mise en place du RSA se sont cumulées avec celles de la réforme du traitement des ressources et du renouvellement des droits . Intervenue début 2009, cette réforme avait pour objet de simplifier les procédures générales des allocations familiales, notamment via une automatisation des liens avec la direction générale des finances publiques ; elle a cependant été marquée par des retards et des problèmes informatiques persistants. Ces dysfonctionnements expliquent pour une large part le surcroît de travail constaté sur les premiers mois de 2009, alors qu'approchait l'entrée en vigueur effective du RSA.
2. Une organisation lentement adaptée
Face à l'afflux des demandes, les caisses ont mis en oeuvre des mesures spécifiques de gestion.
Elles ont ainsi recouru, en 2009 et 2010, à 2 147 équivalents temps plein en CDD. Le coût de ces emplois est passé de 25 millions d'euros en 2008 à 42 millions en 2009.
De nombreuses heures supplémentaires ont été réalisées : leur coût a plus que doublé de 2008 à 2009, puisqu'il est passé de 3,1 à 7,8 millions d'euros. 126 organismes y ont eu recours en 2009 contre 98 en 2008 et 78 en 2007.
Au total, la conversion en nombre d'agents des diverses mesures d'adaptation des personnels (CDD, heures supplémentaires et rachats de RTT) a crû de 74 % entre 2008 et 2009.
En outre, à partir de mai-juin 2010, des plateaux téléphoniques de renforts ont été ouverts grâce à 400 CDD, permettant de dégager des personnels sur le traitement effectif des dossiers.
Un « atelier de régulation des charges » a été créé ; il permet de mutualiser les moyens entre les caisses : celles qui connaissent une situation difficile peuvent faire appel à celles dont la conjoncture est moins tendue. Trente-cinq Caf ont ainsi été aidées entre juin 2009 et avril 2010, alors que trente-sept sont comptabilisées comme « aidantes ». Ce système, destiné à diminuer massivement en peu de temps le stock de dossiers en instance, donne lieu à une facturation entre les caisses concernées.
Dans le cadre de ses négociations avec l'Etat sur la mise en oeuvre du RSA, la branche a disposé de 1 257 postes supplémentaires, dont 1 020 ont été affectés dans les Caf, 17 à la Cnaf, 204 pour l'atelier de régulation des charges et 16 à d'autres priorités institutionnelles. Toutefois, en raison des délais de formation (dix-huit mois), les personnels sont parfois arrivés « après la bataille », ce qui conforte l'idée d'une anticipation insuffisante de la généralisation du RSA.
Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion de la branche famille pour la période 2009 à 2012 prévoit une augmentation nette des effectifs de quatre-vingts unités seulement, si bien que les postes créés pour faire face à la mise en place du RSA devront être « rendus » très majoritairement d'ici fin 2012. La branche n'est en effet pas exclue du principe du remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Il faut noter que des caisses ont parfois dû fermer leurs bureaux certains jours pour traiter le stock de dossiers en attente. La réduction de l'offre d'accueil a porté à la fois sur le téléphone, l'accueil physique et la messagerie internet. Au total, soixante-neuf caisses ont été amenées à avoir recours au moins une fois à l'une de ces mesures, dont cinquante-quatre ont fermé ponctuellement leurs guichets.
Enfin, la branche famille connaît, depuis 2008, une dégradation progressive de son climat social , que la survenance du RSA n'a pas contribué à améliorer. La plupart des caisses ont été l'objet de tensions sociales importantes, parfois ponctuées de grèves nationales comme les 29 janvier et 19 mars 2009 et de nombreux mouvements locaux. La charge de travail importante des personnels, le contact parfois tendu avec la population, la politique de rémunération ou les dysfonctionnements informatiques constatés peuvent expliquer ces tensions. Au total, elles peuvent malheureusement peser sur la qualité du traitement des droits et de leur liquidation.
3. Des modifications très fréquentes, au fil du temps, dans les dossiers des allocataires
L'organisation d'une allocation telle que le RSA, avec des critères et seuils d'éligibilité multiples, entraîne un « turn over » important de l'ensemble des dossiers.
Tout d'abord, le montant de l'allocation est périodiquement actualisé par rapport aux ressources des bénéficiaires qui doivent en adresser une déclaration trimestrielle. Le nombre de documents à traiter est donc extrêmement élevé et très variable d'une semaine à l'autre, les semaines de début de mois étant nettement plus chargées, ainsi que celles liées à la date d'entrée en vigueur du RSA (juin).
Ensuite, les situations individuelles varient de manière très importante . Durant le premier semestre 2010, soit plusieurs mois après l'entrée en vigueur du RSA, une moyenne mensuelle de 110 000 entrées dans le dispositif ont été comptabilisées par les Caf, tandis qu'environ 90 000 personnes en sortaient chaque mois : au total, ce sont donc environ 200 000 allocataires dont l'éligibilité a varié d'un mois sur l'autre. Qui plus est, environ 80 000 personnes ont changé de composante au sein du RSA en gardant un droit payable : ces mouvements internes sont très faibles pour les bénéficiaires de la seule partie « socle », correspondant aux anciens RMI et API, faibles pour ceux de la seule partie « activité » mais relativement fréquents pour ceux qui cumulent les deux.
Au total, les actualisations de ressources et l'importance des flux d'entrées, de suspensions et de sorties créent une charge de travail récurrente pour les Caf.