TRAVAUX EN COMMISSION

A. AUDITION DE MARTIN HIRSCH, HAUT COMMISSAIRE AUX SOLIDARITÉS ACTIVES CONTRE LA PAUVRETÉ, HAUT COMMISSAIRE À LA JEUNESSE - 7 AVRIL 2009

Réunies le mardi 7 avril 2009, sous la présidence de MM. Jean Arthuis et Nicolas About, présidents, la commission des finances et la commission des affaires sociales ont procédé conjointement à l'audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances , a rappelé que les commissions des finances et des affaires sociales ont désigné MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier et Mme Bernadette Dupont pour mener une nouvelle mission de contrôle conjointe sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) et que cette audition du haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, s'inscrit dans ce cadre. Il a souligné les enjeux liés à l'entrée en vigueur du RSA au 1 er juin 2009 en France métropolitaine, notamment pour les conseils généraux.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales , a souscrit à ces observations.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse , s'est déclaré satisfait que la mise en place du RSA fasse l'objet d'un contrôle du Parlement, afin de s'assurer que la volonté exprimée lors de l'examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion soit pleinement appliquée. Il a précisé que tous les éléments d'information nécessaires seront transmis aux deux commissions et a remis un document présentant l'impact de la crise économique sur les prévisions de recettes et de dépenses liées au RSA.

Il a rappelé que les dispositions de la loi généralisant le RSA requièrent peu de mesures réglementaires d'application mais qu'elles nécessitent la signature de plusieurs conventions entre les collectivités territoriales et les organismes chargés de la mise en oeuvre du dispositif. Un décret en Conseil d'Etat devrait être prochainement publié, après avoir reçu les avis favorables de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), de la Mutualité sociale agricole (MSA), du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) et de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC). Les autres décrets devraient également être finalisés rapidement, une fois connues, notamment, les préconisations de Mme Sylvie Desmarescaux en matière d'évolution des droits connexes.

M. Martin Hirsch a indiqué que des réunions de mise en place du RSA se sont tenues régulièrement avec les différents acteurs concernés - conseils généraux, Cnaf, MSA, Pôle emploi, Union nationale des centres communaux d'action sociale - et que les projets de conventions, notamment celles relatives à l'accompagnement des bénéficiaires par Pôle emploi, sont en cours d'examen par les différents partenaires.

Il a ensuite mis en évidence les principaux enjeux de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active : l'information des bénéficiaires, l'adaptation des systèmes informatiques des caisses chargées du versement de la prestation, l'adéquation des effectifs de ces dernières et, enfin, la capacité d'évolution du système.

Le système informatique de la Cnaf est en cours de refonte et devrait être opérationnel à la mi-juin. L'information des allocataires a débuté au moment du versement de la prime de solidarité active et s'est accompagnée de la mise en place d'un test d'éligibilité au RSA sur Internet, qui a été très largement utilisé dès son ouverture. Une plateforme téléphonique - le 39.39 - a également été créée et se trouve aujourd'hui débordée en raison du grand nombre d'appels reçus.

En réponse à M. Jean Arthuis, président , M. Martin Hirsch a décrit les principales demandes formulées et informations délivrées dans le cadre de ce service et a estimé que ce dispositif de premier niveau devrait permettre de faire face à environ 400 000 appels au cours des prochains mois, des adaptations pouvant être envisagées en fonction des besoins constatés. Un dispositif de deuxième niveau devrait également être mis en place dans les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux. Ce système d'information apparaît aujourd'hui chargé et tendu, compte tenu de l'afflux de demandes d'informations, mais il devrait permettre d'éviter des retards par la suite. De la sorte, la quasi-totalité des prestations de RSA pourra être versée dès le début du mois de juillet 2009. Par ailleurs, des études sont en cours afin de mettre au point une bonne articulation entre le dispositif de l'auto-entrepreneur et celui du RSA.

M. Martin Hirsch a indiqué que l'orientation et l'accompagnement vers l'emploi font également l'objet de tests dans quatre territoires, afin d'entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Des effectifs supplémentaires ont été octroyés aux caisses d'allocations familiales et à Pôle emploi afin de faire face à la surcharge de travail induite par la mise en place du RSA.

Malgré la crise économique, déjà à l'oeuvre à la fin de l'année 2008, les expérimentations ont confirmé que le RSA permet un meilleur taux de retour à l'emploi que les dispositifs précédemment en vigueur. En période de basse conjoncture, cette prestation joue également un rôle de stabilisateur automatique. D'après de récentes simulations, en dépit de l'évolution de la conjoncture économique, le nombre de bénéficiaires du RSA ne devrait pas être significativement revu à la hausse : certaines personnes devraient entrer dans le champ de la prestation, notamment du RSA « chapeau », mais d'autres devraient en sortir, pour bénéficier des prestations versées par l'assurance chômage. La dépense liée au RSA ne devrait donc pas être très supérieure aux prévisions initiales, même en retenant des hypothèses de taux de chômage élevé.

M. Jean Arthuis, président , a observé que le taux de chômage retenu dans le scénario le plus défavorable - 8,5 % en 2010 - peut apparaître faible, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique.

M. Martin Hirsch a indiqué que d'autres simulations pourraient être réalisées en prenant en compte des hypothèses de taux de chômage plus élevé. L'impact de la croissance du chômage apparaît toutefois limité sur l'évolution du nombre total de bénéficiaires du RSA et les dépenses globales liées à cette prestation. De même, la crise économique ne conduit pas à remettre en cause les prévisions initiales de rendement de la contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, les trois-quarts de son assiette étant insensibles aux variations boursières ou à la diminution du prix de l'immobilier.

Il a rappelé que le Fonds national des solidarités actives, qui finance le RSA « chapeau », devrait connaître un excédent en 2009 et qu'en cas de besoin, le plafonnement global des niches fiscales pourrait permettre un redéploiement de certaines recettes au profit de ce fonds.

M. Martin Hirsch a souligné qu'un important travail est en cours concernant l'adaptation des droits connexes locaux, une mission sur ce thème ayant été confiée à Mme Sylvie Desmarescaux. La tarification des transports en Ile-de-France devrait ainsi être révisée afin de passer d'une logique de gratuité liée au bénéfice du RMI à une progressivité des tarifs en fonction des revenus, tout en étant neutre pour les recettes du syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif).

M. Nicolas About, président , a souhaité obtenir des précisions sur les modalités concrètes de prise en compte des revenus par le Stif.

M. Martin Hirsch a expliqué que les Caf transmettront trimestriellement au Stif les informations relatives aux ressources des bénéficiaires du RSA, ce qui lui permettra d'ajuster régulièrement les tarifs appliqués à chaque allocataire.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur, a souhaité savoir si les Caf seront effectivement prêtes à liquider et verser le RSA au mois de juillet prochain. Elle s'est également interrogée sur la capacité des caisses à répercuter en temps réel, sur le montant des prestations versées, les informations transmises par les conseils généraux sur l'évolution de la situation financière des allocataires.

M. Martin Hirsch n'a pas contesté la montée d'une inquiétude dans les caisses, mais on constate qu'elles sont particulièrement mobilisées et désireuses de faire face à leur responsabilité, comme cela a toujours été le cas. Les Caf ont fait un grand effort de modernisation au cours des dernières années, ce qui leur a permis de devenir l'une des administrations les plus performantes, comme le montre notamment la brièveté de leurs délais de réponse aux appels téléphoniques. Certes, certaines caisses présentent aujourd'hui des retards importants dans le traitement des dossiers, mais ils pourront être résorbés rapidement : la caisse de Châtellerault a par exemple rattrapé un retard de trois semaines en fermant l'accueil public pendant seulement trois jours. Les Caf ont donc 95 % de chances d'être au rendez-vous, les 5 % restants étant dus au risque, jamais totalement maîtrisable, d'un bug informatique.

En ce qui concerne la transmission des données entre les caisses et les conseils généraux, un groupe de travail dédié au sujet doit veiller à ce que les systèmes informatiques permettent, d'une part, aux conseils généraux de vérifier que les Caf ont bien répercuté en temps réel, sur le niveau des prestations versées pour leur compte, les changements de situation financière des allocataires, d'autre part à l'ensemble des acteurs concernés de partager les mêmes données sur les allocataires grâce à un outil informatique commun.

M. Auguste Cazalet, rapporteur , a rappelé que le nouveau système de versement de la prestation devrait être fourni aux caisses à la mi-juin, ce qui n'autorise aucun échec dans la conception, compte tenu de la proximité de la date d'entrée en application effective du RSA. Une solution de rechange, en cas de problème technique, a-t-elle été imaginée ?

M. Martin Hirsch a indiqué que l'expérimentation du RSA dans plusieurs départements n'a pas posé de problèmes informatiques insurmontables. Le versement de la prime de solidarité active, sur l'ensemble du territoire, constitue par ailleurs un test qui permettra de mettre à jour en amont, les fichiers lorsque cela sera nécessaire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur , s'est interrogé sur la viabilité du financement du RSA : la prise en charge de la partie « socle » de l'allocation est-elle remise en cause par la baisse des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ? Le financement de la partie « chapeau » est-il touché par la diminution du volume des produits d'assurance-vie, soumis à la « contribution RSA », au profit du livret A, qui en est exonéré ? Enfin, dans un autre domaine, les modalités de mise en place du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) sont-elles déjà définies ?

M. Martin Hirsch a considéré que le gonflement du livret A ne relève pas d'une stratégie d'optimisation fiscale, mais il a reconnu ne pas disposer d'informations précises expliquant le phénomène. Le RSTA est un dispositif transitoire qui se différencie du RSA sur deux points : il prend moins en compte les charges familiales, puisque la part forfaitaire est plus importante, et il monte plus haut dans l'échelle des revenus. Il est applicable rétroactivement depuis le 1 er mars mais ne sera versé qu'à compter du 1 er juillet par les caisses de sécurité sociale sous l'égide de la caisse nationale d'assurance vieillesse qui en sera le liquidateur. Le calendrier du passage au RSA n'est pas encore défini.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur, a souhaité connaître le degré de préparation et d'implication de Pôle emploi, qui a déjà dû surmonter de nombreuses difficultés pour se constituer.

M. Martin Hirsch a insisté sur l'engagement tenu par Pôle emploi d'offrir aux bénéficiaires du RSA les mêmes prestations de services qu'aux demandeurs d'emplois. La réussite du RSA passe désormais par la coordination de tous les acteurs et les conseils généraux ont donc tout intérêt à maintenir leur effort de financement de Pôle emploi à son niveau actuel, soit 70 millions sur le milliard d'euros consacré à la réinsertion des allocataires du RMI.

M. Gérard Miquel a souligné que la coopération des conseils généraux avec les Caf et les mutualités sociales agricoles (MSA) ne posent aucune difficulté particulière, mais qu'elle est parfois plus compliquée avec Pôle emploi, notamment en raison de la mise en place assez lente de cet organisme. Il a rappelé que le transfert de la charge du RMI aux départements ne s'est jamais accompagné, en dépit des engagements du gouvernement, d'une compensation des coûts à l'euro près. Il n'est pas envisageable que le Gouvernement se désintéresse, cette fois-ci, de la charge financière que représente le RSA pour les conseils généraux qui risquent, en raison de la baisse des droits de mutation, d'être dans l'incapacité de la supporter. Enfin, dans un autre domaine, la mise en place de représentants des bénéficiaires du RSA n'est-elle pas paradoxale, puisque l'allocation a justement été créée pour faciliter le retour à l'emploi, et donc pour sortir in fine du RSA ?

M. Alain Vasselle a souhaité connaître le résultat des évaluations du RSA expérimental. Observe-t-on, par exemple, une augmentation du taux de retour à l'emploi dans les départements qui l'ont proposé ? Quelles sont les économies budgétaires qui en découlent ?

M. Eric Doligé a rappelé qu'un accord-cadre entre l'association des départements de France (ADF) et Pôle emploi sera prochainement conclu. Il a souligné que les départements rencontreront cette année des difficultés pour financer les aides aux personnes handicapées. Concernant la prestation de compensation du handicap (PCH), par exemple, les recettes de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne devraient lui permettre de compenser les dépenses des conseils généraux qu'à hauteur de 74 % du total. Le reste à charge pour un département moyen serait d'environ un million d'euros.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur la capacité du RSA à répondre à l'ampleur des problèmes d'emploi et de pauvreté créés par la crise économique. Dans quelle mesure, par exemple, sera-t-il efficace face à une progression du chômage de l'ordre de 180 000 personnes en deux mois ? Ne risque-t-on pas, une fois de plus, de se contenter de donner un peu aux plus fragiles pour se dispenser de leur offrir une solution durable ?

M. Claude Jeannerot a mis en évidence le problème financier que représente pour les départements le mode de compensation du RSA : l'Etat ne remboursera aux conseils généraux le reste à charge de l'année 2009 que sur présentation de leurs comptes administratifs, qui ne seront disponibles qu'au deuxième semestre 2010. Dès lors, en période de crise économique, l'avance de trésorerie risque d'être trop volumineuse et il serait donc utile de prévoir une clause de revoyure pour les départements qui ne peuvent y faire face. Concernant la collaboration avec Pôle emploi, il est certain que les conseils généraux doivent s'engager, pour faciliter la réinsertion des allocataires du RSA, au-delà du minimum légal, mais il faut également veiller à ce que les prestations de droit commun fournies par cet organisme soient de qualité, ce qui est loin d'être le cas actuellement.

M. Jean Desessard a regretté que la déclaration de ressources des allocataires du RSA ne soit pas mensuelle. Il s'est enquis auprès du Haut commissaire du succès rencontré par sa proposition aux dirigeants de grandes entreprises de consacrer une partie de leur rémunération au financement du RSA.

M. Martin Hirsch a apporté les éléments de réponse suivants :

- la transformation du RMI en RSA est neutre financièrement pour les départements : elle n'apporte ni amélioration, ni détérioration de la compensation ; pour ce qui est du remplacement de l'API par le RSA, une clause de revoyure est prévue dans dix-huit mois, qui permettra de vérifier que les modalités de compensation financière sont satisfaisantes ; ceci étant, le risque financier est limité pour les conseils généraux, puisque la partie API ne représente que 10 % du RSA « socle » et que ceux-ci bénéficieront directement de la mise en place du RSA « chapeau », financé uniquement par l'Etat, et qui devrait conduire à réduire fortement le nombre d'allocataires du RSA « socle » ;

- dans les départements qui ont expérimenté le RSA, le taux de retour à l'emploi a été supérieur de 30 % à celui observé dans les départements témoins ; en outre, dans ces départements, les revenus du travail n'ont pas baissé, ce qui prouve que le RSA ne s'est pas substitué, mais bien ajouté, aux revenus tirés d'un emploi ; enfin, on constate que les employeurs n'ont pas diminué le temps de travail des bénéficiaires du RSA ;

- il est vrai que la réussite du RSA passe par la coopération de chaque acteur public et il ne faudrait pas que certains se désinvestissent au détriment des autres sur lesquels retomberait la charge de travail ; il serait utile, en ce sens, que le Parlement contrôle l'implication de tous les protagonistes ;

- certes, l'inquiétude vis-à-vis de la capacité de Pôle emploi à remplir son rôle est grande, mais cela montre bien que cet organisme est désormais reconnu comme un acteur essentiel dans la réinsertion des allocataires du RSA, ce qui est très positif ; les bénéficiaires du RSA vont dorénavant pouvoir bénéficier, au même titre que les demandeurs d'emploi, des prestations de service que propose Pôle emploi, comme la validation des acquis de l'expérience, les aides à la mobilité ou les tarifs réduits sur les transports, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros par an ; par ailleurs, l'Etat a ouvert une ligne de crédits supplémentaire de 150 millions d'euros pour créer une prestation nouvelle, l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi, destinée à financer des soutiens ponctuels aux allocataires qui retrouvent un emploi ; les conseils généraux, Pôle emploi et les Caf devront se répartir annuellement, dans un cadre conventionnel, cette somme dont 10 % devront obligatoirement être distribués sous forme d'aides à la mobilité.

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