5. La qualité du service dû à l'usager est sujette à caution

A ce stade, il n'est pas inutile de rappeler que l'un des objectifs essentiels de la RGPP en général, et de sa déclinaison par le SIV en particulier, consiste en une amélioration du service rendu à l'usager . Or, qu'en est-il au final dans le cas du SIV ? La question mérite d'être posée, tant la réponse n'apparaît pas parfaitement spontanée.

Parmi les éléments positifs à mettre au crédit du SIV, on doit notamment ranger l'ouverture du choix laissé au propriétaire d'un véhicule de passer en préfecture pour procéder aux démarches d'immatriculation ou d'avoir recours à un professionnel de l'automobile. Il peut indéniablement résulter un gain de temps (réduction du nombre d'interlocuteurs, temps de déplacement revus à la baisse...) de cette faculté désormais offerte à l'usager.

La perspective prochaine de pouvoir gérer en ligne les conséquences d'un changement d'adresse se classe, pour les mêmes raisons, dans la catégorie des avancées apportées par le SIV 16 ( * ) .

Par ailleurs, le délai de remise de la carte grise à l'usager témoigne d'une performance très satisfaisante . Ainsi, selon le rapport annuel de performance (RAP) de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » pour 2009, « à la fin de l'année 2009, le délai constaté entre l'attribution de l'immatriculation par le SIV (déclenchant la demande de production à l'Imprimerie nationale) et la première présentation de la lettre remise contre signature contenant la carte grise à son destinataire était de trois jours pour 97 % des usagers (exclusion faite des titres non remis pour absence et non retirés par le destinataire) ».

Cependant, le bilan du SIV fait aussi ressortir un certain nombre de zones d'ombres, voire de points noirs , dans le tableau d'ensemble.

Ainsi que votre rapporteure spéciale l'a souligné supra , le temps d'attente aux guichets des préfectures s'est allongé pour les usagers faisant le choix de s'y rendre.

Par ailleurs, pour les propriétaires de véhicules préférant passer par un professionnel de l'automobile, un coût supplémentaire de transaction est apparu . En effet, alors que le service identique rendu en préfecture ne donne pas lieu au versement d'une taxe additionnelle, la plupart des professionnels de l'automobile font, eux, payer cette prestation. Si à ce jour aucune étude exhaustive de ce phénomène n'a encore été menée, il apparaît que le coût supplémentaire supporté par l'usager varie de quelques dizaines d'euros à plus d'une centaine d'euros dans certains cas.

Au transfert d'une compétence des préfectures vers les professionnels de l'automobile a donc répondu la création d'un tarif supplémentaire à la charge de l'usager .

Votre rapporteure spéciale s'interroge sur cette logique issue de la mise en oeuvre de la RGPP dans les préfectures et qui consiste, en définitive, à faire financer, par l'usager et au profit d'acteurs privés, d'incertains gains de productivité dans la sphère publique .

De même, votre rapporteure spéciale s'interroge sur certaines pratiques dont elle a pu témoigner lors de ses visites en préfecture. Ainsi, devant la préfecture des Alpes maritimes, était posté un professionnel (probablement agréé par la préfecture...) dont le but était de « rabattre » des usagers découragés par les temps d'attente aux guichets et de leur proposer ses services plus rapides... mais payants .

Votre rapporteure spéciale considère que ce type de pratiques contribue à gravement remettre en cause le service public dû par l'Etat aux usagers et à instaurer un « service de l'immatriculation à plusieurs vitesses » .

En outre, face à de telles évolutions, votre rapporteure spéciale s'inquiète des fraudes éventuellement possibles de la part de professionnels indélicats. Elle souhaite donc, dans cette perspective, que le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, ainsi que l'ANTS attachent une attention toute particulière à la fiabilité du SIV au regard de la lutte contre la fraude documentaire .

Enfin, votre rapporteure spéciale a relevé, au cours de sa mission de contrôle, que le système de présentation de la lettre remise contre signature (système dit du « courrier suivi ») contenant la carte grise à son destinataire souffre de quelques lacunes. Parmi celles-ci, on peut notamment noter des problèmes de non-réception par les usagers et, apparemment, l'absence d'un suivi en temps réel par La Poste de ce courrier. Dans ces cas de figure, la préfecture représenterait probablement le bon niveau intuitif d'interlocuteur pour le demandeur. Malheureusement les personnels en préfecture ne disposent pas des informations nécessaires au renseignement de l'usager et sont donc contraints de le renvoyer vers une plateforme d'appel dédiée.

Il convient pourtant de rappeler que, afin d'accompagner le déploiement du SIV et le recours au « courrier suivi contre signature » par La Poste, le décret n° 2008-850 du 26 août 2008 a créé une redevance pour l'acheminement , au domicile du titulaire, du certificat d'immatriculation d'un véhicule neuf ou d'occasion autre qu'un cyclomoteur tel que défini à l'article R. 311-1 du code de la route 17 ( * ) . Son tarif est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget. Fonction du coût de l'acheminement, il s'élève donc à l'heure actuelle à 2,50 euros. Le demandeur est donc a fortiori en droit d'attendre un niveau satisfaisant de qualité de service.

En conclusion, le bilan du SIV apparaît franchement en demi-teinte . Ce système constitue pour l'instant l'un des principaux points d'achoppement technique de la mise en oeuvre de la RGPP dans les préfectures.

Surtout, ses retombées en termes de qualité de service rendu restent discutables, au point que votre rapporteure spéciale s'interroge sur la possibilité d'un éventuel retour au système antérieur .


* 16 Selon le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le changement d'adresse en ligne sera opérationnel dès que la DGME aura ouvert son nouveau site « changement-de-coordonnées.fr » au profit des usagers.

* 17 Cette redevance, qui est entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2009, n'est pas due pour l'acheminement d'un nouveau certificat d'immatriculation réédité à la suite d'une erreur de saisie.

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